Rig Véda ou Livre des hymnes/Section 2/Lecture 3

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Traduction par Alexandre Langlois.
Bibliothèque Internationale Universelle (p. 141-151).

LECTURE TROISIÈME.

HYMNE I.

Aux Aswins, par Dîrghatamas.

(Mètres : Trichtoubh et Anouchtoubh.)

1. (Dieux) protecteurs et terribles[1], sages, puissants et généreux, venez à nous, et comblez-nous de vos dons. Secourez-nous, si vous aimez le fils d’Outchathiya[2], si vous voulez qu’on n’accuse pas votre puissance.

2. Eh ! qui voudrait vous prier, (dieux) protecteurs, si vous receviez, dans l’enceinte du sacrifice, nos adorations (en les laissant stériles) ? Rendez nos prières fécondes, vous qui êtes capables de remplir nos vœux.

3. S’il est vrai que votre char a présenté au fils de Tougra[3], au milieu de la mer, un terrain solide, je puis venir vers votre appui protecteur, comme un prince (vient) vers sa forteresse, dont les chemins lui sont ouverts.

4. Que l’hymne du fils d’Outchathya fasse son salut ! que je ne sois pas la pâture de ces deux êtres qui marchent toujours[4] ! que je n’aille pas me brûler au feu de ce foyer où sont jetées dix espèces d’offrandes[5], pendant que votre serviteur, les membres enchaînés, mange la terre[6] !

5. Que les Eaux, les meilleures des mères, ne viennent pas me submerger, pendant que (mes) serviteurs m’ont ainsi placé sur la terre, tout garrotté (par l’âge) ! Trêtana[7], pour me servir, a raffermi ma tête, mais frappé ma poitrine d’un de ses rayons.

6. Le vieux Dîrghatamas, entouré des siens dans la dixième dizaine de son âge[8], est encore votre prêtre ; il monte avec vous sur le char du sacrifice, et verse pour vous les libations.


HYMNE II.

Au Ciel et à la Terre, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Ciel et Terre, (dieux) grands et sages, que le sacrifice amplifie, je vous loue dans nos cérémonies, vous qui, distingués par vos œuvres, accordez vos brillantes faveurs aux dévas (terrestres), dont vous êtes les enfants[9].

2. Par ces offrandes, j’honore la bienfaisance d’un père et la force incomparable d’une mère. Ces deux aïeuls, fiers de leur heureuse fécondité, font et maintiennent l’immortalité de leur nombreuse progéniture.

3. Ces Dévas, renommés par leurs œuvres et chargés de libations[10], ont produit pour la prière du matin les deux grandes mères (d’Agni). Et vous, fidèles à votre devoir de soutenir tous les êtres, animés et inanimés, vous gardez la demeure de leur incomparable enfant.

4. Ces Dévas sages et intelligents ont formé les deux sœurs jumelles, sorties d’un même sein[11] et demeurant ensemble. Ce sont eux qui, habiles et éclairés, ont mesuré, dans l’espace céleste, cette étendue sans cesse nouvelle.

5. Au moment où naît Savitri, nous demandons aujourd’hui les présents d’élite que dispense ce dieu. Et vous, Ciel et Terre, soyez bienveillants pour nous et accordez-nous la richesse et des centaines de vaches.


HYMNE III.

Au Ciel et à la Terre, par Dîrghatamas.

(Mètre : Djagatî.)

1. Entre le Ciel et la Terre, auteurs de toute félicité, trésors de bonté, habiles à soutenir les mondes, (êtres) intelligents et bien nés, marche le brillant Soleil, dieu chargé de conserver deux autres dieux.

2. Grands, larges et distincts, le père et la mère gardent les mondes (intermédiaires). Le Ciel et la Terre se font distinguer par leurs beautés, au moment où leur père apparaît, donnant des formes à tout.

3. Ce feu (céleste), enfant (du sacrifice), purifiant ces deux aïeuls, éclaire les mondes de ses puissants rayons ; et son lait brillant nourrit tous les jours la vache féconde et le taureau vigoureux[12].

4. Parmi les Dévas travailleurs, le plus laborieux c’est celui qui a enfanté le Ciel et la Terre, auteurs de tous les biens ; celui qui, puissant en œuvres, a mesuré ces deux mondes ornés de brillantes couleurs, et les a fondés sur des colonnes impérissables.

5. Ciel et Terre, que nous avons chantés, accordez-nous des biens convenables à votre grandeur. Donnez-nous de vastes domaines, où puisse s’étendre notre peuple. Que nous obtenions de vous une puissance enviée !


HYMNE IV.

Aux Ribhous, par Dîrghatamas[13].

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. (Les Ribhous parlent.) « Ô toi, le meilleur et le plus jeune d’entre nous, que viens-tu nous annoncer ? qu’avons-nous dit ? Nous ne blâmons pas le vase des libations, que nous trouvons fort distingué, ô Agni[14] notre frère. Nous avons contesté la nature supérieure du vase. »

2. (Agni parle :) « De ce vase, qui est unique, faites-en quatre. Voilà ce qu’ont dit les Dévas ; voilà pour quel motif je viens vers vous. Enfants de Soudhanwan, si vous agissez ainsi, vous serez dignes de partager avec les Dévas les honneurs du sacrifice. »

3. Ô (Ribhous), vous avez répondu favorablement à l’ambassade d’Agni, (et il a ajouté :) « Il vous faut construire le char rapide[15] (du sacrifice). Et en même temps, frères, formez une vache[16] ; rendez à la jeunesse ces deux vieillards[17]. Eh bien ! allons ! »

4. Ô Ribhous, quand vous eûtes exécuté cet ordre, vous avez demandé : « Où est aujourd’hui l’envoyé qui nous est venu trouver ? » Cependant Twachtri, en voyant les quatre vases qui avaient été faits, se montra au milieu des femmes (chargées des apprêts du sacrifice).

5. « Mort, » s’écriait Twachtri, « mort à ceux qui ont blâmé le vase qui sert aux libations des Dévas ! Ils inventent des invocations nouvelles ; il faut, pour ces invocations, que la mère de famille leur fournisse de nouvelles libations. »

6. Cependant Indra a reçu de vous deux chevaux, les Aswins un char, Vrihaspati des vaches de toute forme[18]. Ribhou, Vibhwan et Vâdja, vous êtes venus vous joindre aux Dévas dont les œuvres sont excellentes, et vous avez réclamé une part dans le sacrifice.

7. De la peau (d’une vache morte) vous en avez fait une vivante. Par vos opérations, vous avez rendu ces deux vieillards à la jeunesse. Fils de Soudhanwan, d’un cheval vous avez tiré un autre cheval, et, les attelant à votre char, vous êtes venus vers les Dévas.

