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Rouletabille chez les bohémiens/10/II

La bibliothèque libre.

II. — Où Rouletabille joue son jeu

Mais tous ces reproches ne semblaient pas toucher outre mesure Rouletabille.

En vain, Jean, exaspéré, lui criait-il que sa fameuse ingéniosité n’avait d’égale, en de certains moments, que son stupide entêtement (il n’osait dire : sa bêtise), le reporter n’exprimait aucun regret de ce qui venait de se passer. Et cependant ce qui venait de se passer « n’avait de nom, affirmait Jean, dans aucune langue » !… Risquer sa vie et celle de ses amis pour rentrer en possession d’un sac de voyage !…

Odette, excédée, essayait bien de calmer Jean, mais la chose était difficile, car on entendait alors la voix du reporter qui murmurait comme dans un rêve :

— J’aurais dû passer par l’autre corridor et alors je revenais par l’escalier de service, après avoir eu le temps de prendre mon « nécessaire »…

— Ah ! tais-toi avec ton « nécessaire » !… Je te jure bien que si Odette avait voulu me suivre, je ne t’aurais pas attendu, moi !

— Eh bien, mon vieux, fallait ficher le camp !… Qu’est-ce que tu veux ? Moi, je ne peux pas me faire à l’idée de rester encore une fois sans une brosse à dents !…

Reprise sur ce ton, la conversation entre Rouletabille et Jean pouvait aboutir à des actes de démence… Heureusement — ou malheureusement — elle fut interrompue par l’entrée d’Andréa et de sa bande armée qui venait chercher les prisonniers pour les conduire au patriarche.

Celui-ci les attendait dans une petite salle qui précédait celle du grand conseil et qui n’en était séparée que par un épais rideau de pourpre.

Il avait avec lui deux vieillards et le docteur de la bibliothèque. Tous paraissaient plus tristes les uns que les autres en considérant le livre sacré que l’on venait enfin de reprendre aux roumis, mais dans quel état !…

Ils constataient, dans une grande désolation, que les ferrures et les pierres précieuses en avaient été arrachées. Et ils échangeaient entre eux les propos les plus funestes pour les barbares qui n’avaient pas craint de mutiler ainsi un pareil chef-d’œuvre.

Au dehors, la voix du peuple grondait, puis déferlait par rafales quand une porte s’ouvrait : « À mort les profanateurs ! »

Le patriarche s’adressa à Jean et lui demanda d’une voix sévère, par le truchement du docteur de la bibliothèque :

— Qu’avez-vous fait des gemmes qui ornaient ce livre, des précieuses miniatures qui le décoraient, des ferrures d’art qui le défendaient contre l’usure des siècles ?…

Jean protesta qu’il ne connaissait pas ce livre, qu’il le voyait pour la première fois, qu’il ne l’avait jamais eu en sa possession et qu’il était victime d’une abominable machination !

Tous l’écoutaient dans la plus grande incrédulité, quand Rouletabille prit la parole :

— Il est exact, déclara-t-il, que mon ami n’a jamais eu ce livre en sa possession ! Quant à moi, ce n’est pas la première fois que je l’aperçois, et je vous dirai même que je suis en mesure de vous rendre immédiatement l’un des joyaux qui en ont été arrachés !…

Mouvement général. Rouletabille, d’un geste brusque, a plongé sa main dans sa poche à revolver. Andréa bondit, saute sur lui, mais le reporter sort, en souriant de sa poche, un bijou qu’il remet au patriarche…

C’est le collier au pendentif orné du signe fatal, « la croix et le croissant », qui fermait jadis le livre sacré.

Le patriarche, les vieillards le reconnaissent !… Odette elle-même se souvient… Pourquoi Rouletabille sort-il ce bijou dont la possession les accuse plus qu’aucune autre preuve ?

Le reporter est interrogé… Où a-t-il trouvé ce bijou, s’il ne l’a pas volé lui-même ?… Et tranquillement, Rouletabille répond :

— J’ai trouvé ce bijou chez mademoiselle !

