Robinson Crusoé et la littérature électorale

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Robinson Crusoé et la littérature électorale
Revue des Deux Mondes3e période, tome 47 (p. 214-226).
ROBINSON CRUSOÉ
ET LA
LITTÉRATURE ÉLECTORALE

C’est une terrible race que celle des critiques qui ont l’esprit de leur métier. Leur impitoyable curiosité ne respecte rien ; ils se défient des auréoles, ils percent à jour les légendes, ils se font un malin plaisir de briser les statues des saints, des héros et des dieux, pour savoir en quoi elles sont faites et ce qu’il y a dedans. En vérité, leurs découvertes sont souvent cruelles. Pendant longtemps il n’y a pas eu dans l’histoire littéraire de nom qui parût plus respectable que celui l’auteur de Robinson Crusoé, Daniel Defoe. On n’avait retenu de sa vie que deux choses ; on savait qu’il avait écrit un livre immortel, que l’univers entier a lu, que l’univers relira éternellement ; on savait aussi qu’en 1703, il avait été condamné au pilori pour avoir publié en faveur des dissidens un audacieux pamphlet dont l’Angleterre s’était émue, que l’ignominie de son supplice s’était changée en triomphe, que la populace, s’attroupant autour de ce martyr de la liberté religieuse, l’avait applaudi, acclamé, couvert de fleurs. Un de ces critiques impitoyables dont nous parlions, M. Lee, a consacré de longues années à étudier l’histoire secrète de Defoe. Il a fouillé dans les archives avec une infatigable ardeur, il a dépouillé des dossiers poudreux ou vermoulus, il a eu la patience de compulser deux cent cinquante pamphlets oubliés, où se révèlent la main et l’indomptable verve de l’auteur de Robinson Crusoé. Les conclusions de cette enquête ont été résumées par M. Minto dans une de ces agréables et intéressantes biographies que publie M. John Morley et qui mériteraient presque toutes d’être traduites en français[1]. Des découvertes de M. Lee et des réflexions de M. Minto il résulte que Defoe ressemblait peu à l’idée qu’on se faisait de lui, et que l’un des plus beaux livres de la littérature moderne a été écrit par un homme qu’un de ses contemporains qualifiait « du plus vil de tous les écrivains qui ont prostitué leur plume. » Les nouveaux biographes sont plus mesurés dans leurs termes ; ils se contentent de nous le signaler comme le plus effronté menteur que le monde ait jamais vu : perhaps the greatest liar that ever lived.

Defoe avait près de soixante ans lorsqu’il composa le livre qui devait immortaliser son nom ; il avait fait auparavant bien des métiers. Cet homme au nez crochu, au menton pointu, avait vendu des bas et des hauts-de-chausses et il avait fait banqueroute ; il avait fabriqué des tuiles et inventé mille expédiens pour échapper à ses créanciers, tout en écrivant d’innombrables pamphlets en vers et en prose ; il avait été secrétaire dans une commission publique, le plus fécond journaliste de son temps, et cinq administrations successives l’avaient employé à des services secrets, d’où l’espionnage n’était pas exclu. « Personne, écrivait-il un jour, n’a passé par plus de fortunes diverses ; treize fois j’ai été riche, treize fois j’ai été pauvre. »

Robinson attribuait les déplorables vicissitudes de sa destinée à cette inquiétude de son humeur qui l’avait toujours empêché de se contenter de son lot : « La chair se ressent toujours de ce qui est né avec les os ; j’étais né pour me détruire moi-même. » Comme Robinson, Defoe était un homme à projets, à fantaisies et à fumées, que ses rêves gouvernaient ; il y avait en lui une abondance exubérante de vie et de désirs, sa destinée lui semblait trop étroite, et il cognait de sa tête de fer contre le mur. Ajoutons qu’il avait le goût des aventures clandestines, des situations interlopes, des conduites obliques et tortueuses ; il aimait à vivre dans les sapes, il cherchait l’ombre et le mystère. Personne n’a possédé plus que lui le talent de brouiller ses voies, de se donner pour ce qu’il n’était pas, et de mystifier son prochain. Il a conclu des marchés occultes avec tous les grands politiques de son temps ; durant trois règnes, il s’est vendu sans vergogne et à tour de rôle aux whigs comme aux tories, il a tiré des grâces et des pensions de tous les partis qui arrivaient au pouvoir, ce qui ne l’empêchait pas de montrer à l’univers ses deux mains, en l’assurant qu’elles étaient nettes. Il criait à la diffamation, à la calomnie, il protestait de son innocence, de sa candeur, de son ingénuité, il en prenait le ciel à témoin ; comme un juste mis en croix, il priait Dieu de pardonner à ses ennemis. Le triomphe de son habileté fut de collaborer pendant huit ans à un journal tory, sans que personne se doutât qu’il était à la solde du cabinet whig, qui l’employait à surveiller et à contre-carrer secrètement les manœuvres de l’ennemi. Quand le pot aux roses fut découvert, il prit de nouveau le ciel et les hommes à témoin de son innocence, et il retourna ses poches pour prouver qu’elles étaient vides. M. Minto a raison, il avait un front d’airain ; mais il faut lui rendre cette justice qu’il n’y eut jamais de lâcheté dans son fait. Intrépide dans les hasards, il mentait par insolence, par superbe. Cet orgueilleux méprisait trop les hommes qui l’employaient et qu’il exploitait pour penser qu’il leur dût la vérité.