8. (Ô Dévas !) vous leur avez dit : « Buvez de ces libations ; buvez de cette boisson purifiée avec le moundja[19]. Fils de Soudhanwan, si vous le voulez, vous pouvez encore vous enivrer des liqueurs offertes dans le troisième sacrifice[20]. »

9. « Les libations sont abondantes, » dit un (des assistants). « Le feu est ardent, » dit un autre. Plusieurs autres s’occupent de la vache (du sacrifice), ou, avec les formules d’usage, remplissent les coupes.

10. Celui-ci apporte le riz, l’eau, (les boissons faites du lait de) la vache ; celui-là dispose les chairs qui sortent de la cuisine. Un autre emporte les ordures. Enfin, assistés de leurs enfants, le père et la mère de famille prennent leur place.

11. Ô généreux Ribhous, c’est à vos bons offices que nous devons la verdure dans les lieux élevés, les eaux dans les lieux inférieurs. Tant que vous dormez au sein de ce (dieu), qui ne peut rester caché[21], vous demeurez inconnus au monde.

12. Mais quand, mêlés (au soleil), vous parcourez les airs, alors les vénérables pères et mères de famille[22] vous honorent partout. Malheur à celui qui arrête votre bras[23] ! Gloire à celui qui vous chante !

13. Fortunés Ribhous, vous avez fait cette question : « (Ô dieu), qui ne peux rester caché, quel est donc celui qui a éveillé ce monde, et nous (a donné le signal ? » (Le dieu) vous a dit que c’était le chien[24] qui rompt le silence de la nuit. Et, dans l’astre qui parcourt l’espace, vous avez éclairé le monde.

14. Les Marouts vont dans le ciel, Agni sur la terre, le vent dans l’air, Varouna dans les eaux et les mers, vous désirant partout, vous enfants de la Force[25].


HYMNE V.

Sacrifice du cheval, par Dîrghatamas.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. Que Mitra, Varouna, Âryaman[26], Vâyou[27], Indra, Ribhoukchas[28] et les Marouts, ne réclament rien de nous, pendant que nous allons chanter dans le sacrifice les vertus du rapide cheval, né des Dévas[29].

2. Quand on amène la victime prisonnière, ce beau (cheval), magnifiquement orné, qu’on frappe avant lui un bouc de couleurs diverses[30] ! C’est là une offrande aimée d’Indra et de Poûchan.

3. Ce bouc est conduit devant le rapide cheval, destiné à Poûchan et aux Viswadévas. C’est aussi pour Twachtri, une offrande agréable et précieuse à lui présenter avec le coursier.

4. Quand donc les enfants de Manou mènent trois fois autour (du foyer) ce cheval, qui, dans le moment propice, doit être immolé aux dieux, alors ce bouc, leur annonçant le sacrifice, marche le premier consacré à Poûchan.

5. Que le prêtre sacrificateur, habile dans la science (divine), la coupe à la main et l’hymne à la bouche, s’approche d’Agni, qui l’éclaire de ses rayons. Par l’appareil d’un brillant sacrifice et par le choix de nos offrandes, sachons plaire (aux dieux).

6. Vous qui coupez les poteaux ou qui les portez, vous qui attachez au poteau l’anneau du cheval, ou qui apportez sa nourriture, venez, nous avons besoin de vos soins.

7. Tels sont mes vœux : que ce (coursier), à la croupe flexible[31], vienne heureusement combler les espérances des dieux ! que les sages Richis l’accueillent avec joie ; pour le bonheur des Dévas, qu’il devienne leur ami[32] !

8. Quand on attache d’une courroie et ton pied et ta tête, ou quand on te met dans la bouche de l’herbe à manger, ô coursier, que tout cela soit d’un favorable augure parmi les Dévas !

9. Quand la mouche s’attache à tes chairs, ou quand le bois, la hache, les bras du victimaire et ses ongles sont humectés, ô coursier, que tout cela soit d’un favorable augure parmi les Dévas !

10. Quand l’oûvadhya, qui est l’odeur de la viande crue, sort du ventre de la (victime), que les ministres du sacrifice achèvent leur œuvre, qu’ils fassent cuire les chairs, et accomplissent le vritapâca[33] !

11. Ô victime, quand de ton ventre cuit au feu d’Agni, la broche vient à sortir, que rien ne tombe à terre, ni sur le gazon. Que tout soit donné aux Dévas qui l’attendent.

12. Si ceux qui voient le cheval cuit, disent : « Il sent bon, coupez-en un morceau ! » accueillez la demande de quiconque voudra de cette chair.

13. Cependant on a apporté les vases destinés à recevoir les chairs ou les sauces qui les arrosent, les marmites, les chaudrons, les plats, les instruments de cuisine, et on les place autour du cheval.

14. La manière dont tu marches, dont tu te couches, dont ton pied est attaché, ton port, la façon dont tu bois, dont tu manges, ô coursier, que tout cela soit d’un favorable augure parmi les Dévas !

15. Que le feu ne vienne pas, en frémissant, t’apporter une odeur de fumée ; que le vase (qui te reçoit) ne sente rien. Les Dévas agréent l’offrande du cheval quand elle est pure, parfaite, et accompagnée d’invocations.

16. Quand on étend sur le cheval une couverture toute d’or, quand on lui attache et la tête et le pied, ce sont là autant de choses qui doivent être de bon augure parmi les Dévas.

17. Quand dans ton écurie, tu hennis fortement, et qu’on te frappe avec le pied ou avec le fouet, ô coursier, je détruis toutes ces choses avec la prière, comme dans les sacrifices on épuise les libations avec la cuiller.

18. La hache tranche les trente-quatre côtes du rapide cheval, ami des Dévas. Laissez entières les autres parties, ô victimaire, que chaque membre soit convenablement paré !

19. Un seul homme doit frapper le brillant[34] cheval, deux autres doivent le retenir : telle est la règle. Les membres[35] que, suivant l’usage, je dois offrir en sacrifice, je les mets sur le plat des Pindas[36], et je les jette au foyer d’Agni.

20. (Ô coursier), quand tu vas (vers les dieux), ne te chagrine pas de ton sort. Que la hache ne s’appesantisse pas longtemps sur ton corps. Qu’un barbare et indigne victimaire n’aille pas, par ignorance, taillader tes membres avec le fer.

21. Ce n’est pas ainsi que tu dois mourir : la souffrance n’est pas faite pour toi. C’est par des voies heureuses que tu vas vers les dieux. Pour te porter, tu as les deux coursiers (d’Indra), les deux biches (des Marouts), et le char léger (des Aswins) traîné par un âne.