Il désigne Odette qui, sous cette attaque directe et à laquelle la jeune fille était si loin de s’attendre de la part de son « petit Zo » rougit et s’émeut. Jean, comprenant de moins en moins l’attitude de Rouletabille, et voyant l’embarras d’Odette, vient à tout hasard au secours de celle-ci en protestant contre la dangereuse affirmation du reporter : « Jamais il n’a vu ce bijou entre les mains de sa fiancée ! »

— Et moi je répète que j’ai trouvé cette ferrure dans la chambre de Mlle de Lavardens !

Odette, au milieu de la confusion générale, demande à se faire entendre. C’est d’une voix tremblante qu’elle avoue :

— C’est vrai, ce bijou était en ma possession, mais jamais je n’aurais cru que Rouletabille oserait m’accuser !… Je l’ai jeté dans un tiroir aussitôt qu’il m’eut été donné et si l’on a pu l’y trouver, c’est que je l’avais oublié, je le jure ! tellement j’y attachais peu d’importance ! ajouta-t-elle en se tournant douloureusement du côté de Jean.

— Mais ce bijou ! s’écria Jean, de qui le tenais-tu ?

— Pardonne-moi, Jean, c’était un cadeau d’Hubert !

— Enfin ! s’exclama Rouletabille ! je ne le lui ai pas fait dire !…

— Au contraire ! releva Jean avec amertume… un cadeau d’Hubert, Odette, et tu l’avais gardé !…

— Oh ! toi, maintenant, la ferme, mon vieux ! lui jeta Rouletabille… Messieurs, c’est à mon tour de parler !… Du reste, ce que j’ai à vous dire ne sera pas long !… Et vous comprendrez toute l’affaire !… Ce joyau, arraché au Livre des Ancêtres, a été offert par Hubert à mademoiselle… Or, moi je fais serment d’avoir vu le Livre des Ancêtres chez Hubert !… qui l’avait rapporté du patriarcat lors d’un récent voyage !… et qui vient de le glisser dans le bagage de son rival, mon ami Jean de Santierne !… Le voleur, c’est Hubert ! vous avez compris ?

Alors la voix d’Andréa se fit entendre :

— Faisons venir Hubert, il confondra ces fourbes !

Mais au moment où le patriarche acquiesçait à cette proposition qui paraissait des plus normales, Rouletabille supplia qu’on n’y donnât point suite :

— Si vous faites venir Hubert, expliqua-t-il, il ne nous confondra pas, il niera !… Et moi, de mon côté, en affirmant, je ne le confondrai pas davantage !… Il faut que la preuve de l’infamie que je vous dénonce ne vienne ni de lui ni de moi, pour qu’elle acquière aux yeux d’un conseil de sages comme celui que je vois rassemblé ici, une valeur capable d’entraîner votre conviction !… Prêtez-moi donc une oreille attentive !… Il existe une femme dont vous ignorez la présence dans cette ville et qui en sait long sur Hubert de Lauriac ! c’est cette femme que je voudrais vous faire entendre.

« Encore la Pieuvre ! se disait Jean… Quel secours peut-il attendre de ce côté ?

Et il voulut le détourner de son dessein, lui rappelant qu’elle avait partie liée avec Hubert depuis Innsbruck et qu’elle n’était certainement venue à Sever-Turn que pour leur porter un dernier coup.

Mais Rouletabille ne l’écoutait même point.

— Il faut que je retrouve cette femme ! disait-il au patriarche… Accordez-moi une heure de liberté !

Jean haussait les épaules :

— Si tu crois qu’ils vont te laisser sortir comme ça !

— Je vous laisse mes amis comme otages ! proposa le reporter… Si je ne suis pas de retour dans une heure, vous en ferez ce que vous voudrez !

— Charmant ! prononça Jean, ahuri de tant de simplicité dans le cynisme… Ah ! il nous plaque bien !

— Laisse-donc faire, petit Zo !… émit Odette de sa voix douce… On a toujours tort de lui en vouloir !… Avec lui, on ne comprend jamais qu’après !… Tu verras qu’il nous tirera encore de là !…

Les vieillards s’étaient concertés. Le départ de Rouletabille ne gênait pas Andréa ; au contraire, il espérait bien qu’on ne le reverrait plus et qu’alors on en finirait avec Jean… Il fut décidé toutefois par les vieillards que l’on donnerait une escorte au journaliste.

