Revue scientifique - Le Congrès de la Paix et le calendrier
Au moment où paraissent ces lignes, les travaux préliminaires de la Conférence de la Paix ont dû commencer déjà. De ces travaux différentes choses doivent sortir qui serviront de bases à l’avenir de l’humanité et à la rénovation de la patrie française. D’abord, — et là-dessus tout le monde est d’accord chez nous, — l’entérinement de ce que nous a donné la victoire et la consolidation, sur une base d’airain, de la liberté reconquise des peuples opprimés. Ensuite, — et ici des désaccords apparaissent déjà, même parmi les hommes de bonne volonté, — la Conférence songera à organiser cette Société des Nations qui doit substituer au respect du gendarme celui de la vertu. C’est une grande entreprise, et sur laquelle je n’ai nulle qualité pour me prononcer, à ne la considérer que sous cet aspect.
Que si pourtant il est permis d’aborder le problème par des accès plus modestes, plus terre à terre, il me semble, — et j’espère le montrer aujourd’hui, — que la science aura son mot à dire là dedans.
Pour mieux expliquer ma pensée, je demande la permission d’emprunter un raisonnement à un spécialiste bien connu et très positif, des questions internationales, au commandant Gaston Moch dont j’analysais dernièrement ici même, dans un tout autre ordre d’idées, les beaux travaux sur les canons en fil d’acier :
Un jour que, pendant la guerre, on était à la recherche de recettes nouvelles pour le Trésor, on s’avisa de relever les tarifs postaux ou télégraphiques. Or donc, aussitôt que les nouveaux tarifs furent publiés, on s’aperçut avec étonnement que, dorénavant, l’envoi d’une carte postale en France, par exemple de Montmartre aux Batignolles, coûterait 15 centimes, alors qu’il suffisait toujours de 10 centimes pour expédier la même carte, au bout du monde, par exemple en Nouvelle-Zélande ou en Bolivie, à quarante jours de distance. Bien mieux, si votre correspondant a quitté cet endroit difficilement accessible qui s’appelle Sucre pour venir habiter votre propre maison, la carte l’y suivra : après une double manutention et trois mois de voyage, elle l’atteindra sans surtaxe. Mieux encore : Strasbourg délivrée vient de passer pour nous au tarif intérieur de 15 centimes ; mais, dès que la paix sera signée, nous pourrons écrire, en face, à Kehl, pour 10 centimes comme par le passé.
Cette anomalie nous fournit la clef de l’organisation de la Société des Nations. Car à cet égard et comme le dit très justement Gaston Moch, et sous une forme qui n’est qu’apparemment paradoxale, la Société des Nations ? mais elle existe déjà. Si, en effet, le tarif postal international est demeuré inchangé, c’est qu’il est fixé par une convention qu’aucun État n’a le droit de modifier à sa fantaisie. Le monde entier constitue, depuis 1874, un seul territoire postal dont les diverses parties ont conservé leur autonomie locale. Par suite, la France est libre de renchérir, — et par conséquent, hélas ! de gêner, de raréfier, — les correspondances à l’intérieur de ses frontières ; mais elle s’est interdit d’en faire autant à l’égard des pays étrangers. En adhérant à l’Union postale universelle, elle a, comme dit Moch en un document encore inédit, aliéné une partie de sa souveraineté, celle qui constitue les services postaux internationaux.
L’indépendance, la souveraineté absolue des États était jusqu’à cette guerre un article de foi pour les diplomates et plus généralement pour la plupart de ces personnalités qu’on appelle d’un mot impressionnant et solennel les « hommes d’État. » Les professeurs allemands avaient poussé ce principe à l’extrême, c’est-à-dire à l’absurde, par leur théorie de l’État entité métaphysique étant à elle-même sa propre fin, ayant reçu de Dieu la mission de s’accroître indéfiniment aux dépens du voisin, et disposant à cet effet d’une population ravalée à la condition de « matériel humain. »
Bien des gens pourtant avaient compris que la souveraineté de chaque État est légitimement limitée par celle des autres, de même que dans l’État la liberté d’un homme est limitée par celle de ses concitoyens ; ou autrement dit, que les États ne sont pas indépendants, mais interdépendants.
