Rois en exil - Les Bourbons émigrés (1789-1814)

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Rois en exil - Les Bourbons émigrés (1789-1814)
Revue des Deux Mondes5e période, tome 45 (p. 421-443).
ROIS EN EXIL
LES BOURBONS ÉMIGRÉS
(1789-1814)

Le Premier Consul arpente nerveusement la pièce où il reçoit deux « chouans ; » d’Andigné et Hyde de Neuville sont là, debout, discutant les conditions de la soumission. Si royalistes qu’ils soient, ils ne peuvent, — car ce sont hommes d’action, — se défendre d’une sympathie faite d’admiration pour ce maître d’énergie qui les harcèle : car lui prétend obtenir mieux qu’une soumission, un ralliement. Il les veut détacher des « princes : » « Ils n’ont rien fait pour la gloire. Ils sont oubliés. Que n’étaient-ils en Vendée ! C’était leur place ! — Leur cœur les y a appelés, réplique d’Andigné (d’une voix qui doit être mal assurée) ; la politique des puissances étrangères les en a toujours éloignés. — Il fallait se jeter dans un bateau de pêche ! » Les deux royalistes, décidés cependant à ne rien céder, restent cois devant le cri de l’énergie.

Le « cœur » des Bourbons les a-t-il appelés en Vendée ? Est-ce la seule « politique des puissances » qui les en a tenus éloignés ?

J’ouvre les savoureux Mémoires de Mme de Boigne ; j’y relis une scène déjà connue, mais que cette piquante dame vient confirmer :

Quiberon est d’hier, et la reculade du Comte d’Artois. « La lâcheté de votre frère a tout perdu, » a écrit Cadoudal à « Louis XVIII, » dit-on. Une seule chance de se relever reste au prince, — et à la cause : que le prince se jette sur la côte normande ; l’enthousiasme soulèvera les populations ; Frotté, frère de l’héroïque partisan, vient solliciter à Londres le frère du « Roy. » Le futur Charles X reçoit le « chouan » avec un gracieux sourire, semble consentir. Frotté frémit d’espoir. « Je puis donc avertir mon frère que Monseigneur sera sur la côte à telle époque ? — Permettez, un moment, dit le baron de Roll ; permettez, je suis capitaine des gardes de M. le Comte d’Artois et par conséquent responsable vis-à-vis du Roy de la sûreté de Monseigneur. M. de Frotté répond-il que Monseigneur n’a aucun risque à courir ? — Je réponds que nous serons cent mille à nous faire tuer avant qu’il tombe un cheveu de sa tête ; je ne puis répondre de plus. » Le Comte d’Artois, toujours souriant, fait un geste gracieux, souhaite bon voyage à l’émissaire ; celui-ci ne vient-il pas, dit le prince, de reconnaître le projet de descente comme « impraticable ? » C’était tout juste aussi, « impraticable » que, jadis, pour Henri de Navarre, de forcer la Sainte Ligue à lui rendre son trône. Mais les temps étaient changés, — et les Bourbons.

C’est une précieuse contribution à l’histoire des derniers Bourbons, que nous apporte M. Ernest Daudet. Nul n’a été plus informé que lui. Préparé déjà par de longs travaux sur la Révolution à l’œuvre aujourd’hui terminée, il a reçu de mains généreuses des documens singulièrement édifians : papiers des serviteurs des princes, Blacas, Calonne, dix autres, et, qui mieux est, papiers considérables de Louis XVIII en exil, portefeuille où, à côté des minutes des missives royales, se rencontrent, les inappréciables lettres des correspondans du Roi, princes, agens, ministres, amis. De ces papiers grossis par de consciencieuses explorations d’archives, la lumière jaillit, si éclatante que nul épisode de cette lamentable histoire ne saurait rester dans l’ombre[1]. À peine M. Daudet a-t-il besoin de mettre en valeur ces documens : ils parlent. Ils disent de saisissante façon les prétentions, les fautes, les mécomptes, les misères, les petitesses, parfois, soyons juste, les grandeurs des Bourbons émigrés.

Ces petits-fils du Béarnais étaient mal préparés aux épreuves et [aux exploits. On n’est pas nécessairement un Bourbon pour descendre de Henri IV, un Capet pour descendre de saint Louis. Le « sang de France » s’est mêlé à ce point que le miracle est qu’il se soit si longtemps conservé. Parmi les sangs étrangers hérités de tant d’aïeules, le sang des Leckzinski a me semble-t-il, joué un rôle bien prépondérant chez les trois derniers Bourbons. Ce gros roi Stanislas, autre prince ballotté par la destinée, mais si philosophe dans le malheur et la grandeur, c’est, plus que le Béarnais, l’ancêtre de ces trois princes. Dans le geste de Louis XVI dévorant de 1789 à 1793 les pires affronts, dans celui de Louis XVIII vidant, le 19 mars 1815, si prudemment les Tuileries ; dans celui de Charles X battant, en juillet 1830, si promptement en retraite, je vois le sang épaissi des Leckzinski. Des Bourbons, il reste les belles paroles, très nobles, utiles pour couvrir la retraite. Louis XVIII et Charles X ne parleront jamais que noblement.

C’était un philosophe que le Comte de Provence. Il croyait peut-être en Dieu, mais moins qu’au droit divin. Fidèle de Voltaire, il était caustique, gaulois, bel esprit, cultivé, disposé à se venger par un bon mot de la destinée et à chercher au besoin leçons et consolations dans Tite-Live et dans Horace.

De complexion peu sentimentale, sauf pour un « ami » qui devait être d’Avaray, puis Blacas, puis Decazes, et à peu près insensible aux charmes des femmes, il était toujours l’homme d’un favori. Plus instruit qu’un pédant d’Université, il n’était point guerrier. Pourquoi l’être ? Depuis deux siècles, le roi de France ne se battait plus aux armées (Louis XIV n’y fit guère que parader) : les descendans de Henri IV ne cessaient d’évoquer dans des phrases superbes l’épée du grand aïeul. « Heureux si je peux tirer l’épée d’Henri IV du fourreau, » écrira encore en 1801 le gros roi Louis XVIII. Elle était bien rouillée, l’épée du grand Henri : il fallait un autre héros pour l’aiguiser. Lorsque, devant des émigrés qu’on veut enflammer, on souhaite à la dynastie dépossédée une nouvelle Pucelle, un des assistans, levant les épaules, dira (car Louis passa par surcroît pour un médiocre époux) : « S’il ne faut qu’une Pucelle, nous en avons deux : la femme du Roi et son épée. »

Intelligent d’ailleurs, discernant parfois les failles qu’on commet autour de lui, voire celles qu’on lui fait commettre, il semble avoir eu, vers 1789, des velléités de libéralisme et a porté la cocarde tricolore. Aussi bien elle avait à cette époque pour lui au moins un attrait : celui de déplaire à la reine Marie-Antoinette qu’il desservit plus qu’homme du monde.

