Revue scientifique - Acidité, alcalinité, en chimie et en biologie

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Revue scientifique - Acidité, alcalinité, en chimie et en biologie
Revue des Deux Mondes5e période, tome 28 (p. 202-217).
REVUE SCIENTIFIQUE

ACIDITÉ, ALCALINITÉ, EN CHIMIE
ET EN BIOLOGIE

On apprend aujourd’hui aux écoliers et même aux écolières, à tous les degrés de l’enseignement, un peu de chimie : on leur donne, tout au moins, les premières notions de la nomenclature chimique. Après avoir énuméré les corps simples, métalloïdes et métaux, on en vient aux corps composés : et dans la foule innombrable de ces corps composés, on établit tout d’abord trois groupes principaux, trois catégories distinctes : les acides, les bases et les sels. On prend soin de définir ces trois « fonctions chimiques » qui se rencontrent au seuil même du domaine nouveau. Cette manière de classer les corps est ancienne : les noms des groupes le sont aussi, et l’apprenti chimiste pourrait être tenté de croire que ces définitions essentielles, fondamentales, sont faites ne varietur, qu’elles sont aujourd’hui ce qu’elles étaient hier et ce qu’elles seront demain.

Il s’en faut de beaucoup. Les définitions des acides, bases et sels ont notablement changé au cours des temps. Les acides par exemple furent d’abord des oxydes des métalloïdes, c’est-à-dire des composés de l’oxygène dont le nom conserve la trace de cette erreur, le mot voulant dire, en grec « j’engendre les acides. » Aujourd’hui, les acides ne sont plus définis comme des composés de l’oxygène mais comme des composés de l’hydrogène. — Les bases étaient des oxydes des métaux ; elles en sont maintenant des hydrates. Un sel était, par définition, au temps de Berzelius et de Mitscherlich, le résultat de l’union d’un acide avec une base. On peut, en effet, l’obtenir par ce moyen ; mais c’est en réalité la combinaison d’un méta) avec un corps que l’on appelle « radical acide, » « reste d’acide » (SO4 dans les sulfates, AzO2 dans les azotates, CO3 dans les carbonates, Cu, Br dans les chlorures et les bromures, etc.).

On définissait aussi, d’une manière pratique, les acides par l’espèce de saveur particulière semblable à celle du vinaigre (acetum) qu’ils produisent lorsqu’ils sont mis, suffisamment dilués, en contact avec la langue. On les caractérisait mieux encore, par le rougissement qu’ils provoquent (comme le vinaigre) dans une teinture végétale de couleur bleue, la teinture de tournesol. Les bases ramènent au bleu la teinture de tournesol rougie : les sels sont neutres par rapport à cette liqueur, ils sont sans action sur la teinte bleue ou rouge de celle-ci. Le tournesol n’est plus, aujourd’hui, l’unique pierre de touche des acides et des bases. On lui a adjoint, puis substitué, beaucoup d’autres colorans : la phénolphtaléine, la cochenille, le rouge Congo, la rosoline, le nitrophénol et le méthylorange : il n’est plus, comme tous ces substituts, qu’un indicateur dont on suspecte les renseignemens.

Une nouvelle révolution menace de changer encore une fois les définitions fondamentales, c’est-à-dire, en somme, la conception que nous nous faisons de la constitution de ces corps. Aujourd’hui un grand nombre de chimistes définissent l’acidité par la présence dans une solution des ions hydrogène libres (hydrogénions). Est réputée base toute solution aqueuse qui contient des ions OH (hydroxylions). Dans beaucoup de laboratoires on mesure « la force » d’un acide ou d’une base par sa teneur en ions il ou OH. De plus, on distingue l’acidité active ou actuelle de la solution, révélée par sa conductivité électrique, de l’acidité totale ou potentielle, seul renseignement que donnent les titrages présentement en usage. En d’autres termes, les notions d’acide, de base et aussi de sels sont renouvelées par les idées nouvelles sur les propriétés électriques des solutions, c’est-à-dire sur l’ionisation.

Nous voudrions faire comprendre en quelques mots la nature de cette révolution qui est en train de s’accomplir, dans le domaine de la chimie. Nous aurons surtout en vue sa répercussion en physiologie, répercussion qui commence à se faire sentir et qui ne peut manquer d’être considérable, l’acidité ou la basicité des liquides et des tissus de l’organisme jouant un rôle important dans leur fonctionnement.


I

L’idée que la constitution des corps — et en particulier des acides, des bases et des sels — est liée à l’état électrique de leurs particules, c’est-à-dire à leur composition en ions n’est pas nouvelle en chimie. Pendant toute la première partie du siècle dernier, sous l’influence de H. Davy et de Berzélius, elle y a joué un rôle important et même excessif et abusif.