Il y a en réalité cinquante-deux ans que la Société des Nations est en voie de fondation. C’est, en effet, en 1866 qu’un certain nombre de Puissances formèrent l’Association géodésique internationale et lui constituèrent un Bureau permanent, entretenu à frais communs. Ce jour où des « États Souverains » se sont ainsi librement associés pour assurer collectivement la gestion d’un intérêt commun, par le moyen d’un organe permanent doué d’une vie propre, une conception nouvelle des relations internationales s’est introduite dans le monde.
Je sais bien que l’intérêt commun ici en cause n’était qu’un intérêt scientifique d’une faible importance pratique apparente : l’étude géodésique du globe terrestre et les mensurations scientifiques qui s’y rapportent. Il n’importe. Cette cellule embryonnaire de la Société des Nations, cette cellule primitive née de la science, et qui depuis s’est déjà multipliée quelque peu par karyokinèse, la science peut contribuer beaucoup à en faciliter la fécondation, à en assurer le développement. J’espère du moins le montrer, et si, comme il est à craindre, ces considérations ont échappé aux diplomates qui vont se réunir, il me suffira que leur importance apparaisse au public qui est finalement, tôt ou tard, le juge des juges, l’arbitre des arbitres, le maître des puissants.
À la suite de la création de l’Association géodésique internationale et peu à peu donc, un grand nombre d’organismes plus ou moins analogues se sont formés. En 1911, il n’existait pas moins de 37 Unions internationales concernant chacune un objet déterminé et auquel est consacré un bureau permanent. Parmi elles, un très grand nombre sont destinées à des objets à la fois scientifiques et pratiques, comme le bureau international des poids et mesures, sorte de conservatoire international d’une idée tout entière française, comme je l’ai déjà montré ici même. Même depuis lors, et plus récemment, d’autres institutions analogues se sont créées, notamment le Bureau international de l’Heure dont j’ai entretenu peu avant la guerre les lecteurs de cette Revue.
Ces unions qui comprennent des groupements divers d’États selon les intérêts particuliers auxquels elles sont consacrées correspondent à autant de branches d’administration au sujet desquelles ces États ont aliéné volontairement une partie de leur souveraineté. Les bureaux qui les gèrent dans l’intérêt et au nom de ces Sociétés partielles d’États sont, à proprement parler et suivant l’expression de Moch, les pierres d’attente des futurs ministères internationaux, d’un futur gouvernement international.
Parmi les questions qu’il faut souhaiter vivement de voir aborder par le Congrès de la Paix, — car de longtemps il ne se trouvera d’occasion aussi favorable pour l’aborder et la résoudre au mieux des intérêts en présence, — nous devons placer la réforme du calendrier.
J’entends d’ici les diplomates du café du Commerce se récrier, en goguenardant, que le Congrès a bien d’autres chats à fouetter et que les intérêts économiques, politiques, historiques et géographiques en présence ont de quoi absorber suffisamment le zèle et l’attention des congressistes pour qu’ils n’aient point le loisir de s’attarder à de chétives questions d’almanach.
À cela je répondrai respectueusement ceci : d’abord, s’il est vrai que la réforme du calendrier n’est pas d’une importance vitale pour les hommes, c’est une raison tout justement pour la mettre aussitôt en tête de l’ordre du jour. L’histoire montre en effet, et aussi la psychologie, que les grands problèmes, les problèmes de première importance, ceux où les intérêts et les passions sont violemment en présence, sont par cela même les plus difficiles à résoudre. Les petites questions sont en réalité les seules qu’on puisse aborder avec chances de succès et résoudre quelquefois. Un pays ou un homme qui n’aborderait que les grosses, les très grosses questions, seraient sûrs de rester en arrière et de n’en résoudre aucune, et ceci est vrai dans la science, dans la métaphysique comme dans la politique. Mais revenons au calendrier dont ces considérations nous éloignent moins qu’il ne paraît.