« Roi très chrétien, » — in partibus infidelium, — mais roi très chrétien par la mort successive de son frère et de son neveu, Louis XVIII saura dès lors garder sa philosophie pour l’usage interne. Il professera les grands principes avec une surprenante énergie de paroles et, rendons-lui justice, une grande noblesse, surprenante chez un homme probablement réduit par ses secrets principes à une seule foi : celle qu’il mettait dans son droit. Philosophe d’ailleurs, il le restera dans le bon sens du mot : résigné et presque souriant devant le malheur. Pour en finir, un appétit superbe, celui des Bourbons : le comble de la misère dut paraître au Roi (il s’en montre aigri) d’avoir dû, à Varsovie, en 1801, « rompre sa table » et réduire à trois plats le menu de chaque repas. Il avait ainsi, dès 1789, acquis un embonpoint pénible et s’était exposé au rhumatisme qui, toute sa vie, le tourmentera cruellement. Excuse à l’inaction, le petit-fils du Béarnais était podagre.

Du Comte d’Artois, second frère de Louis XVI, tous eussent dit, avant les grandes épreuves, qu’il était un vaillant. Noble prestance, belle humeur, quelque jactance remplaçant chez lui un esprit qui fut toujours faible. Chevalier de la Table Ronde, il plaisait aux dames, mais les soldats ne le connaissaient point. Il n’avait conquis que des cœurs féminins, et pas un bastion ennemi. Parce qu’il était un vert-galant, il se fût aisément figuré qu’il avait remporté la victoire d’Ivry : mais on ne connaissait son panache blanc que dans les jardins de Versailles. Capable de grandes amours, il était, en 1789, si épris de Mme de Polastron, que l’émigration lui dut paraître partie de plaisir, la comtesse en étant, et que, sans religion ni moralité, il n’apprendra qu’en 1802, au lit de mort de cette maîtresse adorée, l’existence de Dieu ; de « philosophe » qu’il était aussi, il deviendra, du coup, bigot. Par ailleurs, « il ne changera point » et s’en fera gloire : cela veut dire qu’il restera toute sa vie gracieux et pusillanime, ignorant et présomptueux.

De ses deux fils. — héritiers possibles du trône, puisque Louis XVIII n’avait point, d’enfans, — l’un, le duc d’Angoulême, froid, timide, entêté, borné, de conduite sage, passera un instant pour révolutionnaire, parce que la Constitution anglaise ne lui déplaisait point ; l’autre, le duc de Berry, brutal, brouillon, bruyant, point dépourvu d’intelligence, mais de moralité faible, effrayait la famille par des frasques éclatantes : lors de la Restauration, il affectera des façons soldatesques, parlant aux grenadiers la langue de Cambronne, sans qu’on sût jamais sur quel champ de bataille ce prince avait acquis le droit de tutoyer ces héros.

Les d’Orléans, princes « atrocement » compromis dans la Révolution, feront mieux estimer aux aînés les Condé, si bien pensans, qu’ils furent toujours plus royalistes que le Roi. Eux, du moins, surent tirer l’épée. « Vainqueur de Friedberg et de Bernstein, » écrira emphatiquement Louis XVIII au prince de Condé. Qu’est-ce que Friedberg ? Qu’est-ce que Bernstein ? Nous l’ignorons et restons surpris. Mais les Bourbons se devaient contenter de peu et Condé avait essayé de faire beaucoup. Son petit-fils le duc d’Enghien devait, en outre, montrer, par son altitude, dans la sinistre aventure de Vincennes, qu’il restait vraiment, dans cette brandie, ce jour-là brisée, de l’arbre de Capet, quelque chose de la sève généreuse du temps jadis.

L’Europe, avouons-le, fit tout pour paralyser l’énergie des uns et encourager la pusillanimité des autres. Les Bourbons sont évidemment revenus en 1814 dans les fourgons de l’étranger, mais on les y avait systématiquement relégués, depuis 1792, et, au besoin, tenus captifs, d’ailleurs, dans l’intention bien manifeste de faire marcher le plus tard qu’il se pourrait ces humilians véhicules. L’Europe leur avait été hostile : elle détestait et enviait ces Bourbons de France depuis si longtemps ! L’ « insolente nation » qui forçait l’admiration de Guillaume d’Orange, avait depuis tant de siècles excité tant de haines ! Tout d’abord, chacun, en Europe, crut pouvoir profiter de la Révolution pour servir ses rancunes et prendre ses convenances. L’orgueilleuse dynastie humiliée, l’armée française dans l’anarchie, l’ « insolente nation » déchirée, voilà, ce que virent tout d’abord, dans les événemens de 89, les petits-fils des adversaires de Louis XIV. Sorel nous a si bien dénoncé ces aimables projets qu’il serait oiseux d’y revenir. Il n’est pas jusqu’aux Bourbons de Naples et de Madrid qui n’éprouvassent une joie secrète à voir mortifier des aînés parfois arrogans. Une nouvelle Pologne, voilà le festin promis : ne rétablir, — s’il le fallait absolument — une dynastie, les Bourbons, peut-être une autre, que sur une France démembrée, dès lors ne se prêter à aucune tics combinaisons de la famille déchue.

Dès l’abord, le Comte de Provence verra clair dans le jeu de l’Europe. Il voudrait le déjouer. Il entend bien qu’une coalition de princes se forme contre des « sujets rebelles, » mais pour remettre le Roi sur son trône. C’est, dès lors, le drapeau blanc qu’il faudrait planter sur Valenciennes, Longwy, Verdun conquis en 1792. C’est l’aigle allemand qu’on y arbore. De là, dira le Comte de Provence (et il le répétera jusqu’en 1814), de là est venue la résistance de la nation.

« Régent, » puis « Roi, » le frère de Louis XVI luttera vingt ans pour faire agréer par les Cabinets de l’Europe le principe qu’en 1792, il avait posé. À l’entendre, l’Europe, soulevée par le seul zèle du légitimisme (c’est bien Louis XVIII qui créa le mot), eût dû le reconnaître unanimement, l’héberger princièrement, lui prêter ses soldats, mais comme alliés des soldats de Condé et ne marcher contre la France rouge qu’avec le drapeau blanc. L’Europe prendra le contre-pied du programme, ne traitant généralement « M. le comte de L’Isle » que comme un prétendant qu’il sera toujours loisible de restaurer une fois à Paris. Car il faut s’assurer, le jour où la France sera envahie, ses coudées, — disons le mot, — ses lippées franches.

D’ailleurs, l’émigration déplaît à l’Europe, offusquée d’une mendicité parfois arrogante, presque toujours railleuse. On réputera ces nobles, proscrits volontaires, incorrigiblement légers et impertinens. On est peu sûr, — le cas échéant, — de leur gratitude. Car leur patriotisme ne subit qu’une éclipse, et certains cris où éclate parfois ce patriotisme par trop mortifié, ce qui nous console un peu, durent édifier l’Europe et la tenir en garde. On entend paralyser ces Français un instant dévoyés, et les avilir.

Leur situation était fausse et leur conduite avait été coupable, encore qu’elle nous paraisse présenter bien des circonstances atténuantes. Par un préjugé tenace et qui avait d’antiques fondemens, ils confondaient le roi et la patrie, et il leur parut qu’ayant à défendre le roi, ils le devaient faire hors de France. N’ayant point su se défendre (les Lettres d’aristocrates du savant M. de Vaissière nous édifient à ce sujet), ils entendirent aller aiguiser tardivement leurs armes à l’étranger. C’était la plus sûre façon de se séparer de la nation et de se donner, après le rôle de parias, le rôle de traîtres. Mieux eût valu se révolter franchement à l’intérieur. La noblesse ne sut se soumettre tout à fait ni se révolter franchement : l’émigration parut un parti commode, et le prétexte fut promptement que le pays devenait intenable. Certes il le devint, mais quand eut paru le néfaste manifeste de Brunswick, inspiré par les émigrés.