Il y a deux sortes de coquins, ceux qui s’ignorent et n’ont garde de se juger, et ceux qui se voient à peu près tels qu’ils sont ou qui du moins s’en revoient. Les inconsciens sont les plus heureux, ils vivent en paix avec eux-mêmes, mais ils n’écriront jamais Robinson Crusoé. Defoe est dans l’histoire littéraire l’exemple rare d’un homme qui a passé sa vie dans le bourbier sans y salir son imagination, sans y perdre la merveilleuse justesse de son esprit et la lucidité de sa raison. Il avait l’âme trop haute pour pouvoir se passer de sa propre estime, il était trop sincère pour se persuader qu’il en fût digne. Quand il cherche à s’excuser, à se justifier, ne vous y trompez pas, il est plus malheureux qu’effronté. Il se contente le plus souvent de plaider les circonstances atténuantes. « Ce sont les existences besogneuses qui font les drôles, écrivait-il un jour. Voici un homme qui rend à chacun ce qui lui est dû et ne fait de tort à personne. Le beau miracle ! Il possède des terres et des rentes et n’a point de méchantes affaires sur les bras. Il faudrait en vérité qu’il se donnât au diable pour devenir un drôle, car personne ne fait le mal pour le plaisir de le faire ; que dis-je ? le diable lui-même ne pèche pas dans la seule intention de pécher. C’est la folie de l’ambition, de l’orgueil ou de l’avarice qui corrompt le riche ; la coquinerie du pauvre est l’œuvre de la nécessité. »

En dépit de ses raisonnemens, il ne parvenait pas à être content de lui-même ; les avilissans trafics de sa plume lui causaient des lassitudes, des dégoûts. Démosthène fit un jour le voyage de Corinthe, la fantaisie lui était venue de posséder Laïs ; mais quand il sut ce que coûtait une de ses nuits, il reprit bien vite le chemin d’Athènes, en disant : « Je ne me paie pas des repentirs de 10,000 drachmes. » Defoe a passé sa vie à se procurer des repentirs de plusieurs milliers de livres sterling et à se démontrer à lui-même que l’argent mal acquis ne profite guère. Le plaisir s’envole, la honte reste, et il faut la boire. Si âpre que fût l’énergie de son caractère, l’éternelle contradiction qu’il portait au dedans de lui finit par briser sa volonté ; quand il mourut, sa tête commençait à se déranger, ses dernières lettres en font foi. Dans son île déserte et avant de connaître Vendredi, Robinson, faute de mieux, se plaisait à causer avec son perroquet, qui lui disait souvent : « Robin, pauvre Robin, qu’es-tu venu faire ici ? » Ce n’est pas avec Jacquot, c’est avec sa conscience que causait Defoe, et elle lui disait ; « Pauvre Daniel, qu’es-tu venu faire dans cette galère ? comment t’es-tu fourré dans cet affreux guêpier ? »

Si nous en croyons M. Minto, Robinson Crusoé n’a été dans la carrière littéraire de Defoe qu’un heureux accident. Lorsqu’il conçut le hardi projet de raconter à l’Angleterre les aventures d’un homme qui, emprisonné dans une île déserte, doit son salut à son héroïque industrie et réussit à se tirer d’une situation désespérée, il se trouvait lui-même dans une passe bien dangereuse. S’étant engagé tour à tour avec tous les partis et les ayant tous trahis, sa versatilité intéressée lui avait attiré de violentes inimitiés, d’implacables rancunes. Les uns le traitaient de renégat, les autres de pamphlétaire vénal. C’est bien de lui qu’on pouvait dire qu’il ne lui restait plus une faute à commettre. Une imprudence, une simple maladresse, c’en était assez pour le perdre, et si quelque ministre omnipotent s’était avisé de lui faire expier ses perfidies en l’expédiant dans quelque colonie lointaine, pas une voix ne se fût élevée pour sa défense ; la populace elle-même, détrompée de son idole, l’eût abandonné sans regret à sa lamentable destinée. « Si demain j’étais déporté, si le vaisseau qui m’emmènera venait à faire naufrage, si la tempête me jetait sur quelque rive déserte, comment m’y prendrais-je pour me tirer d’affaire ? » Voilà, selon M. Minto, les questions que par instans se posait malgré lui cet homme fertile en ressources et en expédiens, et c’est en essayant d’y répondre qu’il inventa son Robinson. L’explication est ingénieuse, et nous comprenons par quel enchaînement d’idées il en vint à composer son roman. Mais il se trouve que ce roman n’est pas seulement un chef-d’œuvre d’invention et de vérité ; il y autant de grandeur dans la conception que d’admirable vraisemblance dans le détail, on y sent courir le souffle d’une grande âme ; c’est une des œuvres les plus saines et les plus nobles qui aient honoré l’esprit humain. Voilà le miracle. Comment une source si pure, si limpide, a-t-elle pu jaillir d’un sol fangeux et souillé ?