Celui-ci accepta de bonne grâce trois gardiens désignés par Andréa.

— Avant une heure, je vous les ramène ! dit-il au patriarche en désignant les miliciens. Mais promettez-moi de votre côté de me garder Hubert.

— Où est-il ? questionna Féodor.

— Ici ! fit Rouletabille en soulevant d’un geste rapide le rideau de pourpre qui se trouvait derrière le fauteuil du patriarche. Ici !… il nous écoute !… Sans doute trouve-t-il à notre conversation un certain intérêt !

Hubert avait tout entendu. Il expliqua avec un affreux sourire :

— Allez, monsieur ! allez chercher Mme de Meyrens !

Et il tourna le dos à Rouletabille, tant il était sûr de lui.

Le reporter bondit hors de la salle. Les gardes eurent peine à le suivre. Dehors, les cris de la foule avaient redoublé.

Carnet de Rouletabille : « Et maintenant voici le grand jeu. Il n’y a que lui qui peut nous sauver !… Mais il est terriblement dangereux… pour moi… car, ce jeu-là, il y en a beaucoup qui ne me le pardonneront jamais !… Il faut que les choses en soient à cette extrémité pour que je n’hésite pas à me dépouiller de ma plus riche armure !… Allons ! pour celle-là aussi l’heure de la ferraille a sonné ! Hélas ! je sortirai tout nu pour longtemps de ce bric-à-brac de Sever-Turn !… Mais ne faut-il pas en sortir ? et surtout en faire sortir les autres ?… Allons ! du courage !… À la Pieuvre !… à la Pieuvre !… »

Ce sont là les dernières lignes que Rouletabille a tracées sur son carnet. Les événements qui suivirent et qui terminèrent d’une façon si curieuse cette étrange et redoutable affaire n’ont été connus de la presse que dans leurs grandes lignes et rapportés assez brièvement.

Il y avait, certes, bien des raisons pour que les détails n’en fussent point tout de suite divulgués ; aujourd’hui que ces raisons, que nous ferons bientôt connaître, n’existent plus, nous allons pouvoir, grâce à certains témoignages qui sont parvenus récemment à notre connaissance, suivre les dernières péripéties du drame, à Sever-Turn d’abord, à Paris ensuite…

Les gardes qui accompagnaient Rouletabille avaient reçu l’ordre de le suivre partout mais de lui obéir en tout. Seulement ils devaient être de retour au palais une heure plus tard, avec leur prisonnier. Rouletabille avait donc une heure pour retrouver la Pieuvre.

Par des chemins détournés qu’il connaissait mieux que ses gardes, il évita le populaire qui s’entassait sur le parvis du temple et faisait en quelque sorte le siège du palais… ainsi arriva-t-il sans trop d’encombre à l’Hôtel des Balkans, où il fut accueilli par les malédictions de Vladislas Kamenos.

On avait failli mettre le feu à l’hôtel et le patron rendait le reporter et ses amis responsables sinon d’un incendie qui n’avait pas eu lieu, du moins du pillage qui l’avait remplacé. Tous ses clients, naturellement avaient fui sans payer leurs notes !

— Même M. Tournesol ? questionna Rouletabille.

— Vous pensez ! et il n’est pas près de revenir ! On a pillé les entrepôts de M. Tournesol comme on a pillé ma cave ! Encore un qui vous bénit !…

— Est-il parti tout seul, monsieur ? demanda Rouletabille qui paraissait aussi maître de lui que Vladislas Kamenos était affolé.

— Que voulez-vous dire ?

— Vous le savez bien, maître Kamenos ! Nous sommes venus ici, ces messieurs et moi, dans le dessein que vous nous donniez des nouvelles toutes fraîches de cette jeune voyageuse descendue chez vous il y a quelques jours et à laquelle M. Tournesol faisait une cour si assidue !…

— Vous voulez parler sans doute de Mme de Meyrens !

— Justement !… qu’est-elle devenue ?