Ce fut tout d’abord question de mode. Le premier émigré fut le Comte d’Artois : odieux au peuple, l’opinion, dont Louis XVI se fît le porte-parole, le força à vider Versailles, la Bastille à peine prise. Il entraîna quelques compagnons vers Bruxelles, puis vers Turin où, par la Suisse, il se rendit. Derrière lui Condé et son fils émigrèrent, puis les Polignac, — et parmi ceux-là l’aimable comtesse de Polastron. Ils ne croyaient faire qu’une petite promenade : « Nous rentrerons dans trois mois, » disait Artois. Ils rentrèrent vingt-cinq ans après.

L’émeute d’octobre, semant des alarmes, grossit le groupe de Bruxelles, comme celui de Turin. Dès lors il y a une société française émigrée : dans sa nostalgie, elle appelle les amis à la rescousse. Installer Versailles à Bruxelles ou à Turin, ce serait être encore un peu à Versailles. Le renard qui a eu la queue coupée incitait ses amis à couper la leur. Le mouvement fut d’ordre mondain ; la vogue s’y mit ; les fournisseurs suivirent : couturières, modistes, marchandes de plaisir se firent « émigrettes. » Les boutiques de frivolités se rouvrirent au-delà de la frontière.

Le Comte d’Artois, — autre marchand de frivolités, — se rendait, cependant, insupportable à Turin, particulièrement au roi de Sardaigne, Victor-Amédée, frère des Comtesses de Provence et d’Artois. Le futur Charles X entendait mener grand train d’exil, quatre-vingt-deux personnes, ce qui paraissait modeste à un prince qui avait laissé à Versailles, — ce sont les chiffres de Taine, — une maison de 287 militaires et 456 civils, sans parler de 239 serviteurs de Mme la Comtesse d’Artois. Mais à Versailles on avait des millions : or Victor-Amédée n’en pouvait ni n’en voulait fournir, — c’était un bon Savoie. Tout au plus accepta-t-il de s’entremettre pour solliciter du Bourbon de Madrid qu’il nourrît les serviteurs du Bourbon émigré. La réponse tarda, arriva encore trop tôt : un soir, à la veillée, le roi de Sardaigne soupira très près de l’oreille d’Artois : « Mon frère d’Espagne n’a pas un sol ! » Artois comprit : ce fut le premier déboire d’un Bourbon on exil ! ce ne devait pas être le dernier. Le prince se vengeait en désespérant la Cour de France par ses dangereuses fanfaronnades et ses manifestations contre-révolutionnaires : on l’avertissait qu’il exposait ses augustes parens, restés à Paris, aux pires représailles. « Que n’étaient-ils à Turin ! » Lui ne connaissait que son honneur. « Serait-il caché sous la foudre, j’irais l’exciter à tomber sur moi. » Plus tard il parut moins pressé d’aller chercher son honneur sous la foudre quand elle menaçait la Vendée ; pour le moment, il ne l’appelait libéralement que sur la tête des siens, otages aujourd’hui, dont il va faire demain des victimes.

Condé venait à la rescousse : « Oui, j’irai, malgré l’horreur que doit naturellement inspirer à un descendant de saint Louis l’idée de tremper son épée dans le sang des Français, j’irai à la tête de la noblesse de toutes les nations et suivi de tous les sujets fidèles à leur roi qui se réunissent sous mes drapeaux, j’irai tenter de délivrer ce monarque infortuné. » C’était absurde : ni « la noblesse de toutes les nations » n’avait donné sa parole, ni le « monarque infortuné » ne priait ses « fidèles sujets » d’attaquer leur pays. « Guillaume Tell, écrivait Esterhazy, qui ne frappera que la tête sans abattre la pomme. » Des Tuileries on les priait tous de se taire, mais Artois négociait avec l’Europe, et Condé levait sa légion sans s’émouvoir. Calonne, premier ministre de l’Emigration, tranchait de l’homme d’Etat, refusant de se soumettre aux instructions formellement données aux vrais représentais de Louis XVI, Bombelles ou Breteuil. « Qu’est-ce que roi en ce moment-ci ? disait Artois : il n’est de roi que moi ! » Fort affairé, il s’agitait pour remplacer le Roi « captif des jacobins : » il allait tout arranger, tout écraser ; n’était-il pas le descendant du grand Henri ? Il courait un jour au-devant de ses tantes, car ces vieilles dames, filles de Louis XV, émigraient très solennellement, passant les Alpes avec 1 200 carrosses ; un autre jour, n’ayant pu obtenir d’aller à Vienne exciter les courages contre la France, il s’en allait obséder de ses sollicitations l’Empereur à Mantoue. Celui-ci, bien sermonné par Marie-Antoinette, haussait les épaules à ce bourdonnement de mouche du coche ! Le jour où il le croirait bon, il marcherait contre la France, pour servir les intérêts non des Bourbons mais des Habsbourg.

Se morfondant en Italie, le prince regagna Bruxelles. Il y apprit la lamentable aventure de Varennes de la propre bouche du Comte de Provence qui, plus heureux que Louis XVI, avait pu gagner la frontière, et que la politique des émigrés enrôlait décidément. Il avait rejeté la cocarde tricolore et se montra prêt à lier partie avec le bouillant Artois.

Coblentz, centre principal de l’Emigration, les devait attirer promptement. L’Empereur les voyait d’un mauvais œil dans sa bonne ville de Bruxelles et les envoyait in petto au diable, en l’espèce à l’électeur de May en ce grand ennemi de la Révolution, qui leur ouvrit Coblentz. La ville était peuplée de féaux sujets du Roi qui, au témoignage de Choiseul, la « remplissaient déjà de leurs discussions et de leurs querelles. » Leurs duels, leurs galanteries, leurs débats, leurs bons tours scandalisaient les bords du Rhin, de Bâle à Cologne. L’Europe commençait à en montrer de l’humeur. « Ils croient épouvanter, écrivait de Turin Victor-Amédée, à qui ses deux sœurs restaient sur les bras ; ils ne font qu’irriter ceux qu’ils prétendent soumettre. » À Bruxelles le peuple leur avait arraché leurs cocardes blanches ; à Nice comme à Worms, on les dénonçait comme d’insupportables brouillons qui allaient mettre l’Europe en feu.

À Coblentz principalement, ces gens encombrans se déchaînaient, insupportables de jactance, vendant la peau de l’ours dans tous les cafés de la ville. Beaucoup, désargentés, s’étaient mis à travailler. Courageusement, des hommes s’établissaient tailleurs, savetiers ; quelques-uns, décorés de la croix de Saint-Louis, déchargeaient des bateaux. Mais la majorité traînait dans les cafés une vie odieusement oisive, quelques-uns vivant de bons tours qui frisaient l’escroquerie : presque tous indiscrets, fanfarons, gagnant de grandes victoires contre les jacobins entre leurs gobelets de vin.