Que Defoe ait beaucoup pensé aux vicissitudes de sa propre destinée en écrivant son roman, nous ne pouvons en douter, et ses contemporains n’en doutaient pas, puisque l’un d’eux prétendit qu’il aurait dû l’intituler : Étranges Aventures de Daniel Defoe, de Londres, bonnetier, qui vécut tout seul dans l’île inhabitée de la Grande-Bretagne. Lui-même a prétendu après coup que sa fiction avait un sens allégorique et qu’au surplus son héros lui ressemblait de tout point. Comme Robinson, disait-il, il avait eu un perroquet qui savait dire son nom, et pour domestique une espèce de sauvage qui s’appelait Vendredi. Comme Robinson, il avait passé trente années de sa vie « dans les circonstances les plus déplorables et les plus affligeantes qu’aucun homme eût jamais traversées, assailli par des tempêtes, essuyant de terribles naufrages, combattant des ennemis pires que des cannibales, ne s’échappant de leurs mains que par miracle, endurant mille violences et mille oppressions, en butte aux entreprises des hommes, aux attaques du diable et aux châtimens du ciel. » Defoe et Robinson se ressemblaient assurément par un air de famille ; ils avaient en commun cette inquiétude de l’esprit qui cherche le malheur, l’invincible patience, l’abondance des expédiens, l’indomptable résolution. Mais Robinson a été purifié par l’infortune, transformé par la solitude et le repentir ; Defoe a cheminé jusqu’au bout dans ses voies obliques, il est mort dans l’impénitence finale. Il faut croire qu’il y avait en lui deux hommes qui se disputaient : il a trafiqué de sa plume pour faire plaisir à l’un, il a écrit Robinson Crusoé pour s’acquitter envers l’autre. À l’âge des cheveux gris, un jour qu’il s’examinait lui-même et descendait dans sa conscience, il y a découvert une mine d’or vierge, qu’il n’avait jamais eu le loisir ou le courage d’exploiter ; il s’en est servi pour fabriquer un héros. La figure qu’il lui a donnée, il l’avait vue souvent passer dans ses rêves. « C’est moi, a-t-il pu dire, et pourtant ce n’est pas moi. Si quelque naufrage m’avait jeté dans une île déserte et que j’y eusse passé trente années sans avoir affaire à des ministres corrompus et corrupteurs, je serais devenu Robinson. » Quand il contemplait ce héros qu’avait enfanté son imagination et dans lequel il retrouvait une image transfigurée de lui-même, il éprouvait sans doute cette joie mêlée d’étonnement que peut ressentir la courtisane qui est devenue mère et dont le fils mourra sans avoir forfait à l’honneur. Il lui semble, en le regardant, qu’elle a été sanctifiée et bénie dans ses entrailles, que tous ses péchés lui ont été remis, puisqu’elle a donné au monde un honnête homme.

Que tous ses péchés lui soient pardonnés ! il a écrit Robinson Crusoé. Quand nous savourons ce fruit exquis, que nous importe sur quel arbre il a crû et mûri ? Rousseau affirmait que Robinson était le plus heureux traité d’éducation naturelle et il entendait que ce merveilleux livre, comme il l’appelait, composât pendant bien des années toute la bibliothèque d’Émile. Les poètes trouveront toujours du profit à l’étudier pour y apprendre l’art de soutenir une fiction, de donner à leurs imaginations l’air et les couleurs de la vérité. Defoe joignait à l’élévation de la pensée la candeur du récit et une simplicité presque austère de la forme. Lorsqu’on a l’estomac affadi, il faut recourir aux amers ; relisez Robinson, quand vous vous sentirez écœuré par le méchant jargon de certains écrivains du jour, qui, considérant la littérature comme une entreprise de vidanges, marient des grâces alambiquées à la recherche amoureuse de l’ignoble, le précieux au bas et au grossier, la pretintaille à l’ordure. C’est vraiment le livre universel. Il est également goûté des enfans et des vieillards, des curieux et de ceux qui aiment à réfléchir, des sages et des fous, des sceptiques et des croyans. Nous connaissons un homme du monde qui prétend y trouver un adoucissement à toutes ses peines. Nous avons connu aussi un homme d’église aussi pieux que lettré, qui l’avait appris par cœur pour son édification ; il aimait à réciter ce passage mémorable : « J’atteignis la quatrième année de mon séjour dans l’île, et je chômai cet anniversaire avec le sentiment d’une dévotion consolante. Désormais séparé du reste des hommes, la société humaine m’apparaissait comme un pays lointain avec lequel je n’avais aucun rapport de crainte ou d’espérance. Je la regardais comme nous la regarderons peut-être dans une autre vie, c’est-à-dire comme un état où nous avons passé et d’où nous sommes sortis. Je pouvais adresser au monde ces paroles d’Abraham au mauvais riche : « Un immense abîme s’est ouvert entre toi et moi. » J’étais à l’abri de toute souillure ; je n’avais à craindre dorénavant ni les tentations de la chair, ni la convoitise des yeux, ni l’orgueil de la vie. »