22. Que le cheval (sacrifié) nous procure de nombreuses vaches, de bons coursiers, des guerriers, des enfants, une abondante opulence. Toi qui es pur et sain, rends-nous (purs et sains) ; que le cheval, honoré par l’holocauste, nous donne la puissance.


HYMNE VI.

Au cheval du sacrifice[37], par Dîrghatamas.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. À peine es-tu né, que tu fais entendre ta voix en sortant de la mer[38] (des libations), ou plutôt de la corruption (corporelle). Tes bras[39], (dieu) brillant, ressemblent aux ailes de l’épervier. Ô cheval, ta naissance est grande, et digne de nos louanges.

2. Yama[40] l’a remis à Trita[41], et celui-ci lui a donné un char. Sur ce char, Indra a monté le premier. Gandharva[42] a pris les rênes qu’il emprunte au Soleil. Les Vasous ont orné le cheval.

3. Ô cheval, tu es Yama, tu es Aditya, tu es Trita, par suite d’un mystérieux accord. À des moments marqués tu te trouves arrosé de soma : car on te reconnaît dans le ciel trois stations.

4. Oui, on te reconnaît trois stations dans le ciel, comme aussi tu en as trois dans les ondes (célestes), et trois dans l’océan de l’air[43]. Mais j’aime surtout, ô cheval, à te voir, ainsi que Varouna, revenir dans le lieu où tu nais[44].

5. Ô cheval, ce sont là tes relais ; c’est là que sont les impressions de tes pieds, ô bienfaiteur (du monde) ! C’est là que j’ai vu tes rênes[45] fortunées, que vénèrent les gardiens du feu sacré.

6. Je t’ai reconnu de loin : c’était bien toi-même volant vers nous du haut du ciel. J’ai vu une tête (divine) s’avancer rapidement par des routes faciles où la poussière est inconnue.

7. J’ai vu ici ta forme merveilleuse ; elle paraissait animée du désir de recueillir nos offrandes dans cette enceinte sanctifiée. Quand un mortel prépare pour toi les mets (du sacrifice), tu viens, (comme le coursier) affamé à l’herbe (qu’on lui présente).

8. Ô coursier (divin), après toi (arrivent) les mortels, et leurs chars, et leurs vaches, et le bonheur (que donnent) les jeunes filles. Tous les êtres recherchent ta faveur ; les dieux voudraient égaler ta force.

9. Sa crinière est d’or ; ses pieds, rapides comme la pensée. Indra (lui-même) est descendu, et les dieux sont réunis pour consommer l’holocauste de celui qui le premier a monté ce cheval[46].

10. Des coursiers[47] héroïques, divins, aux membres élancés, au ventre ramassé, tels que des cygnes qui volent en troupe, s’élancent à travers les routes de l’air.

11. Ô coursier, ton corps marche, mais ta pensée est rapide comme le vent. Les poils de ta crinière[48] s’étendent partout, et se jouent dans les branches de la forêt.

12. Le cheval est arrivé au lieu du sacrifice, l’air pensif, et l’âme soumise aux dieux. Devant lui est mené le bouc enchaîné à ses destins. Arrivent aussi les sages et les chantres.

13. Le cheval occupe la place principale, en face du père et de la mère (du sacrifice). Comblé d’honneurs, qu’il aille vers les dieux. Que son serviteur reçoive les biens les plus précieux.


HYMNE VII.

Aux Viswadévas, par Dîrghatamas.

(Mètres : Djagatî, Pankti et Anouchtoubh.)

1. Le (dieu) ici présent, notre fortuné patron, notre sacrificateur, a un frère[49] qui s’étend au milieu (de l’air). Il existe un troisième frère[50] que nous arrosons de nos libations de beurre. C’est lui que j’ai vu maître des hommes, et armé de sept rayons.

2. Sept[51] rênes servent à diriger un char qui n’a qu’une roue, et que traîne un seul cheval qui brille de sept rayons. La roue a trois moyeux[52], roue immortelle, infatigable, d’où dépendent tous ces mondes.

3. (Ou bien) ce char, qui a sept roues, est traîné par sept chevaux, et monté par sept personnages[53]. Sept sœurs[54] sont rassemblées (sur ce char), où sont placées aussi sept espèces de vaches (fécondes)[55].

4. Qui a vu, à sa naissance, (cet être) prendre un corps pour en donner à ce qui n’en a pas ? Où était l’esprit, le sang, l’âme de la terre ? Qui s’est approché de (ce dieu) sage, pour lui faire cette question ?

5. Faible, ignorant, je veux sonder ces mystères divins. Pour s’élever jusqu’à la connaissance de ce tendre nourrisson (qui enfantera l’année), les poëtes ont développé déjà les sept trames (de leurs chants)[56].

6. Ignorant et inhabile, pour arriver à la science j’interroge ici les poëtes savants. Quel est donc cet (être) incomparable qui, sous la forme de (l’astre) immortel, a fondé ces six mondes lumineux ?

7. Qu’il le dise, l’homme instruit dans le mystère du (dieu) fortuné qui traverse les airs ! Les vaches (célestes)[57] prennent le lait de celui dont la tête est si noble ; elles couvrent sa face, et avec leur pied elles tirent leur breuvage.

8. Au moment du sacrifice, la mère a d’abord, (avertie) par la prière, accueilli le père. Celui-ci, (conduit aussi par la prière), s’est uni à elle. Et la mère, dans l’orifice qu’elle porte, reçoit le germe du fruit qu’elle désire[58]. Cependant (les prêtres) poursuivent leurs adorations et leurs hymnes.

9. La mère a enfanté, et son fruit grandit au milieu des flots de la libation. Le (nourrisson, tel qu’un jeune) veau, a mugi après la vache[59] (du sacrifice). Dans les trois états[60] où il apparaît, il revêt diverses formes.

10. Toujours unique, quoique ayant trois mères et trois pères[61], il s’élève. Cependant (les prêtres) ne restent pas inactifs, et chargent le (dieu) resplendissant de leurs prières, qui sont riches en savoir, mais qui ne peuvent arriver partout[62].

11. La roue d’Agni, pourvue de douze rayons, tourne dans le ciel sans jamais s’arrêter. Ô Agni, sept cent vingt jumeaux[63] trouvent une place (sur le char).

12. On donne le nom de Pourichin[64] à leur père, quand il se trouve dans la partie méridionale du ciel ; et (ce père) y a cinq pieds[65] et douze formes[66]. Dans la partie septentrionale, il porte le nom Arpita[67], et sous une forme différente (il est porté sur son char), qui a sept roues[68] et six rayons[69].