Sauf que le vin était meilleur, les princes avaient une vie tout aussi vide. Le Comte d’Artois menait grand train : Calonne, imperturbablement, le fournissait d’argent ; cet homme était un vrai Cagliostro de finances. Moyennant quoi, on avait réorganisé une maison : pages, mousquetaires, chevau-légers, gendarmes, compagnie de Saint-Louis, gardes de la porte. Les uniformes étaient brillans, moins que ceux de l’armée de Condé.

Celle-ci tout d’abord relevait de l’opérette. Chacun y voulait être officier, encore qu’on assurât aux soldats de royales payes. Calonne, alors, pour faire cesser les rivalités, mit les grades à l’encan. L’armée ainsi « organisée » vécut dans l’oisiveté, conseillère de vices. On allait remettre le Roi sur son trône, car il était tenu pour déchu. En attendant, on buvait sec et on se battait entre soi.

On se battait aussi « à la Cour. » Rivalités de femmes, les pires. Encore qu’il ne fût pas brillant sur ce terrain, le Comte de Provence, qui déjà jouait au roi, affichait une maîtresse, au moins en titre, la comtesse de Balbi. Mme de Polastron, maîtresse chérie d’Artois, ayant affronté cette Montespan d’exil, des conflits éclatèrent, aigus, éternels[2]. Cependant la princesse de Monaco, vieille compagne de Condé, jetait de l’huile sur le feu. « Ces trois divinités » brouillaient les cartes… et les parens. Le caustique Provence riait de ces compétitions : le soir, renversé dans son fauteuil, l’extrémité de sa canne dans son soulier, il raillait, contait, faisait la chronique scandaleuse. Quoi qu’il dît de son entourage, de la cour et de la ville, ce sceptique, nous pouvons le croire, en pensait encore pire.

S’il s’en fût tenu au coin du feu, il n’y eût eu que demi-mal. Mais parfois il enflait la voix à son tour pour se faire entendre à Paris, et c’était fort dangereux : car ce railleur savait être d’une emphase meurtrière. Plus on priait les princes de se taire, plus ils parlaient. Si Louis XVI se sent mis en péril, qu’importe ? « Nos ennemis mêmes, répond avec un sang-froid admirable le futur Louis XVIII, ont trop d’intérêt à votre conservation pour commettre un crime inutile. » C’est après une lettre de ce style « abominable, » que Marie-Antoinette, frémissante, criait : « Caïn ! Caïn ! » Ces émigrés, qui tous avaient laissé des otages à la nation, mères, sœurs, frères, étaient eux aussi des Caïns inconsciens. « Je connais les chemins de Paris, s’écriait Broglie ; j’y guiderai les armées étrangères et de cette orgueilleuse capitale il ne restera pas une pierre. » Ainsi l’exil faisait divaguer les plus sages, et de meurtrière façon. À Paris, ces paroles couraient les clubs rouges, et faisaient progresser l’influence des violens de l’autre bord.

Le gouvernement français perdant patience fit savoir à l’électeur de Mayence qu’il eût à dissoudre, à Coblentz et ailleurs, ces rassemblemens séditieux : c’était en janvier 1792. L’électeur inquiet fit des semonces, parla d’expulsion. Mais les princes s’en riaient : avant quelques mois on serait à Paris. On avait « décidé » l’Empereur à agir et aussi le roi de Prusse. La coalition se formait : l’armée d’invasion s’organisait sous Brunswick. Condé et ses féaux étaient résolus à marcher à l’avant-garde, le drapeau blanc déployé. Que de phrases grandiloquentes ! Autour de Brunswick, les agens de l’émigration s’agitaient. Le Roi retenu à Paris courait des dangers ; eh bien ! on allait terroriser Paris : ainsi le Roi serait sauvé. Mentalité d’enfans jouant avec le feu. Les émigrés arrachaient au généralissime allemand ce manifeste absurde, incendiaire, criminel que rédigea l’un d’eux, le marquis de Linon. On en sait la suite : Paris exaspéré se révoltant devant les outrages et les menaces, jetant bas Louis XVI, les massacres et la première Terreur.

On sait aussi la suite de la campagne : l’invasion en Lorraine ne rencontrant chez les paysans que haine et rancune, et, après Longwy pris, après Verdun occupé, l’Argonne franchie, la grande reculade de Valmy. Il fallait battre en retraite : Condé furieux devait regagner derechef la frontière, odieux à ses alliés ; la veille de Valmy, Brunswick l’avait mis aux arrêts. Aigris, les alliés s’injuriaient. Les émigrés s’étaient, plus que les étrangers, rendus odieux à leurs compatriotes lorrains, affirmaient les Prussiens. Si l’on eût arboré l’oriflamme fleurdelisé, on se fût fait accueillir, affirmait au contraire le prince de Condé. Au cours de la retraite, les soldats de Condé furent traités en parias, en boucs émissaires. On voulut dissoudre la légion, lui reprendre ses armes. « Il faudra donc les tuer jusqu’au dernier, » s’écria le prince. Ce mot de révolte sauva son « armée » qu’on laissa subsister. Mais les grands espoirs étaient éteints : la République, proclamée à Paris, tenait Louis XVI sous les verrous et menaçait le Rhin.

Ce fut un effarement : les princes, ayant quitté Coblentz, étaient l’un à Liège, le Comte d’Artois, l’autre, le Comte de Provence, à Namur. Mais l’empereur, tous les jours plus hostile, ne les tolérait que provisoirement dans ses États de Flandre, d’ailleurs en péril. Le roi de Prusse leur ouvrit la Westphalie : ils s’installèrent à Ham, pendant l’hiver, dans une maison plus que simple, une « Trappe, » gémissait Artois, qui, évidemment, n’y pouvait plus avoir ni pages, ni mousquetaires. C’est dans cette « Trappe » qu’ils apprirent la mort de Louis XVI. Dès le 28 janvier, le Comte de Provence rédigeait une déclaration au peuple français, — la première d’une longue série, — où il déclarait roi le petit Louis XVII sous sa régence : d’ailleurs, le manifeste était un long défi à la Révolution dont les principes étaient stigmatisés. L’Europe cependant ne semblait nullement disposée à reconnaître dans « Monsieur » le dépositaire légitime du pouvoir. Partout les efforts des envoyés du « régent » furent vains. L’Autriche particulièrement se montra dédaigneuse et le restera ; Monsieur n’y sera jamais reconnu ni comme régent, ni comme roi ; l’Empereur ne répondra jamais de 1793 à 1814, une seule lettre à celles du « prétendant. » Celui-ci d’ailleurs opposait une belle sérénité à ces mécomptes. Il comptait sur la Russie et y dépêcha son frère.