C’est ainsi que, mondains ou dévots, tout le monde trouve son compte et sa pâture dans cet admirable livre. Pour nous qui l’avons relu tout récemment, pendant les derniers jours de la période électorale que nous venons de traverser, nous déclarons que la lecture de Robinson est le meilleur remède aux fatigues et aux dégoûts que peut causer la fréquentation trop assidue des réunions privées ou publiques, et nous estimons aussi qu’avant de prendre la plume pour rédiger leurs manifestes, les candidats à la députation feraient bien de méditer certaines pages où Defoe a révélé tout son génie, c’est-à-dire son lumineux bon sens. Faisons la part des exceptions ; mais, il faut en convenir, c’est en somme une triste chose que la littérature électorale. Le superlatif y foisonne, l’adjectif s’y étale et s’y pavane dans toute sa pompe. C’est le règne du panache et de la phrase, c’est le triomphe de l’exagération et de l’absurde, c’est un défi perpétuel porté à l’humaine imbécillité. Quelles amorces on lui présente ! par quels mensonges on l’amuse ! Les plus modestes promettent à leurs électeurs des places de gardes-champêtres, des recettes, des bureaux de tabac, des subventions, des ponts, des canaux, des chemins de fer ; Dieu sait où ils les prendront. D’autres se font fort de nous débarrasser en un tour de main de tout ce qui nous contrarie et nous gêne ; qu’on les laisse faire, ils supprimeront d’un coup le sénat, la magistrature inamovible, le service militaire et peut-être l’impôt et sûrement le sens commun, qui de toutes les tyrannies est la plus gênante. Nous avons lu une affiche dont le signataire s’engageait à procurer à tous les Français « le bien-être et la gloire. » Nous en avons frissonné de plaisir. Un autre candidat affirmait en se frappant la poitrine que, s’il était nommé, le pain se vendrait à deux sous la livre, le vin à huit sous le litre, qu’avant peu toutes les routes seraient bordées d’arbres fruitiers, qu’il mettrait du poisson dans tous les ruisseaux, que la France serait transformée en pays de cocagne :

Les vins les plus exquis coulent de nos fontaines,
Les fruits naissent confits dans toutes les saisons,
Les chevaux tout sellés entrent dans les maisons…


Ce sont des fous, dira-t-on. Mais où commence, où finit la folie pendant la période électorale ? Qui peut le savoir ? Des personnages considérables n’ont pas craint d’annoncer à leurs électeurs que, grâce à la réforme de l’université et des écoles primaires, grâce aux progrès de l’instruction publique et à l’heureux emploi des méthodes nouvelles, on arriverait en peu de temps à égaliser toutes les intelligences. Attendez quelques années encore, et vous chercherez vainement sur tout le territoire français un ignorant ou un sot ; peut-être gardera-t-on le dernier pour le mettre sous verre à titre de curiosité, comme un souvenir des temps gothiques. D’autres personnages non moins considérables ont déclaré que l’état allait désormais s’appliquer « à tirer de la démocratie tous les trésors qu’elle renferme dans ses flancs. » Quand il n’y aura plus ni jésuites ni dominicains, quand on sera débarrassé de ces frères ignorantins qui gâtent tout, quand l’état sera le seul éducateur de la nation, quand il se chargera de façonner, de pétrir à sa guise tous les cerveaux et d’enseigner à tous les valets de charrue « les résultats des sciences exactes et positives, » quand le règlement du Crapaud-Volant aura été établi dans toutes les écoles et qu’il sera interdit aux instituteurs de prononcer le nom de Dieu sous peine d’amende, alors on verra paraître au grand jour tous ces trésors que la démocratie renferme dans ses flancs ; tous les Français auront du talent, deux millions au moins auront du génie, et tout cela se fera par un coup de baguette. Ô Robinson ! enseignez, je vous prie, au suffrage universel qu’il n’y a de baguettes magiques que dans les contes de fées et dans les réclames électorales. Apprenez à tous les badauds qu’il faut compter toujours avec les choses, avec leurs objections, avec les lois immuables de la nature, avec le temps et ses lenteurs, et ce qu’il faut de travail, d’incessante sollicitude pour mener à bonne fin la plus humble entreprise. Racontez-leur qu’il vous a fallu quarante-deux jours pour faire une planche, et encore n’était-elle pas belle, deux mois entiers pour façonner des jarres qui vous semblaient horribles, et que vous fûtes transporté d’une joie sans égale lorsque vous vous aperçûtes que votre pot de terre pouvait aller au feu. Vous aussi vous aviez vos ambitions, vos utopies, vos visions chimériques. Il vous vint à l’esprit de construire un canot capable de porter vingt hommes et, votre ouvrage terminé, vous le contemplâtes avec délices ; vous étiez plein d’admiration pour le grand homme qui l’avait fait. Hélas ! il se trouva qu’il était impossible de le remuer et qu’il vous faudrait douze ans au moins pour le conduire à la mer, et la mer ne s’étant pas dérangée pour venir le chercher, vous en fûtes réduit à le laisser sur place « comme un monument de votre folie. » Pour vous consoler de votre déconvenue, vous vous êtes construit une modeste petite pirogue qui ne pouvait servir qu’à faire le tour de votre île, en rangeant prudemment la côte. Ô Robinson, que nous serions heureux si tous ceux qui nous promettent des vaisseaux à trois ponts nous gratifiaient seulement d’une petite pirogue !

