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Saint-Thégonnec. L’Église et ses annexes/Texte entier

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Quimper, 3 Avril 1905.
† FRANÇOIS-VIRGILE,
Évêque de Quimper et de Léon.


Quimper, 18 Mars 1909.
† ADOLPHE,
Évêque de Quimper et de Léon.


SAINT-THÉGONNEC


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L’église
et ses
annexes


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DEUXIÈME ÉDITION


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Par l’Abbé F. QUINIOU


Vicaire à Saint-Thégonnec


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ABBEVILLE


F. PAILLART, IMPRIMEUR-ÉDITEUR


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1909


LÉGENDE DE SAINT THÉGONNEC


La Bretagne Armorique entendit de bonne heure la prédication de l’Évangile. « Drennalus qui fut, croit-on, disciple de Joseph d’Arimathie, passa de la Grande Bretagne en Armorique. Il aborda à Morlaix, vers l’an 72, en convertit les habitants et alla bientôt planter la croix à Lexobic où il établit son siège[1]. » Mais le pays armoricain ne fut vraiment évangélisé que trois ou quatre siècles plus tard, lorsque parurent les moines, anachorètes ou cénobites, issus de son sol, ou sortis des contrées d’Irlande et de la Grande Bretagne. Ces religieux quittant leurs ermitages ou leurs monastères se répandirent dans le pays et consacrèrent leur zèle à cultiver une bourgade déterminée. Ils se firent fondateurs de paroisses.

Au commencement du vie siècle, la ville d’Occismor fut érigée en évêché et Paul Aurélien, abbé des monastères d’Ouessant et de Batz, fut nommé à ce siège, sur la demande du peuple et du comte Witur (ce comte fonda la seigneurie de Penhoat). Saint Paul, à peine monté sur son siège épiscopal, s’occupa de l’organisation de son diocèse. Il fonda différents monastères, « desquels comme de pépinières et séminaires de sainteté, il tirait des gens doctes et pieux pour en faire des recteurs et curés pour son diocèse. » Les premiers pasteurs de paroisses dans notre pays furent donc des moines.

M. de la Borderie, dans son Histoire de Bretagne, (tome I, p. 342) cite les noms des religieux, que saint Paul avait amenés de l’Ile. Nous y trouvons, entr’autres, le nom du maître des moines.

Quonocus-Toquonocus

Il traduit ce dernier nom par Tégonec. L’origine de la paroisse actuelle de Saint-Thégonnec remonterait donc au vie siècle.

Une autre tradition fait de saint Thégonnec, non le disciple de saint Paul Aurélien, mais celui de saint Guénolé, abbé de Landévennec. Il serait né à Tréfentec, village de la paroisse actuelle de de Plouévez Porzay, sur les bords de la baie de Douarnerez. Chassé par les habitants de son village qui lancèrent les chiens à ses trousses, le jeune Thégonnec vint établir son ermitage dans un lieu appelé depuis Plogonnec, qui veut dire : « peuple de Egonnec. » Une chapelle bâtie près de cet endroit et dédiée au saint rappelle encore le séjour qu’y fit le pieux anachorète. La paroisse de Plogonnec a conservé le souvenir de la conduite indigne des habitants de Tréfentec. Le dicton suivant en fait foi :

Kement ki klanv er vro a deuio
Dre Tréfentec a dremeno.

Pas un chien enragé ne dévastera la région sans passer par Tréfentec.

Triste privilège pour ce village ! Mais là ne se borna pas la malédiction du saint. Il lui prédit en outre que, malgré leurs labeurs, ses habitants resteraient toujours pauvres, et jusqu’à ce jour, cette prédiction n’a pas, qu’on le sache, reçu de démenti. Il ne voulut pas cependant affliger ce village de maux sans remède. Auprès de son ermitage, il fit jaillir une source, dont l’eau miraculeuse guérissait de la morsure des chiens enragés. Encore aujourd’hui les habitants de Plogonnec attribuent à cette eau la même vertu. Ils viennent même y puiser pour se guérir de toute fièvre maligne. Les paroissiens de Saint-Thégonnec reconnaissent aussi à leur saint patron le don de chasser les fièvres. Sur l’un des volets de la niche située au-dessus de la chaire à prêcher ils l’ont représenté guérissant des fiévreux.

Le saint quitta bientôt son ermitage et se fit le disciple de saint Guénolé, abbé de Landévennec. Son maître, d’après la tradition, l’aurait guéri de la morsure d’une vipère. Plus tard lui-même eut le don de guérir les morsures de ces bêtes venimeuse. On peut voir dans l’église de Saint-Thégonnec un tableau représentant plusieurs personnages, avec des vipères enroulées autour des bras, qui accourent vers le saint évêque pour lui demander leur guérison.

Voici en quels termes Albert le Grand rapporte et l’accident et la guérison du moine Thégonnec : « Un des condisciples de saint Guénolé, nommé Thethgonus, s’étant endormi sur son livre, en un champ, fut mordu d’un serpent ; le venin s’écoula incontinent par tout le corps qui s’enfla gros et devint tout noir et plombé ; saint Guénolé, ayant compassion de cet enfant prest à mourir, fait le signe de la croix sur la tanière du serpent, lequel sortit hors et creva tout sur le champ, et depuis ne s’est trouvé en ce canton-là telle espèce de serpent ; puis ayant oinct et frotté la morsure d’huile sainte, le venin découla goutte à goutte et le jeune homme fut entièrement guéri. »

Saint Guénolé aurait envoyé son disciple prêcher la foi dans le Léon, et saint Thégonnec aurait fondé au ve siècle la paroisse qui porte actuellement son nom [2].

Un autre document que possède encore l’église de Saint-Vougay est aussi en faveur de cette origine antique. Ce manuscrit appelé : « Missel de saint Vougay », date du xie siècle. Outre quelques messes, ce missel contient une litanie de saints dont le culte est antérieur au ixe siècle. La dernière invocation est ainsi conçue : « Sce Tegonoce. »

Dom Lobineau, dans sa Vie des Saints de Bretagne, n’hésite pas cependant à mettre saint Thégonnec au nombre des saints inconnus : Dans une réponse à la requête des paroissiens de Saint-Thégonnec au Parlement de Bretagne, Me Poulain, avocat de M. de Kérouartz, renchérit encore sur l’étrange assertion du moine historien. Il en tire cette conclusion d’une logique non moins étrange : saint Thégonnec classé dans les saints inconnus n’a jamais existé. Peut-on affirmer qu’un personnage n’a jamais existé, parce qu’un critique à court de documents écrits n’a pu établir d’une façon précise l’origine et la vie de ce personnage ? Il est difficile d’admettre qu’un être imaginaire ait pu donner son nom à deux paroisses. D’ailleurs tous ces moines et ces évêques venus pour la plupart de la Grande Bretagne pour évangéliser notre Armorique n’ont pas toujours trouvé d’historien. Les vertus qu’ils ont pratiquées et les miracles qui accompagnaient leurs travaux apostoliques n’ont pas toujours été consignés par écrit. Force nous est donc pour connaître quelques détails de leur vie de nous en rapporter à la tradition orale.

Voici pour ce qui concerne saint Thégonnec la tradition reçue dans la paroisse.

À son arrivée, le missionnaire reçoit un accueil enthousiaste de la part de la population qui attendait depuis longtemps un pasteur. Quelques voix discordantes cependant se font entendre et l’homme de Dieu trouve sur son chemin quelques esprits rebelles qui ne tiennent pas à voir fleurir autour d’eux les vertus chrétiennes.

Un jour, revenant épuisé d’une de ses courses apostoliques, il s’arrête dans ce village nommé Bougès. Il demande un verre d’eau pour étancher sa soif ; sa demande est repoussée. Sans murmurer, le saint reprend son bâton de voyage et s’achemine péniblement vers une autre maison, appelée Herlan, éloignée de quelques centaines dopas. Là, sa prédication a porté des fruits ; il y reçoit la plus généreuse hospitalité. Saintement indigné du refus qu’il a essuyé à Bougés, le missionnaire profère contre ce village l’anathème encore vrai aujourd’hui :

Boujès a voujezo.
Biken dour mad n’iien devezo.

Les sources de Bougés peuvent être abondantes, mais, jamais il n’en sortira une bonne eau.

Puis il bénit le Herlan et lui promet pour toujours une eau des plus limpides. Joignant l’action à la parole, il frappe la terre de son bâton, et à l’instant il en jaillit une eau claire et abondante. C’est l’eau tant vantée du Stivel. La piété des habitants a construit en cet endroit une fontaine encore vénérée de nos jours. On y vient « pardonner » pour obtenir les faveurs du saint. Les jeunes filles, en quête d’un mari, y viennent jeter des épingles pour savoir si, dans le courant de l’année, leurs désirs seront exaucés. On dit que plusieurs doivent y retourner plus d’une fois, et la chronique locale se charge d’enregistrer malicieusement les tristes retours de pèlerinage.

Au contact des vertus du serviteur de Dieu, et sous l’influence de la grâce jetée dans ces âmes par sa parole évangélique, bien des cœurs rebelles finissent par se rendre. Le pasteur croit pouvoir alors commencer l’œuvre qu’il a depuis si longtemps à cœur. Il lui faut une église pour y réunir ses nombreux néophytes. Il s’ouvre de son projet à quelques habitants les mieux intentionnés et les décide à lui prêter leur concours. Mais devant l’indifférence des uns et le mauvais vouloir des autres, il craint de voir son œuvre compromise. Pour encourager les hésitants, il va lui-même leur prêcher d’exemple ; il attelé son vieux bidet et, plein de confiance en Dieu, s’en va prendre des pierres à la montagne de Plounéour-Menez. Hélas ! les chemins ne sont rien moins que sûrs. Au retour un loup sortant à l’improviste d’un bois se jette au cou du cheval et l’étend raide mort entre les brancards. Le saint qui ne tient pas à ce que sa charretée de pierres reste à mi-chemin, fait un signe de croix sur le loup et le prend pour l’atteler au chariot. Cet étrange attelage poursuit sa route, entraînant à sa suite tous ceux qui l’aperçoivent. — Est-là une réalité ou une simple allégorie ? Ce loup désigne-t-il quelque ennemi du saint qui s’opposait à la construction de l’église et qui se laissa ensuite gagner à son projet ou est-ce réellement un. loup sorti des bois de Plounéour ? Les deux hypothèses ont leurs partisans mais la tradition est en faveur de la dernière.

Ce miracle devient le plus éloquent des sermons. La population voit que Dieu se met du côté de son serviteur et exige une église. Elle se hâte de réparer le temps perdu et c’est à qui partira le premier ou retournera avec la plus lourde charge.

En peu de temps s’amassent sur le plateau voisin du bourg actuel les pierres nécessaires pour la construction de l’église. Ici surgit une difficulté entre le pasteur et ses ouailles. Il s’agit de déterminer l’endroit où sera construit l’édifice. Les habitants veulent une église sur le plateau tout près des grands marais (Morlennou ou Lennou-mor) et l’on sait que déloger de la cervelle d’un Breton une idée qui s’y est implantée est une œuvre dont il faut laisser le soin à Dieu. Le saint ne veut pas y perdre son temps. Il est breton, lui aussi ; il a son idée et il y tient. Pour ne pas l’abandonner et avoir gain de cause devant ses paroissiens, il fera plutôt un miracle. Pendant la nuit il se met en prière et tout d’un coup un roulement formidable se fait entendre. Ce sont les pierres qui descendent d’elles-mêmes du plateau jusqu’à mi-côte, marquant ainsi d’une façon miraculeuse l’emplacement de la nouvelle église. Cette fois Dieu a parlé, les Bretons se rendent.

Ce qu’a fait le saint patron, disent actuellement les habitants de Saint-Thégonnec, est bien fait. Il a construit son église sur le flanc d’une colline, et le bourg sans être établi sur un marais ne descend pas cependant jusqu’à la rivière. Le plateau le préserve des vents qui soufflent des montagnes de Plounéour et les marais ainsi que la rivière se trouvent trop éloignés pour l’empester de leurs miasmes malsains.

Où saint Thégonnec finit-il sa carrière apostolique ? L’histoire et la tradition bien sobres de détails sur son ministère dans le Léon ne nous donnent aucun renseignement certain sur la dernière période de sa vie. On doit admettre cependant qu’il ne mourut pas dans la paroisse qui porte actuellement son nom. Ses reliques y auraient été vénérées ; or on ne trouve nulle part trace de ce culte et l’on ne voit pas non plus que, lors des invasions normandes, on ait transporté ses reliques ailleurs ; ce qu’on fut obligé de faire pour tant d’autres saints bretons. D’ailleurs la tradition fait de saint Thégonnec un archevêque. Ses statues qui se trouvent en différentes parties de l’église nous le montrent revêtu de ses habits pontificaux, crosse en main et mître en tête. Sur le maître-autel le saint patron, an lieu du bâton pastoral, porte en main la croix à double branche, insigne de sa dignité archiépiscopale.

Quel siège illustra-t-il ? IL ne nous est pas facile de le savoir. Si nous consultons le catalogue des évêques bretons cité dans l’ouvrage d’Albert Le Grand, nous constatons qu’il faut aller hors de la Bretagne pour trouver le siège occupé par saint Thégonnec. Il fut peut-être évêque du pays de Galles. Ce qui permettrait de le croire, c’est que saint Thégonnec est honoré dans cette contrée [3]. Mais est-ce le même que celui qui a évangélisé le Léon ? Rien n’empêche de l’admettre. Si la Grande Bretagne a fourni de nombreux missionnaires à l’Armorique, ils ne sont pas rares non plus les saints qui, après avoir prêché la foi dans notre région, ont ensuite émigré dans les pays d’Outre-Manche.