Pour séduire cette terrible Catherine II, sexagénaire encore inflammable, il avait paru que ce beau garçon, toujours souriant, ferait merveille. Elle avait d’ailleurs horreur des Jacobins. Il est vrai que l’entourage d’Artois lui fit une impression fâcheuse. Mais le prince lui parut charmant : elle rêvait pour lui de grands exploits. Il fallait qu’il allât en Angleterre, qu’il se fit donner des vaisseaux, débarquât en Bretagne, marchât sur Paris. Elle lui tint une manière de discours fort impressionnant : « Vous êtes l’un des plus grands princes de l’Europe : mais il faut l’oublier quelque temps et être un bon et valeureux partisan. Par ce moyen, vous redeviendrez ce que vous êtes fait pour être… Allez en Bretagne sans rien attendre des négociations qui se poursuivent entre les puissances et qui font perdre un temps précieux. » En témoignage de sa confiance, l’Impératrice lui remit une épée sur laquelle elle avait fait graver cette devise : Avec Dieu, pour le Roi ! et dont la poignée en or portait, enchâssé, un brillant estimé 40 000 francs. Ce n’est pas avec ces belles épées-là qu’on reconquiert un royaume, mais avec une âme bien trempée. Lorsqu’en avril 1814, le Comte d’Artois rentrera en France, il pourra suspendre au mur de son cabinet des Tuileries l’épée de Catherine II : elle était restée neuve, joli bibelot de panoplie.

Le paladin quitta Pétersbourg le 26 avril 1793, probablement fort exalté. En lui remettant le glaive vengeur, l’Impératrice lui avait dit : « Je ne vous la donnerais pas si je notais persuadée que vous périrez plutôt que de différer de vous en servir. » La frégate russe le déposa, le 16 mai 1793, à Hull en Yorkshire. Il chargea le duc d’Harcourt de négocier avec le Cabinet de Saint-James en son nom. Le ministre Grenville se montra contrarié. Non seulement il ne voulait envoyer aucun soldat en Vendée, mais la présence du prince à Londres était impossible. Celui-ci avait de Coblentz contracté des dettes à Londres : deux millions ; les créanciers le saisiraient. C’était, pour le prince, tomber de haut : il volait au carnage, à la victoire, au trône et on lui opposait de misérables créanciers. Il se rembarqua, rejoignit Provence à Ham fort décontenancé.

Louis XVIII, lui, méditait ; il allait être Roi : comment penser que le petit Louis XVII échapperait ? Roi, il serait monarque absolu : écrasement des Jacobins, écrasement aussi des modérés plus dangereux, plus haïssables : Lafayette sera toujours plus odieux à l’émigration que Robespierre. Louis XVIII n’en est pas encore à parler de charte, — octroyée ou non. Le rétablissement de l’ancien régime avec quelques réformes, voilà ce qu’offre le « Roy » à ses « sujets révoltés » pour les apaiser, — et le tout accompagné de grandes menaces de représailles et de vengeances-Ferrand demandait que 44 000 exécutions, « une par municipalité, » signalassent la rentrée des autorités légitimes ; le comte d’Oultremont voulait « qu’on pendît tout ce qui restait de l’Assemblée Constituante. » Sans partager toutes les passions de ces Marat de droite, le « Régent » les laissait s’exprimer en toute liberté. Il lui faudra dix ans de réflexions pour constater que, suivant le proverbe qu’il citera un jour à son frère d’Artois, « on ne prend pas les mouches avec du vinaigre. »

En novembre 1793, il avait quitté la triste « Trappe » de Ham et gagné Vérone où la République de Venise lui offrait un asile. Il se faisait l’illusion, — peut-être, — qu’il s’acheminait ainsi vers Toulon, livré par les royalistes à l’Angleterre où « il trouverait un établissement solide, » affirmait gravement le roi d’Espagne. Ces princes, — de Pétersbourg à Madrid, — avaient des formules malheureuses : le Régent eut raison de « se hâter lentement, » ainsi que le conseille la sagesse : « l’établissement solide » s’écroulait sous les obus de l’armée républicaine, plus particulièrement sous les boulets de cette batterie des Hommes sans Peur que dirigeait le petit commandant Bonaparte.

Louis avait d’ailleurs bien fait de ne pas affronter les projectiles du commandant Bonaparte, car il allait devenir non plus seulement le « dépositaire du pouvoir, » — la formule prête à sourire, — mais le vrai chef de la maison de France. C’est à Vérone que, le 21 juin 1794, il apprenait la mort de Louis XVII. Dès le 24, « Louis XVIII, roy de France et de Navarre, » notifiait aux cours de l’Europe son « avènement au trône. » Dans la note destinée à Rome, le Roi prenait l’engagement de « faire fleurir la religion catholique, apostolique et romaine dans son royaume. »

Comment y rentrer ? Dès cette époque, toutes les combinaisons étaient examinées avec une égale ardeur. L’optimisme de Louis XVIII fut, vraiment, durant ces vingt-trois années d’exil, admirable. Il ne se démentit point, nourri par des illusions tenaces et sans cesse renaissantes. Il avait à peu près écarté l’idée de rentrer en vainqueur à la tête des armées étrangères, le drapeau fleurdelisé déployé. Et quant à l’idée qu’une assemblée pourrait un jour lui offrir la couronne, il l’agréait bien, mais à la condition formelle que cette couronne lui fût « rendue, » écrivait-il à Artois, et non « donnée. » « Tu sens bien la distinction, ajoutera le Roi, et pourquoi j’ai mis Louis XVIII, successeur de Louis XVII. Ces numéros sont des actes conservatoires. » Au fond, l’entourage du Roi répugnerait presque à le voir rappelé par une assemblée : ces gens-là sont les derniers auxquels on aimerait être redevable du trône. On préférerait une bonne insurrection couronnée de succès ou quelque coup d’État fait par un Monk. On paierait de quelques brevets et dotations l’heureux insurgé ou le hardi soldat qui « rendrait » le trône au Roi : cela vaudrait mieux que de passer sous les fourches caudines d’une Assemblée.

Dès les premières heures, quelques mouvemens dans le Midi, la formation du camp de Jalès, avaient éveillé des espoirs ; puis, déçu de ce côté (une fois de plus le soleil du Midi avait entraîné les émissaires de Jalès à quelque galéjade), on avait appris l’insurrection plus sérieuse de la Vendée. Du reste aucun détail : le bruit court qu’il y a là un grand chef, M. de Gaston. Ce M. de Gaston, parfaitement inconnu et dont le d’Hozier ne donnait point le nom, occupa fort les Cours en exil. Que de lettres échangées au sujet de ce personnage ! À dire vrai, ce qui inquiète les princes, n’est point de savoir si « M. de Gaston » est un chef entreprenant, mais s’il n’est point entaché de quelque constitutionalisme. Un jour M. de Gaston s’évanouit : Cathelineau, Stofflet, La Rochejaquelein, Lescure se battaient au Bocage, mais de M. de Gaston point. Et il parut prouvé qu’on avait un instant en rêve confié le rôle de restaurateur du trône à un héros mythique. D’ailleurs, après les succès que l’on sait, l’insurrection vendéenne s’affaissait : elle allait constituer au flanc de la République une plaie que les émissaires royalistes peuvent de temps à autre aviver, mais qui ne sera point mortelle. On perdit à la longue l’espoir de voir Charette entrer en triomphateur à Paris ; du reste, ce fils de paysan, rude partisan, ne plaisait guère aux beaux seigneurs de l’entourage des princes, dont il soulignait l’inaction honteuse quand il ne la stigmatisait point durement.