La preuve que son importance n’est d’ailleurs pas si minime, c’est que César lui-même, et plus tard un des plus grands Papes, et plus tard encore, la Convention, cet autre César, daignèrent attacher leur intelligence à le perfectionner. La preuve, c’est que, lorsqu’on fit en Angleterre le passage du calendrier julien au grégorien et que la date sauta soudain d’un trimestre, le peuple fit une émeute aux cris mille fois répétés de : « Rendez-nous nos trois mois. » Ce fut une belle et imposante manifestation prolétarienne. Les mauvaises langues supposent d’ailleurs, qu’y prirent part diverses grandes dames de l’aristocratie dont ce vieillissement imposé de 3 mois chiffonnait la coquetterie. La preuve… j’en pourrais donner mille autres ; mais je veux me borner à signaler les principales défectuosités du calendrier actuel, avec l’espoir que ces défectuosités sont suffisamment peu importantes pour que leur redressement ne risque pas de heurter, et de hérisser, de mettre en défense trop d’intérêts et d’habitudes.
Tous les ennuis de l’almanach, toutes les complications, les irrégularités des multiples calendriers usités, périmés ou proposés proviennent d’une part de ce qu’il n’y a pas de commune mesure entre le jour, le mois lunaire et l’année, ou, pour parler plus simplement : 1o de ce qu’il n’y a pas un nombre rond et entier de jours entre deux retours consécutifs d’une même saison ; 2o de ce qu’il n’y a pas un nombre rond et entier de jours entre deux retours consécutifs d’une même phase de la lune ; et 3o de ce qu’il n’y a pas un nombre entier et rond de retours consécutifs d’une même phase lunaire dans l’année. L’année tropique, qui est l’unité principale imposée par la nature à notre subdivision de la mesure du temps, contient en effet un nombre, fractionnaire de jours égal à 365 jours, 24 219 879.
Le temps qui s’écoule entre le retour de deux pleines lunes ou de deux nouvelles lunes (et qui est évidemment l’origine du mois) est égal à 29 jours 12° 44′ 2,8″, et ce nombre n’est pas contenu un nombre entier de fois dans l’année.
Pour ne parler que des principaux calendriers encore en usage parmi les peuples dits civilisés, c’est tantôt le mois, tantôt l’année qui a la prépondérance, et il en résulte des systèmes différents. Dans le calendrier juif et dans le calendrier musulman, c’est le mois, la lunaison qui est la chose importante, et cela s’explique, car dans les pays d’Orient, d’où ces systèmes sont originaires, les saisons sont peu marquées, tandis que les nuits généralement claires et la vie nomade y donnent toute leur importance aux phases lunaires. Le calendrier musulman ne se soucie nullement des saisons ; l’année s’y compose de 12 mois de 29 ou 30 jours, et n’a que tantôt 354, tantôt 355 jours. Le commencement de l’année musulmane retarde donc chaque année d’une dizaine de jours, et son nouvel an y parcourt tout le cycle de la nôtre. L’année musulmane est plus courte que la nôtre, et un musulman qui avoue 36 ans a en réalité 35 de nos années. C’est ce qui fait que nous sommes en l’an 1337 de l’hégire, bien que celui-ci date de l’an 622 après Jésus-Christ et que, par conséquent, il ne se soit écoulé depuis l’hégire que 1 297 ans. Voilà des choses fort curieuses et fort peu connues, parce qu’on ne réfléchit pas assez à tout cela.
Dans le calendrier juif, au contraire, on donne de temps en temps un coup de pouce qui fait que l’année juive, en moyenne, est égale à la nôtre : il consiste à intercaler de temps en temps entre les années habituelles de 12 mois lunaires, une année comptant en plus un 13e mois lunaire.
Le calendrier copte étant mis à part (et il n’est point besoin d’en parler ici car il n’intéresse qu’un très petit nombre de sectateurs), toute la chrétienté emploie au contraire deux calendriers où c’est l’année qui est l’unité essentielle et le mois qui est l’unité secondaire : ce sont les calendriers julien et grégorien.