— Je pourrais vous répondre que je ne suis point chargé de la surveiller !… Cependant comme son bagage est encore dans sa chambre, je n’ai aucune raison pour cacher que j’espère la revoir bientôt !… Encore une note en souffrance, monsieur Rouletabille !…

— Ne vous occupez pas de cela, vous serez réglé, monsieur Kamenos ! fit le reporter en se dirigeant hâtivement vers le premier étage…

— Par qui ?

— Par M. Tournesol !…

— Et vous, où allez-vous comme cela ?

— Chez Mme de Meyrens !

— Mais je vous dis qu’elle n’est pas chez elle !

— Vous n’en savez rien ! Je vais m’en assurer !

— Mais je vous défends de pénétrer chez elle !… mais je suis responsable !…

Et l’aubergiste se précipitait derrière Rouletabille et ses gardes…

— D’abord, la porte est fermée à clef !… s’écriait-il…

— La clef ! la voilà ! fit Rouletabille en la sortant de sa poche.

— Et comment avez-vous la clef de Mme de Meyrens ?

— Petit indiscret ! goguenarda le reporter en introduisant la clef dans la serrure.

M. Kamenos émit alors la prétention d’entrer dans l’appartement avec Rouletabille…

— Ou Mme de Meyrens est là ou elle n’y est pas ! exprima nettement le reporter… si elle n’est pas là… je ressors tout de suite !… si elle est là, je suis chargé par le patriarche de lui faire une communication qui ne vous regarde en aucune façon, maître Kamenos !

Et, pour ne pas être dérangé, il fit entendre aux gardes qu’ils eussent, pendant quelques minutes, à s’assurer de la personne de cet excellent Vladislas…

Rouletabille devait alors avoir trouvé Mme de Meyrens dans son appartement et il avait, sans aucun doute, les choses les plus importantes à lui dire, car dix minutes s’écoulèrent, puis vingt, puis trente et on ne le revoyait toujours pas !…

Maintenant maître Kamenos n’était plus seul à s’inquiéter des singulières façons du journaliste ! Cette longue absence commençait à impatienter les gardes dont le chef responsable avait déjà frappé à différentes reprises à la porte de Mme de Meyrens sans obtenir de réponse…

De plus en plus troublé, le milicien s’était informé auprès du patron de l’hôtel des différentes issues que présentait l’appartement, et quand il sut qu’on pouvait en sortir par un escalier de service qui donnait sur la basse-cour et sur les clapiers, il n’hésita pas à défoncer la porte, derrière laquelle il ne trouva rien, ni Rouletabille ni Mme de Meyrens, rien qu’un petit lapin qui, fuyant le tumulte et le pillage du dehors, était venu se réfugier dans l’appartement en y traînant une feuille de chou !…

Une feuille de chou et un petit lapin !… « Pas mal pour un journaliste » n’aurait pas manqué de dire M. Nicolas Tournesol si M. Nicolas Tournesol avait encore attaché un intérêt quelconque à ce qui se passait à Sever-Turn !… Mais il en était parti en se jurant bien de n’y jamais revenir et en n’en emportant qu’une photographie de Mme de Meyrens, cliché personnel et instantané qu’il avait pris un jour, entre deux cocktails, et qu’il n’avait cessé depuis de porter sur son cœur… car, quoi qu’il en dît, le souvenir de l’étrange voyageuse troublait encore les jours et les nuits de M. Nicolas Tournesol !

Mais revenons à nos gardes qui avaient laissé échapper Rouletabille et qui n’imaginèrent rien de mieux, pour essayer de faire excuser leur maladresse, que d’en rendre responsable le patron de l’hôtel des Balkans lui-même.

Partis avec Rouletabille, ils revinrent au palais avec Vladislas Kamenos, en dépit de toutes ses protestations. Les miliciens prétendaient que, sans la complicité de celui-ci, le journaliste français serait encore dans leurs mains.

Cette discussion durait encore dans le moment que nos gardes, fort marris, étaient poussés avec leur Kamenos devant le patriarche et les vieillards… et devant Rouletabille !… car Rouletabille en chair et en os, était là !… aussi souriant que les autres paraissaient ahuris…

— Je vous avais donné cet homme à garder, leur dit sévèrement le patriarche et vous m’en amenez un autre !