Restait Monk ! On en rêva de 1792 à 1814, sans se lasser : il fut civil ou militaire, de préférence militaire : Dumouriez, Pichegru, Moreau, Berthier, Bonaparte, Bernadotte, entre temps Barras, et même quelques généraux sans importance, Willot et Beauregard. Si intransigeans sur les principes, les princes et leur entourage eussent accepté des concours singuliers. Plus qu’une Chambre modérée, ils eussent agréé un général mécontent ou quelque régicide repenti : le jour va venir où Louis XVIII saluera « notre ami et féal Paul, vicomte de Barras. » On ne rejettera aucune offre, même celle des escrocs qui, se disant grands amis de tel leader influent ou de tel général ambitieux, extorqueront quelques louis au Roi et disparaîtront. Et il fallait bien « porter toute son attention sur l’intérieur du royaume, » car l’Europe décidément était hostile aux « prétentions absurdes » de la « cour de Vérone. » Cobenzl n’écrivait-il pas à Pétersbourg, afin de décourager Catherine, qu’ « il ne fallait pas qu’on se flattât qu’on pût remettre un Bourbon sur le trône de France. L’opinion, ajoutait-il, est trop contraire à cette maison. »

Le Comte d’Artois était resté quelques mois à Ham. Les émigrés l’incitaient à tirer l’épée. Il laissait grandir le bruit que nul ne restaurerait les lys que lui ; il passait sa vie, la main sur la garde de son épée ; peut-être à cette époque était-il sincère, prêt à la tirer. Il demanda derechef à l’Angleterre de lui fournir de bons bateaux et de bons soldats, car de se jeter seul au milieu des paysans insurgés de l’Ouest ne lui sembla jamais chose « praticable. » Pitt refusa : Artois déclara « qu’il irait malgré Pitt : » c’était une phrase ; comment monter malgré Pitt autrement que sur une barque ? Il entendit plaider sa cause, voulut gagner l’Angleterre, fut, sur les instructions de Londres, retenu à Rotterdam par York. La « barque de pêcheur, » à laquelle César un jour confia sa fortune et dont parlera Bonaparte, ne le tentant point, il envoya, par le comte de Puisaye, quelques paroles témoignant à « ses intrépides compagnons d’armes » de Vendée « son désir brûlant de se trouver à leur tête. »

Tout allait bien d’ailleurs : Louis XVIII se faisait communiquer à Vérone les ouvrages spéciaux sur le cérémonial du sacre : ce prince si caustique songeait-il que provisoirement le manteau du sacre était fourré de peau d’ours ? Il est vrai que la Russie et la Suède le reconnaissaient roi : et quant au reste de l’Europe, le Roi s’imposerait a son estime en tirant la fameuse épée d’Henri IV. « Ce n’est qu’en Vendée, écrivait-il, que je puis réellement l’imiter (le Béarnais), mourir ou satisfaire les regards de l’Europe fixés sur moi. » Mais Vérone est si loin de Nantes !

De fait, la Vendée bougeait derechef. À Londres, on pensait maintenant qu’il y avait quelque chose à faire : exciter la guerre civile en France et subsidiairement se débarrasser de ces émigrés, « vraie peste, » écrivait de Londres même Woronsof.

Le bruit courut que le cabinet de Saint-James allait laisser à l’héroïsme impatient d’Artois la carrière libre. Dans l’Ouest, un grand vent d’enthousiasme souffla : « Le prince, on allait voir le prince ! »

Ce fut Quiberon. On en sait l’histoire : le prince se déroba derrière l’Angleterre qui « ne pouvait décidément proposer à Son Altesse de se joindre à une expédition dont l’issue pourrait être incertaine. » Si les 40 000 Chouans promis par Puisaye étaient là, et s’ils enfonçaient les Bleus avec le secours des émigrés débarqués, le prince, la victoire remportée, débarquerait à son tour.

Il ne débarqua pas. Les insurgés accourus étaient déçus par l’absence du frère du Roi. Seul il eût pu, d’autre part, établir quelque concorde entre les émigrés et les « Chouans » qui ne se purent sentir, ceux-ci hirsutes, brutaux, indisciplinés, ceux-là légers, dédaigneux et pleins de prétentions. Tous furent écrasés. Ils s’étaient d’ailleurs tous battus avec bravoure, ces émigrés trahis par la fortune, et moururent héroïquement.

C’était une cruelle épreuve pour l’optimisme des princes : il n’en fut pourtant pas déconcerté. On pleura officiellement les victimes : le Comte d’Artois déclara qu’il les vengerait. On s’impatientait. « Nos paysans, écrivait Châtillon, bercés depuis longtemps de l’espoir de voir un de leurs princes à leur tête, commencent à perdre courage. » Le prince fit un grand effort : il s’installa dans l’île d’Yeu, d’où il pouvait apercevoir la côte toute proche. Charette affirmait qu’il pouvait facilement débarquer ; quelques-uns de ses gens de fait purent prendre pied. Puis lui-même s’embarqua, — mais pour Londres. C’était un écroulement : Frotté courut après lui en Angleterre. Nous avons parlé de cette scène et de sa déshonorante conclusion. L’Ouest allait se soumettre. Le Comte d’Artois fut admirable de désinvolture : « Ainsi va le monde, écrivait-il philosophiquement. Il y a quelques mois, nous pensions que toutes les espérances étaient à l’Ouest de la France. Aujourd’hui, c’est la partie du Midi et de l’Est qui présente les chances les plus favorables. » C’était une pirouette d’une jolie désinvolture.

De ce coup, le prestige du prince ne se releva plus. Sept ans, il avait paru, plus que son aîné, le Bourbon appelé à jouer les Henri IV. La « lâcheté » du prince faisait tomber les illusions, — cruellement. Louis XVIII, que n’avait pas toujours séduit le rôle qu’on lui laissait, allait prendre désormais la tête du parti. Ses idées semblaient d’ailleurs se modifier légèrement depuis quelques mois. Puisque Artois n’avait pas gagné sa bataille d’Ivry, il restait d’Henri IV un dernier souvenir qui se pouvait évoquer. Si Paris avait paru valoir une messe au Béarnais huguenot, la France ne valait-elle pas une Constitution ? On écrivait de France que la Convention se séparait au milieu d’une impopularité que signalaient les élections aux nouveaux Conseils. L’émeute de Vendémiaire avait, il est vrai, échoué : les deux tiers de conventionnels imposés au pays allaient former un an la majorité, élire un Directoire jacobin ; mais le pays, que la Terreur avait révolté, allait à la réaction. Seulement il ne voulait qu’une réaction modérée : les outrances des émigrés, leurs paroles violentes, l’intransigeance de la Cour exilée effrayaient. Une agence organisée à Paris eut pour mission d’amadouer quelques leaders dont la modération laissait tout espérer. Subsidiairement, on se mit à tâter « l’infâme Barras. »

Ces combinaisons furent troublées par le plus triste événement. Le gouvernement français avait montré quelque humeur, de voir la république de Venise héberger le « prétendant. » Le Sénat prit peur et signifia au « Roy » qu’il eût à chercher un autre asile. Le 14 avril 1796, le podestat de Vérone transmettait à Louis XVIII cette pénible mise en demeure. Comme toujours, celui-ci fut très digne. C’était bien : il allait faire ses préparatifs de départ. Mais le lendemain, il écrivit au Sénat qu’il entendait rayer de sa main, sur le livre d’or de Venise, le nom de sa famille qui s’y trouvait inscrit et se voir, d’autre part, restituer l’armure dont Henri IV avait fait don à la République : geste enfantin dans sa noblesse. La République ne restitua point l’armure d’Henri IV. Qu’en aurait fait « Monsieur le comte de Lisle ? » Et comme si tout geste noble, — dans ces vies de prince exilé, — devait avoir de pénibles lendemains, il fallut que le « Roy » partît déguisé, parce qu’il était nécessaire de cacher son départ à de trop nombreux créanciers que l’armure d’Henri IV elle-même n’eût point satisfaits.

