Revue pour les Français Août 1906/X

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Collectif
Revue pour les Français1 (p. 318-320).

BIBLIOGRAPHIE



Le Siam et les Siamois, par le commandant Lunet de Lajonquière. Un volume à la librairie Armand Colin (3 fr. 50).

Précédemment chargé d’une mission de recherches archéologiques dans les vallées du Menam et du Mékong, le commandant Lunet de Lajonquière a longtemps vécu au Siam. Ses impressions sont très personnelles. Son style ne l’est pas moins, La lecture de son ouvrage sur le Siam et les Siamois nous a donc paru aussi attrayante qu’instructive.

Après nous avoir promené dans Bangkok « le point vital du Siam » située « au centre de ce merveilleux delta qui est un des greniers à riz du monde », nous montrant tour à tour ses palais, ses pagodes, son fleuve sale et boueux encombré de bateaux-maisons, ses canaux, ses marchés, ses quartiers populeux, il nous présente une vue d’ensemble du royaume.

Le roi qui s’intitule « le maître des vies » gouverne sans contrôle, aidé par ses ministres indigènes et les conseillers étrangers qui leur sont adjoints pour les différents ministères. Ces conseillers, de toutes nationalités mais en majorité anglais, dirigent l’évolution du Siam vers les méthodes européennes. Leur influence est considérable. Le pays se laisse transformer lentement, sans enthousiasme mais sans mauvaise humeur. Sa façade est dès à présent occidentale. Mais derrière cette façade, nous retrouvons encore pas mal de choses d’autrefois et les Siamois les plus avides de progrès n’en demeurent pas moins attachés à leurs vieilles traditions. Ainsi la religion persiste à dominer tous les actes de la vie locale. C’est le boudhisme orthodoxe, le pur qui n’a plus guère d’autre refuge que Ceylan, le Cambodge et la Birmanie. Une règle originale achève de consacrer son influence sur toute la société, c’est celle du noviciat obligatoire. À vingt ans tout homme entre au couvent et se fait moine : il y demeure à son gré, en sort quand il lui plaît, mais il doit y faire un stage. C’est le couronnement de l’éducation. « Pendant cette période de noviciat, toutes les classes de la nation se mélangent dans une égalité complète », ce qui a « pour conséquence inévitable de relever le niveau moral des classes inférieures et de donner à tous cette conscience de soi-même habituelle aux adeptes de la religion boudhique. » L’auteur s’étend longuement sur ces questions qui « se lient intimement à toute l’existence des Siamois. » Après quoi il nous parle des arts, de la littérature, du théâtre siamois et de son corps de ballet. Passant ensuite en revue les différentes populations du pays, il fait remarquer qu’en somme les Siamois n’y sont pas les plus nombreux. Laotiens, Annamites, Cambodgiens, Malais, Indiens, Chinois, Japonais et Européens sont tour à tour examinés et nettement caractérisés dans leur caractère et leurs aptitudes.

Il nous entraîne alors pendant 1.800 kilomètres, à l’intérieur, de Bangkok à Lophburi surnommée jadis le « Versailles de l’Extrême-Orient », sur les bords du Meping où se poursuit l’exploitation colossale des forêts de teck, à Kaheng et jusqu’à Rangoon en Birmanie, pour nous ramener ensuite à notre point de départ à travers les anciennes capitales.

L’ouvrage du commandant Lunet de Lajonquière précise à nos yeux la physionomie d’un pays jusqu’à présent très mal connu. Les Français, qui ont un intérêt particulier à étudier ces régions immédiatement voisines de notre Indo-Chine, doivent l’apprécier tout spécialement.




Navires et ports marchands, par Marcel Plessix. Un vol. in-12, broché. Librairie Berger-Levrault. (3 fr.).

L’heure est bien choisie pour présenter au public, chaque jour plus nombreux, que préoccupe notre déchéance maritime, une impartiale et consciencieuse étude où sont mis en lumière les défectuosités législatives auxquelles le présent état de choses est imputable, les exemples fournis par des nations étrangères, ainsi que les remèdes desquels on peut attendre le relèvement de notre marine marchande.

L’ouvrage de M. Marcel Plessix répond à toutes ces questions.