Saint-Thégonnec. — L’Église
Saint-Thégonnec. — L’Église

Saint-Thégonnec. — L’Église
Première Partie


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CONSTRUCTION DE L’ÉGLISE


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CHAPITRE PREMIER


L’église de Saint-Thégonnec.


L’Église de Saint-Thégonnec, classée dans les monuments historiques par la Commission des Beaux-Arts en 1886, a subi bien des changements depuis sa première construction. Elle possède actuellement trois nefs avec sept colonnes et div arcades. La tour, construite au milieu de la nef latérale sud, vient rompre la régularité de l’église et s’avance jusqu’à la nef principale. Au xviiie siècle, la fabrique pour faciliter le passage de la procession dans l’église fit percer deux portes au bas du clocher. La Commission des Beaux-Arts répara heureusement cette brêche et rétablit le portique tel qu’il avait été construit à l’origine.

L’église actuelle, bâtie sur l’emplacement de l’ancien édifice, appartient à différentes époques. La partie la plus ancienne ne remonte pas au delà de 1520 à 1530. Elle comprend la muraille du côté nord, depuis la chapelle de Notre-Dame de Vrai-Secours jusqu’au bas de l’église, avec quatre fenêtres du style ogival flamboyant. Lorsqu’on refit vers 1650 la muraille correspondante du côté sud, on ne jugea pas à propos de faire de l’église un tout homogène, et au lieu de reproduire le style ogival, on donna à cette partie le style de la Renaissance. Les arcades des différentes nefs ainsi que les fenêtres de l’abside sont en plein cintre et datent du commencement du xviiie siècle.

Nous allons voir, d’après les archives de l’église paroissiale, le détail de ces diverses modifications.



§ I.
Nef latérale Sud.


En 1650, la fabrique conçut le dessein d’agrandir l’église en reculant les murailles du côté sud. La mise en adjudication des travaux fut annoncée au prône de la grand’messe pendant trois dimanches consécutifs. À cette occasion plusieurs entrepreneurs

et architectes vinrent à Saint-Thégonnec. Jean Le Bescond de Carhaix fut déclaré adjudicataire, « par advis et consentement de vénérable personne Messire Guillaume Prouff, recteur de la dite paroisse, Messire Charles du Parc, seigneur de Kerdanet, procureur syndic et capitaine d’icelle, Vincent de la Roche et Louys de Kerhoaz sieurs de Guernanbaou et Coatgoulouarn, et autres habitants de la paroisse du tiers-état ».

D’après le devis et le marché, on devait défaire la muraille du côté sud, ainsi que les vieilles arcades de la grande nef et une autre petite arcade située au pignon de la chapelle du Herlan. La construction des arcades et des chapelles latérales commencée en 1652 dura jusqu’en 1656.

Pour agrandir l’église du côté de l’épître, il fallut obtenir l’autorisation des seigneurs du Herlan et de Penfao, à cause de leurs droits honorifiques dans cette partie de l’église. Voici d’après un acte notarié des juridictions de Lesneven et du Penhoat l’état de la chapelle du Herlan et les modifications qui devaient y être apportées.


Chapelle du Herlan, aujourd’hui chapelle du Sacré-Cœur. — Cette chapelle était située du côté de l’épître du maître autel, où se trouve actuellement l’autel du Sacré-Cœur. Elle avait 20 pieds 1/2 de longueur sur 16 pieds 1/2 de largeur. Par cette chapelle on pénétrait au chœur en passant sous une grande arcade, et l’un des piliers de cette arcade touchait au mur. D’après le nouveau plan, ce pilier et cette arcade devaient disparaître. La disparition du pilier rendrait le mur tout uni et semblable au pignon correspondant de la chapelle du Rosaire. Pour entrer dans la chapelle du Herlan en venant du portique, on passait sous une petite arcade qui reposait d’un côté sur un pilier attenant à la muraille du côté sud de l’église et de l’autre sur le pilier de la grande arcade. Cette petite arcade devait être enlevée et agrandie. Quant au pilier de la nef sur lequel elle reposait, il devait être élevé à la même hauteur que celui qui se trouvait vis-à-vis du côté de l’évangile, et auquel était adossée la chapelle de la Sainte-Trinité, aujourd’hui disparue. L’autre pilier attenant au mur aurait aussi la même hauteur.

Messire Charles Du Parc, seigneur du Herlan, possédait dans sa chapelle une tombe enlevée, une voûte et une lisière. La tombe était élevée au-dessus du sol de deux pieds huit pouces du roi, et elle était ornée de quatre grands écussons et armoiries en bosse, chacun portant un champ d’or et un lion rampant de sable chargé d’une fasce de gueules. Le seigneur, croyant que l’agrandissement

de l’église devait entraîner la disparition de son enfeu et de sa tombe, voulut réclamer une indemnité à la fabrique ; mais il lui fut répondu qu’on ne toucherait pas à ses privilèges. La fabrique consentit cependant à avancer sa tombe de trois pieds jusqu’au mur. Elle était auparavant contiguë au pilier de la petite arcade et, d’après ce nouveau plan, ce pilier devait disparaître. Au pignon de la chapelle se trouvait une voûte ornée de trois grands écussons avec des armoiries en bosse, les armoiries déjà citées.

La lisière faisait le tour des arcades et de la chapelle et continuait le long de l’église jusqu’au dernier pilier du côté de l’épître. Elle existait aussi dans la nef depuis le jubé jusqu’au bas de l’église, et se terminait du côte de l’évangile après avoir fait le tour de la dernière arcade sous laquelle se trouvent les fonts baptismaux.

On comprend qu’ayant à sauvegarder tant de privilèges, le seigneur du Herlan ait fait quelques difficultés pour autoriser la fabrique à toucher à sa chapelle. Il donna cependant son consentement le 16 décembre 1652.

« Pour François Du Parc seigneur ne Lézerdault, Herlan, Kéranrouxet autres lieux. Donons pouvoir et faculté aux habitants de la parroisse de Pleibert-Sainct-Tégonnec de faire à croistre l’esglise de la dicte parroisse du costé de nostre chapelle prohibitive de telle grandeur qu’ils croiront bon estre, sans toutefois préjudicier ny desroger à nos droicts honoriffiques et préminances en la dicte esglise, desquels estat et procès-verbal en sera faict à nostre présance, ou à celle de celluy que nous ferons condesandre à notre absence, en cas qu’il seroit nécessaire de desmolir nos vieux murailles où sont à présent nos préminances, lesquels en cas de novalité du bastiment qui est à présent en la dicte esglise seront mis et aposés tant aux vitres qu’ailleurs conformément qu’ils sont posés.

« Donné à nostre manoir, ce jour seizième
de décembre mil six cents cinquante et deux.
« Pour François du Parc,
« Simon, notaire. »

Le seigneur de Panfao qui possédait une arcade donnant sur le pignon de la chapelle du Herlan, autorisa la fabrique à enlever cette arcade par un acte notarié daté du 6 juillet 1653 [4].



§ II.
Abside.


En 1667, les paroissiens résolurent d’agrandir leur église en reculant l’abside de cinq à six pieds. Ils durent à cette occasion avoir recours au roi et au seigneur du Penhoat, alors marquis de Coatanfao.

Voici l’autorisation royale :

« Je consentz pour le Roy que les paroissiens de Pleiber Sainct Egonec facent renverser le pignon oriantal de leur église de Notre-Dame de Vray-Secours, dans lequel est située la mestresse vitre, pour alonger le dict pignon et donner au mestre autel de la dicte église une plus grande clarté que celle qui y est à présent, affin que par cette augmentation et embelissement ils puissent contribuer dadvantage à la gloire de Dieu, à condition néantmoins qu’après l’entière construction et restablissement des mesme pignon et mestresse vitre, ils y feront mettre en supériorité et dans le lieu le plus éminent les armes de sa Majesté et immédiatement au dessoubz celles de la seigneurie et compté de Penhoat de la mesme façon et au mesme ordre qu’ils y paroissent, je veux dire en pareil nombre descussions et sans y ajouter les armes d’aucun gentilhomme, ains seulement celles du seigneur marquis de Coatanfao propriétaire de la dicte seigneurie.

« Arresté à Quimper, ce jour vingt et

deuxième juin mil six cent soixante et sept,

« P. Lhonoré, procureur du Roy. »


Avant de renverser ce pignon pour construire deux nouvelles fenêtres, il fallait faire un inventaire des armoiries et droits de prééminences contenus dans le grand vitrail du maître autel, afin de les rétablir ensuite dans le nouveau vitrail. D’après l’inventaire fait par Alain Huon et Claude Gonan, vitriers de Morlaix, la fenêtre de l’abside qui contenait les armoiries de la seigneurie de Penhoat se composait « de quatre grands panneaux de vitre façonnés de trois poteaux de pierre de taille. Sur ces panneaux étaient représentées les figures de la passion de Notre-Seigneur avec dix soufflets et une rose en forme de poire au-dessus, avec huit arcs-boutants aussi remplis de vitre. Dans cette rose se trouvait l’écusson armorié de trois barres d’azur de bout en chef, en champ d’argent au mitan, écartelé de huit macles d’argent

en champ de gueules et en fasce de gueules en champ d’or ensemble avec les macles ». L’écusson était entouré d’un cordon de saint Michel, et dans ce cordon à la partie supérieure se trouvaient les armes du Roy et de Bretagne à mi-partie.

L’annonce de l’adjudication des travaux que la fabrique voulait entreprendre était faite au prône de la grand’messe pendant trois dimanches consécutifs non seulement à Saint-Thégonnec, mais encore dans les paroisses voisines. La nouvelle circulait ainsi rapidement, et de différentes localités accouraient les architectes, entrepreneurs ou sculpteurs pour prendre part à l’adjudication. Il venait même du fond de la Cornouaille, de Carhaix et de Pont-Croix.

L’entreprise de 1650 pour les chapelles latérales sud fut confiée à Jean Bescond de Carhaix et ses ouvriers étaient les suivants : Yvon Huon, Guillaume Corre, Yvon Le Duff, Thomas Galliou, Pierre Jouhan et Guillaume Le Tauc.

L’adjudicataire des travaux à exécuter pour l’abside fut Guillaume Plédran appelé : « maître picoteur. » Il était payé vingt sols par jour tandis que ses ouvriers ne recevaient que quatorze sols. Les piqueurs de pierre étaient : Maurice Le Bras, Yvon Huon, Pierre Jouhan, Guillaume Le Tauc, Georges Pouliqueu, Yvon Tanguy et Gabriel Guillou. Les darbareurs ou manœuvres n’étaient payés que dix sols par jour. C’était Hervé Picard et Guillaume Crec’hmine.

Outre ce salaire, la fabrique payait le logement des ouvriers, ainsi que les frais d’entretien de leurs outils. À chaque travail important, quand on posait par exemple le fondement d’une construction, ou que l’on mettait en place les pierres de taille, les ouvriers collationnaient aux frais de l’église. Les vieux registres énumèrent avec complaisance la quantité de pain, vin, viande et même poisson absorbée dans ces collations. Quelques habitants du bourg qui avaient probablement rendu quelques menus services aux ouvriers, ou peut-être n’étaient-ce que de simples curieux prenaient également part à ces repas. À l’occasion des charrois de pierres de la montagne d’Arrée, la fabrique faisait appel à la bonne volonté des paroissiens et se chargeait elle-même de pourvoir à la nourriture des charretiers. Tous les ans elle enregistre à son compte plusieurs barriques de vin à 36 livres la pièce et plusieurs bœufs de 60 à 80 livres chacun. Le pain qu’on servait aux charretiers provenait du froment donné en offrande à l’église. En ce temps comme aujourd’hui, un grand « gueuleton » était la clôture

nécessaire de tout travail fait en commun et opéré gratuitement. Lorsque la chaire à prêcher fut transportée de Landivisiau à Saint-Thégonnec, il y eut un grand dîner au bourg pour les charretiers. Quelques verres cassés dans cette réjouissance (pour trois livres six sols) nous permettent de croire que dans la chaleur communicative du banquet, les esprits montèrent à un haut diapason et que quelques horions durent être échangés entre les convives. Lors de la reconstruction de l’abside, ce fut encore bien pis, du moins pour les intérêts de la fabrique. L’incident est ainsi relaté : « Disent les dits comptables avoir acheté deux barriques de vin pour subvenir aux affaires de la paroisse, en même temps survinrent les soldats dans le bourg qui les burent presque toutes, avec la valeur de sept livres en pain ; les deux barriques coûtant 72 livres. Total: 79 livres. »


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CHAPITRE II


Exhaussement de l’église en 1714.



§ I.
Mise en adjudication des Travaux.


En 1670 on avait exhaussé le bas de l’église pour la mise en place des orgues, et enfermé ainsi le petit clocher jusqu’aux galeries entre les deux nouveaux pans de mur. En 1714 la nef principale et l’abside reçurent l’élévation qu’elles ont actuellement et depuis cette époque aucun changement n’a été fait dans l’église.