H. Davy avait tiré un très bon parti de la pile électrique ; il lui devait quelques-unes de ses plus belles découvertes, et, en particulier, celle des métaux alcalins et alcalino-terreux que l’on n’avait pas su isoler avant lui. Ses contemporains, d’autre part, se servaient beaucoup de l’électricité soit pour décomposer les corps, soit pour les reconstituer ; ils utilisaient l’eudiomètre et l’électrophore pour la synthèse de l’eau et l’analyse des gaz ; ils avaient employé, après Cavendish, l’étincelle à la synthèse des composés oxygénés de l’azote. Ils étaient préparés à voir dans l’électricité non seulement un agent, mais le principal agent des mutations chimiques. Ils allèrent jusqu’à penser que tous les composés étaient binaires et que les élémens des corps, au moment de se combiner, étaient dans des états électriques opposés, l’un chargé d’électricité positive, l’autre chargé d’électricité négative. L’attraction des électricités contraires fournissait, en effet, en dehors de la pesanteur et du magnétisme, le seul exemple connu à cette époque d’une force qui pût servir de type à l’affinité qui rapproche les corps et les combine ; et la répulsion électrique fournissait, de son côté, un bon modèle d’une force qui les écarte et les disloque. Les corps simples furent donc distingués en électro-négatifs qui étaient les métalloïdes en général, et électro-positifs, qui étaient les métaux. Le même classement était établi parmi les corps composés. Les sels, par exemple, provenaient de l’union d’une base, corps supposé électro-positif avec un acide, corps électro-négatif.

Il y avait dans ce système électro-chimique une grosse part d’erreur qui en a entraîné la chute et une petite part de vérité qui lui a permis de revivre récemment dans la théorie des ions. L’assimilation des affinités électriques aux affinités chimiques est une conception insoutenable, évidemment contredite par l’expérience. On constate, en effet, que l’oxygène, type des électro-négatifs, se combine plus facilement au soufre électro-négatif comme lui qu’à l’or qui est électro-positif. D’autre part, les groupemens tels qu’acides et bases, auxquels Berzélius et Davy appliquaient les charges électriques, étaient mal choisis : c’est à des élémens différens que ces charges électriques sont réellement fixées. L’étude attentive de l’électrolyse, c’est-à-dire de la décomposition des sels par le courant électrique, redressa ces erreurs. Quand le courant électrique traverse une solution d’un sel, tel que le sulfate de cuivre, la base ne va pas d’un côté et l’acide de l’autre ; le partage ne se fait pas ainsi. Le métal seul (Cu) se dépose au pôle négatif : l’acide et l’oxygène (SO3 + O) vont au pôle positif.

L’électrolyse, soigneusement étudiée par Faraday, a donc révélé les véritables élémens électriques du sel : l’élément métal (Cu) qui se rend à l’électrode négative ou cathode et le reste formé par les autres élémens (SO4) qui se rend à l’électrode positive ou anode. Dans le même temps, le développement des connaissances chimiques aboutissait à une conclusion identique relativement aux véritables élémens chimiques des sels. J.-B. Dumas découvrait entre 1831 et 1834 le phénomène des substitutions : il en faisait sortir la doctrine unitaire. Chaque corps composé, au lieu d’être envisagé comme formé par l’union de deux groupemens d’élémens qui s’opposent et se neutralisent, apparut désormais comme un tout, une masse indivise d’atomes divers. Tel d’entre eux peut être remplacé par un autre venu du dehors et le nouveau composé produit par cette substitution est l’analogue du premier.

Ce sont ces vues qui, appliquées aux acides, aux bases et aux sels, ont conduit aux définitions actuellement classiques. Un sel est un groupement d’élémens chimiques, d’atomes, où l’on distingue d’une part le métal et, de l’autre, le « reste acide » formant masse. Dans le sulfate de cuivre CuSO4 on a Cu et SO4 ; dans l’azotate de potasse AzO3K, on a le potassium K et le reste acide AzO3 : dans le chlorure Je sodium NaCI on a le sodium elle chlore. Le métal, cuivre, potassium, sodium, se rassemble à la cathode : l’ensemble des autres parties se rend à l’électrode positive ou anode. Faraday, en 1835, a créé le mot d’ion (qui en grec signifie allant) pour indiquer ce mouvement des élémens qui sont comme attirés par les électrodes. L’ion métallique qui va à la cathode est un cation ; le reste acide (SO4, AzO3, CI) qui se rend de même à l’électrode positive, à l’anode, est un anion. Le passage du courant électrique révèle donc dans la molécule d’un sel la présence de deux facteurs : un élément, chargé positivement, le cation qui est généralement le métal et un élément chargé négativement l’anion, formé par la masse des autres élémens.

