S. Charléty. De B. Villario (Hauser)

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S. Charléty. De B. Villario (Balthazar de Villars), etc. Paris, Hachette, 1896. In-8o, 143 pages, avec deux figures.


M. C. ne m’en voudra pas de dire que le principal intérêt de son livre réside ailleurs que dans la figure assez pâle de son héros. Né à Lyon, en 1557, d’une famille de marchandise, de robe et d’église (c’est d’une des branches de cette famille que sortira le maréchal de Villars), il fut successivement avocat à Paris, conseiller au parlement de Dombes, lieutenant particulier de la sénéchaussée de Lyon, puis, aux lieu et place de son beau-père Nicolas de Lange, lieutenant général et président du présidial, enfin premier président de Dombes et trois fois prévôt des marchands de Lyon[1]. Il s’acquitta de toutes ces fonctions avec probité, mais il les aurait traversées sans gloire si les troubles de la Ligue n’eussent mis à l’épreuve ses vertus civiques. Catholique fervent, il resta royaliste ; il encourut, de la part des ligueurs, l’honorable reproche de n’avoir pas « tousjours préféré à l’Estat l’honneur de Dieu et l’advancement de la foy catholique A. et R. » (p. 14, n. 1). Suppression de traitement, interdictions de séjour, exils même, il supporta tout plutôt que de se joindre aux rebelles.

Mais, encore une fois, l’intérêt de l’étude de M. C. est ailleurs. La vie publique de B. de Villars coïncide avec une crise de l’histoire intérieure de Lyon, avec la destruction du vieux régime consulaire et des libertés lyonnaises. Pendant la Ligue, Lyon a été gouvernée par une sorte de commune insurrectionnelle, qui non seulement refuse toute obéissance au roi, mais qui revendique même son indépendance à l’égard des gouverneurs de l’Union (lettre des consuls au duc de Nemours, p. 17, n. 2). Sous prétexte de punir cette rébellion, Henri IV profite de sa victoire pour supprimer l’ancien consulat ; il le remplace, en 1595, par une organisation municipale copiée sur celle de Paris, quatre consuls au lieu de douze, et à leur tête un prévôt des marchands nommé par lui[2], du moins à partir du 1er janvier 1598 : B. de Villars fut le premier prévôt nommé dans ces conditions. Le roi profite également du mauvais état des finances municipales pour mettre la main sur l’administration : la liquidation des emprunts contractés par la ville pendant la Ligue est confiée à des « intendants. » Les nouveaux consuls ne jouissent plus d’aucun pouvoir réel ; ils se consolent de leur inutilité en s’occupant de misérables questions d’étiquette et en s’enveloppant de magnifiques costumes ; ce sont très souvent des officiers royaux, très rarement des maîtres des métiers, pas toujours des Lyonnais. Les bourgeois ne se rendent plus aux assemblées générales, et, lorsqu’ils ont des démêlés avec le lieutenant du gouverneur (en 1627, pour les chaînes de la Saône), le roi les rappelle durement à l’ordre.

Comment une municipalité presque autonome a perdu ses privilèges, — et cela bien avant Richelieu, — comment les libertés lyonnaises ont été abolies par les tendances unitaires et absolutistes de la royauté, tel est le vrai sujet du travail de M. C. Travail fait avec soin, d’après les sources[3], et qui, repris en français et un peu élargi, fournirait une bonne contribution à l’historiographie lyonnaise.


H. Hauser.
  1. Voy. à l’appendice des pièces sur cette famille.
  2. Ce dernier point ne me paraît pas douteux, d’après le texte extrait par M. C. (p. 24) des archives communales AA 95.
  3. M. C. s’est surtout servi, en dehors de la riche collection des Actes consulaires (l’auteur a raison de rappeler qu’il se faut défier de l’inventaire imprimé) et de l’inventaire Chappe, des ouvrages du P. Ménestrier et de Péricaud. Je m’étonne de ne lui voir citer aucun des ouvrages de Rubys : Privilèges de la ville de Lyon. Gryphius, 1574, in-fol. (sur le consulat), et Histoire véritable de Lyon. Nugo, 1604, in-fol. Il me semble que, pour le parlement de Dombes et les grands jours de Trévoux, on pourrait tirer meilleur parti des archives de la Côte-d’Or. Pour l’histoire de la Grande Aumône, au commencement du XVIIe siècle, il y a mieux à citer que les statuts de l’édition de 1765 : voy. la préface mise par le président Baudrier à la Police de Jean de Vauzelles, 1531 (Perrin et Marinet, 1875, petit in-8o) et les éditions de 1528, 1531, 1538, 1539 (reproduite par Paradin, Mém. de Lyon, p. 285-296) et 1605 des statuts de l’Aumône. À signaler deux fautes d’impression. P. 12, première ligne : XXXI aug. 1587, il faut lire, comme l’indique la note 1 : XIII mai. 1582. P. 121, l. 29 : aye bien, lisez : aye lieu.