Le 23 octobre 1713 les travaux furent mis en adjudication et Etienne Le Marchand architecte et entrepreneur en demeura adjudicataire. Il présenta lui-même un plan et devis qu’il devait exécuter pour la somme de 14,200 livres. La fabrique ne sut jamais d’où il était et elle ne lui confia les travaux que sur garantie sérieuse. Jean Elie Denis sieur de Trobriant, demeurant en son manoir du Gosquérou en Ploujean, évêché de Tréguier, et noble homme Jean-Baptiste de la Voye, demeurant à Morlaix, paroisse de Saint-Melaine, se présentèrent caution pour Etienne Le Marchand. D’après les conditions du marché, la fabrique devait payer à l’entrepreneur 11.000 livres en différents termes, c’est-à-dire, 1.000 livres au 1er janvier et 1.000 livres tous les deux mois jusqu’au paiement total de la somme de 11.000 livres. Les 3.000 livres qui restaient ne devaient lui être remboursées qu’après l’achèvement de l’ouvrage et si son travail était accepté, après expertise. Le Marchand fit pour la charpente un sous-marché avec Lazare Flutter.

Avant de commencer les travaux, il fallait obtenir l’autorisation des seigneurs prééminenciers de l’église, mais la fabrique, prévoyant de leur part certaines difficultés, fit mettre dans le contrat une clause qui interdisait à l’architecte de réclamer toute indemnité, si le mauvais vouloir des seigneurs venait à mettre obstacle à l’exécution de l’entreprise. D’après le plan de l’architecte, on devait reculer de deux à trois pieds une tombe de la famille du Herlan et prendre deux à trois pieds sur leur chapelle. Le recteur Maurice Joncour, accompagné de douze de ses principaux paroissiens, se rendit au château de Kéranroux en Ploujan pour demander l’autorisation par écrit de la dame de Lézerdot et Herlan ; mais il fut obligé de s’en retourner sans avoir obtenu de réponse favorable. Peu de jours après, Marchand vint se vanter d’avoir en sa possession un écrit de la dame de Lézerdot l’autorisant à exécuter son plan, mais il refusa de montrer cet écrit. Les fabriciens voulurent vérifier son affirmation. Ils se refusaient à croire que, là où ils avaient échoué, un autre et surtout un étranger à la paroisse eût pu réussir. C’était à eux et non à d’autres que l’autorisation devait être donnée. Ils déléguèrent l’un d’entr’eux, Jean Thoribé de Lannivinon, pour contrôler les dires de Marchand. Thoribé se fit accompagner au château de Kéranroux par Rannou, notaire royal à Morlaix. L’acte notarié rapporte ainsi la visite faite au château de Kéranroux :

« Nous, notaire, nous sommes de compagnie avec le dit Thoribé, transportés jusques au dit château de Kéranroux, où y estant rendus en parlant à la damoiselle de Lézerdot, fille de la dite dame de Lézerdot trouvée dans la cuisine de la dite maison, et lui ayant demandé où estoit la dame sa mère, elle nous a déclaré qu’elle estoit allé au bourg de Ploujan à la messe ; et comme elle auroit pu rester quelque temps, nous l’aurions priée de vouloir bien faire aller son garson l’avertir que nous estions venus luy faire sommation à requeste du dit Thoribé sy ou non elle auroit donné son consentement au dit Marchand comme il l’a soutenu pour la réédifition de l’esglise de Saint-Egonnec, et si elle n’a point reffusé aux dits paroissiens de donner son consentement tant au sieur recteur qu’aux paroissiens pour ladite réédification. Sur quoy elle auroit envoyé le garson vers le bourg, feignant de la chercher, et estant revenu tost après, il nous auroit dit que la dite dame estoit allé à Kergariou et qu’elle n’auroit pas été si tost à la maison ; sur quoy aïant fait lecture à la dite damoiselle des réquisitions cy-dessus, elle nous a déclaré que la dame sa mère n’a donné aucun consentement au dit Marchand, que bien est vray il le luy a demandé plusieurs fois et avoir offert dix pistolles pour l’avoir, sans l’avoir obtenu. »

Quant au refus essuyé par le recteur :

« Elle a dit qu’elle n’a aucune connoissance de ce fait, et avoir veü le dit sieur recteur plusieurs fois au dit manoir de Kéranroux, mais ne sçavoir pour quel sujet, et est sa réponse qu’elle a reffusé de signer quoi que de ce interpellé.

« Rannou, notaire royal. »


Après bien des pourparlers, la dame de Lézerdot finit par donner son consentement. À la fin de mai 1714, le recteur accompagné des deux marguilliers en charge, Jean Thoribé de Lannivinon et François Thoribé de Kérescars, se rendit à Morlaix chez Jean Floch notaire de la juridiction du Penhoat et y fit appeler Charlotte Rogon de Lézerdot, comme tutrice de ses enfants mineurs. Un accord fut conclu aux conditions suivantes : les seigneurs de Lézerdot conservaient leurs droits d’enfeu, de banc, d’accoudoirs, de voûte, d’arcade et de lisière. Le tout devait être rétabli aux frais de la fabrique.

Le 3 juin suivant au prône de la grand’messe, le recteur rendit compte à ses paroissiens du résultat de ses démarches. Il invita le Général, c’est-à-dire les fabriciens à se rendre à la sacristie à l’issue de la messe pour ratifier ou rejeter la convention conclue avec la dame de Lézerdot et du Herlan. Les douze notables suivants composaient en 1714 le Général de la paroisse : Yves Martin de Lannix inon, Hervé Pouliquen de la Ville neuve, Jean Thoribé de Parc Gouanec, Jacques Cottain du Cozlen, Jean Madec de Bougès, Yves Breton de Menhars, Hervé Croguennec, Yves Caro et Yves Pouliquen de Goazanlan, Yves Le Maguet de Cosquéric, Guillaume Le Maguet et François Breton de Menhars. Les deux marguilliers en charge étaient, comme nous l’avons dit,

Saint-Thégonnec. — La Chaire.
Saint-Thégonnec. — La Chaire.

Saint-Thégonnec. — La Chaire.
Jean Thoribé de Lannivinon et François Thoribé

de Kérescars. Le Général accepta les conditions proposées par la dame de Lézerdot.

Le prône de la grand’messe mettait toujours les paroissiens au courant des affaires de la fabrique. La plupart du temps, ils se contentaient d’approuver par un silence religieux les communications faites par leur recteur, mais d’autres fois, oubliant la dignité du saint lieu et le respect dû à leur pasteur, ils ne se gênaient pas pour protester bruyamment.

En 1651, le seigneur de Penfao reprocha à Louis de Kerhoaz, seigneur de Quélennec, d’avoir usurpé des droits honorifiques dans l’église de Saint-Thégonnec. Les paroissiens, gagnés par Louis de Kerhoaz, protestèrent au prône même de la messe et proférèrent des murmures et des menaces à l’adresse du seigneur de Penfao.

Dans les premiers temps, les affaires de la paroisse étaient traitées en public. Dans le cimetière qui servait parfois de salle de délibération, à l’issue de la grand’messe, chacun était autorisé à donner son avis. Mais ces discussions étaient souvent tumultueuses et sans résultat. Plus tard, différents règlements vinrent limiter ce nombre exagéré de délibérants. Les notables de la paroisse réunis sous forme de « corps politique » eurent seuls voix dans les discussions et surtout dans la solution des affaires. En 1656, le corps politique de Saint-Thégonnec se composait « d’honorables gens Yves Inizan de Kerdépré, Hervé Caroff, Guillaume Rannou, Hervé Pouliquen du Hellin, Yves Bretton, Olivier Bretton, Nicolas Mazé, Hervé Guillerm, Hervé Kéramblouch, Mathieu Inizan, François Crenn, Jacques et François Caro, Jean Bretton de Penfao, Guillaume Pichon, François Perros, Guillaume Mazé, Jean Plassart, Alexandre Rioual et plusieurs autres manants et habitants de la dicte paroisse faisant la plus saine et meure voix et corps politique d’icelle. »

Vers cette époque, des arrêts du Parlement de Bretagne organisèrent dans chaque paroisse un corps régulier de délibérants, appelé « le Général ». Ce Général se composait de douze des notables de l’endroit. « Ses fonctions étaient des plus variées. Elles étaient tantôt civiles, tantôt religieuses. Plus souvent elles furent civiles et religieuses tout ensemble. Au titre ecclésiastique, il devait s’occuper du bon ordre des assemblées [5] » et empêcher tout empiétement sur les droits de l’église. Aussi dans tous les procès de la fabrique, et ils furent nombreux, voyons-nous le Général intervenir et prendre en main les intérêts de l’église. La gestion des deniers de la fabrique ne regardait cependant que le recteur et les deux marguilliers en charge.



§ II.
Expertise.


La fabrique vit qu’Etienne Le Marchand n’avait pas fidèlement rempli les conditions du marché ; elle fit une demande d’expertise qui eut lieu le 13 mars 1716. Elle choisit pour défendre ses intérêts Pierre Coussais, entrepreneur des ouvrages du roi ; Lazare Flatter, qui avait accepté de faire la charpente, prit pour expert Jacques Le Chapelain maître charpentier, et Le Marchand se fit représenter par Thomas Vaudrein, entrepreneur, Guy de Coëtlosquet, seigneur de Kérannot, assistait la fabrique comme conseiller. Il se fit prendre en litière à Brest et reconduire à son domicile aux frais de l’église. Ce voyage revint à 28 livres.

Le jugement des experts fut défavorable à Le Marchand. Ils lui reprochèrent d’avoir employé trop de moellons et du mortier de terre dans la construction des murailles, tandis que d’après le devis, les murs devaient être de pierres de taille et faits à chaux et à sable.

Quant aux piliers qui soutiennent les arcades de la nef, ils n’ont, disent-ils, ni la grosseur ni l’élévation voulues et ne sont pas également distants entre eux. « Ce qui porte plusieurs préjudices à la paroisse : 1° Si l’église demeurait en cet état, elle serait irrégulière, et on n’a démoli l’ancienne que pour cette raison ; 2° les chapelles des basses ailes ne seront pas égales entr’elles ; 3° les colonnes de la nef n’étant pas à égale distance les unes des autres, il en résulte que les arcades qui sont en plein cintre ne sont pas de même hauteur. »

Ces piliers devaient avoir 16 pieds au lieu de 13 pieds 2 pouces.

Les deux arcades qui donnent sur la nef du coté de la grosse tour sont si mal faites, qu’on a été obligé de mettre dans les murailles, au-dessus des clefs de ces arcades, une pièce de bois d’une longueur de 20 pieds. La première arcade du coté nord joignant le pilier des hautes ailes est trop étroite de 18 pouces. La seconde et la troisième sont conformes au plan, tandis que la quatrième est trop large de 4 pouces et la cinquième trop étroite de 2 pieds 6 pouces.

« C’est là une difformité, au lieu que l’exécution du plan eût été un agrément. »

Les fenêtres et les vitraux n’étaient guère mieux réussis. « La fenestre de la basse aile du côté du midy joignant la tour est plus étroite que celles qui sont subsistantes dans l’ancien ouvrage du côté nord. Elle a 1 pied 10 pouces de moins en largeur et 4 pieds 1/2 de moins en hauteur. »

Enfin les contreforts et les arcs-boutants nouvellement construits ne sont pas unis avec le corps de l’ouvrage.

La conclusion de l’expertise fut que les travaux exécutés par Le Marchand n’étaient pas acceptables. À part quelques piliers et quelques arcades, le tout était à refaire. Il restait sur les lieux assez de pierres de taille pour achever l’ouvrage tout en suivant le plan primitif. La grosse charpente faite par Lazare Flutter n’attendait que la construction des murailles pour être mise en place. Les deux cautions de Le Marchand devaient rendre à la fabrique 6.000 livres des 11.000 qu’elles avaient touchées. Elles devaient en outre payer 150 livres pour les frais de l’expertise. Tous les matériaux qui n’avaient pas été employés devenaient la propriété de la fabrique. Le paiement de la somme de 6150 livres devait se faire en espèces sonnantes et non en billets de l’État ou en quelqu’autre papier.

Sans cela la fabrique ne se contenterait pas de la somme de 6.150 livres. Elle gardait encore son recours contre Le Marchand pour le reste de la somme, et elle s’engageait à continuer les travaux à ses frais. Elle confia l’entreprise à Yan Plédran, maître maçon, payé 20 sols par jour. Les autres ouvriers furent : le fils de Yan Pledran qui touchait six sols par jour; Yves Le Roux et Guillaume Saliou, 18 sols ; Jean Gouzien et Yves Provost, payés 14 sols.

La fabrique aurait mieux fait de remettre sa dette à un entrepreneur insolvable au lieu de lui intenter un procès qui dura plusieurs années, et qui lui revint à elle-même à plus d’un millier de livres. C’est le cas de dire que le jeu n’en valait pas la chandelle.


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Deuxième Partie


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ANNEXES DE L’ÉGLISE


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CHAPITRE PREMIER


Clochers (1563 et 1599).


Le petit clocher qui se trouve à la façade ouest de l’église date de i563. Il ne manque pas d’élégance, mais il faut avouer qu’il ne couronnait pas dignement la masse imposante de l’église paroissiale. Il n’était pas de nature à satisfaire le goût du grandiose des habitants de Saint-Thégonnec, « de cette paroisse autrefois et aujourd’hui aristocratique, de l’aristocratie du peuple, agriculteurs, industriels et commerçants.

« Saint Thégonnec devint jaloux de la gloire de Pleyben, son émule de Cornouaille, et quelques années plus tard, en 1599 (le clocher de Pleyben datait de 1588) il entreprenait aussi un clocher rival de celui de cette paroisse. Il est même plus massif avec ses riches contreforts montant jusqu’à la galerie haute, portée sur un puissant encorbellement ; et dans le dôme principal, la lanterne et les clochetons d’angle, on retrouve les mêmes particularités, la même habileté dans les combinaisons architecturales. Il est réellement imposant ce clocher de Saint-Thégonnec et il s’élève au milieu d’un cadre digne de lui : Calvaire historié, tout couvert de personnages, arc de triomphe à grosses piles ornées de riches lanternons donnant accès dans le cimetière, merveilleuse chapelle ossuaire, à la façade couverte d’arcatures et de colonnettes du style le plus pur, aux gables à crêtes découpées surmontés d’élégants clochetons se profilant sur le ciel.

