Séances de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire/5 février 1880

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SÉANCE DU 5 FÉVRIER 1880.


Présidence de M. Aymard.


M. le Président fait part du décès de M. Eugène Grandin, récemment démissionnaire pour cause de santé de ses fonctions de commissaire-priseur au Puy, sous-conservateur de la bibliothèque du Musée et affilié à notre Société dès son origine.

Bibliophile distingué, libraire à Bourg durant plusieurs années, notre collègue avait édité avec luxe et avec goût divers ouvrages relatifs au Bugey et notamment les suivants :

La Province au XVIIIe siècle. Mandrin, par Jarrin. Bourg, Grandin ; 1873, in-8o.

Le Présidial de Bourg et le bailliage de Bresse, par L. de Combes. Bourg, Grandin ; 1874, in-8o.

Le blason de Brou, par A. Vayssière. Bourg, Grandin ; 1876, in-8o.

Essai sur l’histoire de Bourg, par Jarrin. Bourg, Grandin ; 1876, in-8o.

Brou, par Jarrin. Bourg, Grandin ; 1877, in-8o.

Les amoureuses occupations de Guillaume de la Taysonnière, par M. Guigue. Bourg, Grandin ; 1877, in-8o.

Séduit par les charmes pittoresques de notre Velay, M. Grandin avait planté sa tente au milieu de nous. Après la guerre de 1870-1871, il avait coopéré à l’organisation d’un champ de tir à Bourg et s’était offert de concourir à la création d’un pareil établissement au Puy. Atteint d’une maladie mortelle, M. Grandin sentit se réveiller en lui le souvenir de la terre natale et c’est à Bourg, lieu de son origine, qu’il est décédé au milieu de ses parents et de ses amis, le 19 janvier 1880, à l’âge de trente-cinq ans.

Dans une dépêche, en date du 20 janvier dernier, en réponse à une lettre de M. le Président, M. le Ministre de l’Agriculture, prenant pour base la quantité d’animaux présentés au dernier concours de Guéret, en 1879, et le nombre restreint des exposants, informe la Société de l’impossibilité où il se trouve d’augmenter la quantité des prix à décerner aux races bovines du Mezenc et Tarentaise, qui participeront au concours régional de Clermont-Ferrand, en 1880.

M. Couderchet attribue à l’éloignement du siège du concours le petit nombre d’exposants venus à Guéret ; mais à Mende, à Lyon, à Paris et ailleurs, ajoute-t-il, nos éleveurs affluaient et remportaient de brillants succès. Il est donc urgent d’émettre le vœu qu’il soit remédié à la réduction des prix par des récompenses supplémentaires, mesure adoptée par le jury de Guéret, en raison de la beauté des sujets présentés à cette exposition par nos producteurs.

L’assemblée adopte, à l’unanimité, cette proposition.

Le projet de tarif douanier concernant la question agricole est l’objet de l’attention de la compagnie. Il résulte des communications faites à la Chambre par M. le Ministre de l’Agriculture et du Commerce, et du rapport de la commission spéciale, que les céréales étrangères seront, en général, franches de droits de douane, et que, pour remédier à certaines crises agricoles périodiques, il y aura lieu à des compensations tendant au développement de l’agriculture, et notamment au dégrèvement de l’impôt foncier. Après un examen approfondi de la question, l’assemblée est d’avis d’agrandir le plus possible le champ de ces compensations, en secondant par de larges subventions toutes les améliorations qui pourront suppléer à la réduction des soles de céréales, et en introduisant surtout des cultures nouvelles.

Pour la Haute-Loire spécialement, il conviendrait d’encourager, sur une vaste échelle, une amélioration urgente : celle des chemins ruraux, par voie d’association syndicale ; de créer au Puy une station agronomique, en vue du laboratoire départemental de chimie et d’observations météorologiques ; d’aménager les eaux pour les irrigations ; de perfectionner la viticulture dont l’extension est si grande dans l’arrondissement de Brioude ; de gazonner et reboiser nos montagnes ; de choisir des semences de céréales à végétation hâtive de Suède et de Norvège. Il faudrait, en outre, fonder un enseignement agricole primaire, protéger les serviteurs ruraux, veiller aux constructions rurales, repeupler nos cours d’eau, activer la surveillance de la pêche et s’occuper, d’une façon plus rationnelle et plus fructueuse, de l’élève du bétail.

Le Bulletin d’agriculture de M. Barral (no du 10 janvier 1880, p. 45) indique comme chiffre officiel pour la Haute-Loire, 6,426 hectares plantés en vignes, 50,537 hectolitres comme produit de la récolte des vins en 1879, et 83,742 pour le produit, année moyenne, basé sur les dix dernières années (1869 à 1878).