Au point de vue chimique comme au point de vue électrolytique un acide est un sel d’hydrogène. Il suffit dans la formule du sel de remplacer le métal par l’hydrogène pour avoir l’acide correspondant, ou, inversement, de faire la substitution contraire pour passer de l’acide au sel. Par exemple AzO3K est l’azotate de potassium et le métal K se rend à la cathode : AzO3H est l’azotate d’hydrogène ou acide azotique et l’ion il (hydrogénion) se rend à la cathode dans la décomposition électrolytique. Les relations sont les mêmes entre tous les acides et les sels correspondans ; l’acide sulfurique est un sulfate d’hydrogène SO4H2 ; l’hydrogène y fait pendant au potassium K du sulfate de potassium SO4K2 ; — l’acide chlorhydrique HCI est un chlorure d’hydrogène faisant pendant au chlorure de sodium NaCI — et ainsi de suite.

Quant aux bases, leur constitution dérive encore de celle des sels. La potasse, par exemple K (OH), si on la confronte avec K (AzO3), nous apparaît comme un azotate où le reste acide AzO3 est remplacé par le orps OH appelé oxhydrile : on peut aussi bien l’envisager comme un sulfate K2SO4 où le reste acide divalent SO4 serait remplacé par deux oxhydriles. Dans la décomposition électrolytique le métal va encore à la cathode. Le reste (OH) va à l’anode : c’est un anion qui ne peut subsister déchargé et qui, en conséquence, donne lieu à des réactions secondaires.

De là les définitions nouvelles. Les acides sont les composés caractérisés par l’ion positif H ; les bases sont les composés caractérisés par l’ion négatif (OH). Les sels dérivent des acides par substitution d’un cation métallique au cation hydrogène ; les bases par substitution d’un reste acide à l’anion oxhydrile.


II

Les notions précédentes nous acheminent à la théorie des ions ; nous y sommes presque, mais cependant pas encore tout à fait. Il faut faire un pas de plus. Ce pas nous séparera décidément de J.-B. Dumas, de Gehrardt, et de l’école unitaire pour nous ramener à l’ancienne école dualiste, à H. Davy et à Berzélius. Il faut supposer que les ions d’un sel ne se forment pas au moment de l’électrolyse, et par le fait même de cette décomposition électrique ; mais qu’ils préexistent au passage du courant électrique, unis et dissimulés dans chaque molécule de l’acide. Chaque molécule contient le couple anion et cation, dont les charges se neutralisent. En un mot, avant le passage du courant, les deux ions contraires sont associés : après le passage, ils sont dissociés. Associés, ils forment les molécules ordinaires du sel : dissociés ils sont les molécules spéciales qui méritent le nom d’ions.

Précisons ces états. Avant le passage du courant, dans la molécule ordinaire l’ion positif et l’ion négatif sont chimiquement unis, liés, combinés, et par conséquent (c’est la définition de la combinaison chimique) méconnaissables en tant qu’individus, dissimulés au point de vue de leurs propriétés individuelles physiques et chimiques, et, en particulier, de leurs propriétés électriques. Électriquement, ils semblent déchargés et indifférens. Au moment du passage une décomposition chimique se produit : les ions sont séparés avec leur charge : il ne subsiste plus entre eux qu’une union physique, un rapprochement tel qu’il se produit entre des corps chargés d’électricités opposées. Ces ions sont chimiquement séparés et physiquement unis. C’est la manière de voir que Grotthus (1805) a proposée, il y a exactement cent ans. Le courant oriente ces couples d’ions accolés, en files régulières comme des grains de chapelet ; puis, l’attraction de l’électrode l’emportant sur celle du conjoint, les ions se séparent dans chaque couple. L’ion positif s’unit à son voisin négatif pour former avec lui une liaison passagère, qu’il rompt bientôt ; et il continue ce manège avec le suivant, se dirigeant ainsi vers la cathode où il se décharge. L’anion correspondant, son conjoint primitif, se comporte de la même manière ; et marchant en sens inverse, il va, de proche en proche, se décharger à l’anode. Les ions transportent donc leurs charges aux électrodes, et c’est là toute l’opération du passage du courant, c’en est tout le mécanisme.

Il est donc permis de dire que les ions sont les convoyeurs du courant et les seuls élémens de la solution saline qui remplissent cet office. L’eau parfaitement pure qui les baigne est tout à fait impropre au passage de l’électricité : elle est un corps isolant. L’électricité ne chemine que grâce aux ions, ils la transportent par convection. Les corps liquides qui ne se décomposent point électrolytiquement en ions ne conduisent pas l’électricité, ce ne sont pas des électrolytes.

L’explication précédente est toute figurative : au résumé, elle assimile le manège des ions convoyeurs à l’évolution chorégraphique de ces deux files de cavaliers et de dames qui dans certaines danses forment, en marchant en sens contraires et en se prenant et s’abandonnant successivement les mains, la figure que l’on appelle chaîne anglaise. La conception de Grotthus est bien vraiment une hypothèse ; mais il semble que l’on n’en puisse pas former de plus simple et de mieux adaptée aux faits qu’il s’agit d’expliquer. Les plus importans de ces faits se résument ainsi : 1° le dégagement d’électricité se fait aux électrodes seulement, aux deux bouts de la cuve ; 2° le transport d’électricité se fait, d’un certain train, à travers la solution. Faraday le manifestait en mettant la solution dans un tube assez long pour pouvoir observer l’influence de ce courant de convection sur l’aiguille aimantée ; 3° les produits de l’électrolyse apparais- sent au même instant aux deux électrodes.