Les gens qui réduisent la politique à l’art de tout supprimer ne sauraient mieux faire que de relire Robinson ; ils y trouveront matière à de sages réflexions, si tant est qu’ils soient capables de réfléchir. Leur prétention avouée est de bouleverser, de renouveler la France de fond en comble, de détruire à jamais toutes les institutions qu’elle a pu hériter de la monarchie, de faire table rase de tout ce qui existe. En matière d’éducation comme de gouvernement, ils professent un superbe mépris pour les vieilles méthodes, pour les vieux procédés, pour toute idée qui a cinquante ans de date. Ils rêvent d’abolir les traditions, d’anéantir l’histoire. Des cerveaux tout neufs, des esprits sans souvenirs et sans passé, c’est avec cela qu’on fait de bons républicains et de vraies républiques. Si Robinson avait eu l’humeur et le caractère de ces intrépides novateurs, s’il avait connu cette béate infatuation de soi-même, qui souvent leur tient lieu de génie, il se serait dit en prenant possession de son île : « Voilà un pays qui m’appartient, j’en puis disposer à ma guise et m’y passer tous mes caprices. Je veux ne rien devoir qu’à la puissance créatrice de mon esprit, à mes propres ressources et à mes deux mains. Nos ancêtres étaient de pauvres hères, et leurs inventions laissent beaucoup à désirer. Oublions tout ce qu’ils m’ont appris, faisons du neuf, recommençons l’histoire en nous y prenant un peu mieux que nos devanciers. J’entends que dans l’île de Robinson tout porte la marque de Robinson, que rien n’y rappelle cette vieille civilisation que je méprise. »

Robinson n’était pas un fat, et l’affreux dénûment où il se trouvait l’épouvanta. Il n’avait sur lui qu’un couteau, une pipe, un peu de tabac dans une boîte. C’étaient là toutes ses provisions, et il ressentit un tel désespoir qu’il courait çà et là comme un fou. La nuit venue, il grimpa au sommet d’un arbre et il réussit à s’endormir. Quand il s’éveilla, il était grand jour, la tempête avait cessé, la mer était calme. Ce qui l’étonna et le ravit, ce fut d’apercevoir le navire, que la marée montante avait dégagé des sables et qui était encore sur sa quille, à un mille du rivage. Il tressaillit d’aise et de joie, et comme il ne méprisait pas la vieille civilisation, il résolut d’aller à bord et d’y prendre les choses qui lui étaient le plus nécessaires. Il ne fit pas un voyage, il en fit douze. Que peuvent le courage et la volonté sans l’outil ? C’est dans le vaisseau que Robinson le trouva, et, grâce à l’outil, il put se défendre contre les animaux et les sauvages, se bâtir une maison, se procurer un peu de ce superflu qui orne la vie. « Que serais-je devenu, s’écriait-il, si la providence divine n’avait pas miraculeusement ordonné que le navire fût jeté près du rivage ? Apparemment je serais mort de faim ou j’aurais vécu en véritable bête sauvage. » Que deviendrions-nous à notre tour si nous faisions fi de tout ce qu’une société qui a péri dans un irréparable désastre nous a légué de bon, d’utile et de précieux ? M. de Bismarck, qui n’a jamais été avare de bons souhaits à notre endroit, disait en 1871 « qu’il n’entendait pas laisser derrière lui une république habitable. » Rouge ou bleue, une république qui répudierait sans merci et sans choix toutes les traditions de la vieille France deviendrait bientôt aussi inhabitable que l’eût été l’île de Robinson, s’il n’avait disputé à l’Océan et arraché à la vague qui les roulait quelques épaves de son naufrage, quelques débris du vieux monde.