Les gardes baissèrent la tête, cependant que leur prisonnier faisait entendre de nouvelles protestations. En leur for intérieur, les miliciens estimaient certainement que la consigne n’avait été qu’à demi violée. Quand on est responsable d’un prisonnier, il vaut mieux en présenter un autre que de ne pas en présenter du tout ! Cette façon de voir n’appartient pas exclusivement à l’administration policière de Sever-Turn !…

— Heureusement, continua la voix grave du patriarche, heureusement que notre prisonnier est un honnête homme et qu’il est revenu ici de lui-même !

— En ramenant celle que je cherchais !… termina Rouletabille.

Mme de Meyrens ! s’écria Vladislas Kamenos… Elle était donc dans son appartement ?

— Mon Dieu, oui, monsieur !

— Eh bien, je vais vous dire la vérité : je la croyais bien partie avec Tournesol !…

Rouletabille haussa les épaules :

— Tournesol… Mme de Meyrens s’est toujours moquée de Tournesol !… Si elle était aujourd’hui dans son appartement, c’est qu’elle m’y attendait, monsieur !…

— Alors, c’est vous qui réglez la note !…

— Non, répliqua Rouletabille… ce ne sera ni moi ni Tournesol qui réglerons la note de Mme de Meyrens ! ce sera un autre de ses amis !… ce sera M. Hubert de Lauriac !… Je demande, messieurs, que l’on mette cette femme en sa présence !…

Comme le pensait bien Rouletabille, Hubert avait entendu les derniers propos échangés autour du patriarche… et ce n’était pas sans une certaine angoisse qu’il voyait venir le moment de sa confrontation avec la Pieuvre. Certes ! il était bien sûr de celle-ci ! Ils jouaient la même partie, mais Rouletabille devait avoir manigancé un coup de sa façon qu’il leur serait peut-être difficile de parer s’ils ne s’entendaient point d’abord tous les deux.

Ah ! s’ils avaient pu avoir un entretien particulier de quelques minutes… Et puis la Pieuvre était peut-être mieux renseignée que lui… Aussi ne put-il retenir un tressaillement de joie en apercevant Mme de Meyrens dans le vestibule de la salle du conseil où l’on allait les introduire tous les deux ! Enfin, par le plus heureux des hasards, le vestibule resta un instant désert. Hubert courut à la Pieuvre.

— Comment vous êtes-vous laissée conduire ici ?

— Je suis perdue ! lui répliqua l’autre hâtivement… Rouletabille m’a amenée ici par subterfuge et maintenant je suis prisonnière !… Tout cela est de votre faute ! continua-t-elle dans une irritation croissante… Si vous aviez voulu, il y a longtemps que Rouletabille… mais vous ne pensiez qu’à Odette !… et qu’à Jean ! Ce n’était pas dans le bagage de Jean que vous deviez cacher le Livre des Ancêtres, mais dans le sac de Rouletabille !…

— Ne perdons pas notre temps en reproches inutiles ! Ils sont tous perdus si nous restons unis !… Que veulent-ils de vous ?

— Que je leur dise tout ce que je sais de vous !… c’est à ce prix qu’ils mettent ma liberté !… Rouletabille est arrivé à persuader le patriarche que c’est bien vous qui avez glissé le livre dans le bagage de Jean…

— Mais ils n’ont pas de preuve de cela ! protesta Hubert d’une voix sourde… Me prenez-vous pour un imbécile… je vous jure bien que personne ne m’a vu !…

Il n’avait pas plutôt prononcé ces derniers mots que la tenture contre laquelle ils se trouvaient s’écartait et que le couple se trouvait entouré par une troupe vociférante.

Les cigains se précipitaient en hurlant : « À mort, tous les deux ! »

Hubert était agrippé par Andréa et, devant le patriarche et les vieillards impassibles, le reste de la bande se préparait à faire un mauvais sort à la Pieuvre quand celle-ci, se débarrassant en un tournemain de son chapeau, de sa voilette et de sa perruque, apparaissait à tous les regards stupéfaits sous les traits de Rouletabille !…