Ces idées de Grotthus sur la décomposition ou dissociation des molécules en ions dans les solutions que le courant électrique peut traverser, ont subsisté depuis un siècle. Faraday, en 1835, les a adoptées ; la plupart des physiciens ont fait de même. On a continué à les enseigner avec plus ou moins de soin ou de négligence. Cependant elles présentaient un certain nombre de lacunes importantes. Clausius en 1857 et Arrhenius en 1886 en ont comblé les principales. Ils se sont préoccupés en particulier de la question de savoir si la dissociation partielle en ions est seulement l’effet du courant, ou si au contraire elle ne peut en être indépendante, le précéder et lui survivre. Est-ce seulement pendant le passage de l’électricité et du fait de ce passage que la substance dissoute dans l’eau, sel, acide, base, — subit ce clivage moléculaire si singulier et si remarquable ?

C’est la réponse à cette question qui a donné à la théorie des ions sa physionomie actuelle. En affirmant que l’ionisation se produit sous d’autres causes que le passage du courant électrique, et par exemple par le seul fait de la dissolution de l’électrolyte dans l’eau ; que les solutions aqueuses de sels quelconques, d’acides minéraux et de bases minérales sont plus ou moins ionisées, Arrhenius et l’école physico-chimique allemande, Ostwald, Nernst et leurs élèves ont rattaché à la théorie de l’ionisation un grand nombre de problèmes de chimie et de chimie biologique et particulièrement celui qui nous occupe, de l’acidité et de la basicité des corps composés.


III

La théorie de Grotthus supposait que c’est le courant électrique seul qui disloque la molécule du sel en ses deux ions par suite d’une véritable décomposition chimique, en triomphant de la force qui les unit. S’il en est ainsi, une partie de l’énergie électrique devrait être employée à cette séparation (énergie d’ionisation). Il faut, pour que l’action commence, que les quantités d’électricité accumulées aux électrodes soient devenues suffisantes pour triompher de l’affinité chimique des deux ions à l’intérieur de la molécule, et ultérieurement de leur attraction électrique. Ce n’est donc que lorsque le courant aurait atteint une certaine limite minima que l’ionisation devrait commencer, et que l’électricité devrait passer. Et d’autre part, dès que cette valeur serait atteinte, il semble que l’électrolyse devrait marcher avec rapidité et violence.

Or, l’expérience contredit cette conclusion. L’électrolyse, et la formation d’ions, se manifestent déjà avec un courant très faible et elles grandissent avec son intensité. Un physicien, Buff, a obtenu une électrolyse appréciable d’une solution acide avec des courans tellement faibles qu’il fallait prolonger leur action pendant plusieurs mois pour obtenir 1 centimètre cube de mélange détonant.

Clausius, dès 1857, avait signalé cette contradiction entre le fait et la théorie. Il concluait que la théorie, prise dans toute sa rigueur, n’était pas exacte ; qu’il n’était pas vrai qu’avant le passage du courant, tous les ions fussent combinés de manière à former des molécules complètes. Au contraire, il y avait par avance un petit nombre d’ions chimiquement séparés, chimiquement libres. Buff et Soret d’abord, puis surtout Lippmann en 1875, ont manifesté directement cette présence d’ions libres, obéissant à l’attraction d’un bâton de résine, dans les solutions d’électrolyte. Ostwald et Nernst en 1889 ont réussi à faire la même constatation.

Une solution quelconque contient donc, d’après cela, un mélange de molécules complètes et de molécules dissociées en ions. Dès que les électrodes sont plongées dans la solution, le courant le plus faible suffit pour attirer ces ions préexistants aux électrodes : il y a transport d’électricité ; le courant passe. Le courant, en grandissant, accroît le nombre de ces élémens dissociés, en proportion de l’accroissement de la quantité d’électricité.


Clausius se contentait d’affirmer l’existence d’un petit nombre d’ions disséminés dans toute solution antérieurement à toute tentative d’électrolyse. Arrhenius est allé plus loin. Ce n’est plus une dissociation faible portant sur un petit nombre de molécules qu’il a assignée aux solutions de sels, d’acides et de bases : c’est une dissociation forte, une ionisation notable. Un « grand nombre » de molécules peuvent être dissociées en ions. Dans les solutions très étendues, « toutes » les molécules sont ionisées. Une solution très étendue ne contient donc pas le corps que nous croyons y exister, que nous y avons mis, il en contient seulement les élémens, les ions, tels que l’électrolyse pourrait les fournir. Dans l’acide chlorhydrique très dilué, par exemple, les ions hydrogène, c’est-à-dire les atomes d’hydrogène chargés d’électricité positive, nagent librement, escortés par les anions chlore. Telle est la doctrine du savant suédois.