La lecture de Robinson doit être aussi recommandée aux révisionnistes impatiens, qui demandent à cor et à cri que la constitution soit modifiée, réformée, refondue dès demain. Elle n’est pas ce qu’il leur faut, elle a une figure qui leur déplaît, elle ressemble trop à ceux qui l’ont faite, c’est-à-dire à des gens qu’ils n’aiment pas et dont les manières ne leur reviennent point. Ils se piquent de simplifier toutes les procédures, ils ont le goût des moyens sommaires. La constitution est à la fois trop monarchique et trop compliquée ; ils ont pris dans une sainte horreur ce sénat qui se permet quelquefois de contrarier leurs entraînemens, qui n’est pas toujours de leur avis et qui a l’audace de le dire. Enfin ils ont la passion du changement, la fureur de faire et de défaire. En vain leur allègue-t-on qu’il est difficile aux institutions de prendre racine dans un pays quand on les remanie chaque matin, que l’instabilité perpétuelle de la loi n’est pas propre à développer dans un peuple le sentiment de la légalité, que la France a besoin de repos, qu’elle désire par-dessus tout qu’on la laisse tranquille. Ils répondent, comme M. Cardinal, que la France doit marcher toujours, qu’elle est trop inerte, qu’elle n’est pas assez remuée par la politique, qu’il faut la secouer, l’agiter, que la république d’à présent, ce n’est pas la vraie république, que la vraie république, c’est le mouvement, le tumulte, la fièvre. Enfin, tant que la constitution n’aura pas été révisée, ils seront rongés par l’inquiétude, dévorés par le chagrin ; il faut les en croire, car ils le disent et le répètent dans tous leurs manifestes, dans toutes les réunions privées ou publiques. Ayez pitié de leurs nerfs, c’est pour eux une question d’hygiène.

Robinson, lui aussi, avait ses nerfs. Il n’était pas absolument satisfait de la maison qu’il s’était construite à la sueur de son front, et qui, à vrai dire, n’était pas un modèle d’architecture. Il l’avait bâtie sur un rocher et entourée d’une palissade, d’un fossé et d’un mur ; on y entrait par une échelle qu’on retirait après soi ; ce n’est pas le dernier mot de l’art. L’habitation se composait de deux pièces, à savoir d’une tente, recouverte d’une toile goudronnée, et d’une grotte qui servait de retraite et de magasin. Quand le temps était beau, il aimait à demeurer sous sa tente ; quand l’orage grondait, il se réfugiait volontiers dans sa grotte. Il était, comme on voit, pour le système des deux chambres. Cependant il aspirait à quelque chose de mieux, nous avons tous le goût du changement. Il avait découvert dans son île un fertile et riant vallon, où il aurait eu toutes ses aises, et il rêvait d’y transporter sa demeure. Mais quand il considérait l’ordre qui régnait autour de lui et comme il était sûrement logé, quand il pensait au temps et aux peines que demanderait un nouvel établissement, aux incertitudes de l’avenir, aux accidens possibles et aux sauvages, il en concluait qu’il ferait mieux de ne pas changer de gîte. Il finit par se tranquilliser, par s’accommoder de son rocher, de sa tente et de sa grotte. Il jugeait que le mieux est quelquefois l’ennemi du bien, que quand on n’a pas ce qu’on aime, il faut tâcher d’aimer ce qu’on a, qu’il est bon de savoir résister à ses impatiences, qu’au surplus les maisons les plus commodes ne sont pas toujours les plus sûres et que le sage sacrifie son plaisir à sa sûreté. Décidément Robinson avait beaucoup de bon sens ; c’est peut-être aujourd’hui ce qui nous manque le plus.