Depuis trois ans, l’armée de Condé appelait le Roi. Elle s’allait mesurer sous le drapeau autrichien, sur le Rhin, avec « les Français », et son chef déplorait amèrement que le Roi ne parût point parmi ses féaux.

Sans asile, le pauvre monarque dut « gagner les camps » fort à contre-cœur. On l’y vit le 28 avril 1796. Péniblement il se mit en selle, visita les postes, put même interpeller d’une rive à l’autre du Rhin les soldats de la République.

Mais l’Autriche était outrée d’un accès d’héroïsme aussi déplacé. Elle insista pour qu’il prît fin ; elle n’eut pas à insister beaucoup : les républicains passaient le Rhin et faisaient de nouveau reculer l’Europe, — et Condé lui-même. Le Roi faillit être enlevé et, par surcroît, à Dillingen, il fut effleuré par une balle qu’il reçut avec un beau sang-froid. À lui aussi néanmoins un séjour si périlleux paraissait peu pratique. D’ailleurs, son embonpoint suffisait à lui faire jouer, dans un état-major qui restait frondeur et railleur, un rôle ridicule. Lorsque Blankenberg, en Brunswick, eut été désigné au Roi comme résidence, il s’y installa sans tarder, en juillet 1796. C’était modeste : trois chambres louées à la veuve d’un brasseur.

On s’y résignait : le Roi n’allait-il pas être restauré ? Les élections s’annonçaient bonnes. Pour n’être pas à la merci d’une assemblée, fût-elle royaliste, on était en outre entré en relations avec Pichegru et on sondait Moreau. On songeait même à Bonaparte qui, depuis Vendémiaire, « était devenu bon. » Le comité de Paris eût seulement voulu moins d’intransigeance dans les principes : il faudrait que « le Roi se prononçât de manière à faire connaître qu’il était disposé à ne poursuivre personne.., et qu’il ne tenait pas à l’ancien régime dans son ensemble. »

De fait, les nouveaux Conseils, en majorité modérés, après les excellentes élections de 1797, n’étaient disposés, — et encore ! — à accepter la monarchie que tempérée. On tentait, il est vrai, de conquérir à des idées plus saines les nouveaux élus qu’un comité accueillait à Paris. Mais mieux valait cuisiner des généraux et préparer, d’autre part, une insurrection d’ensemble dont, le Comte d’Artois étant discrédité, le duc de Berry serait le chef (encore que la brutale intransigeance du « petit » inquiétât Louis XVIII). Disons le mot : on conspirait, à l’heure où, — après des élections contre-révolutionnaires, — il eût fallu être très sage. On prêtait ainsi le flanc à un retour offensif du Directoire jacobin battu légalement. Il en profita, le 18 fructidor, pour frapper, pêle-mêle, modérés et royalistes, mettant à néant, grâce en partie à l’imprudence des agens du Roi, les projets si laborieusement échafaudés et tout près de réussir.

Plus éloigné du trône qu’il ne l’avait jamais été, Louis était trop philosophe pour que rien en cette aventure lui parût irréparable. Il est étonnant ! Ses agens aussi. Un mois après le coup d’Etat, en voici un qui « se creuse la tête pour aborder Bonaparte, » et, Bonaparte parti pour l’Egypte, on ne désespère pas de faire de Barras, — l’homme de Fructidor, — un Monk. Quel Monk, ce « féal et amé vicomte de Barras ! » L’intrigue avec lui fut constante, mais si louche ! Quel sens des réalités vraiment médiocre montre la cour de Blankenberg ! À un instant, on va jusqu’à penser que ce Directeur aura le tact de ne point rester en France, la Restauration une fois assurée par ses soins, et peut-être acceptera « le gouvernement de l’île Bourbon ; » Louis XVIII, qui « rebondissait » à chaque déception, songeait à mille combinaisons. Ce disciple de Voltaire entendait maintenant organiser des missions religieuses en France. Sans ambages, il écrivait à Artois : « Tu penses bien que je veux tirer des missionnaires religieux une utilité politique. »

Ces combinaisons amusaient son oisiveté ; moins cependant que le mariage de sa nièce Marie-Thérèse. La fille de Louis XVI avait été rendue par le gouvernement républicain à la liberté. Etant aussi la fille de Marie-Antoinette, elle avait été remise aux mains de l’empereur d’Autriche. Louis XVIII entendait la reprendre, la rattacher à la « maison, » et, pour ce, la marier au duc d’Angoulême. À Vienne, on la voulait unir à l’archiduc Charles. Louis s’était insurgé là contre, et il y a dans sa protestation des mots qui, tout en prêtant à sourire, inspirent une fois encore quelque admiration pour ce bel orgueil que rien n’abat. Eh quoi ! une fille de France épouserait « un prince sans état, sans espérances, » un cadet d’Autriche. Plus tard, il repoussera pour le duc de Berry l’alliance d’une Saxe-Weimar protestante : « Ce serait le premier exemple dans notre famille, et plus on est dans le malheur, moins on doit s’abaisser. »

S’il ne s’abaissait pas, on l’abaissait : une fois de plus on lui retirait son toit. Pour plaire au Directoire, le roi de Prusse enjoignait à Brunswick de chasser ce malheureux prétendant. Le Tsar, alors au paroxysme de sa haine contre la dévolution, le recueillit à Mitau, en Courlande. Louis XVIII y serait traité en roi pour la première fois : liste civile, cour, égards, l’illusion rendue possible. Mais quel revers ! Cette hospitalité offerte par ce Paul Ier, tyran sans délicatesse ni équilibre, était presque une captivité : c’était tout juste si les lettres du Roi ne lui étaient pas remises ouvertes. Et quelle humiliation au fond, pour un Bourbon, de traiter avec ce brutal Romanof sur un ton d’humilité opportune !

Du 13 mars 1797 au 4 janvier 1801, le Roi mena cependant à Mitau une existence relativement heureuse. On écrivait de Paris que Barras s’amadouait, ou que Bonaparte ne reviendrait d’Egypte que pour remettre le Roi sur le trône. On ralliait d’autre part le duc d’Orléans, étouffant ainsi dans l’œuf la faction d’Orléans renaissante, avait-on dit, et enfin on mariait décidément le duc d’Angoulême à sa cousine.

La princesse avait rejoint le Roi et son fiancé cousin. Celui-ci, empêtré dans sa timidité, avait jusque-là emprunté la plume du Roi : il sut cependant, soufflé par Louis XVIII, faire son compliment et naturellement fut agréé. Cette fille de France joue ici un beau rôle : elle est à cette heure pleine de cœur sans exagération et de sagesse pondérée. Elle apportait, en 1798, à la petite colonie de Mitau, quelque réconfort, sinon de la gaieté : car « l’orpheline du Temple » était autorisée à n’être point gaie. Mais si mûrie qu’elle fût avant l’âge, elle était jeune, et d’ailleurs rappelait au Roi la seule conquête qu’il eût faite en émigration.