« Le porche qui se trouve sous la tour a les contreforts d’angle chargés de niches à colonnettes et dais, les colonnes corinthiennes cannelées en façade, et dans l’embrasure de l’arcade les colonnes de Philibert Delorme, puis la grande centrale pour le saint patron.

« À l’intérieur, beau soubassement et niches des Apôtres : au fond portes géminées surmontées de la statue de Notre-Seigneur dans le tympan. »

(Architecture bretonne, par M. le chanoine Abgrall, p. 78.)


CHAPITRE II


Arc de triomphe (1587).


Quatre grosses piles ornées de volutes ou consoles renversées que surmontent des lanternons à la fois trapus et élégants. Les deux piles du milieu sont reliées par une arcade au-dessus de laquelle règne une galerie d’arcatures séparées par des pilastres à gaînes et terminées par des frontons. À la hauteur de la galerie est la représentation du mystère de l’Annonciation ; d’un côté la Vierge agenouillée sur un prie-Dieu, de l’autre, l’archange Gabriel. Plus bas, dans la frise cette inscription :

Itron : Maria : Vir : Sicour
Ni : O : Pet : Huantec : Don ; Recour
Hui : En : Quentef : Advocades
Evit : Pecher : Ha : Pecherez : 1587.


Dame Marie de Vrai-Secours
Nous vous prions ardemment de nous venir en aide.
Vous êtes première avocate
Pour pécheur et pécheresse.
(Architecture bretonne, p. 107.)


CHAPITRE III


Calvaire (1610).


Le calvaire de Saint Thégonnec est un calvaire de premier ordre. Il n’est cependant pas aussi riche ni aussi imposant que ceux de Guimiliau et de Plougastel-Daoulas. Il est formé de trois croix, celle du Christ et celles des deux larrons, et d’un massif carré sur lequel sont reproduites différentes scènes de la Passion.

Quatre anges entourent la croix principale. Deux d’entre eux, formant comme grappe de chaque côté de la croix, recueillent le sang qui s’écoule des mains et du cœur du Christ. Le sang des pieds coule dans des calices tenus par deux autres anges.

Des deux côtés de la croix, sur les branches du croisillon supérieur on voit deux cavaliers dont l’un d’entr’eux est saint Longin, le soldat qui, d’un coup de lance, perça le cœur de Notre-Seigneur.

Entre les deux cavaliers, mais du côté opposé de la croix, se trouve un Christ à la colonne.

Sur les branches du croisillon inférieur, est représentée Notre-Dame de Bon-Secours entourée de saint Pierre et de saint Jean. Derrière ces trois personnages on voit au milieu, adossé à la croix, un Ecce-Homo, et dans les côtés la Vierge et saint Yves.

Sur le socle du calvaire se trouvent représentées différentes scènes de la Passion ainsi que la Résurrection.

À l’arrière-plan, tout à fait au pied de la croix, c’est la descente de Croix. Devant ce groupe, à gauche, c’est la mise au tombeau, et à droite, la Résurrection. Cette dernière scène comprend quatre personnages. Sur le tombeau un ange, à genoux, les yeux fixés vers le ciel où vient de monter le Christ.

Au bas, un soldat étendu à terre, tenant encore sa lance sous le bras, et de chaque côté du tombeau un soldat endormi.

En faisant le tour du calvaire par la droite, nous trouvons les scènes suivantes :

1° Jésus garrotté. 2° Le Christ, les yeux bandés, et souffleté par deux soldats. 3° La flagellation. 4° l’Ecce Homo. 5° Pilate se lave les mains après la condamnation de Notre-Seigneur. 6° Jésus portant sa croix rencontre la Véronique. Enfin, dans une petite niche au milieu du socle, saint Thégonnec et son chariot [6].

Ces différentes scènes de la vie de Notre-Seigneur ne sont pas reproduites dans l’ordre décrit par les évangélistes. À certains groupements, il manque même quelques personnages. Quand ces personnages ont-ils disparu, et à quelle époque, l’ordre des groupes a-t-il été bouleversé ? D’après une tradition encore vivante à Saint-Thégonnec, ce serait lors de l’époque révolutionnaire.

Les officiers municipaux de Saint-Thégonnec, comme bien d’autres d’ailleurs, reçurent une lettre pleine de menaces du district de Morlaix pour n’avoir pas encore abattu les croix qui se trouvaient sur le territoire de la commune.

« 16 Thermidor, an II (3 Août 1794).


« Je suis instruit que, malgré les diverses instructions que nous avons faites d’enlever les croix qui existent sur votre commune, vous n’avez fait jusqu’ici aucune démarche pour les faire disparaître ; je vous déclare que si, à la prochaine tournée que je ferai dans votre arrondissement, ces restes impurs du fanatisme insultent encore aux yeux des bons citoyens, je serai forcé de vous dénoncer aux autorités supérieures, et vous serez traités comme suspects, et vous savez la honte attachée à cette punition [7]. »

La municipalité n’exécuta pas cet ordre impie. On peut croire que, si les croix du calvaire sont encore debout, c’est que la chute de Robespierre et la réaction thermidorienne qui en fut la conséquence, arrêtèrent le zèle du district de Morlaix. Quant aux statuettes posées sur le socle du calvaire, la population se chargea elle-même de les faire disparaître. C’est à qui prendrait sa statue pour la soustraire à la haine iconoclaste des sans-culottes. Lorsque revint le calme, on vit le calvaire se reconstituer comme par enchantement. Les statuettes remontèrent de nouveau sur leur socle, et la reproduction des groupes se fit tant bien que mal. Quelques personnages de ces groupes furent même si bien cachés, qu’il fut dans la suite impossible de les retrouver [8].


CHAPITRE IV


Ossuaire (1676).



§. I.
Sa Description.


Avant la construction de l’ossuaire actuel, en 1676, il en existait un autre sur l’un des côtés du cimetière à la partie nord, et celui-ci servait en réalité à recueillir les ossements. Il a été détruit vers 1850.

« L’ossuaire de 1676, dit M. le chanoine Abgrall [9], est un des derniers ossuaires en date, mais c’est le plus beau et le plus monumental. La façade midi et l’abside à pans coupés sont particulièrement riches. L’abside est percée de deux belles fenêtres et appuyée sur ses angles par des contreforts surmontés de clochetons qui forment une admirable silhouette avec les trois autres clochetons plus haut placés sous les pignons aigus.

« Sur la façade latérale, un solide soubassement soutient un rang de six fenêtres séparées par des colonnes corinthiennes, et au milieu est une large porte de même style.

« Le deuxième étage est formé par une série de huit niches à coquilles, encore séparées par des colonnes semblables mais plus courtes.

« Au-dessus de la porte une niche monumentale abrite la statue de saint Paul Aurélien ; cette niche est surmontée d’un dais et accosté de deux cariatides à gaines coiffées de la volute ionique.

« Dans la frise qui sépare les deux étages est sculptée une inscription magistrale en grandes capitales romaines qui se continue sur tout le pourtour de l’édifice :


C’EST UNE BONNE ET SAINCTE PENSÉE DE PRIER
POUR LES FIDÈLES TRÉPASSÉS.
REQUIESCANT IN PACE. AMEN. — HODIE MIHI.
CRAS TIBI.
Ô PÉCHEURS, REPENTEZ-VOUS ÉTANT VIVANTS,
CAR À NOUS, MORTS, IL N’EST PLUS TEMPS.
PRIEZ POUR NOUS, TRÉPASSÉS,
CAR UN DE CES JOURS AUSSI VOUS EN SEREZ,
SOIEZ EN PAIX.

« Dans les contreforts des extrémités sont incrustés deux bénitiers rappelant toute l’ornementation des clochetons et des niches.

« À l’intérieur de la chapelle on voit un autel surmonté d’un retable à colonnes torses, et sous l’autel est une sorte de chambre basse ou crypte éclairée par deux soupiraux, dans laquelle on a placé en 1702 un sépulcre de Notre-Seigneur, œuvre des plus remarquables, où l’on doit admirer surtout la Madeleine, la Véronique et les deux anges pleurant sur le tombeau. »



§ II
Architecte et Ouvriers.


Le deuxième dimanche de février 1676, plusieurs architectes vinrent à Saint-Thégonnec pour assister à la mise en adjudication des travaux à exécuter pour la chapelle ossuaire. « Le second dimanche de février, ayant convenus de M. architecteurs pour voir l’aplacement du reliquaire qu’on vouloit bastir, fait des frais pour la some de quatre livres dix sols [10]. » Jean Le Bescont

Saint-Thégonnec. — L’Ossuaire et le Calvaire.
Saint-Thégonnec. — L’Ossuaire et le Calvaire.

Saint-Thégonnec. — L’Ossuaire et le Calvaire.

« architecteur de Khaez » ou Carhaix fut chargé de l’entreprise. Il était en même temps « architecteur, entrepreneur et maître picoteur », et outre son atelier de Carhaix, il en possédait un autre à Landerneau. On peut être étonné qu’un monument d’un travail si fin et du style Renaissance le plus pur soit l’œuvre d’un ouvrier de province. Me Bescond, comme beaucoup de « compagnons » de cette époque a bien pu faire son tour de France et qui sait, peut-être d’Italie pour se perfectionner dans son art. Toujours est-il que le talent ne lui fit pas défaut. Son œuvre est là qui l’atteste. En ce temps, n’était pas reçu maître maçon qui voulait. Il fallait avoir passé plusieurs années comme apprenti pour devenir ensuite compagnon ou valet et l’on n’était reçu maître que si l’on avait déjà exécuté une œuvre remarquable. Ce long apprentissage supposait chez le nouveau maître des connaissances étendues de son art. L’étude des monuments et l’émulation nécessairement existant entre les diverses corporations développaient chez l’ouvrier le goût inné de son art et faisaient surgir sur notre sol breton ces œuvres qui, si elles dénotent surtout l’intensité de la foi, montrent parfois aussi chez l’ouvrier un instinct de génie. La chaire à prêcher de Saint-Thégonnec, œuvre des plus remarquables, à laquelle peut être seul comparé le baptistère de Guimiliau est sortie des ateliers de Landivisiau.

Me Jean Le Bescond fut payé d’après le nombre de journées employées par ses ouvriers à la construction de l’ossuaire. Les tailleurs de pierre payés à treize sols par jour étaient : Ivon Huon, Yvon Tanguy, Georges Pouliquen, René Pouliquen. Jean Bescont, Guillaume Tauc, Jacques Hamon, Le Duff et Vincent Tréguier.

Les six premiers travaillèrent jusqu’à la fin de l’entreprise. Les trois derniers ne furent pas employés d’une façon régulière et au bout de quelque temps furent même remplacés par Mathieu Runot, Jean Blez et Yvon le Bescont.

L’architecte mettait lui-même de temps en temps la main à l’ouvrage, probablement pour remplacer quelqu’un de ses ouvriers, ou pour exécuter un travail plus délicat, et recevait pour son salaire vingt-cinq sols par jour.

Les charpentiers percevaient le même salaire que les « picoteurs ». C’étaient Alain Picart, Charles Prigent, Charles Picart et François Chapalain.

Les couvreurs, Hervé Pichon et Yvon Pichon étaient payés douze à treize sols par jour, tandis que les « darbareurs » ou manœuvres ne touchaient que dix sols. Les darbareurs s’appelaient Yan Grall, Charles Prigent et Pierre Berthélé.

Pour l’ensemble des travaux qui durèrent de 1676 à 1681, les tailleurs de pierre reçurent 6.304 livres. Les frais de charrois de pierres de la montagne d’Arrée montèrent à la somme de 2.682 livres. Si l’on joint à ces deux chiffres le salaire des darbareurs, les dépenses en chaux, charbon, pierres de maçonnerie et quelques autres menus frais, nous trouvons que cette chapelle ossuaire revient à la fabrique à la somme de 9.500 livres, la charpente non comprise [11].

Le recteur de la paroisse était à cette époque Jean Armand Harscouët. Les autres prêtres, vicaires ou chapelains, s’appelaient : Thomas Breton, Hervé Spaignol, Jacques La Haye et Guillaume Breton. Les marguilliers étaient :


En 1676, Yvon Breton de Cozlen,

Pierre Caro de Gouazanlan.

En 1677, Pierre Maguet de Mengars,

Yvon Fagot de Penanvern.

En 1678, Yvon Maguet de Cosquéric,

Jean Pouliquen de Brogadéon.

En 1679, Pierre Le Grand de Broustou,

Guillaume Picart du Bourg.

En 1680, Mathieu Abgrall de Bodenéry,

François Caro de Mengars.

En 1681, Hervé Cottain de Gozlen,

Hervé Tanguy de Cosquéric.

En 1682, Olivier Herrou de Kerfeultz.

Jean Bras du Fers.



§ III.
Rétable de l’Ossuaire.


Le 3o décembre 1685, la fabrique conclut un marché avec Pierre Lahaye demeurant à Pont-Croix, paroisse de Beuzec-Cap-Sizun, évêché de Cornouaille, et Alain Castel, demeurant à Morlaix, paroisse de Saint-Martin. Il s’agissait de construire pour 400 livres le retables de l’autel de l’ossuaire. Les sculpteurs devaient laisser au bas, au milieu de l’autel, une place pour y mettre un tableau. Une fois achevé l’ouvrage sera examiné, et si les experts ne le trouvent pas « parfait selon l’art », les sculpteurs l’emporteront à leurs frais. Si Paul Lahaye et Alain Castel ont besoin d’argent, les comptables leur avanceront la moitié de la somme, mais ils seront ensuite obligés de la rembourser si le travail n’est pas accepté.

