Rymes/Parfaicte Amytié

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RymesTournes (p. 29-31).

parfaicte amytié.

Quand est d’Amour, je croy, que c’est un songe,
Ou fiction, qui se paist de mensonge,
Tant que celuy, qui peult plus faire encroire
Sa grand faintise, en acquiert plus de gloire.
Car l’un faindra de desirer la grace,
De qui soubdain vouldra changer la place :
L’autre fera mainte plaincte a sa guise,
Portant tousjours l’amour en sa devise,

Estimant moins toute perfection,
Que le plaisir de folle affection :
Aussi jamais ne s’en trouve un content,
Fuyant le bien, ou tout bon cueur pretent.
Et tout cela vient de la nourriture
Du bas sçauoir, que tient la creature.
Mais l’amytié, que les Dieux m’ont donnée,
Est a l’honneur toute tant adonnee,
Que le moins seur de mon affection
Est asseuré de toute infection
De Faulx semblant, Danger, & Changement,
Estant fondé sur si sain jugement,
Que, qui verra mon amy apparoistre,
Jamais fasché ne le pourra congnoistre :
Pource qu’il est tousjours a son plaisir
Autant content, que contient mon desir.
Et si voulez sçavoir, ô Amoureux,
Comment il est en ses amours heureux :
C’est que de moy tant bien il se contente,
Qu’il rien vouldroit esperer autre attente,
Que celle là, qui ne finit jamais,
Et que j’espere asseurer desormais
Par la vertu en moy tant esprouvee,
Qu’il la dira es plus haultz Cieulx trouvee.
Parquoy, luy seur de ma ferme asseurance,

M’asseureray de craincte, & ignorance.