Arrhenius a donc supposé que dans les solutions extrêmement diluées de sels, acides et bases, l’ionisation est complète, que les molécules ordinaires y font défaut et que les ions y subsistent seuls. Dans les solutions plus concentrées les ions coexistent à côté des molécules ordinaires non dissociées. Le degré relatif de cette dissociation présente nécessairement une certaine constance ; la proportion des molécules disloquées en ions aux molécules restées intactes ne peut être arbitraire : elle est réglée. Ce n’est pas introduire une hypothèse nouvelle que d’affirmer cette idée d’une proportion déterminée, réglée, qui existerait entre la partie intacte et la partie dissociée, entre le nombre des molécules ordinaires et celui des ions. Il y a certainement là un équilibre exactement déterminé. Mais c’est faire certainement une supposition supplémentaire que d’imaginer avec Arrhenius et Ostwald que cet équilibre doit être entendu au sens ordinaire des équilibres chimiques réversibles et obéir en conséquence à la loi particulière qui régit cette espèce d’équilibres. Cette loi est connue dans la chimie nouvelle sous les noms de loi de Gudberg et Waage, ou encore de loi de Wenzel, ou de loi des concentrations. Supposons que l’on adopte cette troisième hypothèse, — d’ailleurs vraisemblable, — de la réversibilité de l’équilibre entre les ions et les molécules intactes : acceptons même que les proportions des trois espèces d’élémens, cations, anions et molécules obéissent à la loi des concentrations. Au moment de l’équilibre la concentration en anions, multipliée par la concentration en cations, donnerait un produit égal, à une constante près, à la concentration en molécules complètes. De ces hypothèses, expérimentalement vérifiées, d’ailleurs, découlent d’intéressantes conséquences. On pourra prévoir, par exemple, que dans telle ou telle circonstance, les ions se transformeront en molécules ordinaires et inversement. Si, par un artifice quelconque, on vient à faire augmenter, dans la solution, les ions d’une espèce, les ions d’une autre espèce devront diminuer et cela ne pourra advenir que si ces derniers ions repassent à l’état de molécules en s’unissant à des ions contraires. Pour prendre l’exemple proposé par Victor Henry, considérons une solution d’acide acétique. C’est un acide moyennement fort : on estime qu’en dissolution dans l’eau, la proportion de la partie dissociée ne dépasse pas 10 pour 100 de la masse totale. La solution aqueuse contient donc en certaine proportion des cations H, des anions C2H3O2 (reste d’acide ou acétyl) et enfin des molécules entières d’acide acétique (C2H3O2 H). Si l’on ajoute de l’acétate de soude (C2H3O2Na), c’est-à-dire un sel neutre dont on sait, par ailleurs, qu’il est fortement dissocié en ions Na et ions acétyl, on augmentera considérablement le nombre des ions acétyl qui tout à l’heure équilibraient avec les ions il les molécules intactes d’acide acétique. La quantité des cations hydrogène devra donc diminuer par compensation ; un certain nombre d’entre eux se combineront avec un nombre égal d’ions acétyl pour régénérer des molécules ordinaires d’acide acétique.

On aperçoit assez facilement la raison d’être de cette hypothèse et sa fécondité. On voit qu’elle est introduite pour permettre de prévoir les réactions chimiques qui s’accomplissent dans les solutions des sels, des acides et des bases, réactions où les ions ont un rôle à remplir L’application de cette loi des concentrations permet, en particulier, de suivre de près le jeu réciproque des ions et des molécules dans les phénomènes relatifs à la neutralisation des bases par les acides.


IV

La théorie des ions est une très belle construction, mais elle est compliquée et très composite. Sa solidité tient à l’inextricable agencement de ses pièces. Les hypothèses y sont nombreuses. Il n’en est aucune qui soit gratuite. Toutes subissent l’épreuve de la vérification à quelque moment. On peut regretter seulement qu’elles ne soient pas toujours expliquées suffisamment et que les nouvelles s’ajoutent aux précédentes en cours de route. Il serait utile aussi que les justifications expérimentales destinées à légitimer l’une quelconque de ces hypothèses ne fussent pas solidaires de la légitimité supposée des autres. Dans ses belles leçons de chimie physique, M. Victor Henry a démêlé avec beaucoup d’esprit critique ces enchevêtremens. Il met à nu, dans son étude sur la théorie des ions, les cinq hypothèses superposées, qui en forment l’ossature et il en présente avec netteté les vérifications expérimentales. Il ne nous est pas possible de suivre ce magistral exposé. D’ailleurs, nous n’avons pas pour objet la théorie même des ions, mais seulement l’une de ses applications, celle qui est relative à la détermination de la basicité et de l’acidité des composés chimiques.

