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Sans halte/Texte entier

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À Jean DOLENT
À Jean DOLENT
L’AMOUR QUI VOIT
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LES GALETS


LES GALETS


Mes sincérités sont des victoires à vous.

Ce que l’orgueil nous interdit de dire : ce qui serait puissant sur l’homme.

Je n’aurai donc plus que l’orgueil de vous garder.

Ceux qui négligent d’écouter, ceux qui ont cette suffisance.

Sachant pourtant comment on parle, c’est à la musique des mots que je suis prise.

Ce que j’exprime est aussi faux que vrai ; il faut m’aimer de l’oser dire.

Je joue la comédie de ma sincérité.

Il m’est permis de dire «Je», assez souvent, car je sens d’innombrables sœurs jeter leur voix dans mes paroles : ce n’est plus moi que j’entends quand j’ose parler, et malgré tout j’ai peur, j’ai presque peur qu’on entende ce que je dis.

Vous me dites de certains mots qui me vont mieux que la robe qui va le mieux.

C’est avec vous que je suis en valeur. Vous m’avez donné ma jeunesse.

Je voudrais être aimée d’êtres exquis, pour la joie de vous préférer.

Pourquoi haïr ceux qui provoquent notre colère ! N’est-ce pas en nous jetant hors de nous que l’on nous aide à nous apercevoir ?

Ce qui ne put être dit que pour un seul être, me frappa toujours par son sens universel.

Pour qu’une vérité me prenne il faut que par le plus de points possibles elle échappe à toute démonstration. L’écœurement de la chose prouvée, de ces vérités démontables !

Ah vous en êtes là ? J’y suis aussi ; mais je reviens d’ailleurs et je n’y reste pas.

Il a cru me conduire où il m’a ramenée. Certes il a des idées, il en a trois ou quatre.

En leur parlant vous regardiez si j’écoutais… vous leur disiez des mots pour moi.

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Ma sœur cache une pitié douce quand je m’isole pour écrire ; elle n’a pas assez pitié. Entre des auditeurs de choix, c’est ma sœur que j’aimerais conquérir.

L’orgueil sans inflexion des vierges. Avant d’avoir aimé, les femmes ignorent la lâcheté, leur puissance — que je voudrais appeler leur vertu.

Le bien que l’on dit de vous m’exaspère : ce n’est pas celui que je veux.

En déchirant irréparablement ma plus flatteuse robe, je me disais d’un cœur léger : elle n’est pas perdue ; vous l’aviez un peu regardée. Page:Aurel - Sans halte.djvu/36


POUR DEUX YEUX


Il se fit un remous dans l’air de ma pensée
Qui la fit dévier de sa route insensée.

De la gerbe au triomphe grave des chrysanthèmes chevelus, de ces rares ors verts, si étrangement jeunes entre ceux lassés de rousseurs, Suzanne un peu s’éloigne. Elle se penche, écoute de quel côté leur voix de lumière calmée lui chante mieux l’automne.

Elle attend, elle croit surprendre en l’allégresse qui lui vient par bouffées des fleurs généreuses, la puissance de l’exprimer.

Les pinceaux attirants sont là — Fanatique de son plaisir, elle en cherche la forme, mais le maîtrisant mal, craintive qu’il ne fuie, elle masse en hâte la pulpe dès ors jeunes et des ors tristes.

Son visage flou s’ossifie, et longtemps ainsi, elle lutte.

Mais le jour s’épuise avant elle, et le définitif mystère de la nuit assourdit la dernière fleur dont la cantilène esseulée la retint longtemps haletante.

Elle porte vers plus de jour la toile qui mourait aussi, et qui s’éveille, peu à peu, de quelle troublante clarté : « Mon Dieu ! mais c’est de Jean, dit-elle, ses intentions ceci, ses habitudes même. Page:Aurel - Sans halte.djvu/39 Page:Aurel - Sans halte.djvu/40 Page:Aurel - Sans halte.djvu/41 Page:Aurel - Sans halte.djvu/42 Page:Aurel - Sans halte.djvu/43 Page:Aurel - Sans halte.djvu/44 Page:Aurel - Sans halte.djvu/45 Page:Aurel - Sans halte.djvu/46 Page:Aurel - Sans halte.djvu/47 Page:Aurel - Sans halte.djvu/48 Page:Aurel - Sans halte.djvu/49 Page:Aurel - Sans halte.djvu/50 Page:Aurel - Sans halte.djvu/51 Page:Aurel - Sans halte.djvu/52 Page:Aurel - Sans halte.djvu/53 Page:Aurel - Sans halte.djvu/54 Page:Aurel - Sans halte.djvu/55 Page:Aurel - Sans halte.djvu/56 Page:Aurel - Sans halte.djvu/57 Page:Aurel - Sans halte.djvu/58 Page:Aurel - Sans halte.djvu/59 Page:Aurel - Sans halte.djvu/60 Page:Aurel - Sans halte.djvu/61 Page:Aurel - Sans halte.djvu/62 Page:Aurel - Sans halte.djvu/63 Page:Aurel - Sans halte.djvu/64 Page:Aurel - Sans halte.djvu/65

De ces mots lui revint une sérénité. Elle se dévêtit lente et grave, décidée comme pour des noces. Puis elle alla dans la chambre voisine, embrasser sa fille endormie. Elle la regarda plus émue, et non ébranlée, et resta devant le souffle frêle, recueillie longtemps.