En 1688, la fabrique paie la somme de 22 livres un tableau de la Sainte Famille, qu’elle fit mettre sur cet autel. Aujourd’hui la place laissée vide au bas de l’autel est occupée par un bas-relief, représentant la mort de saint Joseph.



§ IV.
Sépulcre (1699-1702).


Ce sépulcre en bois de chêne est un des plus beaux du diocèse. Le groupement harmonieux des personnages, la variété de leur attitude et la vivacité particulière de leurs physionomies font de cette mise au tombeau une scène pleine de mouvement et de vie. La statue de la Madeleine surtout est une œuvre des plus remarquables. Il est impossible de ne pas admirer cette pose naturelle d’une personne qui s’abandonne à sa douleur, cette finesse de traits et cette expression toute vivante de la figure. C’est bien la Madeleine, telle que nous la dépeint l’Évangile, celle dont Notre Seigneur a dit : « Elle a beaucoup aimé ». Abîmée dans sa douleur, elle pleure son divin Maître que les Juifs viennent de crucifier.

Les autres statues du groupe ne manquent pas non plus de naturel et sur chaque figure est empreinte l’expression de douleur qui convient à chaque personnage.

Au fond du tableau, la Vierge aux regards voilés et baissés vers le Christ et dont l’attitude défaillante montre ce que le « Fiat » suprême a coûté à son cœur maternel. À ses cotés saint Jean, accomplissant les dernières volontés de son Maître soutient Celle que, du haut de la croix, Jésus lui donna pour mère.

À la droite de la Vierge, se trouve la Véronique tenant en mains le voile de la Sainte-Face, témoignage de la reconnaissance de son Dieu. Ses regards attristés sont tournés vers le Christ que portent dans un linceul Joseph d’Arimathie et Nicodème. Ce sont là deux types de vieux docteurs d’Israël, tels que nous les représentent les anciennes enluminures. Leurs traits sont fortement accentués, et leurs yeux grands ouverts expriment la stupeur.

À côté de chacun de ces docteurs, on voit un ange dont les regards se détournent du tombeau, et dont le visage ainsi que le maintien reflètent encore les sentiments d’angoisse qu’ils ont éprouvés, lors du crucifiement de leur Dieu. Un d’entr’eux porte en main la couronne d’épines. Un troisième ange à la gauche de saint Jean tient le calice de la Passion.

Sur le devant du groupe qui entoure le Christ, et à gauche de la Madeleine, se trouve Marie Salomé ou une des saintes femmes de la suite du Sauveur. Sa tête est penchée, ses lèvres entr’ouvertes, et ses yeux baissés. Elle laisse transpirer sa douleur qu’elle semblait vouloir garder pour elle.

Ce sépulcre est l’œuvre de Jacques Lespaignol, maître sculpteur, demeurant près le Pont-aux-Choux, paroisse de Saint-Melaine-de-Morlaix. Son travail lui fut payé 1.550 livres [12].

Les sieurs Godefroy et Bourriquem, maîtres peintres de Morlaix, reçurent de la fabrique pour peindre les statues du sépulcre la somme de 1.200 livres, suivant leur quittance du 29 octobre 1906.


CHAPITRE V


Chaire à prêcher (1683).


La reine des chaires à prêcher est sans contredit celle de Saint-Thégonnec. Par ses belles proportions, son ampleur, la profusion et la correction de ses ornements, elle constitue un monument auquel on ne doit même pas comparer les chaires trop vantées de Belgique, qui sont disproportionnées, prétentieuses, et sans logique dans leur composition.

Le support est constitué par une base surmontée immédiatement d’un chapiteau à feuilles renversées d’où partent des consoles ornées de grosses feuilles d’acanthe soutenant un boudin festonné et un épanouissement en quart de rond cave, orné de guirlandes, couronnes, draperies, cartouches et terminé par une petite baguette entourée d’une bandelette enroulée.

Puis vient la plinthe du bas de la cuve formée par un filet guilloché et un large torre arrondi tout couvert de feuilles et de fleurs de roses, laquelle descend aussi le long de l’escalier.

Aux angles de la cuve, sur cette grosse moulure sont assises les quatre vertus cardinales :

1° La Prudence tenant un serpent enroulé sur son bras droit ;

2° La Tempérance tenant une coupe fermée et une chaîne ;

3° La Justice. Miroir et draperie ;

4° La force. Colonne.

Dans les panneaux formant la cuve sont les quatre évangélistes en grand relief, sur riche fond d’architecture et de paysage et dans un encadrement de rosiers, de guirlandes et de festons.

La même ornementation se continue dans l’escalier pour entourer les médaillons des quatre grands docteurs d’Occident : saint Grégoire le Grand, saint Ambroise, saint Augustin et saint Jérôme.

La même richesse se trouve dans la main courante qui forme corniche pour contourner le haut de la cuve.

Au milieu du dosseret appliqué à la colonne est est un médaillon représentant le Seigneur donnant à Moïse les Tables de la Loi.

Dans les côtés deux anges tiennent d’une main une couronne de roses et de l’autre soutiennent le dais de l’abat-voix. Sous ce dais est le Saint-Esprit entouré d’une gloire et de nuages.

À chaque angle, au-dessus de la frise et de la corniche est un petit ange ailé ; plus haut des têtes d’anges ; puis le dôme tout couvert de roses ; et enfin debout, au sommet, une Renommée, le pied posé sur un globe et sonnant de la trompette.

Au-dessus de la chaire est une niche à volets, abritant le patron saint Thégonnec, et différentes scènes de sa vie en bas-reliefs.

En face une autre niche semblable qui contient la statue de Notre-Dame de Bon-Secours entourée d’un arbre de Jessé et des cinq sujets suivants : l’Annonciation, la Visitation, l’Adoration des Bergers et des Mages, la Présentation de l’Enfant Jésus au Temple [13]. »

Cette chaire est l’œuvre de François et Guillaume Lerrel, père et fils, maîtres sculpteurs de Landivisiau. Elle leur fut payée 1463 livres suivant leurs quittances du 2 octobre et du 3 novembre 1683 et du 5 janvier 1684.

L’abat-voix actuel est postérieur à la chaire à prêcher. Il daté de 1722.

En 1722, le sieur de Chesdeville de Saint-Pol-de-Léon peignit la chaire en couleur de bois pour la somme de 59 livres 7 sols.

Claude Le Chapalain du bourg de Saint-Thégonnec fut payé 6 livres et 12 sols pour faire une lucarne dans le mur du côté nord. « afin de donner du jour à la chaire ». Guillaume Le Tauc, tailleur de pierres, demeurant au bourg, reçut 3 livres 10 sols pour avoir fait un fondement de pierres de taille sous la chaire à prêcher. Enfin dénouement ordinaire de tous les marchés conclus par la fabrique, 16 livres pour frais de procédure au sujet du paiement de la chaire.


CHAPITRE VI


Orgues (1670).


L’origine des orgues à Saint-Thégonnec date de 1670. Elles furent achetées chez Jacques Mascard, facteur d’orgues à Landerneau. D’après les comptes de la fabrique, elles coûtèrent près de cinq mille livres ; Alain Picart « et consorts » furent chargés de faire « le jubé des orgues et de boiser le bas de l’église » qu’il avait fallu exhausser à cette occasion.

La reconstruction de cette partie de l’église mit aux prises la fabrique et la dame douairière du Herlan. Depuis l’annexion de la Bretagne à la France, le roi était considéré comme seigneur fondateur des églises paroissiales de cette province. Aucune modification ne pouvait y être faite sans son autorisation. Il fallait en outre l’agrément des familles nobles, possesseurs de certains privilèges, si du moins la modification projetée devait porter atteinte à leurs droits honorifiques. L’autorisation royale était toujours gracieusement accordée, et les seigneurs eux-mêmes s’empressaient la plupart du temps d’accéder au désir qu’avaient les paroissiens d’embellir leur église. S’ils faisaient parfois quelques difficultés, c’était pour sauvegarder leurs droits seigneuriaux. C’était tantôt une tombe de leur famille qui devait disparaître par suite de l’agrandissement de l’église ; c’était d’autres fois leurs armoiries qu’une modification apportée dans l’édifice devait cacher. Autant de causes de dissension entre le Général de la paroisse ou fabrique et les seigneurs de l’endroit, souvent même, c’était là un motif de s’opposer à l’embellissement de l’église.

En 1670, nous voyons la dame douairière de Lézerdot et du Herlan, Marie de Clisson, s’opposer à la construction des orgues. Elle possédait un écusson dans la grande vitre, au-dessus du portail du bas de l’église, et elle n’entendait pas que la mise en place des orgues vint cacher ses armoiries. Le Général de la paroisse ne se laissa pas déconcerter par cette opposition, il risqua un procès et passa outre. Il fut cependant condamné à mettre en évidence, sur le buffet des orgues, les armes de la seigneurie du Herlan et de Lézerdot ; ce qu’il fit de bonne grâce puisqu’il avait atteint son but qui était de construire les orgues et d’exhausser à cette occasion la partie ouest de l’église. Le procès qui lui fut intenté fut d’abord jugé au siège présidial de Quimper pour être ensuite envoyé à Rennes, devant le Parlement de Bretagne. Il fut condamné aux frais du procès. Ce qui lui revint à trois cents livres pour Quimper et à cent seize livres pour Rennes.

Cent ans plus tard, le 17 août 1770, le sieur Jean-Baptiste Philippe Morain du Coudray s’engagea à réparer les orgues en neuf mois pour 1.900 livres. Il présenta comme caution noble homme Jean Le Beau, père, négociant à Morlaix, place neuve du Port, côté de Tréguier.

Le 20 août 1863, eut lieu une nouvelle restauration des orgues par M. Heyer. Nous lisons dans la délibération du conseil de fabrique datée de ce jour. « L’orgue établi sous ce devis sera à regarder comme neuf, car il ne restera de l’ancien instrument que le buffet et une partie des vieux tuyaux qui, du reste, seront réparés de façon pour pouvoir rivaliser avec de neufs. » La dépense monta à 6.000 francs.

L’organiste était autrefois choisi pour six ans et il recevait pour une année un salaire de 150 livres, à condition de jouer des orgues pendant le service divin, les dimanches, les fêtes et les jeudis. Il devait veiller au bon entretien des orgues, moyennant trente livres par an, et la fabrique lui fournissait les matériaux nécessaires ; mais les gages du souffleur restaient à sa charge.


CHAPITRE VII


Sacristie (1686). — Fonts baptismaux (1783).


La sacristie actuelle fut construite en 1686. Le directeur des travaux fut Guillaume Le Tauc, payé quinze sols par jour. Ses ouvriers furent : Pierre Henry et son fils Hervé, Yan Julien, Yan Rochand, Jacques Hamon, Louis Nausset, René Pouliquen, Pierre Jézéquel, Yan Nédélec, Yvon Huon et Georges Pouliquen. Les deux suivants étaient darbareurs ou manœuvres, Charles Prigent et Yvonne Le Goarnisson. Le maître charpentier fut Paul Le Goff payé seize sols par jour.

Les fonts baptismaux se trouvaient jusqu’en 1670 sous la dernière arcade, du côté nord. À cette époque, lorsque fut reconstruit le bas de l’église, ils furent transférés avec leur clôture, près de la chapelle des Trépassés. Ils ne se trouvent dans cette chapelle que depuis 1783.

En 1783, la fabrique conçut le projet de reconstruire les fonts baptismaux et fit un appel aux ouvriers de la région. L’adjudicataire des travaux fut François Moysan, dit la Flamme ; entrepreneur et serrurier de Lampaul Guimiliau qui prit comme associés Jean Pichon et Jacques Messager, taillandiers et maréchaux-ferrants à Saint-Thégonnec. Si le plan était de François Moysan, le devis fut dressé par Maisonneuve-Potrel dont on ne désigne pas le lieu d’origine. L’ouvrage revenait à 1. 160 livres, dont un tiers payable au début, un autre tiers à la mi-juin, et le reste à la fin d’août, date où le travail devait être terminé. Les ouvriers se mirent aussitôt à l’œuvre, mais leur entrain ne semble pas avoir duré, puisqu’au 21 décembre les fonts baptismaux n’étaient pas encore achevés. Ils ne tardèrent pas à payer leur négligence. Dans une réunion de la fin de décembre, les fabriciens vinrent leur rappeler les conditions acceptées de part et d’autre. On leur laissait l’alternative ou de terminer l’ouvrage au plus tôt ou de céder à la fabrique les 360 livres qui leur étaient dues, comme reliquat du marché. Moysan et Pichon, en leur nom et au nom de Marie Messager, veuve de Jacques Messager, « déclarent consentir et consentent, pour sortir une fois d’affaire de faire au Général une diminution de 360 livres. »

Le baptistère construit par Moysan de Lampaul-Guimiliau ne compte pas parmi les beautés sculpturales de l’église de Saint-Thégonnec.

En 1721, les comptables payèrent à Jean Fily, tailleur de pierres, demeurant au bourg, la somme de 33 livres pour avoir fait « le grand bénétier et bassin de pierre de grains pour tenir l’eau bénite pour toutes les saisons de l’année. » Ce bassin se trouve encore aujourd’hui derrière les fonts baptismaux, et il continue à servir au même usage.