Il faut, pour éclairer complètement cette application, ajouter encore quelques indications essentielles. La plus utile de ces notions est relative au rôle de l’eau dans l’ionisation. A la vérité, l’eau, qui est le solvant nécessaire des électrolytes, n’est pas considérée elle-même comme un électrolyte. Il s’agit, bien entendu, de l’eau tout à fait pure.

Si l’on prend de l’acide chlorhydrique pur, liquéfié, sans eau, que l’on y plonge les deux électrodes d’une pile, le courant ne passe pas. Que l’on opère de même avec l’acide acétique pur, le courant ne passe pas davantage. Ces acides ne deviennent électrolytes qu’au moment où l’eau intervient pour les dissoudre ; l’eau est la condition de leur faculté de conduire l’électricité et de leur décomposition en ions : plus l’eau abonde, plus ces phénomènes s’accentuent : la conductivité électrique et la dissociation en ions augmentent avec le degré de dilution. Si l’on opère de même avec l’eau pure, que l’on y plonge les deux électrodes d’une pile, il n’est pas tout à fait exact de soutenir que le courant ne passe pas : il passe un peu ; l’eau est un très mauvais conducteur, mais elle est un conducteur, ce qui revient à dire qu’elle contient un petit nombre de molécules dissociées en ions H et OH. Le physicien allemand Kohlrausch a étudié la conductivité de l’eau, à son plus grand degré de pureté : il a trouvé un chiffre très faible, mais appréciable. De cette mesure de conductivité on peut déduire la proportion relative de Ta partie dissociée : on trouve ainsi que dans cent mètres cubes d’eau, les ions hydrogène libres forment un poids égal à 7 milligrammes. L’eau est donc faiblement dissociée en ions il et en ions OH.

Les physico-chimistes ont simplifié et perfectionné au plus haut degré les mesures de conductivité électrique ; ils en ont popularisé la pratique dans les laboratoires de chimie et dans ceux de biologie. Ces déterminations qui dépassent en sensibilité les dosages chimiques les plus délicats fournissent des renseignemens précieux : elles permettent, par exemple, de juger du degré de pureté de différentes substances, ou bien encore, de mesurer la solubilité de matières très peu solubles. Appliquées à la théorie des ions, les déterminations de conductivité ont fourni un moyen de connaître le degré d’ionisation des diverses solutions d’électrolytes, acides, bases et sels.

Ces résultats ont servi à établir pour les trois espèces de corps une classification qui exprime la dissociation plus ou moins profonde qu’ils éprouvent du fait de leur dissolution dans l’eau.

Les corps les plus complètement dissociés sont les sels neutres, les acides forts et les bases fortes. Les sels tiennent la tête. Les sels à ions monovalens, chlorure de potassium, azotate d’argent, bromure d’ammonium, sels cuivreux, en solutions de concentration moyenne sont presque totalement dissociés en ions. Dans une solution de chlorure de potassium contenant 7gr,45 par litre, la presque totalité du sel (86 pour 100) est à l’état d’ions. Pour les acides, il y a trois degrés à distinguer. Le premier est celui des acides forts, chlorhydrique, bromhydrique, azotique, sulfurique, chlorique, perchlorique, dont les solutions moyennes sont très fortement dissociées en ions ; le second groupe comprend les acides moyens, tels que les acides phosphorique, sulfureux, acétique, dont la dissociation ne dépasse pas en général 10 pour 100 ; enfin les acides faibles, carbonique, sulfhydrique, cyanhydrique, qui forment un troisième groupe, ne présentent pas plus de 1 pour 100 de leur masse disloquée en ions. — Les bases fortes, hydrates des métaux alcalins et alcalino-terreux, sont dissociées dans une très grande proportion ; puis viennent des bases moyennement ionisées, comme les oxydes d’argent et de magnésie, l’ammoniaque, les aminés de la série grasse : la liste est close par les bases faibles, hydrates des oxydes métalliques, aminés aromatiques, alcaloïdes dont l’ionisation est peu marquée.

La liste des ions comprend les ions positifs et les ions négatifs. Les premiers ou cations ont pour chef de file l’hydrogène suivi des métaux monovalens qui sont les métaux alcalins et l’argent, puis les métaux bivalens et trivalens. Les anions ou ions négatifs ont pour chef de file l’oxhydrile OH, suivi des métalloïdes de la série du chlore, puis des restes d’acides monobasiques et bibasiques.


V

On a vu que la théorie des ions conduit à des définitions nouvelles des acides et des bases. Ces définitions posées a priori sont maintenant justifiées. La même théorie fournit encore des moyens propres d’appréciation de l’activité de ces fonctions chimiques. Elle propose, enfin, des explications intéressantes des effets réciproques de ces corps entre eux et de leur action sur les sels.