Ces deux calendriers ne diffèrent entre eux que parce que, dans le premier (employé par les orthodoxes), on ne supprime pas tous les quatre siècles les 3 années bissextiles dont Grégoire XIII a ordonné la suppression pour rétablir une concordance plus exacte avec la durée moyenne vraie de l’année. Il en résulte un retard du calendrier julien (dont l’année est en moyenne trop longue), retard actuellement égal à 13 jours et qui fait que le 1er janvier 1919 coïncide pour les orthodoxes avec notre 14 janvier 1919. Il convint, d’ailleurs, de remarquer que le jour où paraît cet article étant un mercredi (15 janvier 1919), c’est également un mercredi pour les orthodoxes, bien que pour eux ce jour soit le 2 janvier. C’est que le pape Grégoire XIII, lorsqu’il fit sa réforme, n’est pas intervenu dans la continuité de la semaine.
Pour mémoire, je rappelle que l’institution par César du calendrier julien, sur les suggestions de l’astronome Sosigène, avait pour base une durée de l’année considérée comme égale à 365 jours un quart exactement. Pour tenir compte de ce quart de jour, César tous les 4 ans, substituait à l’année ordinaire de 365 jours une année bissextile de 366 jours.
Or, il résulte du chiffre que nous avons donné ci-dessus que la durée vraie de l’année est légèrement inférieure à 365 jours un quart : il s’en faut de onze minutes et quelques secondes. C’est pour tenir compte de cette petite différence que fut instituée le calendrier grégorien. Cette petite différence est telle qu’elle arrive à faire un jour entier au bout de 128 ans, c’est-à-dire un peu plus de 3 jours en 400 ans. L’année julienne moyenne était donc un peu trop longue. C’est pour la rectifier que dans le calendrier institué par Grégoire XIII, et qui est le nôtre, on supprime tous les quatre siècles (dans les années séculaires dont les deux premiers jours sont divisibles par 4) une année bissextile.
Quoi qu’il en soit, les inconvénients suivants, sur lesquels il convient maintenant d’attirer l’attention, sont communs au calendrier julien et au grégorien et c’est pourquoi toute réforme qui y pallierait conviendrait également à l’un et à l’autre :
Le premier inconvénient de ces calendriers, — et il est plutôt extrinsèque, — est qu’ils ne sont pas universels. Je consacrerai une étude spéciale à l’examen des graves inconvénients qu’ont, au point de vue international, au point de vue des correspondances, des échanges commerciaux et financiers, la divergence et la multiplicité des calendriers actuellement employés dans le monde. Il est clair d’ailleurs que le meilleur moyen de conduire tous les États à se rallier à un seul calendrier serait que celui-ci lui nettement supérieur à ceux auxquels ils doivent renoncer, et c’est pourquoi l’examen des inconvénients intrinsèques des calendriers grégorien et julien est d’abord nécessaire.
Parmi ces inconvénients, l’un des plus sérieux est la variabilité de la date de Pâques et des fêtes mobiles. Pâques, suivant les années, peut tomber entre le 22 mars et le 25 avril, soit donc sur 35 jours différents. Cela résulte de la façon archaïque et compliquée dont Pâques est calculé d’après le comput ecclésiastique. Ce problème touche à des prérogatives ecclésiastiques, à des traditions religieuses infiniment respectables.
À un congrès qui s’est tenu à Liège, au sujet de la réforme du calendrier, quelques semaines avant la guerre, et dont le compte rendu n’a pas jusqu’ici été publié, un échange de vues a eu lieu à ce propos, et il résulte des déclarations faites alors par les personnalités les plus qualifiées, que ni dans les hautes sphères ecclésiastiques catholiques, ni dans les protestantes, on ne voit de raison irréductible qui empêche de changer Pâques en une fête à date fixe. Ainsi disparaîtraient les très graves et nombreux inconvénients que présente pour les affaires, pour les voyages et le tourisme, pour l’enseignement et l’agriculture, la mobilité actuelle de la date de Pâques. Il a en particulier été démontré qu’en certains pays le commerce perd des millions de francs lorsque Pâques tombe en mars. Mais il est évident qu’une pareille question ne pourrait être résolue qu’en accord avec la Papauté.
