Séances de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire/7 avril 1881
SÉANCE DU 7 AVRIL 1881.
M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Heuzé, inspecteur général de l’agriculture, dans laquelle ce haut fonctionnaire exprimant pour notre Société et le Comice agricole ses plus vives sympathies fait espérer pour nos futurs concours de plus larges subventions.
Notre confrère, M. Repiquet, vétérinaire à Firminy, a fait hommage à la Société d’un exemplaire de son mémoire sur la fière aphteuse ou cocolle, inséré dans les Annales de la Société d’agriculture, industrie, sciences, arts et belles lettres du département de la Loire, tome XXIV, 4e livraison.
Le journal de l’agriculture pratique de Barral (no 625 du 2 avril 1881) mentionne un procédé économique, facile et rapide pour la ligature des gerbes. Le lien destiné à cette opération et dont le journal indique le maniement peut être employé indéfiniment, et c’est ce qui constitue sa supériorité sur les liens en paille. Il présente une grande solidité et peut servir à lier toutes sortes de céréales. On peut se procurer des liens semblables à 25 fr. le mille.
Le concours d’animaux gras organisé par les soins de la Société et du Comice agricole a eu lieu au Puy le 5 avril dernier. Destiné à paraître dans le journal la Haute-Loire, le rapport sur ce concours constate que la belle race du Mezenc y occupait le premier rang, que le nombre d’animaux exposés dépassait celui des années précédentes et que le jury, pour fixer ses préférences, n’a eu que l’embarras du choix. Les membres du jury ont surtout regretté que l’exiguité des ressources mises à leur disposition les ait contraints de restreindre le nombre et le chiffre des primes à décerner. Au moment de la distribution des récompenses aux lauréats et après une courte allocution de M. Lemardelay, vice-président du conseil de préfecture de la Haute-Loire, M. le Dr Langlois a pris la parole en ces termes :
C’est la première fois que j’ai l’honneur de représenter la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire dans vos concours ; je ne veux pas me séparer de vous sans vous adresser mes félicitations, des encouragements sérieux, mais aussi quelques conseils un peu sévères peut-être, mais que je vous prie à l’avance de me pardonner parce qu’ils sont entièrement dans votre intérêt.
Nous venons d’avoir certainement un des plus beaux concours d’animaux gras qui se soient encore présentés dans notre département ; la plume intelligente de notre secrétaire en rendra un compte détaillé bien plus exact que je ne pourrais le faire ; je me borne à vous remercier de votre empressement, à vous encourager à persister dans cette voie, et cela non pas seulement au nom de la Société agricole, mais au nom de la patrie tout entière.
On a dit : l’agriculture est une des mamelles de la France ; je continue cette figure et je dis : l’élevage des bestiaux est un des vaisseaux qui apportent à cet organe la plus grande somme de substance nutritive. Aussi la République, le gouvernement de tous, encourage-t-elle par tous les moyens cette industrie destinée, non plus comme autrefois à faire les affaires de quelques grands propriétaires et à nourrir seulement les privilégiés de la fortune, mais à amener le bien-être chez les petits éleveurs et à alimenter les masses. Le peuple a compris aujourd’hui que manger de la viande n’est pas un luxe, mais une nécessité ; qu’en le faisant, il fortifie son corps, entretient sa santé, et se met à même de fournir une somme de travail plus considérable.
Ainsi tout s’enchaîne et lorsque je viens vous dire ici : élevez et engraissez des bestiaux, faites-le vite, donnez-y tous vos soins, j’ai la certitude non seulement d’agir dans votre intérêt personnel, mais de contribuer aussi au bien-être de la population et au développement de sa force matérielle.
Pourquoi faut-il qu’à côté de ces paroles que je suis heureux de vous adresser se dresse, malgré moi, un souvenir pénible ? Je voudrais le faire disparaître, mais je vous estime trop pour ne pas vous adresser même un reproche, s’il doit vous être profitable, et je suis convaincu que vous me pardonnerez ma franchise et profiterez de la leçon.