Les acides sont des composés dissociables par l’électrolyse et ayant tous comme ion positif l’hydrogène. Cette propriété leur appartient et n’appartient qu’à eux : elle peut servir à les définir. Un corps est un acide toutes les fois que sa solution aqueuse contient des ions hydrogène chimiquement libres. — De la même manière, une base ou alcali se définit un corps composé dont la solution aqueuse contient des ions oxhydrile (OH) en liberté. L’acidité a pour signe la présence des cations H ; l’alcalinité a pour signe la présence des anions OH. Mais l’acidité a ses degrés ; il y a des acides forts et des acides faibles ; de même pour l’alcalinité : il y a des bases fortes et des bases faibles. Quels moyens la théorie des ions fournit-elle pour en juger ?

En chimie ordinaire, — comme dans la vie ordinaire, — la force se juge par le résultat de la lutte. Un acide est plus fort qu’un autre lorsqu’il chasse celui-ci de ses sels, ou lorsqu’il neutralise, à concentration égale, une plus grande proportion de base. Le degré d’acidité s’apprécie donc par la quantité de base nécessaire à la neutralisation. On se sert, pour décider du moment où la neutralisation est atteinte, d’un indicateur, d’un corps colorant. La teinture de tournesol est l’un des plus anciennement employés : on sait qu’elle vire du rouge au bleu quand la neutralité est atteinte. Mais, si l’on emploie un autre indicateur, on trouve une autre quantité de base. Avec le même indicateur, on trouvera encore une autre quantité de base, c’est-à-dire une autre valeur de l’acidité si la liqueur acide est mélangée de divers liquides étrangers, quoique de réaction indifférente. L’opération est incertaine.

Dans la chimie des ions, la force de l’acide, c’est-à-dire son degré d’acidité, s’exprime par le nombre d’ions hydrogène qui est présent dans un volume donné. Le degré d’alcalinité dépend de même du nombre d’ions oxhydrile de la solution. Ces définitions ne sont pas arbitraires. On a étudié, en effet, la marche de diverses réactions réalisées par l’intervention, soit de l’acide, soit de la base (inversion du saccharose, par exemple), et on a constaté que la vitesse de ces réactions était en rapport avec les nombres d’ions de l’acide ou de la base. Par conséquent, la mesure du degré d’acidité et celle du degré d’alcalinité se ramènent à la mesure des nombres d’ions hydrogène ou oxhydrile présens dans ces liqueurs, c’est-à-dire à la connaissance de la concentration de ces liqueurs en ions de l’une ou l’autre espèce.

La mesure du degré d’acidité ou d’alcalinité d’une liqueur peut se faire par les moyens de la chimie ordinaire ou par ceux de la chimie physique, de la chimie des ions. C’est une occasion de mettre en concurrence, sur ce terrain restreint, ces deux instrumens de recherche, de voir auquel revient l’avantage. — La chimie ordinaire recourt à la méthode titrimétrique. Elle réalise avec une liqueur titrée la neutralisation dont le terme est signalé par le virage de coloration de l’indicateur. — La chimie des ions détermine par des procédés divers la richesse de la solution en ions hydrogène, qui sont les véritables agens de l’acidité. L’un de ces procédés est particulièrement avantageux en ce qu’il ne modifie aucunement la solution à l’étude, il n’y introduit aucune substance étrangère, il n’y ajoute aucun réactif ; c’est un procédé purement physique. Il consiste à organiser une. pile de concentration à électrodes gazeuses, formées par une l’âme d’hydrogène. La solution à étudier forme l’un des élémens de cette pile. L’opération se résume à en mesurer la force électromotrice Une formule théorique due à Nernst permet de déduire de cette mesure la concentration de la solution en ions H, c’est-à-dire la valeur cherchée.

La supériorité de la méthode électrométrique sur la méthode titrimétrique est éclatante. Elle offre d’abord l’avantage d’indiquer l’acidité actuelle de la solution, sa teneur présente en ions hydrogène libres. La méthode titrimétrique, en la supposant irréprochable, un ferait encore connaître que l’acidité potentielle, c’est-à-dire celle qui correspond à la totalité de l’acide, sans distinguer la partie ionisée (véritable facteur de l’acidité) de la partie d’acide qui ne l’est pas. Elle donne le titre de la solution qui aurait subi une complète dissociation. Or cet état de dissociation n’est pas l’état réel de la solution ; il n’y est pas réalisé hic et nunc. Supposons qu’il s’agisse d’un acide moyen ou faible comme l’acide acétique, dont les molécules dissociées (ions H et acétyle) représentent au plus 10 pour 100 des molécules complètes d’acide acétique. La neutralisation par la soude se continuera jusqu’à ce que la quantité d’alcali ajoutée soit égale à la quantité totale d’acide acétique, dissocié et non dissocié, existant dans la solution : et ce n’est pourtant que la partie dissociée en ions H qui agit efficacement comme acide.