Autres inconvénients encore : les divisions de l’année (mois, trimestres, semestres) sont de longueurs trop inégales, ce qui est une cause continuelle d’embarras, d’incertitudes, de pertes de temps et d’argent, d’erreurs et d’injustices dans les calculs de salaires, d’intérêts, d’assurances et pensions, de loyers et rentes, de comptes courants. Le premier semestre contient 2 ou 3 jours de moins que le second ; certains mois ont 3 jours de plus que d’autres ; le nombre des jours des trimestres est respectivement de 90, 91, 92 et 92. Un simple fait suffit à montrer pourquoi rien qu’au point de vue bancaire, une réforme chronologique est indispensable : dans la plupart des pays d’Europe, la longueur inégale des mois a amené les établissements financiers à calculer pour les comptes courants et de dépôts l’année sur 12 mois de 30 jours, c’est-à-dire pour 360 jours, alors que pour l’escompte des traites, l’année se compte encore sur son nombre exact de jours. D’ailleurs, le fait que les mois, trimestres et semestres ne comportent pas un nombre exact de semaines cause une foule d’ennuis dans toutes les branches des affaires et la comptabilité, ennuis qui ne sont ignorés d’aucun commerçant.
Autres inconvénients encore : d’une année à l’autre, les quantièmes des mêmes mois ne tombent pas sur les mêmes jours ; les événements périodiques publics ou privés, les anniversaires, les échéances, les foires et marchés, les assemblées diverses, etc., ne tombent jamais sur le même jour de la semaine s’ils sont déterminés par une date et réciproquement. Les premiers, 15 et 30 des mois sont souvent des dimanches, ce qui a des inconvénients bien connus des hommes d’affaires. Les fêtes fixes tombent souvent mal, coïncidant avec des dimanches ou au contraire avec le milieu de la semaine, etc., etc. C’est à cause de tous ces inconvénients que, depuis longtemps, les hommes de science et surtout les hommes d’affaires se sont préoccupés de la réforme, jugée indispensable, de ces calendriers mal équarris et qui coûtent des sommes énormes et causent mille ennuis à tout le monde.
Tout un mouvement s’est manifesté dans ce sens, et, à titre d’exemple, je me bornerai à citer les conclusions et vœux suivants adoptés après des discussions approfondies et sérieuses : En juin 1910, le 4e Congrès international des Chambres de commerce et des associations commerciales et industrielles réunies à Londres, et où 25 gouvernements étaient représentés officiellement ainsi que plus de 200 Chambres et associations de commerce du monde entier a émis à l’unanimité le vœu de soumettre à une conférence diplomatique internationale le problème de la réforme du calendrier, en vue de lui donner une solution internationale et universelle. Ce vœu a été confirmé par le 5e Congrès international des Chambres de commerce à Boston en 1912, puis, pour la troisième fois, par le 6e Congrès international des Chambres de commerce, tenu à Paris en 1914, peu avant la guerre.
D’autre part, le 17 mai 1913, l’Association internationale des Académies, siégeant à Saint-Pétersbourg (c’est ainsi qu’on disait alors) a décidé la création d’une commission internationale du calendrier chargée d’étudier les questions relatives à l’unification et à la simplification des calendriers et à la fixité de la fête de Pâques, après s’être mise en relations, si elle le juge utile, avec les autorités ecclésiastiques intéressées.
Peu après, dans son assemblée générale du 18 juin 1913 à Bruxelles, le Congrès mondial des Associations internationales qui représente une force énorme, a ratifié le vœu suivant, adopté la veille en séance de section : « Le Congrès mondial des associations internationales émet le vœu de voir les gouvernements et les associations internationales s’attacher à l’étude des réformes à introduire éventuellement dans les calendriers aujourd’hui en usage, afin d’employer dans tous les pays une méthode uniforme pour compter le temps et pour fixer l’époque de la célébration de certaines fêtes communes à plusieurs religions. »
Enfin, et à la veille même de la guerre, se réunissait à Liège le Premier Congrès international pour la réforme du calendrier qui réunissait des astronomes et spécialistes éminents de divers pays en même temps que des industriels et des commerçants et de hautes personnalités ecclésiastiques, catholiques, protestantes et anglicanes.