Il lui fallait cette compagne pour le consoler d’une autre arrivée : celle de sa femme. Elle s’était décidée à le rejoindre à Mitau. Mais acariâtre, bizarre, d’étrange allure et nourrissant contre son mari des griefs dont nous soupçonnons le secret, elle mit dans la vie du pauvre Roi un souci de plus. Aussi s’empressera-t-il, le jour où il gagnera l’Angleterre, de la laisser en Courlande où elle mourra le 18 novembre 1811, de touchante façon, paraît-il ; Blacas écrira alors au Roi que l’excellente princesse « n’a été véritablement connue et appréciée qu’au dernier moment, » ce qui peut-être était un peu tard.

De plus grandes épreuves furent l’avènement de Bonaparte, son formel refus de restaurer la monarchie, la brutale expulsion de la « Cour de France » jetée hors de Mitau par le caprice de Paul Ier, les succès grandissans du Premier Consul, les misères ulcérantes de la camarilla réfugiée à Varsovie, sans prestige, sans argent, réduite aux humilians retranchemens. Ce fut la plus affreuse époque pour Louis XVIII exilé. C’est peut-être en ces circonstances lamentables que ce prince s’impose le plus à notre estime. Il ne se décourage point : loin de là, il soutient par sa gaieté dans les pires maux la « famille » et la « Cour. » Il ne cède sur rien, et si Bonaparte « usurpe » son trône, « le Roi » n’hésite pas à se faire expulser de Varsovie en 1804 par le roi de Prusse, plutôt que de renoncer à protester solennellement de son droit inéluctable et de ses espérances indéfectibles. Si le roi d’Espagne accorde la Toison d’Or au nouvel Empereur, il renvoie très dignement au Bourbon dégénéré la plaque de l’Ordre. Et en face d’une « usurpation » flagrante du trône de ses pères, en face de l’adhésion qu’y donne le Souverain Pontife, en face des succès de l’ « usurpateur, » il reste le même : il est le même après Brumaire, après le Concordat, après le Sacre, après Austerlitz, après la paix de Tilsitt qui fait de la Russie l’alliée de Napoléon, après le mariage de Marie-Louise qui fait de celui-ci le « neveu de Louis XVI. » Il proteste, il proteste dans le vide, sans se lasser, et, tout en s’enveloppant dans sa dignité royale, il sait être humain, citant ses auteurs favoris sur le mode plaisant, joyeux, goguenard parfois. Il avait lu Horace et retenu le si fractus illabitur orbis… Avec cela il semble que des réveils de patriotisme viennent émouvoir ces gens si aveuglés par leurs passions en 1791 et 1792. Si le Roi apprend qu’on se prépare à reprendre Saint-Domingue sur les noirs, il nous fait entendre des paroles insolites. Il écrit à son frère : « Nous sommes, vous et moi, hommes et Français. Que nous importe la cocarde de ceux qui vont sauver une malheureuse colonie et venger la France et l’humanité de l’incendiaire du Cap ! Donnez-lui l’enfant, mais qu’on ne le coupe pas en deux, s’écriait la véritable mère. »

Ce cri étonne un peu tout en charmant. Il nous permet de penser qu’aux regrets cuisans que lui devaient inspirer les victoires de « l’usurpateur, » se devait mêler une légitime fierté de prince français lorsque, par les étrangers épouvantés, il apprenait quelle valeur dépensaient, sur les champs de bataille de l’Europe, « ses sujets de France égarés. »

« L’héritier de saint Louis n’a pas de quoi vivre ! » écrit Louis XVIII, en 1803. De fait, il lui fallut mendier, porter des « pourpoints » rapiécés, réduire sa table, vendre ses chevaux. « Il faut savoir souffrir, se taire et se grandir de ses propres ruines, » écrivait-il d’autre part. L’Europe lui donna un peu d’argent, et l’Angleterre, lorsque le continent fut définitivement fermé, s’ouvrit à lui sans bonne grâce d’ailleurs. Il s’y installa en 1807 et y passa les sept dernières années d’exil, à Gosfield, puis à Hartwell. Sa femme était morte, et, — ce qui lui était plus sensible, — son fidèle ami d’Avaray : il en avait pris un autre, Blacas. Il vivait en gentilhomme retiré, sans faste, presque sans prétentions. La chronique de la petite Cour est mesquine. « Le Roi a la goutte. — Mme de Narbonne et de Damas sont aux bains de mer. — Le duc de Grammont a eu la jaunisse à son retour des eaux, etc. » On ne fait plus de grands projets, on ne mène plus de grandes intrigues. On a renoncé aux complots à Paris, aux mouvemens en province, aux vœux des assemblées réparatrices, aux Monks providentiels et aux fourgons de l’étranger, qui cependant s’attellent après 1812. L’armée de Condé s’est misérablement dissoute : les neuf dixièmes des émigrés sont rentrés ; aux côtés de Napoléon sacré par le Saint-Père, règne une fille d’Autriche, petite-nièce de Marie-Antoinette, entourée d’une noblesse ralliée. On attend cependant ; l’espérance est presque morte, mais la foi subsiste. Et l’heure sonna où, — pour un temps, — les « lys refleurirent. »

C’est cette foi qui a mérité à Louis XVIII une meilleure fortune. Certes les princes avaient été souvent légers et vains : pleins d’illusions, ils avaient montré peu d’héroïsme. Diplomates maladroits lorsqu’ils traitaient avec l’Europe, ils avaient été hommes d’Etat obtus lorsqu’il s’était agi de regagner la France par la politique, et chefs sans valeur lorsqu’il s’était agi de la reconquérir par les armes. Mais de Coblentz à Ham, à Vérone, à Blankenberg, à Mitau, à Varsovie, à Hartwell, sans cesse battu, parfois bafoué, méconnu, mortifié, réduit à la médiocrité, chassé de dix asiles, portant d’exils en exils son encombrant personnage, ce gros homme avait sauvé l’honneur à force de foi, et sa réputation à force de belle humeur. Lorsqu’en 1814, il se réinstalle aux Tuileries, c’est, au regard du droit monarchiste, sans reproches. Le lys refleurissait immaculé : mais sa tige battue par la tempête était néanmoins à moitié brisée. La main maladroite du Comte d’Artois devait définitivement la rompre, parce que, restauré dans une France nouvelle, il resta, sans s’en défendre, l’homme, le chef, le roi de l’Émigration.


Louis MADELIN.

  1. Je ferai à M. Daudet un seul procès : au sujet de son litre. Ce n’est point l’Histoire de l’Émigration qui nous est ici donnée, mais celle de l’état-major de l’Émigration et plus spécialement de la Cour en exil. Et je le félicite de n’avoir pas voulu s’engager dans une entreprise impraticable qu’a tentée ce pauvre Forneron et où il s’est noyé après avoir quelque peu pataugé.
  2. Cf., sur Mme de Polastron, le piquant volume de M. de Reiset, récemment publié : les Reines de l’Émigration. Mme de Polastron y fait figure, somme toute, sympathique.