13. La roue à cinq rayons[70] tourne donc avec tous les mondes. L’essieu, quoique chargé, n’est jamais fatigué ; le moyeu est parfaitement attaché, et doit durer sans connaître la vieillesse.

14. Garnie d’une jante immortelle, la roue tourne ; à l’extrémité du joug sont attelés dix porteurs[71]. L’œil du soleil s’avance, couvert de splendeur ; en lui s’élèvent tous les mondes.

15. Du dieu sont nés six couples de Richis. Une septième naissance leur a donné, dit-on, un frère unique[72]. Chacun a sa place distincte, d’où il dépense ses biens ; chacun a sa forme différemment brillante.

16. D’autres représentent comme de pieuses femmes ceux auxquels je donne un caractère masculin. L’homme qui a des yeux peut voir ce que ne comprendra pas l’aveugle. L’enfant qui est sage et qui pense sait bien faire cette distinction ; il est (dans ce cas) le père de son père[73].

17. La vache (du sacrifice) se lève, soutenant son nourrisson de son pied, qui tour à tour va de bas en haut, ou de haut en bas[74]. Agitée et remuante, tantôt elle sort en s’étendant d’une moitié, tantôt elle s’augmente et se gonfle intérieurement.

18. Celui qui connaît le père (du monde), avec ses (rayons) inférieurs, sait aussi connaître tout cet (univers) à l’aide des (rayons) supérieurs. Marchant sur les pas de nos poëtes, qui peut ici célébrer ce dieu ? D’où est née l’âme (du monde[75]) ?

19. Il est (des êtres), dit-on, qui viennent vers nous et s’en retournent, (des êtres) qui s’en retournent et qui reviennent. Indra, ô Soma, les (mondes) éthérés portent vos œuvres comme (un char) son fardeau.

20. Deux esprits jumeaux[76] et amis hantent le même arbre[77] ; l’un d’eux s’abstient de goûter (le fruit de cet arbre appelé) pippala, l’autre le trouve doux et le cueille.

21. Le seigneur[78], maître de l’univers et rempli de sagesse, est entré en moi, faible et ignorant, dans ce lieu où les esprits[79] obtiennent, avec la science, la jouissance paisible de ce fruit, doux comme l’ambroisie.

22. On appelle donc pippala le doux fruit de cet arbre sur lequel viennent les esprits qui en aiment la bonté, et où les (dieux) produisent toutes leurs merveilles. Ceci est un mystère pour celui qui ne connaît pas le père (du monde).

23. Que les (poëtes) observent et connaissent bien le sujet mystérieux et immortel qu’ils doivent traiter, soit dans leurs Gâyatrîs et leurs Trichtoubhs, soit dans leurs Djagatîs[80].

24. Avec la Gâyatrî se compose l’Arca[81] ; avec l’Arca, le Sâman[82] ; avec le Trichtoubh, le Vâca[83] ; avec le Vâca, l’(Anou) Vâca[84]. Les sept mesures poétiques se composent de l’Akchara, qui forme deux ou quatre Pâdas[85].

25. Avec la Djagatî, (le poëte) a consolidé l’océan céleste ; avec le Rathantara[86], il a suivi le soleil dans sa révolution. La Gâyatrî a, dit-on, les trois foyers[87] ; de là vient qu’elle l’emporte en force et en grandeur.

26. J’invoque donc cette vache féconde. Qu’elle donne son lait à celui qui doit le recueillir[88] ! Que Savitri obtienne la meilleure des libations ! que notre feu brille d’une nouvelle force ! que ma prière retentisse !

27. L’épouse des foyers (d’Agni), au milieu des prières, mugit après son nourrisson qu’elle recherche, et s’approche de lui[89]. Que cette vache donne son lait pour les Aswins ; qu’elle croisse pour notre plus grand bonheur !

28. La vache, en mugissant, vient vers son nourrisson, dont l’œil est à peine ouvert, et lui lèche la tête[90]. Elle étend sur lui sa langue chaude ; son mugissement se prolonge pendant qu’elle lui prodigue son lait.

29. Cependant le nourrisson fait aussi entendre sa voix ; il se couche sur sa nourrice, qui mugit toujours, étendue qu’elle est sur le pâturage. Et c’est ainsi que, par ses œuvres, (la vache du sacrifice) parvient à former (le dieu) mortel : elle se fait lumière, et lui donne un corps.

30. L’être actif reposait donc ; il revient à la vie, et s’établit au sein de nos demeures. Il était mort ; la vie lui est donnée par les libations. L’(être) immortel était dans le berceau de l’(être) mortel.

31. J’ai vu le gardien (du monde), suivant ses voies diverses, à son lever, dans sa station inaccessible, et à son coucher. Tantôt s’unissant aux rayons lumineux, tantôt les quittant, il va et revient dans les mondes intermédiaires.

32. L’homme agit, et, sans le savoir, n’agit que par ce (maître) ; sans le voir, il ne voit que par lui. Enveloppé dans le sein de sa mère et sujet à plusieurs naissances, il est au pouvoir du mal[91].

33. Le Ciel est mon père, il m’a engendré. J’ai pour famille tout cet entourage céleste. Ma mère, c’est la grande Terre. La partie la plus haute de sa surface[92], c’est sa matrice ; c’est là que le père féconde le sein de celle qui est son épouse et sa fille[93].

34. Je te demande où est le commencement de la terre, où est le centre du monde ; je te demande ce que c’est que la semence du coursier fécond ; je te demande quel est le premier patron de la parole (sainte).

35. Cette enceinte sacrée est le commencement de la terre ; ce sacrifice est le centre du monde. Ce soma est la semence du coursier fécond. Ce prêtre est le premier patron de la parole (sainte).

36. Déchirant le sein de leur mère, sept rejetons de Vichnou[94] se présentent, disposés à remplir le devoir qui leur est prescrit. Sages dans leurs pensées et dans leurs œuvres, ils nous entourent de tout côté.

37. Je ne sais à quoi ressemble ce monde. Je suis embarrassé, et vais comme enchaîné dans ma pensée. Quand le premier-né du sacrifice arrive vers moi, alors je prends ma part de la parole sainte.

38. Entraîné par le désir des offrandes, de l’orient il passe au midi. L’(être) immortel est dans le berceau de l’(être) mortel. Les deux (esprits) éternels vont et viennent partout : seulement les (hommes) connaissent l’un sans connaître l’autre.

39. Ces stances portent en tête un titre qui annonce qu’elles sont consacrées aux Viswadévas. Celui qui ne connaît pas l’être (que je chante), ne comprendra rien à mon hymne. Ceux qui le connaissent ne sont pas étrangers à cette réunion.