Plus que jamais, elle est sensible au halètement court, léger… doucement elle s’éprouve asservie à l’enfant qui attend tout d’elle…

D’avoir à tenir son enchantement de la petite main soyeuse et chère, une paix immense allège son cœur…

Ah ! loin d’elle l’artificiel souci de « lui nuire » ! Raymonde tentée, sent alors sa puissance d’attrait assez forte sur tous, pour défendre à jamais l’être qui dépend d’elle.

« Où voit-on que l’amour d’un homme puisse nous prendre à notre enfant ? Je ne t’ai jamais eue si profondément que ce soir. Rien ne peut s’agiter en moi, sans que la corde qui te touche aussi ne tremble. Si je laisse mon cœur voler vers plus de vie, ne t’emmène-t-il pas ? Quel autre amour pourrait ne pas m’attendrir sur toi ? Et si ton père, alors avait su m’être aimant, comme il advient aux femmes heureuses, t’en aurais-je donc moins aimée ? Il n’est pas à hauteur de l’homme d’atteindre en nous à cette fibre-là.

« Ce ne sont pas les jours où je souffre, que je t’attire. Je saurai mieux te plaire si l’on m’aime. Que j’aurai donc à t’être douce, pour expier — à mes seuls yeux, — mes autres joies !! Ce n’est pas à qui je demande, que je prends…

Elle fit un effort, d’une entière bonne foi, pour entrePage:Aurel - Sans halte.djvu/67 Page:Aurel - Sans halte.djvu/68 Page:Aurel - Sans halte.djvu/69 Page:Aurel - Sans halte.djvu/70 Page:Aurel - Sans halte.djvu/71 Page:Aurel - Sans halte.djvu/72 Page:Aurel - Sans halte.djvu/73 Page:Aurel - Sans halte.djvu/74 Page:Aurel - Sans halte.djvu/75 Page:Aurel - Sans halte.djvu/76 Page:Aurel - Sans halte.djvu/77 Page:Aurel - Sans halte.djvu/78 Page:Aurel - Sans halte.djvu/79 Page:Aurel - Sans halte.djvu/80 Page:Aurel - Sans halte.djvu/81 Page:Aurel - Sans halte.djvu/82 Page:Aurel - Sans halte.djvu/83 Page:Aurel - Sans halte.djvu/84 Page:Aurel - Sans halte.djvu/85 Page:Aurel - Sans halte.djvu/86 Page:Aurel - Sans halte.djvu/87 Page:Aurel - Sans halte.djvu/88 Page:Aurel - Sans halte.djvu/89 Page:Aurel - Sans halte.djvu/90 Page:Aurel - Sans halte.djvu/91 Page:Aurel - Sans halte.djvu/92 Page:Aurel - Sans halte.djvu/93 Page:Aurel - Sans halte.djvu/94 Page:Aurel - Sans halte.djvu/95 Page:Aurel - Sans halte.djvu/96 Page:Aurel - Sans halte.djvu/97 Page:Aurel - Sans halte.djvu/98 Page:Aurel - Sans halte.djvu/99 Page:Aurel - Sans halte.djvu/100 Page:Aurel - Sans halte.djvu/101 Page:Aurel - Sans halte.djvu/102 Page:Aurel - Sans halte.djvu/103 Page:Aurel - Sans halte.djvu/104 Page:Aurel - Sans halte.djvu/105 Page:Aurel - Sans halte.djvu/106 Page:Aurel - Sans halte.djvu/107 Page:Aurel - Sans halte.djvu/108 Page:Aurel - Sans halte.djvu/109 Page:Aurel - Sans halte.djvu/110 Page:Aurel - Sans halte.djvu/111 Page:Aurel - Sans halte.djvu/112 Page:Aurel - Sans halte.djvu/113 Page:Aurel - Sans halte.djvu/114 Page:Aurel - Sans halte.djvu/115 Page:Aurel - Sans halte.djvu/116 Page:Aurel - Sans halte.djvu/117 Page:Aurel - Sans halte.djvu/118 Page:Aurel - Sans halte.djvu/119 Page:Aurel - Sans halte.djvu/120 Page:Aurel - Sans halte.djvu/121 Page:Aurel - Sans halte.djvu/122 Page:Aurel - Sans halte.djvu/123 Page:Aurel - Sans halte.djvu/124 Page:Aurel - Sans halte.djvu/125 Page:Aurel - Sans halte.djvu/126 Page:Aurel - Sans halte.djvu/127 Page:Aurel - Sans halte.djvu/128 Page:Aurel - Sans halte.djvu/129 Page:Aurel - Sans halte.djvu/130 Page:Aurel - Sans halte.djvu/131 Page:Aurel - Sans halte.djvu/132 Page:Aurel - Sans halte.djvu/133 Page:Aurel - Sans halte.djvu/134 Page:Aurel - Sans halte.djvu/135 Page:Aurel - Sans halte.djvu/136 Page:Aurel - Sans halte.djvu/137 Page:Aurel - Sans halte.djvu/138 Page:Aurel - Sans halte.djvu/139 Page:Aurel - Sans halte.djvu/140 Page:Aurel - Sans halte.djvu/141 Page:Aurel - Sans halte.djvu/142 Page:Aurel - Sans halte.djvu/143 Page:Aurel - Sans halte.djvu/144 Page:Aurel - Sans halte.djvu/145 Page:Aurel - Sans halte.djvu/146 Page:Aurel - Sans halte.djvu/147 Page:Aurel - Sans halte.djvu/148 Page:Aurel - Sans halte.djvu/149 Page:Aurel - Sans halte.djvu/150 Page:Aurel - Sans halte.djvu/151 Page:Aurel - Sans halte.djvu/152 Page:Aurel - Sans halte.djvu/153 Page:Aurel - Sans halte.djvu/154 Page:Aurel - Sans halte.djvu/155 Page:Aurel - Sans halte.djvu/156 Page:Aurel - Sans halte.djvu/157 Page:Aurel - Sans halte.djvu/158 Page:Aurel - Sans halte.djvu/159 Page:Aurel - Sans halte.djvu/160 Page:Aurel - Sans halte.djvu/161 Page:Aurel - Sans halte.djvu/162 Page:Aurel - Sans halte.djvu/163 Page:Aurel - Sans halte.djvu/164 Page:Aurel - Sans halte.djvu/165 Page:Aurel - Sans halte.djvu/166 Page:Aurel - Sans halte.djvu/167