MM. Nicolas et Gueyffier font remarquer que, dans l’arrondissement de Brioude, la viticulture est en grand progrès, comme on l’a constaté au dernier concours de Brioude, où quelques qualités supérieures de vins atteignaient jusqu’à 12 degrés d’alcool. Ces vins pouvaient être assimilés, sous le rapport de leurs qualités, à certains produits du Beaujolais.

Sur la proposition de MM. Mauras et Couderchet, l’achat de diverses espèces de graines, destinées à être distribuées en 1880, est arrêté. Ces messieurs veulent bien se charger d’en faire la commande.

Depuis plusieurs années, nos cours d’eau sont, à défaut d’une surveillance sérieuse, dévastés par les maraudeurs qui emploient, pour détruire le poisson, les moyens les plus violents. Pour arriver à ce but, la chaux et la coque ne leur suffisent plus. Ils ont recours à la dynamite, dont la force explosible anéantit, en un clin d’œil, des milliers de poissons. De là, une dépopulation considérable d’un des produits principaux de l’alimentation publique. Dans ces circonstances, la Société apprend avec plaisir que le Sénat a nommé une commission spéciale, chargée de faire une enquête sur le dépeuplement piscicole. Le département de la Haute-Loire, sillonné par deux puissants cours d’eau, la Loire et l’Allier, où se déversent de nombreux affluents, a un immense intérêt à la solution de cette grande question. Plusieurs membres fournissent, à ce sujet, d’utiles explications et concluent à l’organisation efficace d’un service de surveillance, confié, entre autres agents, aux gardes forestiers dont on pourrait exciter le concours zélé au moyen de primes convenables.

M. Frutieaux, inspecteur des enfants assistés, donne lecture de la note suivante, sur l’institution dite de la maternité nouvellement fondée dans la ville du Puy.


Notre honorable Président a bien voulu donner l’hospitalité, dans notre ordre du jour, à une question d’assistance publique ; permettez-moi, Messieurs, de lui en adresser mes remerciements.

La question dont je vais vous entretenir est la création d’un service d’accouchement destiné à recevoir les femmes et filles enceintes indigentes du département.

Lorsque, en 1878, M. le Ministre de l’Intérieur me confia l’inspection de l’assistance départementale de la Haute-Loire, grand fut mon étonnement de ne point y trouver un service d’accouchement ou une maternité.

Je fis quelques recherches à ce sujet, et j’appris que, avant 1483, l’hôpital Sainte-Marie, ou Hôtel-Dieu, avait eu cette institution, mais que, depuis 1825, elle avait été supprimée.

Je pris la résolution de la faire réinstaller et, dès 1877, je signalai, dans un rapport à M. le Préfet, cette création comme indispensable, de nature à rendre les plus grands services à la population indigente de la Haute-Loire, et devant donner des résultats heureux à différents points de vue, tels que santé des mères, conservation de l’existence des enfants, santé publique, diminution des infanticides.

Plusieurs personnes du département s’étaient préoccupées de cette institution ; M. le docteur Reynaud avait même manifesté l’intention de faire, à ses frais, une partie de la dépense. Je ne sais ce qui l’en empêcha. — Toujours est-il que, poursuivant mon idée, je fis part de mes intentions à M. le docteur Morel qui m’approuva et me promit son concours.

Dès lors, j’entrevis l’heureuse issue de mon projet. En 1878, mon rapport annuel contenait un nouvel exposé des bienfaits de cette création. Ma proposition reçut un accueil favorable, mais les locaux manquaient.

En 1879, M. le docteur Morel insista près de ses collègues de la commission administrative des hospices ; il fut décidé que certains locaux, devenus vacants, seraient affectés à l’institution projetée.

Je dus renouveler ma demande ; le Conseil général vota, sur la proposition de M. le Préfet, une somme de 1,000 fr. pour rembourser les frais occasionnés par les malades étrangères à la commune du Puy et le conseil municipal de cette ville, de son côté, par une convention à forfait, inscrivit à son budget la somme de 1,500 fr. pour frais de traitement des indigentes de la commune.

Il m’est agréable de vous apprendre, Messieurs et chers confrères, que ce service fonctionne aujourd’hui.

Le local se compose d’une salle d’opération, d’une chambre voisine pouvant recevoir une ou deux autres malades, enfin, d’un dortoir parfaitement exposé et aéré, ayant six lits.