40. Ô (vache)[95] respectable, nourrie d’une herbe grasse, sois heureuse, et rends-nous heureux ! Goûte la douceur d’un bon pâturage, et, dans ta course, bois d’une onde pure.

41. La vache, en mugissant, attire les ondes (de la libation) ; elle se montre sur un pied, sur deux, sur quatre, sur huit, sur neuf. Elle peut avoir telle forme, qu’elle offrira jusqu’à mille mamelles[96].

42. Par elle coulent les ondes (célestes) ; par elle vivent les quatre régions du ciel ; par elle s’ouvrent d’intarissables sources ; par elle tout ce monde existe.

43. Mais je viens d’apercevoir une épaisse fumée, sortant de la partie inférieure du foyer. On a répandu sur le feu le brillant soma. C’étaient là les premiers devoirs à remplir.

44. Nos yeux distinguent trois (feux) à la belle chevelure. L’un, dans l’astre qui roule au ciel, échauffe (la terre) ; l’autre préside aux sacrifices. Du troisième nous ne voyons que la voie, et non la forme[97].

45. Les enfants de prêtres[98], qui sont instruits, connaissent les quatre sujets qu’embrasse la parole (sainte). Les hommes ne distinguent pas trois (de ces sujets mystérieux) mêlés à ce monde ténébreux[99]. Ils donnent au quatrième le nom de tourîya[100].

46. L’esprit divin qui circule au ciel, on l’appelle Indra, Mitra, Varouna, Agni. Les sages donnent à l’être unique plus d’un nom : c’est Agni, Yama, Mâtariswan.

47. Mais les chevaux ailés[101] l’emportent sur le char noir (de la nuit) et les vapeurs qui couvrent le ciel. Ils sortent de la demeure d’Agni, et la terre est aussitôt arrosée d’un beurre (abondant).

48. Qui dira ce que c’est que les douze rayons, la roue unique, les trois moyeux ? Sur cette espèce de char sont élevés à la fois trois cent soixante écuyers[102] qui sont en quelque sorte immobiles dans leur mobilité.

49. Ô Saraswatî, tu viens de nous ouvrir ton sein fortuné qui renferme tant de choses précieuses, qui contient tant de biens, de trésors, et de présents magnifiques,

50. Que les Dévas (mortels) ajoutent sacrifices sur sacrifices : tels sont leurs premiers devoirs. Par ces œuvres généreuses ils obtiennent le ciel, où sont les anciens Dévas, les Sâdhyas[103].

51. L’onde (céleste) descend égale à l’onde (de nos libations). Si les nuages réjouissent la terre, c’est que les feux (d’Agni) ont réjoui le ciel.

52. J’appelle à notre secours le divin et grand habitant de l’air, celui qui produit et les eaux et les plantes, l’illustre maître des ondes, qui dispense la pluie au moment convenable.


HYMNE VIII.

Aux Marouts, par Agastya.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Quel éclat ces Marouts qui parcourent, qui habitent ensemble (les espaces de l’air), répandent par tout (le monde) ! Que veulent-ils ? d’où viennent-ils, généreux et riches, chercher les offrandes ?

2. Quel est celui qui, par ses hommages, plaît à ces (divinités) ? qui, par son sacrifice, attire les Marouts ? Par quelle prière parviendrons-nous à retenir ces (dieux), qui, comme des éperviers, parcourent les airs ?

3. (Les Marouts parlent.) « Indra, maître des hommes pieux, d’où viens-tu, grand et unique ? Que veux-tu ? Toi qui es notre compagnon, tu peux nous répondre avec bonté. Ô dieu, traîné par des coursiers azurés, dis-nous ce que tu nous veux. »

4. (Indra parle.) « Les cérémonies, les prières, les hymnes, les libations, les offrandes, tout est à moi. Je porte la foudre. Des invocations, des chants se sont fait entendre. Mes chevaux m’amènent. Voilà ce que je veux ici. »

5. (Les Marouts parlent.) « Et nous, sur les puissants coursiers que voici, plaçant nos corps légers et brillants, nous joignons nos splendeurs aux tiennes. Et tu veux, Indra, t’approprier notre offrande ? »

6. (Indra parle.) « Et comment cette offrande serait-elle pour vous, ô Marouts, quand vous reconnaissez ma supériorité en réclamant mon secours pour la mort d’Ahi ? Je suis grand, fort et redoutable, et de mes traits, funestes à tous mes ennemis, j’ai tué Ahi. »

7. (Les Marouts parlent.) « Tu as beaucoup fait, (dieu) généreux, en venant nous seconder de la force héroïque. Mais, ô puissant Indra, nous pouvons aussi beaucoup, quand, nous autres Marouts, nous voulons prouver notre vaillance. »

8. (Indra parle.) « Marouts, j’ai tué Vritra, et je n’ai eu besoin que de ma colère et de ma force d’Indra. C’est moi qui, la foudre à la main, ai ouvert un chemin à ces ondes qui font le bonheur de Manou[104]. »

9. (Les Marouts parlent.) « Maghavan, nous n’attaquons pas ta gloire. Personne, ô dieu, quand on connaît tes exploits, ne peut se croire ton égal. Aucun être, présent ou passé, ne saurait te valoir. Tu es grand : fais ce que tu dois faire. »

10. (Indra parle.) « Ma force est assez grande pour que, seul, je puisse exécuter ce que je veux tenter. Je suis redoutable, ô Marouts ; je sais ce que j’ai à faire, moi Indra, maître de vous tous.

11. « Ô Marouts, l’éloge que vous avez fait de moi m’a flatté, et surtout votre attention à me laisser votre part du sacrifice. Indra est généreux, et fêté par de nombreux hommages. Soyez mes amis et développez vos corps (légers).

12. « Ainsi brillant à mes côtés, prenez dans les offrandes et dans les hymnes la part conforme à votre rang. Marouts, vos couleurs sont merveilleuses. Resplendissons ensemble, et couvrez-moi (de vos corps) comme vous l’avez fait jusqu’à présent. »

13. (Le poëte parle.) « Quel est celui qui vous chante en ce moment, ô Marouts ? Soyez-nous agréables, et venez vers des amis. D’un souffle propice favorisez nos vœux. Possesseurs de biens variés, daignez visiter notre sacrifice.

14. « Si la science d’un sage nous a, comme un artiste habile, façonnés au culte pompeux que nous vous rendons, ô Marouts, traitez avec bonté l’homme qui, par ses prières et ses chants, vous a honorés.