L’auteur ne s’est pas contenté de dégager ses opinions de l’examen des lois françaises ou étrangères sur la matière, et de la recherche, dans les documents officiels, des résultats produits par ces lois ; lui-même, au cours de nombreux voyages d’études où l’avaient conduit ses fonctions techniques, a visité des chantiers en France, en Angleterre, en Allemagne, au Danemark, aux États-Unis ; il a connu des étrangers doués d’une longue expérience maritime, près desquels il a puisé des données inédites ; il a, sur le terrain des affaires, pu juger par des faits concrets ce qui différencie nos procédés maritimes de ceux usités à l’étranger. De toutes les connaissances ainsi pratiquement acquises, le présent ouvrage conserve la trace ; il leur doit une grande part de son intérêt.

Nous n’osons dire que ce livre pourra plaire à tous, car il est conçu dans un esprit d’impartialité rigoureuse qui conduit parfois l’auteur à sacrifier certains appétits particuliers aux besoins généraux ; mais pour tous ceux que les affaires maritimes ne laissent pas indifférents, il présentera certainement un réel attrait ; tous y trouveront, à côté d’enseignements utiles, des opinions personnelles qui valent au moins qu’on les discute. C’est par une large diffusion de semblables travaux qu’on peut espérer accroître dans ce pays le sens des choses maritimes.




Marine française et marines étrangères, par Léonce Abeille, capitaine de frégate, sous-directeur de l’École supérieure de la Marine. Un vol. in-18 broché. Librairie Armand Colin. (3 fr. 50).

Examiner la situation mondiale et en déduire l’objectif maritime qui nous est imposé ; établir comment la marine française doit être constituée pour satisfaire aux exigences militaires, politiques et sociales de l’heure présente, et cela sans jamais perdre de vue la nécessité de ménager les deniers de l’État, — tel est l’objet que s’est proposé M. Léonce Abeille.

Son ouvrage nous montre d’une manière irréfutable que notre marine disposera toujours d’un budget insuffisant si nous ne faisons pas disparaître les abus qui le grèvent lourdement. Il fait voir comment elle pourrait bénéficier d’une vie militaire intense, par l’abandon d’erreurs traditionnelles qui coûtent fort cher en temps de paix, et tendent à l’annihiler en temps de guerre.

La haute compétence du commandant Abeille, sa franchise courageuse, unie à une parfaite modération, confèrent à ses conclusions une force impressionnante.




La Femme dans l’Industrie, par René Gonnard, professeur à la Faculté de droit de Lyon. Un vol. Librairie Armand Colin (3 fr. 50).

Il n’est pas, à l’heure actuelle, de problème plus complexe, et à la fois plus émouvant, que celui des conditions de vie de l’ouvrière. Dans tous les pays civilisés, les femmes qui travaillent dans l’industrie composent une armée innombrable que décime la misère.

M. R. Gonnard s’est proposé d’attirer l’attention de tous sur la condition de l’ouvrière, de faire réfléchir sur les causes de sa misère, et surtout sur les moyens de la diminuer. Son livre, d’une science sûre et très informée, enrichi de précieux appendices où sont données des statistiques fort instructives, ne s’adresse pas seulement aux économistes et aux sociologues, mais à un public plus large : à tous les lecteurs cultivés, à toutes les femmes soucieuses de ne pas rester étrangères aux plus pressants problèmes de notre temps. Une inspiration généreuse vivifie le texte et rend singulièrement éloquentes les données précises de l’observation méthodique.




La Revue du mois (10 août) publie : L’origine et l’évolution de la galanterie, par Marcel Braunschwig ; L’océanographie et les pêches maritimes, par A. Cligny ; La mentalité malgache et la mentalité annamite, par Jacques Bertrand, etc., etc.




Les Annales des Sciences politiques (15 juillet) publient : Albert Sorel, par Albert Vandal ; L’Allemagne en Asie Mineure, par J. Imbard de la Tour ; Le Travail des enfants dans l’industrie aux États-Unis, par de Laboulaye ; Le Simplon et les intérêts français, par L. Paul-Henry et A. Rousselier, etc…




La Revue des Questions diplomatiques et coloniales (16 juillet) publie : Les déboires coloniaux de l’Allemagne, par Maurice Muret ; L’Agitation musulmane dans l’Afrique du Nord, par J.-H. Franklin ; Les chemins de fer africains, par Léon Jacob, etc…