Le personnel se compose d’une sage-femme et d’une garde à demeure, sous la surveillance d’une sœur trinitaire. Le concours d’un docteur est assuré, en cas d’urgence.

En terminant ce court exposé, permettez-moi, Messieurs, d’adresser mes sentiments de reconnaissance à l’administration et à M. le docteur Morel pour leur bienveillant appui. Je me berce de l’espérance de voir prospérer ce service qui pourra devenir une école d’accouchements et qui permettra de former des sages-femmes pour notre département.


M. Aymard soumet à ses confrères une carte sur laquelle il a tracé le réseau départemental de nos chemins de fer. Le système de ces voies consiste à rattacher les uns aux autres les tronçons divers existant déjà à l’état de circulation ou qui ont été l’objet de décisions législatives. Il en résulte un rayonnement de grandes lignes ayant pour centre le Puy et se reliant, sans interruptions, aux principales artères de la France.

L’assemblée approuve cette heureuse coordination, en émettant le vœu que certains tronçons qui amèneront la réalisation définitive du réseau soient accordés par l’État, entre autres l’embranchement de Dunières à Yssingeaux et d’Yssingeaux au Puy.

M. Lascombe, à propos de documents historiques relatifs au Velay, insérés dans un cartulaire de l’abbaye de Conques, en Rouergue, et d’un ouvrage de notre confrère, M. Lachenal, sur le chapitre noble de Saint-Julien de Brioude, fait les communications suivantes :


M. Gustave Desjardins vient de publier le cartulaire de l’abbaye de Conques en Rouergue[1]. Ce volume contient, aux numéros 475 et 579, deux chartes qui intéressent le Velay.

La première, datée de 1105, est une donation en faveur de ce monastère, par Pons, vicomte de Polignac, Elisabeth, sa femme, et Armand, son fils, de l’église de Bains, avec le droit de sépulture, dîmes et offrandes.

Dans la seconde, écrite vers 1105, le même Pons, sa femme et son fils donnent à la même abbaye de Conques la dîme du cellier de Embaisso.

Ce cartulaire mentionne plusieurs fois les sous et deniers du Puy sous la dénomination de solidos pogesos, denarios pogesos, solidi de Podio et solidos de pogesos.


M. Lachenal, receveur particulier des finances à Brioude, a récemment édité un livre sous le titre de : Une église historique d’Auvergne ou l’église de Brioude, son chapitre noble, son administration, ses revenus, ses charges et fondations, son double rôle de seigneur spirituel et temporel expliqués par les documents, avec notes et un commentaire sur les origines. Première série[2].

Parmi les documents qui composent cet ouvrage, plusieurs ont vu le jour dans les Tablettes historiques du Velay et d’autres sont inédits. Il serait trop long de vous analyser cette première partie de l’œuvre de M. Lachenal. L’indication des principales pièces suffira pour vous la faire apprécier. Ces pièces sont : 1o un tableau sommaire des variations et changements survenus dans le clergé de l’église de Brioude ; 2o un décret de réforme de l’an 1256 ; 3o des comptes de recettes et dépenses dressés en 1281 par les décimateurs du chapitre ; 4o des bulles de 1424 et 1431 ; 5o une lettre de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, au pape Eugène III, pour lui révéler l’odieuse persécution dont un clerc de l’église de Brioude avait été la victime de la part du chapitre, etc., etc.

M. Lachenal est un érudit. Son travail nous présente, sous des points de vue nouveaux, le chapitre de Saint-Julien qui a joué un rôle si important dans notre pays durant dix siècles. Aussi faisons-nous des vœux pour que notre savant confrère achève le plus tôt possible la tâche qu’il a si bien commencée. Une collection de gravures à l’eau-forte, exécutées par M. Vincens Daniel, est l’objet d’un sérieux examen de la part de nos confrères. L’artiste a reproduit avec succès plusieurs paysages du Velay, et son œuvre excite, à juste titre, l’admiration des connaisseurs. Pour mettre ces gravures à la portée du public et donner en même temps à leur auteur un témoignage de sympathie, la Société émet le vœu que la bibliothèque publique du Puy fasse immédiatement l’acquisition de l’album de M. Vincens Daniel.

Un vote récent de la Chambre des députés a fait faire un pas à la grande question des 200 millions affectés par l’État à l’achèvement des bâtiments de l’instruction publique, question à laquelle sont fortement intéressés les musées départementaux. La Société réitère le vœu déjà émis par elle à ce sujet, pour l’heureuse solution de cette affaire.



A. Lascombe.

  1. Paris, Alphonse Picard, 1879, in-8o.
  2. Le Puy, Freydier, 1879, in-8o.