15. « Ô Marouts, cet éloge et cet hymne d’un respectable poëte s’adressent à vous. Il a voulu vous plaire. Venez avec l’abondance, en étendant vos réseaux. Que nous connaissions la prospérité, la force et l’heureuse vieillesse ! »



  1. Ces deux mots traduisent les mots Vasou et Roudra, que le poëte attribue ici aux Aswins, et qui appartiennent à deux classes particulières de dieux.
  2. Outchathya était le père de Dîrghatamas.
  3. Un roi, fils de Tougra, vaincu et pris par ses ennemis, fut lié et jeté dans la mer. Il invoqua les Aswins, qui le soulevèrent sur leur char. Voy. page 109, col. 2, note 3 ; page 113, col. 2, note 4.
  4. Je suppose que ces deux êtres sont le jour et la nuit, représentés peut-être par les Aswins.
  5. Tout ce passage est d’une grande obscurité. Il semble qu’il contient des allusions à la vie particulière de Dîrghatamas, fils d’Outchathya, alors centenaire. Accablé d’infirmités, il craint d’être brûlé par le feu du sacrifice, ou submergé par les libations. Ce feu, ces libations peuvent être l’image de la chaleur ou du froid, dont le vieillard redoute l’influence. Il est même possible que le mot dasali, signifiant à la fois dix offrandes et dixième dizaine, soit une allusion à son âge. Le commentaire, suivant son usage, fait une histoire de Dîrghatamas, où il est sauvé du feu et de l’eau. Je me suis vu réduit à deviner.
  6. J’ai conservé fidèlement cette expression, que le commentaire explique par l’impossibilité de marcher. Gantoumasaktah : celui qui ne peut marcher, est dit manger la terre.
  7. Je suppose que ce personnage est le dieu Agni : je rapproche le mot Trêtana de Trita, un des noms portés par cette divinité, qui guérit la tête de Dîrghatamas et attaque sa poitrine. Le mot que j’ai rendu par rayon, peut aussi signifier jus du soma.
  8. Littéralement, dans son dixième youga.
  9. Les dévas terrestres, c’est-à-dire les rites personnifiés, ou les prêtres, par le sacrifice, ont donné naissance à Agni et au soleil, qui ont eux-mêmes enfanté, c’est-à-dire révélé par la lumière, le ciel et la terre. Le commentaire comprend que les prêtres aiment le ciel et la terre comme on aime un enfant.
  10. La suite des idées est, dans cet hymne, difficile à saisir, surtout à cause de l’équivoque de certains mots. Par exemple le mot soûmou peut signifier fils et homme faisant des libations. En adoptant le premier sens, les dévas, qui, dans le premier distique, sont les pères du ciel et de la terre, en seraient ici les enfants.
  11. Les deux pièces de l’aranî sont de bois, quoiqu’elles ne soient pas d’une même essence. Le commentaire rapporte ces mots au ciel et à la terre. Au reste, je ne serais pas étonné qu’il existât quelque rapport mystique entre le ciel et la terre, et ces deux pièces de l’aranî, l’une supérieure, l’autre inférieure.
  12. En d’autres termes, la terre et le ciel vivifiés par les rayons du soleil.
  13. Les Ribhous sont des dieux qui représentent, dit-on, les rayons du soleil, et dont le culte est moins ancien que celui des autres divinités. Il semblerait qu’avant d’être reconnus comme dieux, ils furent hommes sur la terre. Leur légende, comme on peut le voir dans cet hymne même, paraîtrait indiquer qu’ils inventèrent plusieurs cérémonies, et fondèrent une espèce de culte nouveau. Voy. p. 51, col. 1, note 1. Les détails de cette légende peuvent se rapporter à une espèce de révolution religieuse ; mais ils sont assez obscurs pour qu’il soit difficile d’exprimer sur cet objet une opinion définitive.
  14. Agni, chargé de porter les holocaustes adressés aux dieux, est naturellement leur messager auprès des Ribhous, qui ont la prétention d’arriver à ce rang élevé. Ils veulent avoir aussi les honneurs du vase des libations, réservés à Agni seul. Ils sont trois, et les dieux consentent à ce qu’il soit fait quatre vases de celui qu’avait fait Twachtri, leur artiste.
  15. Cette expression est connue ; elle fait allusion aux apprêts du sacrifice.
  16. Le sacrifice des Ribhous est interrompu ; en d’autres termes, leur vache est morte ; car la vache, c’est le sacrifice. Il s’agit de la faire revivre.
  17. Quels sont ces deux vieillards, père et mère des Ribhous, sinon le ciel et la terre, que les rayons du soleil doivent faire renaître ?
  18. Par le sacrifice les dieux reçoivent un char, c’est-à-dire les honneurs et les présents qui l’accompagnent. Vrihaspati est une forme d’Agni, et ses vaches sont des sacrifices de diverses espèces.
  19. Le moundja est une plante dont la tige pouvait servir à remuer les boissons, ou bien à enlever les impuretés qui s’y trouvaient mêlées. Une autre explication reconnaît une montagne Moundjana, qui produit la plante du soma.
  20. Autrement, le troisième savana, celui du soir.
  21. Ce dieu est Agni, ou le soleil.
  22. Traduction incertaine : car ces deux personnages peuvent être aussi le Ciel et la Terre, aïeuls du monde, et assistant partout les Ribhous.
  23. Les bras de cette espèce de dieux, ce sont leurs rayons. Arrêter leur bras, c’est peut-être aussi gêner leur sacrifice.
  24. Le chien qui rompt le silence de la nuit, c’est le vent, suivant le commentaire. Mais il faut se rappeler qu’il y a une chienne nommée Saramâ, et qui n’est autre chose que la prière, dont la voix éveille, le matin, tous les êtres pour le sacrifice.
  25. Agni est un quatrième Ribhou ; et réciproquement les Ribhous doivent être des formes d’Agni, lequel est, comme on sait, enfant de la force.
  26. Ces trois noms sont ceux de trois Âdityas : nous savons que Mitra est l’âditya du jour, et Varouna celui de la nuit. Nous avons vu tout à l’heure que ce dernier habitait les eaux et les mers, parce que la nuit engendre les vapeurs et l’humidité. Pour Aryaman, le commentaire dit ici que c’est l’âditya de la mort, antacâlâbhimanî.
  27. Le texte porte âyou, que l’on explique par l’idée du vent qui va toujours.
  28. C’est ordinairement une épithète d’Indra : cependant, comme le mot signifie séjour des Ribhoux, ce pourrait bien être le soleil.
  29. Ce sont les dévas, c’est-à-dire les prêtres, qui le choisissent pour le sacrifice.