Ce n’est pas tout ce que l’on peut reprocher à la méthode titrimétrique. Une expérience très simple montre, en effet, que l’acidité d’un acide faible est diminuée par l’addition d’un sel neutre de cet acide. Par exemple, que l’on mette 10 gouttes d’acide acétique dans 100 centimètres cubes d’eau, le tournesol y prendra une teinte rouge révélatrice de l’acidité : que l’on verse ensuite une solution d’acétate de soude absolument neutre au tournesol : on croit peut-être que ce liquide absolument neutre ne va rien changer à la condition de la solution. C’est une erreur. Le tournesol vire aussitôt du rouge au violet, signalant ainsi un abaissement de l’acidité par introduction d’un corps neutre. La théorie des ions fournit une explication de ce fait qui reste paradoxal pour la chimie classique. On risque donc de modifier l’acidité d’une liqueur par l’opération titrimétrique elle-même puisque, comme dans l’exemple précité, le titrage introduit le sel neutre de l’acide faible que l’on veut doser. — On court enfin le même risque par le seul fait que l’on dilue la solution initiale. — Pour toutes ces raisons et pour d’autres encore, les dosages d’acidité ou d’alcalinité dans les solutions qui renferment des acides faibles ou des bases faibles doivent être tenus pour très suspects. A moins d’être pratiqués par la méthode électrométrique, ils ne méritent qu’une confiance très relative.


VI

C’est surtout dans le domaine de la biologie et de la médecine qu’il faut tenir pour suspectes les déterminations d’acidité ou d’alcalinité. Les médecins et les biologistes ont attaché, jusqu’à présent, une extrême importance à ces mesures du degré d’acidité des liquides organiques, des milieux d’habitat ou de culture, ou enfin des tissus eux-mêmes. Ils en ont exécuté des milliers. Tout ce travail est complètement vain. Dans les liquides de l’organisme, en effet, les réactions acide ou basique sont dues à des acides faibles tels que les acides carbonique, lactique ou à l’acide phosphorique, qui est sur la limite des acides moyens, — ou à des bases faibles comme l’ammoniaque.

Quelquefois même, — et c’est le cas du sang, — la réaction alcaline est due à des mélanges de sels tels que le carbonate, le bicarbonate et le phosphate de soude. Or des conditions extrinsèques très nombreuses peuvent influer sur le degré d’alcalinité de sels de ce genre. M. Victor Henry a bien mis en lumière l’incertitude qui en rejaillit sur toutes les déterminations de l’alcalinité du sang et conséquemment sur les conclusions qu’on a cru pouvoir en tirer.

Les physiologistes se sont beaucoup préoccupés de la réaction du sang chez l’homme et les animaux supérieurs. Il y a quelque trente ans, on déclarait que le sang est un milieu normalement alcalin. On admettait que le degré d’alcalinité pût varier entre certaines limites ; mais l’existence de la réaction et sa constance paraissaient établies. Jamais, disait Claude Bernard, on n’a trouvé au sang une autre réaction que la réaction alcaline sur l’animal vivant et dans les conditions physiologiques. Et voici maintenant que M. Foà trouve, par une méthode perfectionnée, que le sang est un liquide extrêmement près de la neutralité chimique. Il se comporte à peu près comme l’eau distillée. D’autres observateurs qui, avant M. Foà, ont employé, avec moins de perfection le procédé électrométrique, Hoeber, Fraenkel et Farkas, ont obtenu les mêmes résultats.

S’il est vrai, — et nous n’en doutons point, — que l’acidité et l’alcalinité actuelles et vraies des liquides organiques dues à la présence des ions H et OH libres exerce une influence sur l’accomplissement des fonctions vitales, il faut donc reprendre ces études sur nouveaux frais. Il faut les pratiquer avec les ressources de l’électrométrie.

C’est ce que l’on a commencé à faire de divers côtés dans les laboratoires de physiologie. Au laboratoire de la Sorbonne, M. C. Foà a abordé, avec une extrême patience et une grande précision, une révision de ce genre. Le résultat constant de ses recherches est infiniment intéressant. Presque tous les liquides organiques qu’il a examinés sont sensiblement neutres, depuis l’urine humaine, à laquelle les médecins chimistes attribuent une acidité moyenne équivalente à celle d’une solution d’acide chlorhydrique qui contiendrait 1gr,8 d’acide par litre, ‘ jusqu’au suc pancréatique, qu’ils regardent comme très alcalin. Quant aux rares liqueurs qui s’écartent de la neutralité, telles que le suc intestinal, la salive parotidienne de la vache, la lymphe sanguine de l’escargot, leur alcalinité réelle est beaucoup plus faible que celle qu’on leur avait assignée. Toutes ces assertions erronées doivent être mises à la charge de la méthode titrimétrique qui, appliquée aux liquides complexes et presque toujours albumineux de l’économie animale, s’est montrée décidément un outil inférieur et. impropre aux services qu’on en attend.


A. DASTRE.