Vous avez été bien faibles à Clermont-Ferrand : vous aviez contre vous, je le sais, deux conditions mauvaises, la maladie qui avait sévi sur vos étables et l’époque reculée du concours ; mais, avec un peu plus d’énergie, un peu plus de soin peut-être, vous eussiez certainement pu faire mieux ; et un de nos exposants de la Haute-Loire, M. Couderchet, l’honorable vice-président du Comice agricole, placé dans ces mêmes circonstances défavorables, vous a prouvé que, sans faire tout à fait aussi bien, on pouvait encore faire bon. C’est une impression pénible que j’ai rapportée de ce concours : l’ensemble des bestiaux y était plus que faible et j’y ai vainement cherché un représentant de nos vieilles gloires de la montagne. Vous voyez, messieurs, que, comme je vous l’avais promis, je vous dis tout ce que j’avais sur le cœur : maintenant, je ne veux pas vous quitter sous cette pénible impression. Le mal est fait, il s’agit de le réparer. Dans deux mois, vous prendrez une éclatante revanche : nous reverrons à Montbrison cette belle et vaillante race du Mezenc, que nous avons connue autrefois : nos éleveurs de la Haute-Loire y retrouveront leurs anciens triomphes ; et au concours de la Saint-Michel, lorsque, comme aujourd’hui, nous serons en famille, je n’aurai qu’à vous féliciter de vos succès et à vous encourager à persister dans la voie du progrès. Il y a là, comme je vous l’ai dit, honneur et profit pour vous, avantage pour la population tout entière, et, en travaillant pour vous-mêmes, vous contribuez au bien-être de la République.
Le document suivant produit par M. Henry Mosnier atteste que la fabrication de la poudre s’effectuait déjà au Puy, en 1593, dans d’assez grandes proportions.
L’an mil cinq-cens-quatre-vingtz-treize et le XXVIIIe jour du moys de janvier, après midy au règne… en présence de moy notaire royal, establis en leurs personnes noble Claude de Polalhon sieur de Bouzols, d’une part et Benoist Charentus dict Merly, Pierre Boyer, Loys Galien, Pierre Giraud, Martin Colin, Jacques Bringier, Claude Besses, Michiel Marchadier, Mathieu Delever, Loys Colin, maistres poldriers de la présante ville, d’autre, lesquels parties de leur franche et libre volunté ont passé les pactes qui s’ensuyvent.
C’est que toutz lesdicts susnommés poldriers seront tenus comme ont promis travalher durent et pendant ung an à fère poldres tant fines que grosses et salpetre, commencent cejourd’huy et semblable jour finissant, et toutes la poldre et salpetre que pendant led. temps sera faicte seront tenus iceulx poldriers icelles balher et mettre es mains et pouvoir de noble Claude de Polalhon, sieur de Bouzols, comis à tenir le maguesin desdictes poldres par les consuls de la présente ville, ce que lesdicts maistres poldriers seront tenus fère, et ne la porront vendre ni balher à aultres à peyne de confiscation de tout ce que se treuvera es mains et povoir d’aultre que dudict sr de Bouzols, et lad. poldre ou salpetre estant saisie ou treuvée en leurs mains, celuy que se treuvera l’avoir vendue sera tenu rendre les deniers qu’il en aura receu à l’achepteur ou tel aultre que par messieurs du conseil sera advisé et en seront contrainctz à peyne de prinse, lesd. poldres et salpetre prinses seront confisquées ou seront aux habitans de lad. ville n’excèdent la vente d’une livre à chacun.
Soient tenus faire lesd. poldres tant grosses que fines et salpetre raffinée et sans aucune fraude ains que le tout soit bon lorsque sera balhé aud. sr de Bouzols à peyne de confiscation.
Et seront tenus lesd. poldriers, comme ont promis incontinant, lad. poldre faicte et salpetre, ou bien le jour après, rendre lesd. poldre et salpetre aud. magasin à peyne que aulcun d’eulx, se treuvent saisi de plus que de deux quintalz tout le surplus sera confisqué.