  30. Ainsi le col et le front doivent être blancs. Voyez, dans le Dabistan de M. Troyer, (tome II, page 79), des détails curieux sur cette espèce de sacrifice.
  31. Vitaprichtha : le commentaire l’explique par homâvânita ou paryagnicrita.
  32. Littéralement, un bon parent, soubandhou.
  33. Le Vritapâca est le moment du sacrifice où la chair de la victime est bouillie.
  34. On l’appelle Twachtri.
  35. Ce sont le cœur, la langue, la poitrine.
  36. Boulettes de riz et de beurre.
  37. Le cheval du sacrifice devient un cheval céleste ; il est le soleil lui-même appelé déjà aswa, cheval, à cause de sa rapidité. Cet hymne est donc proprement un hymne au soleil.
  38. Le texte porte simplement samoudra, mer. Le sens de ce mot n’est pas celui qu’en français nous pouvons lui donner, quand nous disons que le soleil sort de la mer. Cette mer dont parle l’auteur, c’est ou cet amas de vapeurs célestes d’où se dégage le soleil, ou plutôt ces libations du sacrifice qui donnent naissance à l’astre divin, suivant la doctrine des poëtes de cette époque. Selon cette idée, le cheval, qui va devenir le soleil, sort du foyer d’Agni, où son corps a été jeté comme offrande ; il sort aussi de ce corps terrestre et corruptible.
  39. C’est-à-dire, tes rayons.
  40. Yama est le dieu de la mort ; la victime a été remise par lui au feu du sacrifice.
  41. Ce feu du sacrifice, c’est Trita, autrement Agni. C’est lui qui, comme on sait, attelle le char des dieux ; expression que nous n’avons plus besoin d’expliquer.
  42. Le commentaire suppose que Gandharva, c’est le soma. Le soma est représenté par les poëtes comme brillant, et reflétant quelquefois les rayons du soleil, et, en termes poétiques, rênes et rayons sont synonymes. Gandharva signifie aussi cheval. C’est un nom du soleil ou d’Agni.
  43. Ce ne sont pas neuf stations différentes, ce sont trois mêmes stations vues à travers un milieu différent, que forment trois états du ciel : le ciel brillant, le ciel nuageux, le ciel nébuleux. Ce sont des couches diverses de l’air, que les Indiens appellent mondes, où le soleil semble se tenir, suivant l’apparence du temps. Le commentaire invente, à ce sujet, des triades singulières, telles que le nuage, l’éclair et le tonnerre, ou bien la nourriture, la plante, la semence : j’ai pensé que tout cela n’avait aucun rapport avec la phrase présente, qui exprimait, d’une manière plus complexe, une idée que nous connaissons depuis longtemps, les trois positions du soleil au levant, à midi, au couchant.
  44. Varouna est le soleil considéré comme retournant, caché pendant la nuit, à son poste du matin.
  45. C’est-à-dire tes rayons.
  46. Je pense que monter le cheval ou préparer le char d’un dieu, ce sont deux expressions qui ont le même sens. Cependant on a dit tout à l’heure qu’Indra avait le premier monté sur le char du cheval céleste ; cette phrase pourrait donc signifier : les dieux se sont réunis pour l’holocauste offert à celui qui, etc.
  47. Que sont ces coursiers ? les jours peut-être, ou les rayons.
  48. Ce sont les rayons du soleil.
  49. Ce frère d’Agni est le feu céleste, le feu de la foudre, Vêdyouta, qui siége surtout dans les nuages et dans l’air : c’est pour cela que le commentaire semble le confondre avec Vâyou. Nous respirons aussi ce feu, c’est pour nous le souffle de vie.
  50. Ces trois frères me semblent être le feu du sacrifice, le feu céleste et le feu solaire.
  51. Le nombre sept s’applique à plusieurs espèces de choses : sept rayons, sept flammes, et par conséquent sept chevaux du soleil, sept mondes inférieurs, sept mondes supérieurs, sept mères, ondes ou genres de soma, sept mers ou lacs, sept genres de mètres, sept prêtres officiant dans un sacrifice.
  52. Le commentaire veut que ces trois moyeux représentent trois saisons, ou les trois temps. La roue, dit-il, c’est l’année, ou plutôt le disque solaire.
  53. Ces personnages, suivant le commentaire, sont l’Ayana (semestre), le Ritou (saison), le Mâsa (mois), le Pakcha (demi-mois), le Divasa (jour), la Râtri (nuit), et le Mouhoûrtta (heure).
  54. Que sont ces sœurs ? Le commentateur pense que ce sont les six saisons, auxquelles il faut ajouter, pour compléter le nombre sept, le treizième mois complémentaire.
  55. Ces sept vaches sont les sept mâtris ou espèces d’ondes.
  56. Les sept espèces de mètres sur lesquels se composent les hymnes.
  57. Ce sont les rayons ou les nuages.
  58. Ce père et cette mère, suivant moi, ce sont les deux pièces de l’aranî. Jusqu’à présent nous avons vu qu’elles étaient appelées les deux mères : ici, il m’a semblé que la pensée de l’auteur était de supposer un mariage entre ces deux pièces, dont l’une (outtarâ), pour produire le feu, est introduite dans l’ouverture que présente la seconde (outlânâ). Le commentateur rapporte ce passage au ciel et à la terre, et se trouve forcé de faire violence aux mots et même à la grammaire. Voy. page 57, col. 1, note 4.
  59. C’est la libation qui nourrit et augmente le feu.
  60. Voy. page 146, col. 2, note 3.
  61. Le feu, étant triple, est considéré comme naissant trois fois, et comme devant ces naissances à des parents différents. Je n’ose dire jusqu’à quel point le commentateur est ici embarrassé, parlant des trois mondes et de leurs gardiens, des trois temps, etc. Je crois avoir été plus heureux que lui.
  62. Agni est le messager du sacrifice, et porte aux dieux les offrandes et les prières.
  63. Ce sont les jours et les nuits ; 360, nombre rond répété deux fois.
  64. Pourichin est l’ayana du midi : ce mot est traduit par aqueux.
  65. Ce sont les mois, le demi-mois, le jour, la nuit, et l’heure.
  66. Je suppose que ce sont douze pakchas ou demi-mois.
  67. C’est-à-dire, élevé. C’est l’ayana du nord.
  68. Voy. page 147, col. 1, note 1. Les roues sont ici ce que tout à l’heure il appelait pieds, ce que dans le vers suivant il va nommer rayons.
  69. Les rayons sont les six ritous ou saisons.
  70. Voy. page 147, col. 2, note 6.
  71. Je suppose que ce sont les dix points cardinaux.
  72. Ce frère unique est le treizième mois, ou mois intercalaire. Les mois ainsi disposés par couples peuvent prendre le nom des six ritous.