CHAPITRE VIII


Rétables.



§ I


Retable actuel du Rosaire (1697 et 1734)


En 1696, les paroissiens de Saint-Thégonnec, trouvant trop modeste l’autel du Rosaire construit en 1652 par M. de la Palmay, maître menuisier de Morlaix, conçurent le projet de le surmonter d’un beau rétable. Ils firent appel aux sculpteurs de Quimper, de Morlaix, et d’autres lieux. Les registres ne citent que le nom de Jacques Lespaignol, maître sculpteur de la paroisse de Saint-Melaine de Morlaix qui demeura adjudicataire des travaux. L’acte fut passé le 25 août 1697, devant le notaire du comte du Penhoat.

D’après cet acte, Jacques Lespaignol s’engageait à exécuter en dix-huit mois le dessin « que lui remit le recteur, moyennant la somme de 940 livres payables en trois termes. »

Les paroissiens se chargeaient de faire les charrois et le transport de tout l’ouvrage soit de Morlaix, soit de Landerneau et de faire mettre le rétable en place à leurs frais. Ils s’engageaient également à faire exécuter le tableau qui devait être mis au milieu du rétable, à l’exception toutefois « de la bordure et de la doublure de bois par derrière. » La fabrique fit faire ce tableau par Alain Bourriquen, maître-peintre de Morlaix, pour la somme de 76 livres 10 sols [14], La dorure du rétable fut confiée à Gilles Bunol, maître doreur de Morlaix [15].

D’après le marché conclu entre Jacques Lespaignol et la fabrique, le rétable devait être construit en bois de chêne sec, bien conditionné et mis en couleur de tuffeau. Les statues de saint Paul Aurélien et de saint Jean, ainsi que les autres statues, festons et chapiteaux seraient en bois de châtaignier. Quant aux colonnes, elles seront de marbre noir ; les six grandes auraient six pieds de haut et les quatre autres auraient la hauteur réclamée par les proportions de l’ouvrage.

La fabrique, outre les 940 livres payées au sculpteur pour le premier devis, déclare lui avoir versé la somme de 270 livres pour « des augmentations et ornements qu’il a faits sur le rétable, suivant l’avis et le consentement de M. le recteur et des délibérants de la paroisse. »

Jacques Lespaignol n’exécuta pas à la lettre le plan qui lui avait été remis, car les dix colonnes de marbre noir dont il est fait mention dans l’acte notarié n’existent pas dans le rétable du Rosaire. Néanmoins, la sculpture et la dorure soumises au jugement des experts furent acceptées en 1700.

Après avoir fait exécuter le rétable du maître-autel, la fabrique pensa aussi à celui du Rosaire qui n’avait pu être achevé en 1697, puisque l’abside n’avait pas encore été exhaussée. Elle fit ajouter deux étages à celui qui existait précédemment et pour ce travail elle eut recours à Jean Laurent, menuisier de Guimiliau. L’affaire fut conclue le 24 août 1784 aux conditions suivantes : la fabrique devait fournir à l’entrepreneur une maison au bourg de Saint-Thégonnec « pour se loger et pour construire le dit ouvrage » et lui payer la somme de 3.700 livres. Mais, outre le rétable, Jean Laurent devait construire la balustrade de l’autel du Rosaire.

Le rétable actuel du Rosaire compte, au premier étage, quatre colonnes en marbre noir. La statue de saint Jean qui s’y trouvait autrefois a été remplacée par celle de saint Jaoua. Le second étage possède le même nombre de colonnes avec, dans les cotés, les statues de saint Louis et d’un ange gardien tenant par la main un enfant, et au milieu une scène du purgatoire. Le Christ entouré d’anges reçoit les âmes que les prières de saint Dominique et de sainte Catherine de Sienne ont délivrées des flammes du purgatoire. Au sommet du rétable se trouve le Père éternel.



§ II.


Rétable du Maître-Autel (1724-1730).


Après avoir fait reculer le pignon du maître-autel en 1667, et exhausser l’abside ainsi que la nef principale en 1714. la fabrique s’occupa du chœur et du rétable du maître-autel. Elle paie aux sculpteurs, menuisiers et compagnons qui ont fait le chœur, le balustre, et relevé le maître-autel la somme de 600 livres » sans compter la somme de 270 livres qu’elle avait versée auparavant à « Joseph Simon et à d’autres marchands de bois de chêne et d’if [16]. »

Le rétable du maître-autel est l’œuvre de deux sculpteurs. Le côté de l’évangile fut exécuté par Jacques Lespaignol de Morlaix, d’après le plan de Boismaurin de Lampaul. Le côté de l’épître qui comprenait en outre la partie supérieure du rétable du Saint-Sacrement est dû au sculpteur Le Goff de Brest. Le plan en était de Robellin de Morlaix « dessineur du roy à Brest ».

La première partie de cet ouvrage fut exécutée conformément aux conditions du marché conclu le 18 mars 1724, et approuvée, après expertise, le 13 septembre 1725. La fabrique paya à Jacques Lespaignol en différents termes 2.015 livres [17]. Il restait à construire la seconde partie du rétable. L’adjudication des travaux eut lieu le 19 octobre 1727. Guillaume Guérin, sieur de Trogoloin, sculpteur de Brélévenez, près Lannion, en fut, pour son malheur, l’adjudicataire. Les conditions suivantes lui furent imposées. Il devait fournir les bois de chêne et de châtaignier, « bois secs et bien conditionnés, en bon et loyal marchand, » et exécuter le plan de Robellin de Morlaix. Il devait en outre construire deux piédestaux pour les statues de la Sainte Vierge et de saint Thégonnec et les élever à la même hauteur que les autres piédestaux qui soutiendront les colonnes du retable. Il déplacera enfin à ses frais l’ancien rétable du maître-autel pour le déposer sur l’autel du Saint-Sacrement, dans la chapelle appelée chapelle du Herlan. Les paroissiens se chargeront eux-mêmes du transport du rétable depuis Morlaix jusqu’à Saint-Thégonnec. Le montant des travaux revenait à 3.000 livres.

Guillaume Guérin, après avoir accepté de terminer le rétable pour le 24 juin 1729 au plus tard, ne dut pas trouver excellentes les conditions imposées par la fabrique. Il n’exécuta pas son travail pour le jour convenu, si tant est qu’il s’en fut même occupé. Il subit de ce chef un procès de la part de la fabrique.

Il fallait cependant achever ce rétable et une nouvelle adjudication eut lieu le 29 janvier 1730. Il s’agissait toujours d’exécuter le plan dressé par Robellin. Cette fois, malgré « les nombreux architectes accourus à Saint-Thégonnec pour la circonstance, aucun d’eux n’osa se charger du travail pour la somme de 3.000 livres. L’aventure de Guillaume Guérin leur avait donné à réfléchir La fabrique majora son prix de 1.100 livres. À cette nouvelle condition, elle trouva un adjudicataire en la personne de Le Goff, menuisier ou sculpteur de Brest. Mais l’adjudicataire devait, après avoir placé l’ancien rétable du maître-autel sur l’autel du Saint-Sacrement : « y faire les augmentations nécessaires pour remplir la place jusqu’au lambris. »

Le Goff fut autorisé à faire un tableau au milieu du rétable d’après le dessin fait par Boismaurin, et, pour ce nouveau travail, il reçut 300 livres. Ce tableau qui ne fut exécuté que pour combler les vides du rétable est le dosseret du siège du célébrant.

Voici la description qu’en fait M. le chanoine Abyrall dans son « architecture bretonne. »

« Une pièce d’une perfection rare qui se trouve dans l’église de Saint-Thégonnec, c’est le siège triple à accoudoirs et dosseret à l’usage du célébrant et de ses assistants. Il est décoré d’arabesques sur sa face et a pour accoudoirs des poissons au corps squamé et à la queue enroulée. Les trois panneaux du dossier sont enrichis d’arabesques, des festons, de têtes de chérubins et d’anges tenant des cartouches. Trois médaillons représentent:

1° Le sacrifice d’Abraham.

2° Le sacre du jeune David par le prophète Samuel qui verse sur sa tête une corne d’huile.

3° Un ange apparaissant pour annoncer à David par l’organe de Gad, le prophète, les trois fléaux dont il est menacé par le Seigneur et entre lesquels il peut choisir. L’ange, pour figurer ces trois fléaux, lient dans ses mains une tête de mort, une épée et un fouet (II Reg., xxiv).

Suivant le plan primitif tout devait être en bas-relief dans le rétable et pourtant la fabrique dut payer à un peintre nommé Coupery la somme de 160 livres « pour un tableau qu’il avait placé mal à propos dans le milieu du rettable du maître autel, parce qu’au lieu du dit tableau, le tout devoit estre en bar lieff suivant le desain, mais il a été falsifié [18]. »

Ce tableau fut placé au fond du chœur, devant le grand vitrail, et c’est probablement celui qui se trouve aujourd’hui au fond de l’église. Le rétable du maître-autel, la chaise du célébrant et le lambris jusqu’au crucifix furent peints et dorés en 1738.

Parmi les trois concurrents qui se présentèrent, le sieur François de Launay de Recouvrance (Brest) fut choisi à l’exclusion de Joseph Baïc de Lannion et d’un peintre de Morlaix. Le 22 mars 1739 eut lieu une délibération du conseil de la fabrique « au sujet des ouvrages de dorure tant à l’huile qu’en or bruny, peintures et ornements du grand hôtel et dépendances de notre église paroissiale, en présence de Mr Barral et de La Mothe choisis comme experts. » Le travail de François de Launay fut approuvé et payé 5.500 livres.

Ce rétable ainsi que ceux des autels latéraux reçurent une nouvelle dorure en 1834.



§ III.


Rétable du Saint-Sacrement.


Le rétable qui se trouve actuellement sur l’autel du Sacré-Cœur, autrefois autel du Saint-Sacrement, fut, jusqu’en 1724, le rétable du maître-autel. Il avait été construit en 1662 par Gabriel Carquain, maître menuisier. Suivant différentes quittances, en particulier celle du 29 juin 1664, ce travail fut payé 438 livres. La peinture et la dorure montèrent à un prix plus élevé. Elles furent payées 888 livres à Guillaume Bourriquen de Morlaix.

La mise eu place de ce rétable en 1724 occasionna à la fabrique un procès de la part de Madame de Lézerdot, Charlotte de Rogon, veuve de Messire Charles Du Parc. L’ancien rétable permettait de voir la lisière de la seigneurie du Herlan et de Lézerdot située le long du mur de cette chapelle ; mais le rétable du maître-autel qui était plus élevé cachait cette lisière. D’où violation de ses droits honorifiques et mécontentement de la douairière. Ici encore, la fabrique ne se départit pas de ses anciens procédés. C’était d’exécuter son projet tout en se présentant devant les tribunaux.

On fit cependant quelques additions au vieux rétable du maître-autel. D’après une quittance du 14 septembre 1726, la fabrique reconnaît avoir payé 75 livres en planches de sapin, « pour accommoder le rétable sur l’autel dans la chapelle du Herlan, » et le 14 septembre 1732, elle verse la somme de 350 livres pour les différents travaux exécutés dans le but « de rendre ce rétable parfait. »

Le sujet du rétable est l’adoration de Jésus-Hostie par les Anges. Le tableau du milieu représente la Nativité, et debout, dans les coins de l’autel, se trouvent la Vierge et saint Thégonnec.

§ IV.


Rétable de l’autel de Notre-Dame de « Vray-Secours. »


Le plus ancien retable est celui de l’autel de Notre-Dame de Vrai-Secours. Il est situé dans la nef latérale, au-dessous de la chapelle du Rosaire. L’image de Notre-Dame fut peinte et dorée en 1688 par Guillaume Bourriquen de Morlaix. Ce rétable reçut une nouvelle dorure en 1832.

La statue de la Vierge qui se trouve au-dessus de l’autel était très vénérée dans le pays et l’on venait des différents paroisses prier devant cette statue. Voici ce que nous dit à ce sujet Albert Le Grand :

« En la paroisse de Pleiber Saint-Tégonnec, vous avez la belle dévotion de Nostre-Dame de Vray-Secours ; ceste église est dignement entretenue et sainctement fréquentée de grand nombre de pélerins de divers endroits ; et principalement des mariniers à l’arrivée de leurs voyages de mer, qui, ont ressenty dans les grands dangers les effects merveilleux de la protection de celle à qui toute l’Église donne le titre d’estre l’estoelle luisante de la mer. »

En 1693, la fabrique reconnaît avoir payé 12 livres 9 sols « pour donner la collation à Messieurs les prêtres des paroisses de Guimiliau, Guiclan, Pleiber-Christ et de Saint-Mathieu-de-Morlaix, qui étoient venus en procession visiter l’église de cette paroisse pour demander à Dieu, par l’entremise de Notre-Dame de Vrai-Secours, le temps favorable pour ramasser les biens de la terre durant le mois d’août. »

Aujourd’hui les ex-voto supendus aux murs de la chapelle attestent que cette dévotion n’est pas encore tombée en désuétude.

Cette chapelle est due à Messire Kéronyant, seigneur de Coasvout, et elle fut construite en vertu d’une autorisation du roi Henri II, en date du 31 mai 1559 [19].



§ V.


Rétable de l’autel de saint Jean-Baptiste.


Ce rétable est situé devant la chapelle du Herlan ou chapelle du Sacré-Cœur. Il est postérieur

à celui de Notre-Dame de Vrai-Secours qui lui fait pendant du côté de l’Evangile. Ces deux petits rétables, avec leurs colonnes torses recouvertes de feuilles de vigne et d’escargots finement sculptés sont du plus gracieux effet.

