Revue pour les Français Mai 1907/II

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Collectif
Imprimerie A. Lanier (2p. 652-655).

BULLETIN
DE LA RÉFORME DE L’ENSEIGNEMENT



Sous cette rubrique, nous publierons dorénavant les communications officielles, notes, procès-verbaux, etc., de l’Association pour la réforme de l’Enseignement ainsi que tout ce qui se référera au mouvement déterminé par cette association. Nous en prenons occasion pour rappeler quels sont exactement les rapports de l’Association avec notre Revue.

Si l’on veut bien se reporter à l’espèce de manifeste initial publié par nous en tête du premier numéro de la Revue pour les Français (1er janvier 1906), on s’apercevra de la similitude presque absolue des intentions et des tendances. Ce manifeste intitulé « Révolution mentale » reproduit par le Figaro, commenté par l’Indépendance belge et par d’autres journaux, insistait sur l’opportunité d’une réforme générale des programmes de l’enseignement secondaire en prenant pour base de la réforme la substitution du principe analytique au principe synthétique. Onze mois plus tard se créait une société qui se proposait précisément d’exercer une action et de déterminer un courant d’opinion dans ce sens. Il était donc naturel que la Revue pour les Français servit d’organe à l’Association pour la réforme de l’Enseignement. Toutefois notre Revue en assumant cette charge n’a rien aliéné de son indépendance. Un traité lie les deux administrations mais chacune garde sa complète autonomie. L’Association poursuit la réalisation d’une entreprise d’ordre universel ; la Revue se propose en outre de tenir ses lecteurs français au courant de « ce qui se passe dans le monde » et d’éveiller leur attention sur toutes les manifestations importantes de l’activité contemporaine. Les deux tâches ont des points connexes ; elles ne se confondent pas. En vertu de l’entente mentionnée ci-dessus, le service de la Revue pour les Français est fait aux membres de l’Association. Nous convions d’autre part nos lecteurs indépendants à adhérer à l’Association et à se faire les propagandistes des idées au triomphe desquelles nous travaillons. L’enseignement secondaire fait manifestement faillite à sa mission, non pas en France seulement, mais dans la plupart des pays. La culture d’ensemble, la conception homogène du monde et de la vie que l’on visait à engendrer dans le cerveau humain en y faisant la synthèse des divers ordres de connaissances n’existent plus. On n’y crée plus qu’un marécage, un chaos infécond à moins que, renonçant délibérément à un tel effort, on n’enferme le jeune esprit dans le long et étroit corridor d’un spécialisme outrancier. Timeo hominem unius libri, disait-on déjà au temps passé. Timeo hominem omnium librorum ne serait pas moins exact. Les deux formules sont également néfastes. Or si la synthèse ne se fait plus — ce qui n’est guère étonnant avec des éléments de plus en plus nombreux à verser dans le creuset — le bon sens ordonne de recourir à l’analyse en prenant pour bloc à analyser, selon le conseil posthume d’Élisée Reclus, l’Homme et la Terre, la connaissance du globe terrestre et de ses entours, l’histoire de l’animal humain et de ses labeurs.

Le Conseil de l’Association pour la réforme de l’Enseignement s’est réuni le vendredi 3 mai 1906, à Paris, sous la présidence de M. de Coubertin, président. Étaient présents : MM. Pepin-Lehalleur, vice-président ; Gaston Bordat, secrétaire général ; Roger Braun, trésorier ; Madame Raoul Meynier, MM. Ernest Seillière, le Dr Bruyère, le comte Louis Hocquart de Turtot, membres du Conseil. Absents excusés : Madame Foulon de Vaulx, vice-présidente ; M. Alfred Meyer-Borel.

Après la lecture du procès-verbal de la dernière séance qui est adopté, le Conseil, sur la présentation du président, du vice-président et du secrétaire général, prononce les admissions suivantes : comme membre donateur : M. Henri Bamberger ; comme membres titulaires : MM. Racerat, le professeur Richet, Eugène Vaucher, Agache, A. Ribot, de l’Académie Française, député ; Jean Stern, S. A. le prince Roland Bonaparte, membre de l’Institut ; comme membres adhérents : MM. le comte d’Andigné, Ernest Cartier, Charles Wurts, Léon Dufour, Toutain, notaire à Rouen ; A. Diemer, Paul Deschanel, de l’Académie Française, député ; Kortz, ancien proviseur du Lycée Janson ; le Dr F. Lagrange, Cheysson, membre de l’Institut ; le président Lœw, G. Faure, Paul Mieg, adjoint au maire d’Épinal ; Émile Harlé, ingénieur ; Gros-Schlumberger et Madame Ott. Le Conseil approuve ensuite les propositions du trésorier relativement aux recouvrements de cotisations. M. de Coubertin communique des lettres de MM. Mézières et Barrès, de l’Académie Française, encore incertains relativement à leur adhésion à l’Association. Il annonce que MM. Daniel Zolla, Raphaël-Georges Lévy, Ernest Seillière, le Dr Bruyère, Cheysson, G. Hébert, Maurice Pottecher, ont bien voulu se charger de la rédaction des parties des nouveaux programmes relatives à : l’agriculture, les finances, les empires aztèque et inca, les éléments de médecine et d’hygiène, les phénomènes économiques primordiaux, la marine et la navigation, l’art dramatique à travers les âges. Ces chapitres paraîtront dans la Revue pour les Français. Après échange de vues, il est décidé de marquer d’un astérisque, sur la liste des travaux publiés par la Revue, ceux qui doivent faire partie des programmes de l’Association à un titre quelconque.

La séance est levée à 6 h. 1/2.

La Revue de l’Enseignement des Sciences qui vient de faire son apparition et dans laquelle il semble que nous puissions saluer une collaboratrice précieuse pour notre entreprise, annonce dans son premier numéro une enquête sur l’enseignement de la géo métrie qui ne manquera pas d’être fort intéressante par ses résul tats. Dans ce même numéro se trouve une lettre de M. Emile Harlé sur l’éducation mathématique des auxiliaires de l’industrie. M. Harlé y dénonce avec conviction « l’immense échafaudage de démonstrations élégantes » qui constitue l’enseignement mathématique actuel. Il voudrait voir « le talent oratoire du professeur consacré aux définitions, aux explications et aux applications, aux applications faites sous ses yeux avec sa participation — aux applications qui développent l’idée nouvelle, qui éclairent dans toutes ses parties et incrustent dans la tête de l’élève la vérité nouvelle ». Et il ajoute : « Au livre sur lequel l’élève travaillerait en son particulier, je laisserais la tâche de combler les vides, de développer les raisonnements, les formules, les théories intercalaires et je prétends qu’en agissant ainsi, je mettrais chaque chose à sa véritable place » Nous le prétendons aussi.


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