La littérature électorale nous révolte souvent par ses déraisons, trop souvent aussi elle joint l’odieux à l’absurde. Quand on est candidat à la députation, il faut avoir une humeur presque angélique pour combattre les opinions de ses adversaires ou de ses compétiteurs sans éprouver le besoin d’incriminer leurs intentions, de noircir leur caractère, de les dénoncer au crédule électeur comme des gens sans foi et sans honneur dont le cas est pendable. Pendant quelques jours les murs de Paris ont été couverts d’affiches dont la plupart disaient ceci : « Quiconque ne pense pas comme moi est un fripon ou un scélérat. » — Vous souvient-il de la colère rouge qui s’empara de Robinson, lorsque du haut d’une colline il assista pour la première fois à un festin de cannibales ? L’horreur de ce spectacle le rendit presque fou ; ces sauvages lui faisaient l’effet de démons, il jura qu’il en tuerait vingt ou trente pour leur faire expier leur abominable forfait. Toutefois il se prit à réfléchir, car il réfléchissait beaucoup. Il se demanda ce qui l’autorisait à se constituer juge et bourreau de ces ignorans et de ces simples qui ne pensaient pas commettre un crime en s’engraissant de chair humaine. Il se dit qu’après tout leur cerveau n’était pas fait comme le nôtre, qu’ils n’éprouvaient pas plus de remords en dévorant un prisonnier de guerre que Robinson en égorgeant un chevreau pour le faire cuire, et sa colère tomba. — Nos mœurs politiques auront beaucoup gagné quand un radical aura pour un conservateur autant d’indulgence qu’en avait Robinson pour un cannibale. — Puissent aussi les libres penseurs intolérans s’inspirer de l’exemple que ce grand homme leur a donné ! — « Désormais mon île était peuplée et je me trouvais très riche en sujets. Souvent je n’ai pu m’empêcher de rire en comparant ma situation à celle d’un roi. D’abord tout le pays était ma propriété incontestable, et j’avais par conséquent le droit de le gouverner. Ensuite tous mes peuples me devaient la vie et tous étaient prêts à la sacrifier pour moi. Mes trois sujets se trouvaient chacun d’une religion différente. Mon domestique Vendredi était protestant, son père idolâtre et cannibale, l’Espagnol catholique romain. J’accordai la liberté de conscience dans toute l’étendue de mes états. » — C’était assurément un âpre et farouche protestant que Robinson : il ne laissa pas de se lier d’une tendre amitié avec un prêtre catholique, qu’il avait recueilli sur mer. « Peut-être me blâmera-t-on, disait-il, de tant vanter un homme qui avait aux yeux d’un protestant anglais le triple tort d’être papiste, prêtre et Français. La justice m’oblige à le montrer tel qu’il était ; je dois avouer que c’était un homme grave, tempérant, religieux, de mœurs irréprochables, d’une charité sans bornes, exemplaire de tout point. » Saint Robinson, enseignez-nous la tolérance !

Daniel Defoe était un homme fort bizarre ; ce corrompu avait un grand esprit et une grande âme, et il nous condamne à le plaindre en l’admirant, à l’admirer en le plaignant. Après nous avoir dit que l’auteur de Robinson était le plus grand menteur que le monde ait jamais vu, son sévère biographe ajoute : « Si ma honnête qu’ait été sa vie, quand nous pénétrons dans les profondeurs de cette nature si riche et si étrangement mêlée, nous rencontrons d’immuables fondemens de conscience. Defoe nous apparaît tour à tour comme un vil intrigant et comme le plus sincère des patriotes ; mais ce caractère est si complexe, l’énergie du personnage si prodigieuse que l’industrie humaine est impuissante à débrouiller cet écheveau. Aucun publiciste de son temps ne fut plus fidèle aux principes de la révolution, aucun ne sut si bien démêler les vrais intérêts de son pays et ne les servit avec plus de constance. Il travailla pour l’union de l’Angleterre et de l’Écosse et pour assurer à une dynastie protestante la succession du royaume-uni ; il fut aussi le plus intrépide et le plus puissant avocat du progrès social sous toutes ses formes. Si on le juge par les mesures qu’il a défendues et non par les moyens souvent méprisables qu’il a employés, peu d’Anglais ont mérité autant que lui la reconnaissance de leur pays. »

Son malheur est d’avoir vécu dans un temps de corruption politique sans pudeur et sans retenue. Il était infiniment curieux ; il avait visité tous les tripots. Quels exemples lui étaient donnés ! à quels tristes marchandages n’avait-il pas assisté ! Les places et les pensions, comme le fait remarquer M. Minto, dépendaient de la faveur du souverain, et la royauté mal assise cherchait à se faire des amis que le plus souvent elle achetait à deniers comptans. Il n’y avait point de cohésion dans les partis ; « chacun pour soi » était l’universelle devise, et quand il survenait quelque fâcheux hasard, chacun tirait son épingle du jeu. Defoe avait vu de près les manœuvres des puissans du jour, leurs cabales, leurs intrigues, leurs âpres jalousies, leurs impudentes trahisons. Il avait vu sous Guillaume III, qui l’honora de ses confidences, des jacobites solliciter effrontément les emplois publics, tout en négociant avec les émissaires de Jacques II. Il avait vu sous la reine Anne des whigs devenir tories, des tories devenir whigs, et des hommes d’état du plus haut parage qui se ménageaient des intelligences avec tout le monde et tendaient une main à la maison de Hanovre, l’autre à la cour de Saint-Germain. Il ne s’était pas indigné, il ne s’indignait guère ; cette faculté manquait à sa philosophie. Il s’était dit apparemment : « Ces gens-là font des marchés, j’en ferai comme eux. Ils mentent, comme eux je mentirai. J’aurai la joie amère de tromper des trompeurs et de trahir des traîtres. J’y perdrai ma réputation, mon nom sera flétri ; libre à eux d’en disposer comme il leur plaira. Ils ont toute honte bue, je boirai la mienne. Que m’importent leurs insolens mépris, que je leur rendrai avec usure ! Ma hautaine ironie est une imprenable citadelle où je trouverai toujours un refuge ; je les défie d’en forcer l’entrée et d’obliger mon orgueil à leur demander quartier. J’ai dit mon secret à mon conscience ; qu’elle me fasse grâce ! » Quand il mourut, que qu’un lui rendit cette justice, que, si la connaissance trop approfondie des hommes l’avait dégoûté des longs attachemens, il avait toujours défendu la noble cause de la liberté civile et religieuse, en faveur de laquelle il était intervenu dans d’éclatantes occasions. Lui-même avait dit : « Je n’ai jamais épousé que les grands intérêts de mon pays, j’ai servi la vérité et la liberté ; quiconque est de ce parti, je veux être avec lui. »