Un autel, aujourd’hui disparu, était celui de la Sainte-Trinité. Il était adossé au premier pilier, au haut de l’église, du côté de l’évangile. En 1612, le seigneur de Kergournadech, allié au seigneur du Herlan, avait une tombe près de ce pilier.

Nous ne pouvons mieux terminer cette étude historique des rétables que par cette réflexion si judicieuse de M. le chanoine Abgrall :

« Toutes ces magistrales sculptures sont peintes de couleurs harmonieuses et largement dorées. Et qu’on ne veuille pas se récrier ; la couleur naturelle du vieux chêne est sans doute fort belle, mais avouez que sur un déploiement de 300 mètres superficiels, elle serait froide et monotone, tandis que ces couleurs adoucies, ces ors un peu éteints, avec reflets brillants, donnent à ce fond d’église une richesse, une harmonie, une splendeur que vous ne trouverez pas dans les basiliques de marbre de la classique Italie [20]. »


CHAPITRE IX


Mobilier de l’église.


Lampe du sanctuaire. — L’église de Saint-Thégonnec possède une lampe de sanctuaire d’une grande richesse. Elle est en argent, et sur sa surface sont reproduits plusieurs épisodes de la vie de saint Martin. Cette lampe provient, croit-on, de l’église de Saint-Martin de Morlaix. Elle a dû être enlevée ou peut-être achetée par la paroisse de Saint-Thégonnec pendant l’époque révolutionnaire. Si cette dernière paroisse a fait l’acquisition d’une lampe, elle a, en revanche, perdu une de ses cloches que, sur les ordres du district de Morlaix, elle dut envoyer à la fonte. Cette cloche cependant ne fut pas fondue, et elle se trouve actuellement à Plougonven.

Trois épisodes de la vie de saint Martin de Tours sont gravés sur cette lampe : 1° Le légionnaire Martin rencontre un pauvre à la porte d’Amiens. Il coupe avec son épée son manteau en deux pour en donner la moitié au pauvre; 2° Martin voit en songe Jésus-Christ tenant en main cette moitié de manteau qu’il lui avait donnée ; 3° baptême de saint Martin.

Croix de procession. — La croix de vermeil classée dans les objets historiques par la Commission des Beaux-Arts, mesure 1 mètre de hauteur et est à double croisillon comme les croix archiépiscopales. Elle a deux clochettes supendues au croisillon supérieur, et de chaque côté du Christ, sur le croisillon inférieur se trouve une statuette représentant l’une la Sainte Vierge, l’autre saint Jean. Au-dessous des pieds du Christ on voit un évêque agenouillé, avec un calice en mains. C’est le nœud surtout qui est d’un travail finement ciselé et d’une grande richesse. Six statuettes d’apôtres ornent ce nœud. Derrière le Christ est représenté le saint patron de la paroisse. Cette croix est, dit-on, un don d’un des seigneurs du Penhoat.

En fait d’ornements sacrés, l’église de Saint-Thégonnec n’en a aucun de remarquable, soit comme richesse de travail, soit comme antiquité.


CHAPITRE X


Budget de la Fabrique.


Comment dans une paroisse rurale a-t-on pu accomplir tant d’œuvres merveilleuses ? Où a-t-on pu trouver les ressources nécessaires pour solder de si grandes dépenses ? C’est une question qu’on peut se poser devant cette église, immense construction en pierres de taille, et ce clocher monumental ; devant cette chapelle ossuaire d’un travail si délicat et si parfait, cet arc de triomphe et ce calvaire d’une réelle valeur. On reste comme ébloui, en pénétrant dans l’intérieur de l’église, à la vue d’une ornementation si riche, de l’or prodigué comme à plaisir sur des rétables d’une largeur et d’une hauteur prodigieuses, et surtout devant ce chef-d’œuvre de sculpture qui se présente tout d’abord aux regards, devant cette chaire qu’un savant connaisseur appelle « la reine des chaires à prêcher. »

Quelques-uns pour trancher toute difficulté recourent à une explication qui a peut-être sa valeur pour d’autres paroisses. Ces constructions, disent-ils, sont l’œuvre de « francs-maçons » de diverses nationalités qui parcouraient les provinces pour élever des édifices « en l’honneur de Dieu et de la Vierge Marie ». Ils n’exigeaient pour leur salaire que le logement et le couvert avec un salaire insignifiant. Les archives de l’église paroissiale ne permettent pas d’accepter cette explication. Elles établissent que ces travaux ont été exécutés par des ouvriers de la région, et qu’ils ont été payés d’après le salaire des ouvriers de ces époques.

Tout travail à exécuter était mis en adjudication et le maître maçon ou entrepreneur qui restait adjudicataire des travaux était souvent payé par la fabrique d’après le nombre de journées employées par ses ouvriers à l’exécution de l’entreprise. Il recevait pour son travail personnel un salaire plus fort que celui de ses ouvriers ; ses frais d’installation et de voyage lui étaient remboursés. D’autres fois l’entrepreneur concluait avec la fabrique un marché à forfait [21]. Les tailleurs de pierre, les charpentiers et les manœuvres étaient payés à la journée et recevaient, les deux premiers, 13 ou 14 sols, et les derniers 10 sols par jour. De plus, la fabrique payait elle-même, et cette fois en nature, les charretiers qui se chargeaient du transport des pierres de la montagne d’Arrée, et plus d’une fois le vicaire général de Léon fut obligé de blâmer la prodigalité des marguilliers à l’égard de leurs compatriotes. Il refusait d’approuver les dépenses enregistrées au budget pour de nombreuses barriques de vin que consommaient les charretiers. La fabrique réglait donc elle-même les dépenses dans les moindres détails et faisait souvent mille difficultés pour solder ses créances. La perspective d’un procès n’était pas pour l’intimider, et elle eut même trouvé étrange de n’avoir pas de procès en cours devant un tribunal quelconque. Cette remarque se justifie d’après cette note que les comptables insèrent à la fin d’un de leurs budgets : « la fabrique étant sans procès ». C’était en l’année 1767.

Pour comprendre qu’elle ait pu faire face à tant de dépenses, il faut remarquer que ces travaux n’ont pas été exécutés en une année seulement ni même en un siècle. La construction de la partie nord de l’église date de 1520 à 1530, tandis que le dernier rétable n’a été mis en place qu’en 1734. Pour certains ouvrages d’art, tels que la chaire à prêcher ou le dosseret du siège du célébrant, les ouvriers n’exigeaient que le prix de la main-d’œuvre. Une autre considération dont il faut surtout tenir compte, quand on voit le peu de ressources dont disposait la fabrique relativement à l’importance des travaux exécutés, c’est que l’argent avait à ces époques une valeur qu’il n’a plus aujourd’hui.

D’autre part, certains legs pieux et le produit de quêtes spéciales faites dans la paroisse venaient encore s’ajouter au budget ordinaire de l’église. Parfois même la fabrique entreprenait un travail qui exigeait des dépenses au-delà de ses ressources du moment, mais quelques personnes généreuses se hâtaient de venir à son aide en lui avançant les fonds nécessaires.

Lors de la reconstruction de l’église en 1714, une jeune fille de Guélébara, Marie Madec, prêta à la fabrique sans intérêt la somme de 1.200 livres.

Voici en détail pour une année les diverses ressources de la fabrique (1713-1714) :

Rentes payables en argent des biens fonds situés dans la paroisse de Saint-Thégonnec. 1.112 liv.

Rentes sur des terres situées dans les paroisses de Plouneour-Ménez, Guiclan, Guimiliau, Lampaul, Plouvorn, Landivisiau, Ploudiry……… 111 liv.

À reporter.. 1.223 liv.

Report.. 1.223 liv.

Rentes payables en nature…… 58 liv.

Offrandes de l’année…… 1.533 liv.

Total des recettes... 2.814 liv.

Argent en caisse depuis les années précédentes.............. 9.017 liv.

Pour évaluer actuellement ces chiffres, il faudrait les multiplier par cinq ou au minimum par trois.

Les offrandes dont on vient de parler étaient constituées en partie par des dons que faisaient les paroissiens à l’occasion du jour octave ou anniversaire d’un décès. Les principales familles de la paroisse tiennent encore à honneur de conserver cette pieuse tradition. La plupart des offrandes provenaient cependant de dons en nature : poulets, veaux, beurre ou blé. Les habitants des campagnes donnent plus volontiers une partie des produits de leurs terres ou de leur industrie que la valeur de ces objets en numéraire. Aussi supprimer les offrandes en nature, c’est toucher à une des principales ressources de toute fabrique rurale. Tous les dimanches, à l’issue des offices, le sacristain ou l’un des marguilliers montait sur les degrés du calvaire pour vendre aux enchères les divers objets donnés en offrande à l’église.

La plus importante des oblations était, sans contredit, le lin ou le fil blanc. Le lin était encore naguère une des principales cultures du Haut-Léon et du Tréguier. Les nombreuses maisons qui ont à l’extérieur un escalier en pierre pour pénétrer au grenier où l’on remisait la toile, prouvent combien cette industrie était florissante dans la paroisse. Il a fallu l’importation des machines pour réduire le prix de la toile et ruiner un commerce qui a fait pendant longtemps la prospérité de Saint-Thégonnec.

Certaines années le produit du fil blanc reçu par la fabrique atteignait jusqu’à la somme de 700 ou 800 livres ; mais la valeur moyenne n’était que de 500 livres ; ce qui constituait encore un beau denier.

D’autres fois, les femmes se dépouillaient de leurs croix ou bagues d’or et d’argent pour en faire don aux saints honorés dans la paroisse, et en particulier à Notre-Dame de Bon-Secours.

Si les ressources de la fabrique atteignaient jusqu’à la somme de 3.000 livres, ses dépenses finissaient bien par atteindre les recettes. Outre le paiement des différents travaux exécutés pour l’embellissement de l’église, il lui fallait encore rétribuer le nombreux personnel qui émargeait à son budget et pourvoir aux frais de l’assistance publique.

Les enfants abandonnés étaient à sa charge et plus d’une fois, acculée sans doute au manque de ressources, la fabrique prétendit regimber contre cette obligation. En 1708, elle voulut refuser de s’occuper de l’entretien d’un enfant trouvé dont la paternité était attribuée à Jean Le Louarn du village de Luzec.

Elle fut appelée devant la juridiction de la cour du Penhoat par Françoise Marchaland, mère de Jean Le Louarn. La fabrique n’eut pas gain de cause et elle fut condamnée à payer 178 livres 9 sols comme frais du procès et à verser 78 livres 9 sols à la nourrice de l’enfant.

D’autres dépenses également nécessaires venaient encore grever le budget. Les impôts payés en deux termes montaient à 160 livres pour les décimes ordinaires et extraordinaires et pour la capitation.

La baisse sur la valeur de l’argent occasionnait de temps en temps à la fabrique une perte assez sensible. Elle possédait en caisse l’excédent des recettes des années précédentes et cette valeur consistait principalement en argent. C’est surtout à la fin du règne de Louis XIV et pendant la Régence que cette dépréciation de l’argent se fit sentir. Les marguilliers, en quittant leurs fonctions au mois de décembre, avaient soin de faire constater que l’encaisse laissée par leurs prédécesseurs avait perdu de sa valeur durant l’année de leur charge. En 1701, c’est une perte de 44 livres et en 1723, la perte est encore plus sensible ; elle est de 246 livres.

Telle était la nature des recettes et des dépenses de la fabrique de Saint-Thégonnec. C’est avec ce budget, qui souvent ne dépassait pas la somme de 3.000 livres, qu’elle a su réaliser un ensemble de constructions dont la richesse et l’harmonie n’ont été surpassées ni même atteintes dans aucune autre paroisse du diocèse.


APPENDICE[22]


FAMILLES NOBLES DE SAINT-THÉGONNEC.



§I. — Seigneurie de Penhoat.


La famille de Penhoat qui portait : d’or à la fasce de gueules, avec pour devise : Red eo (il faut), était l’une des plus anciennes du Léon et prétendait descendre du chef ou tyern Witur qui accueillit saint Pol Aurélien et lui donna le vieil oppidum de Castel-Pol et l’île de Batz.

En l’an 1160, Guillaume sire de Penhoat, fils de Hamon, épousa Julienne de Montrelais. De ce mariage naquit Hamon, qui eut pour fils Guillaume sire de Penhoat. C’est ce dernier qui bâtit, au retour de la septième croisade (1248-1254) le château dont on voit encore aujourd’hui les ruines. Son fils Hervé épousa, en 1282, Anne du Châtel, et de cette union naquit Guillaume dit le Tort-Boiteux. Il prit pour femme Jeanne, vicomtesse de Fronsac et devint capitaine de Rennes en 1356.

Le fils de Guillaume fut Jean, sire de Penhoat, amiral de Bretagne en 1401. Jean eut de sa première femme Jeanne du Perrier un fils, Jean sire de Penhoat qui se maria à Marguerite de Malestroit et mourut sans enfant. Son second mariage avec Marguerite de Rougé lui donna un autre enfant, Guillame baron de Penhoat, vicomte de Fronsac, etc… Guillaume épousa Françoise du Maillé et devint chambellan du duc de Bretagne. Il ne laissa qu’une fille, Françoise de Penhoat, dame de Penhoat, etc…, chevalière de l’Hermine, qui porta aux Rohan les immenses biens de sa maison en épousant en 1475 Pierre de Rohan, sire de Gié, maréchal de France.

En 1522, leur fils, Charles de Rohan, était seigneur de Penhoat.