  73. L’enfant savant est en quelque sorte le père de son père. Voy. dans les Lois de Manou, la même pensée exprimée à l’occasion des Angiras, livre iii, sl. 153.
  74. Cette image représente la libation tombant sur le feu : le pied de la vache, c’est la flamme qui reçoit la libation, et qui, par des mouvements alternatifs, éclate ou s’affaisse. Cette flamme pourrait encore être considérée comme brûlant ici dans le sacrifice : c’est le pied inférieur ; et comme brûlant dans le soleil, c’est le pied supérieur.
  75. Manas lôkicam.
  76. Ces deux esprits (le texte dit souparnas, êtres ailés) n’en font qu’un (êkâtmyam) et sont l’esprit suprême (paramâtmâ) et l’esprit de vie (djîvâtmâ). C’est ainsi que Plotin fait l’âme du monde sœur de l’âme humaine. Héracléon dit que l’âme pneumatique a son autre moitié dans la région des intelligences supérieures, moitié avec laquelle elle doit s’unir un jour. Il y a de l’Indien dans toutes ces doctrines.
  77. Sous l’allégorie d’un arbre, les poëtes font souvent allusion ou au monde, ou au corps humain. Voyez Oupnékat, tome I, pag. 320. En m’abstenant de toute réflexion, je ferai remarquer qu’il y a ici un reflet du commencement de la Genèse. Le pippala est l’arbre appelé Ficus religiosa.
  78. Le commentaire dit que ce seigneur est le djîvâtmâ, ainsi identifié avec Agni, ou le père du monde.
  79. Les esprits dans cet état sont appelés kchétradjnâh : ils connaissent l’enveloppe corporelle.
  80. Ces trois espèces de mètres, suivant le commentaire, étaient consacrées aux trois savanas, qui en avaient pris leurs noms, et qui se trouvaient eux-mêmes sous la dédicace de trois divinités particulières. En effet, le distique 25 indiquerait que la Gâyatri est réservée à Agni ; le Trichtoubh, au Soleil ; la Djagati, au dieu de l’air.
  81. L’arca est un hymne, une pièce artchanasâdhanam.
  82. Le saman est un recueil d’hymnes chantés.
  83. Le vaca est une réunion d’hymnes appelés soûktas, et qui me sembleraient avoir été parlés.
  84. J’ai imaginé qu’il devait y avoir deux espèces de vacas, pour que l’un puisse se composer de l’autre. Voilà pourquoi j’ai employé le nom d’anouvâca.
  85. Un akckara est une lettre ou une syllabe. Mais ici ce mot me semble avoir un autre sens : il signifie vers, lequel est composé de deux ou quatre padas, c’est-à-dire fragments de vers, hémistiches. Le mot pada a encore un autre sens (vers 23 et 43) ; il veut dire le sujet chanté dans le vers. Il est un autre mot que je veux aussi expliquer ici : c’est le mot vyoman (vers 34, 33, 39). Il m’a paru avoir quelque rapport avec le pranava. C’est le titre de l’hymne ; c’est le personnage sous le nom duquel on met cet hymne, en quelque sorte le patron qui le couvre.
  86. Le commentateur et M. Wilson disent que c’est le saman. Je croirais assez que c’est une épithète du Trichtoubh, plus rapide que la Djagatî.
  87. J’entends que la Gâyatrî est employée pour dépeindre les vertus d’Agni et de ses trois feux. Je présume que la destination de ces trois mètres n’est pas d’une observation rigoureuse, car cette règle me paraît subir plus d’une exception.
  88. Il me semble que la vache est la libation qui doit augmenter la force du feu, devenu son nourrisson, et communiquer ensuite les rayons au soleil.
  89. C’est-à-dire, la libation est jetée sur le feu qu’elle alimente, et frémit en y tombant.
  90. Je pense que le lecteur s’explique bien toute cette allégorie, en la rapportant à la libation. Le commentaire pense que la vache, c’est le nuage ; que son veau, c’est la terre ; que la tête de ce veau, ce sont les montagnes.
  91. Le mal est appelé ici nirriti.
  92. Je suppose que l’auteur désigne le pôle du nord, outtânâyoh tchamwôh, dans l’endroit septentrional où les deux surfaces se touchent. L’étoile polaire se nomme outtânapada. C’est le point qui a été plus tard le sommet du mont Mérou, partie la plus élevée de la terre, et partie centrale du ciel.
  93. Le mot douhitri peut ne pas signifier fille : il marque l’état de celle qui se nourrit de lait.
  94. Vichnou est un des noms du soleil, dont les rayons se décomposent en sept parties.
  95. La vache dont il va être question maintenant, c’est la parole sainte, que l’on a aussi divinisée sous le nom de Saraswatî, déesse de la parole, vâgdévî.
  96. Dans la supposition que cette vache est la parole, et par conséquent la poésie sacrée, on se rend bien compte de la multiplicité de ses pieds ; ses mamelles, ce sont les akcharas, ou les vers qu’ils composent. (Le mot akchara signifie aussi onde : j’ai cru pouvoir modifier la traduction.) Le commentateur, adoptant une autre idée, et voulant que cette vache soit le nuage, dépense beaucoup d’esprit pour expliquer les diverses épithètes qui ont rapport aux pieds que l’auteur donne à sa vache. Ses efforts ont contribué à me faire persister dans le sens que j’ai suivi. Ces ondes dont il est question sont ou celles des libations qui accompagnent la prière du sacrifice, ou les ondes du ciel que fait tomber la prière.
  97. Ce sont les trois feux dont nous avons parlé au commencement de cet hymne : le feu solaire, le feu du sacrifice, et le feu céleste, qui est aussi le feu vital.
  98. Le mot brâhmana se trouve ici pour la première fois. Il signifie fils de brahman ou de prêtre. Je ne pense pas qu’alors il fût usité comme distinction de caste.
  99. Le mot gouhâ, employé ici, me représente cette grande voûte formée par le ciel, et qui, sans les trois Agnis, ressemblerait à une caverne ténébreuse.
  100. C’est-à-dire, quatrième. Ainsi s’appelle l’âme suprême non mêlée à la matière : le paramâtmâ ou adhyâtmâ, distingué du bhoûtâtmâ qui est appelé aussi djîvâtma et déhâtmâ, noms de l’âme universelle unie aux éléments matériels.
  101. C’est-à-dire, les rayons.
  102. Ce mot traduit sankou, que le commentateur explique par oupatchara. Je remarque que ce même mot signifie l’aiguille du gnomon.
  103. Les Sâdhyas sont, comme le dit le mot, des hommes devenus parfaits, et formant, après leur mort, une classe de demi-dieux célestes.
  104. Autrement, de l’homme.