S’il arrive jamais

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Mercure de France (p. 67-68).

XXX


S’il arrive jamais

Que nous soyons, sans le savoir,
Souffrance ou peine ou désespoir
L’un pour l’autre ; s’il se faisait
Que la fatigue ou le banal plaisir
Détendissent en nous l’arc d’or du haut désir ;
Si le cristal de la pure pensée
Doit en nos cœurs tomber et se briser ;
Si malgré tout, je me sentais
Vaincu pour n’avoir pas été
Assez en proie à la divine immensité
De la bonté ;
Alors, oh ! serrons-nous comme deux fous sublimes

Qui, sous les cieux cassés, se cramponnent aux cimes

Quand même — et, d’un unique essor,
L’âme en soleil, s’exaltent dans la mort.