Ses descendants vendirent ce fief aux Rosmadec. Les Kerhoent de Coatanfao l’achetèrent ensuite et le laissèrent en héritage au vicomte Du Rumain. Enfin en 1752, Jacques de Kérouartz l’acheta au prix de 160.000 livres de principal et 1.200 livres d’épingles ou pot de vin.

Les seigneurs de Penhoat étaient hauts justiciers, premiers prééminenciers et fondateurs des églises paroissiales de Saint-Thégonnec, Taulé, Plouvorn, Plougar, de l’église tréviale de Sainte-Sève, ainsi que de l’église et collégiale de Notre-Dame du Mur.

§ II. — Seigneurie du Quélennec.

À la montre de 1503, on trouve : « Nicolas Quélennec, par Jehan son fils. » Cette terre passa ensuite à Jacques de la Boixière qui en était propriétaire en 1557.

Louis Le Borgne sieur de Kérhaval, troisième fils d’Adrien Le Borgne seigneur de Lesquiffiou et de Marie de la Motte, épousa vers 1600 Jeanne de la Boixière, dame de Quélennec.

Leur fils, Alexandre Le Borgne seigneur de Quélennec, se marie à Jeanne de Kernault.

Ce dernier fait une fondation de 20 livres de rentes pour fournir le vin aux féries de Pâques. Les paroissiens seront exhortés à dire un Pater et un Ave à son intention.

Les Le Borgne portent : d’azur à trois huchets d’or (cors de chasse) liés et virolés de gueules.

La terre du Quélennec passa vers 1640 aux Kerhoaz qui étaient en même temps seigneurs de Coatgoulouarn. La seigneurie de Coatgoulouarn, avant d’appartenir aux Kerhoaz, était au nom de Jean Le Gal. (Réformation de 1443. Saint-Thégonnec).

Les Le Gal portaient : d’azur à trois poires d’or les queues en haut, et les Kerhoaz : d’azur à trois étoiles d’or.

La dernière représentante de la famille des Kerhoaz est ouvrière à Morlaix.

Les seigneurs du Quélennec avaient un banc dans l’aile droite de l’église et en face un enfeu avec tombe. Cet enfeu existe encore aujourd’hui, au-dessous de l’autel de Notre-Dame de Bon-Secours, et près de la porte d’entrée du côté nord. Les armoiries qui se trouvaient gravées sur les écussons ont été effacées pendant la Révolution (1791).



§ III. — Seigneurie de Penfao.


Cette seigneurie, après avoir appartenu aux du Plessix, passa vers 1669 aux Le Bihan, puis au xviiie siècle jusqu’à la Révolution aux Coëtlosquet qui étaient en même temps seigneurs de Kérannot et du Hellin.

Armoiries. — Les du Plessix : de sable au cygne d’argent becqué et membre de sable. — Le propriétaire actuel du manoir a trouvé dans son jardin une bague portant ces armoiries. — Leur devise était : Plezant eo (il est agréable).

Les Le Bihan portaient d’or au sautoir de gueules issant d’une mer d’azur. — Devise : Amour en Dieu, Espoir en Dieu.



§ IV. — Seigneurie du Hellin.


La seigneurie du Hellin, après avoir appartenu aux Daniel, passa aux Quintin, puis aux Coestlosquet qui en demeurèrent propriétaires jusqu’à la Révolution.

Lors de la Réformation de 1443, nous trouvons Jean Daniel, sieur du Hellin, mentionné parmi les nobles de Saint-Thégonnec.

Son fils Alain épousa Marguerite Le Guichoux, et son petit-fils Jean, sergent de Lesneven en 1503 se marie à Marguerite de Kérincuff.

François, sieur du Hellin, issu de ce dernier mariage, épouse Anne de Kerbic, et son fils Jean prend pour femme Hélène de Kerscan. À la mort de Jean, sieur du Hellin, cette seigneurie passe aux Quintin par le mariage de Marie Daniel, dame du Hellin, avec Gilles Quintin, sieur du Kerscan.

Leur fille, Bonaventure Quintin, dame du Hellin, épouse en 1671 Robert de Coëtlosquet, sieur de Kérannot.

Les armes des Daniel du Hellin étaient d’azur à deux coupes d’or et relevées en bosse. Les Quintin portaient : d’argent au lion de sable accompagné de trois molettes d’éperon de même, avec pour devise : Calcaribus recalcitrans (Rebelle à l’éperon).



§ V. — Seigneurie de Kérannot.


La terre de Kérannot a appartenu à trois familles depuis le xve siècle jusqu’à la Révolution : aux Denys aux Simon et aux Coëtlosquet.

Alain Denys est cité parmi les nobles de Saint-Thégonnec, à la Réformation de 1443. Guillaume Denys épouse vers 1560 Fiacre de Kérouartz. Il approuve, en 1557, avec le sieur du Hellin, la transaction

conclue entre le seigneur de Coazvout et les paroissiens de Saint-Thégonnec au sujet de la chapelle de Notre-Dame de Vrai-Secours. Barbe Denys, héritière de Kérannot, épouse François Simon, seigneur de la Palue, et leur fille, Louise Simon, dame de Kérannot et de la Palue, se marie à Guillaume de Coëtlosquet, chevalier seigneur du dit lieu en Plounéour-Ménez. Leur second fils Robert a en partage Kérannot et acquiert le Hellin par son mariage avec Bonaventure Quintin, dame du Hellin.

Les Simon portaient : d’argent au lion d’azur, armé et lampassé de gueules. Leur devise était : C’est mon plaisir.

Les armes des Coëtlosquet étaient : d’argent semé de billettes de sable au lion de même sur le tout.

Les seigneurs de Kérannot et du Hellin possédaient une tombe plate de pierre grise dans la nef de l’église paroissiale, du côté de l’évangile, près de l’autel de la Trinité, ainsi qu’une tombe plate dans le sanctuaire. Ils avaient aussi une chapelle sur leurs terres à Kérannot et au Hellin.

L’église de Saint-Thégonnec possède encore un calice qui a appartenu à cette dernière chapelle.



§ VI. — Manoir de Coasvoult.


Ce manoir avait tout d’abord appartenu aux seigneurs de Penhoat. Il était au xvie siècle à la famille de Kéroignant ou Kéronyant.

En 1557, Messire Kéronyant demande le consentement du roi et des paroissiens pour bâtir une chapelle dans l’église paroissiale. Cette chapelle est située du côté de l’évangile et est dédiée à Notre-Dame de Bon- Secours.

Cette seigneurie passe aux Guergorlay vers 1560 par le mariage de Guillaume de Guergorlay et de Marie de Kéroignant.

Leur petit-fils, Claude, épouse Anne Quintin dont il a René, sieur de Coasvoult, marié en 1665 à Françoise de Kersauzon. — Coasvoult passa plus tard aux Bourg-blanc.

Armoiries. — Kéroignant : d’azur au gantelet de fauconnier mis en pal.

Guergorlay : vairé d’or et de gueules, avec devise : Ayde-toi, Guergorlay et Dieu t’aydera.

Bourgblanc : de gueules à une tour crénelée d’or, sommée d’un tourillon de même.



§ VII. — Seigneurie de Lannivinon.


Le manoir de Lannivinon appartenait en 1486 à Jehan de Kersauzon, capitaine du navire de guerre La Figue de Brest, époux d’Anne Quintin de Coatamour. Il fut inhumé dans l’église de Saint-Thégonnec le 18 janvier 1494.

Sa fille, Françoise de Kersauzon, dame de Lannivinon, épousa François de Coetquelfen, seigneur de Kergournadec’h. Elle mourut en 1537.

Des Coetquelfen, Lannivinon a passé par alliance aux Kerhoent de Coatanfao, puis au vicomte du Rumain qui vendit cette seigneurie au sieur de Quélen, syndic des États de Bretagne.



§ VIII. — Manoir de Kervily.


Il appartenait en 1540 à une famille Le Hézou qui portait d’argent à une croix échiquetée de gueules et d’argent.

Il passa au xviiie siècle à Olivier Croizé sieur de la Maillardière, maire de Morlaix en 1647 et mort en 1694.

Il avait épousé Madeleine Siochan et eut d’elle plusieurs enfants, entr’autres, Bernard Croizé, sieur de Kervily, conseiller du roi et son sénéchal au présidial de Quimper en 1669.



§ IX. — Seigneurie du Herlan.


Les premiers seigneurs du Herlan étaient, croit-on, des cadets de la maison de Penhoat. Isabelle de Herlan, héritière du lieu, épouse vers 1420, Hervé Huon seigneur de Trohéon en Sibiril, fils de Eon Huon chevalier seigneur de Trohéon tué à Azincourt en 1415 et d’Annette du Chastel. Cet Hervé Huon est cité parmi les nobles de Pleiber-Saint-Thégonnec à la réformation de 1443. On trouve un autre Hervé Huon seigneur du Herlan, homme d’armes à la montre de 1503. C’est à lui que, le 7 décembre 1494, les paroissiens de Saint-Thégonnec accordent droit de tombe dans l’église, moyennant vingt deniers monnois par an.

Son fils, Olivier, épouse Isabeau Foucault. De ce mariage naît une fille, Louise Huon dame du Herlan, qui se marie à Pierre de Kerhoent seigneur de Kerhoent en Saint Pol de Léon. Le second fils de Pierre de Kerhoent, Jean, seigneur du Herlan, épouse vers 1537 Gillette Le Restre. Jacques du Herlan issu, de cette union, allie les armes du Herlan et celles de Kergournadec’h par son mariage avec Marie de Kergournadec’h. Leur fille Françoise de Kerhoent dame du Herlan épouse Charles de la Forest seigneur de Kéranroux en Ploujean. Ces derniers n’ont qu’une fille, Françoise de la Forest, héritière de Kéranroux, Coatgrall, Kergariou, le Herlan, Guicquelleau, qui se marie vers 1600 à François du Parc seigneur de Lézerdot.

La seigneurie du Herlan resta dans la famille du Parc jusqu’en 1732, époque où elle fut vendue par Charlotte de Rogon, veuve de Claude du Parc. L’acquéreur des terres, fief et seigneurie du Herlan fut Messire François Provost Douglas, chevalier seigneur de Boisbilly. Il demeurait en son hôtel à Morlaix, quai de Tréguier, paroisse de Saint-Melaine.

Les armes du Herlan sont parti au premier d’argent à trois jumelles de gueules qui est du Parc ; au second d’or au lion rampant de sable chargé d’une fasce de gueules qui est Huon de Herlan. Ces armes sont une combinaison des armes de Léon et de Penhoat, familles dont se prétendaient issus les Huon et les Herlan.



§ X. — Seigneurie de Luzec.


Cette terre appartenait au xvie siècle à la famille de la Haye. Yves de la Haye seigneur des Roches, Kerlaudy, Luzec, etc., épousa en 1612 Anne Le Sparler. Leur fils, Yves, se maria en 1646 à Claudine de Launay dame de Chastellenec. La fille issue de ce dernier mariage, Marie-Anne de la Haye, dame de Kerlaudy, les Roches, Luzec, épousa en 1670 Jean du Dresnay seigneur de Kerbaul et Lohennec. Joseph-Marie du Dresnay, chevalier seigneur des Roches et de Kérir-Luzec, était en 1700 gouverneur pour le roi de la ville de Saint-Pol-de-Léon.

Les seigneurs de Luzec possédaient un banc dans la nef de l’église paroissiale et une tombe dans le sanctuaire. Les armes de Luzec étaient d’argent au rameau de sinople posé en bande accompagné de trois quintefeuilles de gueules.

  1. Albert le Grand. Vie des Saints de Bretagne.
  2. La paroisse de Saint-Thégonnec s’appelait jusqu’à la fin du xviiie siècle ; Pleiber-Saint-Thégonnec.
  3. Renseignement donné par le R. P. Corentin Le Guen de Plouvorn, décédé en Angleterre en 1905.
  4. Voir cette autorisation dans la Monographie de l’église de Saint-Thégonnec, p. 69.
  5. Saint-Donatien et Saint-Rogatien de Nantes, par l’abbé Delanouc.
  6. Voir Légende de Saint-Thégonnec.
  7. Documents pour servir à l’histoire du Clergé dans le Finistère pendant la Révolution, par M. le chanoine Peyron, p. 326.
  8. Ce calvaire a été l’objet d’un acte de vandalisme dans la nuit du 28 septembre 1908. Plusieurs groupes ont été renversés sur le socle et d’autres jetés à terre. Trois sujets : la flagellation, le portement de croix et Jésus souffleté par des soldats, ont même été brisés.
  9. Architecture bretonne, p. 119.
  10. Cahier des comptes, année 1675-1676.
  11. Extrait des Cahiers des comptes, années 1677 à 1682.
  12. Les quittances sont datées du 24 avril et du 9 août 1699 ; du 14 mars 1700, du 7 décembre 1702 et du 3 février 1703.
  13. Architecture bretonne, p. 205.
  14. La quittance est du 30 janvier 1699.
  15. Ses quittances des 26 décembre 1699, 20 février, 20 juin et décembre 1700, portent la somme de 915 livres.
  16. Cahier des comptes de la fabrique.
  17. Les quittances sont datées du 18 mars et du 15 octobre 1724 ; du 13 mai et du 8 octobre 1725.
  18. Cahier des comptes.
  19. Voir cette autorisation dans la Monographie de Saint-Thégonnec, p. 124.
  20. Architecture bretonne, p. 185.
  21. Voir la construction de l’ossuaire et des rétables.
  22. Les renseignements contenus dans cet Appendice sont dûs pour la plupart à M. L. Le Guennec, de Morlaix.