Lesdicts maistres poldriers ne porront, comme ont de mesme promis, trevalher ne fere aulcune poldre soit de canon ou fine que ce ne soit de commandement exprès dud. sr de Bouzols, afin de tenir ledict maguesin forny des deux façons de poldre à son choix s’il veult de poldre grosse ou fine. Et lad. poldre faicte et receue par led. sr de Bouzols, led. sieur a promis et promet payer incontinant, après la réception, pour chacun quintal poldre fine la somme de treze escus deux tiers que sont quarante une livres, et pour quintal de poldre grosse douze escus à soixante solz pièce et la salpetre bonne et raffinée à unze escus.
Et tout le porté et contenu cy dessus l’ont lesdictes parties respectivement promis et juré sur saincts évangiles tenir, garder, observer et n’y contrevenir soubz obligation de leurs personnes et biens aux cours royalles de seneschaussée de Velay et conventions du Puy et aultres du présent royaulme renonçant et ne volant. Faict au Puy, dans la maison consulaire, présens Pierre Farigoles, Anthoine Javoles, Jehan Pelissier, soubsignés avec lesd. sr de Bouzols, Colin, Marchadier, Giraud, Galien, Boyer, les autres n’ayant sceu signer et moy, notaire royal soubsigné recepvant.
Polallion. Pierre Giraud. Pelissier. |
Leblanc. Loys Gallyen. Martin Colin. |
M. Henry Mosnier soumet à l’examen de l’assemblée une plaque rectangulaire en plomb, découverte à Arsac, commune de Saint-Pierre-du-Champ. Cette plaque, d’une épaisseur moyenne de 5 millimètres, mesure 18 centimètres de longueur sur 10 de largeur et porte aux quatre angles des trous destinés à la fixer. Elle représente en relief un char antique ou bige, conduit par un auriga, debout, complètement nu et armé d’un fouet. M. Aymard donne à cet objet une origine romaine et pense qu’il était placé sur un monument funéraire, Il serait important, d’après cet éminent archéologue, de découvrir l’emplacement où il gisait, car le plateau granitique de Saint- Pierre-du-Champ était jadis sillonné de voies romaines et la charrue amène souvent à la surface du sol des débris antiques de toute espèce.
M. Chappuis, conducteur des ponts et chaussées à Saint-Denis-du-Sig (Algérie), annonce à M. Antoine Jacotin qu’à la suite de fouilles exécutées pour la construction d’un barrage, il a découvert des coquillages fossiles dans des terrains crétacés. Ces coquilles consistent en grosses huitres, pectens et autres bilvalves, en deux ou trois variétés de cônes, en oursins ou spatangus, en polypiers tubipores ou orgues de mer et proviennent probablement des dépôts néocomiens de la chaîne du moyen Atlas. Ils ont été recueillis à une altitude de 200 et 250 mètres au-dessus des mers actuelles et à 70 kilomètres dans l’intérieur des terres. Mû par un sentiment patriotique, M. Chappuis propose à la Société de poursuivre ses investigations, de réunir le plus de variétés possible de ces fossiles et d’en faire un envoi ultérieur au musée du Puy.
La Société prend acte de la promesse de notre compatriote et recevra avec reconnaissance, pour les déposer au musée, les spécimens de fossiles dus à la générosité de M. Chappuis.
Sur la proposition de M. Émile Mauras, président du Comice agricole, la Société émet le vœu que, indépendamment du jardin attenant ordinairement à la maison d’école communale, chaque municipalité soit mise en demeure de fournir à l’instituteur une certaine étendue de terrain, prise sur le communal, pour en faire un champ destiné à des expériences agricoles.
À la dernière réunion de la Société météorologique de la Haute-Loire a êté discutée une question de la plus haute importance pour le département, celle de la création d’un observatoire au sommet du mont Mezenc. M. Aymard demande que cette question soit portée à l’ordre du jour de notre prochaine séance, ce qui est adopté par l’assemblée.
Sur le rapport de M. Lascombe, M. Robert, directeur des postes et des télégraphes au Puy, est nommé à l’unanimité membre résidant de notre Société, et M. Best, instituteur à Mézères, membre correspondant.
Une commission composée de MM. Langlois, Monjot et Robert est chargée de faire un rapport sur la candidature de M. Gimbert-Montbrun, contrôleur des lignes télégraphiques de la Haute-Loire.