Les travaux de cet intéressant Congrès sont restés jusqu’ici inédits. Tels quels, ils constituent une mise au point excellente de la question dont les divers aspects ont été soigneusement débattus par des hommes hautement qualifiés. Ce congrès ne s’est d’ailleurs pas borné à émettre des vœux d’ordre général ; il est entré dans les détails des questions, en suggérant des solutions concrètes et étudiées et en ne laissant dans le vague que certains points (d’ailleurs assez importants) qui pourraient être réglés rapidement par (les plénipotentiaires assistés de spécialistes choisis.
En l’état, les travaux du Congrès de Liège me paraissent fournir une base excellente permettant au Congrès de la Paix d’aborder de plain-pied, s’il le veut, cette importante question pour laquelle on ne retrouvera pas, de longtemps, des circonstances aussi favorables que celles d’aujourd’hui.
Je considère donc comme un devoir impérieux de faire connaître ici les vœux non encore publiés du Congrès de Liège ; à leur propos et en même temps j’examinerai ou plutôt j’exposerai les meilleurs projets de réformes proposées et entre lesquels, à la lumière des discussions de Liège, il serait facile au Congrès de la Paix de faire en toute connaissance de cause un choix rapide et définitif, si, des hauteurs de la politique, il daigne abaisser ses diplomatiques regards sur cette chétive et pourtant si importante question.
Il ne me restera plus ensuite qu’à montrer comment, devançant les décisions que je souhaite, déjà les événements de guerre de ces derniers mois ont déclenché des solutions nouvelles du problème international du calendrier non seulement en Turquie, en Bulgarie, en Serbie, comme naguère au Japon, en Chine, mais aussi dans la chaotique Russie des Soviets. Tant il est vrai qu’il est des forces qu’on ne déchaîne pas seulement par circulaire ministérielle et qu’il est des problèmes qui, bon gré mal gré, s’imposent aux diplomates. Mais n’anticipons pas et indiquons d’abord, et avant de les commenter les décisions et vœux du premier Congrès international pour la réforme du calendrier.
Voici ces vœux :
« Le Congrès international pour la réforme du calendrier réuni à Liège les 27, 28, 29 mai 1914, considérant la multiplicité des calendriers actuellement en usage et les nécessités de la vie moderne, émet le vœu qu’un calendrier nouveau universel soit adopté par les pouvoirs civils et les autorités religieuses.
« Le Congrès émet le vœu que le nouveau calendrier soit perpétuel, assurant une concordance invariable entre les jours et les dates de l’année.
« Le Congrès, après avoir pris connaissance des avis et des documents qui lui ont été communiqués, constate qu’il n’y a pas d’obstacle absolu au point de vue religieux à la mise hors date d’un jour, les années ordinaires, et de 2 jours, les années bissextiles.
« Le Congrès émet le vœu que l’année soit composée de 364 jours datés (formant 52 semaines entières, plus 1 jour complémentaire les années communes et 2 jours complémentaires les années bissextiles). « Le Congrès émet le vœu que la division de l’année en 12 mois soit conservée.
« Le Congrès émet le vœu que la fête de Pâques soit fixée à l’un des premiers dimanches d’avril. »
Enfin le Congrès avait décidé d’insister auprès du Conseil fédéral suisse, en lui soumettant les résolutions ci-dessus, afin qu’une prompte suite soit donnée à son intention de convoquer une conférence diplomatique pour l’étude de la question même au cas où toutes les Puissances ne pourraient s’y faire représenter. Cette réforme chronologique dont le gouvernement suisse avait alors songé à prendre l’initiative et que la guerre a fait tomber en quenouille, nous verrons comment le Congrès de la paix peut et doit s’en emparer, si parmi tous ses vastes projets de réformes, il veut qu’il en subsiste un qui soit vraiment utile, facile à réaliser, et nécessairement durable.