Defoe s’est vendu tour à tour aux whigs et aux tories, mais il ne se vendait pas tout entier, il se réservait quelque chose. Il considérait sa raison comme un dépôt divin dont il n’avait pas le droit de disposer ; il n’avait garde de la sacrifier aux politiques pervers qu’il contraignait à financer avec lui. Il se laissait employer par les partis, il ne les a jamais courtisés ni flattés ; il a été l’idole de la populace, elle n’a jamais été son Dieu. Quel que fût son mépris pour les vices des grands et des puissans, il ne s’est jamais avisé de comparer les faubourgs de Londres au Mont-Aventin, ni de leur persuader qu’ils étaient les pionniers de la civilisation, l’avant-garde du progrès. Au lendemain d’élections générales, il écrivait : « Ce n’est pas un libre parlement que vous avez élu. Vous avez péroré dans des réunions tumultueuses, vous vous êtes jeté de la boue les uns aux autres ; mais l’élection par la populace n’est pas une élection plus libre que celle d’Olivier Cromwell par une armée permanente. Les parlemens et la canaille sont deux choses contradictoires. » Defoe était un libéral, qui avait la fibre humanitaire ; il s’intéressait au sort des petits, il souhaitait qu’il y eût un peu de bonheur et de joie pour tout le monde, mais la liberté qu’il aimait n’allait pas sans l’ordre, et il ne croyait pas que l’ordre consistât à mettre dessus ce qui est dessous.

Quand Robinson fit la connaissance de Vendredi, il se sentit d’abord très prévenu contre cet inculte au teint olivâtre, dont la religion se réduisait à adorer un grand vieillard, nommé Benamoucki, lequel habite sur les montagnes et à qui toutes les choses de la terre disent : Ô ! Robinson soupçonnait Benamoucki d’être un dieu fort sanguinaire et il craignait que Vendredi ne se fût gâté à son école. Il était persuadé que son fidèle serviteur mourait d’envie de se régaler de sa chair, et jour et nuit il se tenait en garde contre ses entreprises. Il guérit bientôt de ses injustes défiances ; il s’aperçut que ce brave garçon joignait à ses ignorances de sauvage un fond d’excellentes qualités, et ce lui fut une occasion de se dire « que, s’il a plu à Dieu, dans le gouvernement de ses créatures, de priver un grand nombre d’entre elles de l’exercice convenable et habituel des facultés de leur âme, elles ne laissent pas de les posséder comme nous, que comme nous elles ont la raison, l’esprit de bienveillance, de gratitude et de vengeance, que comme nous elles sont capables de faire du bien et d’en recevoir. »

Dès lors, Robinson s’occupa moins de se défendre contre Vendredi que de l’élever, de dégrossir, de débourrer sa naïve intelligence. Il trouva en lui un docile écolier, et il parvint à le dégoûter de Benamoucki. Frappé de son jugement naturel, il le consultait souvent, prenait ses avis, et lorsqu’il lui arrivait de déraisonner, il lui faisait entendre raison. Vendredi eut le bon esprit de comprendre qu’il ne pouvait mieux faire que de se laisser instruire et diriger par un maître qui voulait son bien et en savait plus long que lui. Que fût-il advenu s’il avait eu la fatale idée de se comparer au Mont-Aventin, de se prendre pour l’avant-garde du progrès, et qu’il eût réduit Robinson en servitude ? Il est à croire que la maison eût été fort mal administrée ; on aurait gaspillé les provisions, sacrifié sa sûreté à son plaisir, on se fût livré à de périlleux essais, à la funeste démangeaison d’innover sans fin, et les ennemis du dehors, cannibales ou non, auraient bientôt fait justice de la république naissante. Il est dans l’intérêt de tout le monde que Robinson gouverne Vendredi : mais c’est le métier des démagogues, dans un temps d’élections, de se faire bien venir de Vendredi en lui persuadant qu’il est né pour gouverner Robinson, et, quoiqu’il ait du bon sens, il finit par le croire.


G. Valbert.
  1. English Men of letters, edited by John Morley : Daniel Defoe, by William Minto.