Robin Hood, ou La forêt de Sherwood/00
s. n., (p. v-viii).
PRÉFACE
DU TRADUCTEUR.
L’intention de l’auteur de cet ouvrage a été d’imiter en même temps sir Walter Scott et notre Rabelais. Il est sans doute inférieur à tous deux ; mais souvent ses tableaux ne manquent ni d’originalité ni de force, et ses saillies sont toujours plaisantes. Quelquefois, il faut l’avouer, sa gaîté, comme celle du curé de Meudon, se change en bouffonnerie. C’est ce qui doit excuser, au reste, ce qu’il y a d’immoral dans le plan de cet ouvrage ; rien n’y est traité sérieusement. Robin Hood et sa reine ne dogmatisent point comme le Moor de Schiller, et comme Jean Sbogar. L’auteur ne prétend pas que nous devions nous faire brigands, mais il compare perpétuellement la vie des bois à celle des cours, certains brigands à certains autres : voilà tout. C’est un texte à la satire, non pas une déclamation anti-sociale : enfin, pour me servir d’une expression de frère Jean des Entommeures, type de frère Tuck, ce n’est pas matière de bréviaire.
Nous avons cru devoir au public ce petit avertissement, parce qu’il est certains principes qu’à notre avis il ne faut jamais attaquer, même dans les romans ; car si les grands littérateurs peuvent se contenter d’une conscience littéraire, ce n’est pas la peine, pour un traducteur, d’échanger sa réputation de probité contre celle de médiocre écrivain.
Le même esprit de bonne foi nous fait avertir le public que les derniers chapitres de ce roman ont été écrits avant la publication du célèbre roman d’Ivanhoë. C’est un avertissement que nous croyons aussi devoir à l’auteur.
Nous devons encore nous excuser de la fin de cet ouvrage, et d’avoir, en arrachant Robin Hood à ses bois, fait mentir toutes les traditions anglaises, ou plutôt notre roman. Mais nous dirons en confidence au public, que nous avions achevé la traduction de Robin Hood avant d’avoir lu cette fameuse histoire où M. Thierry force tant de gens à abdiquer leurs noms, et tant d’erreurs à s’évanouir. Et si nous savions que Richard était Normand, nous ne nous doutions pas que Robin fût Saxon. Sans cela, nous n’aurions pas manqué de faire de la troupe de Robin Hood une guérilla ; et l’on aurait pu croire alors que ce roman était la véritable histoire de Mina et de quelque vierge espagnole courant avec lui les grands chemins, ce qui en aurait assuré le succès. Mais nous avons voulu montrer à M. Thierry que nous résisterions à cette manie qu’ont maintenant les savans de son espèce, de tuer la vérité historique des poètes et des romanciers. Enfin, la Marie Stuart de Schiller n’est plus vraie ; et voilà ces malicieux historiens qui prouvent clairement que cette prétendue vérité historique n’est vérité que tant qu’il n’est pas prouvé qu’elle est mensonge ; comme les Anglais, qui ne sont libres que parce qu’ils croient l’être. Et cependant… mais il est étrange que quand on cause avec le public on ne puisse jamais en finir.