RANI

Rani la très petite reine, après avoir été longtemps projetée d’abîme en abîme, rouvrit enfin ses yeux d’ambre trop pâle, de l’autre côté de la vie.

Et de revoir le même Ciel, supportant les mêmes plus hagardes étoiles, Rani somptueusement s’ennuie.

Elle aspire à de plus surprenants paysages, aux plus définitifs départs. Elle referme ses long yeux décolorés d’attentes : La mort n’est qu’un sursaut trop violent de la vie : elle veut mourir à la mort.

Elle souhaite dépasser dans sa course à d’autres abîmes l’horreur prévue de celui-ci ; elle sent que tout ce qu’elle a rêvé l’appelle quoiqu’elle en ait perdu l’orientation, qu’on ne rêve rien qui ne soit, que rien en elle n’a tremblé de sa palpitation entière, et que le monde lui est dû.

Elle veut parcourir son être devant la puissance duquel nuls chocs n’ont pu la mettre encore.

Elle croit la terreur féconde, et longtemps désire l’effroi qui stupéfiant l’individu, nous courbe aux grands mouvements de l’espèce…

Mais de n’avoir aimé, frémi qu’à fleur de cœur, de ne tenir que vaguement à tout, Rani n’a pas le sens de sa faiblesse : elle ne tremble pas, elle n’est qu’attentive à ces débâcles d’outre-terre ; elle ne fait corps avec rien et ne se sent pas dériver dans l’ultime désordre universel.

Ses pieds menus à peine effleurent le santal où sur les lotus fragilement bleus Rani repose son ennui… Elle assiste en spectatrice indolente aux longs halètements du sol… elle voit les rafales déchaînées, avec de monstrueux essoufflements de feu, pulvériser des pans de roc, les dresser en nuées trop lourdes pour le Ciel… elle voit s’aplanir les pics, se combler les vallées, et différemment onduler la chaîne douce des montagnes. Elle surprend les forces en conflit, et la tragique hésitation des formes.

Dans un encastrement de roche qui l’abrite, la très petite reine, aux yeux alors foncés de nuit, croit que d’assister elle voit, et se glorifie d’être seule.

Des poussières d’or en fusion s’égarent, fouaillées vers elle par l’agitation de l’air…

… Et ses yeux viennent à souffrir. Subitement, au-delà du possible ils souffrent. — Tout mal finit, pense Rani ; le sien redouble… ah la même obstinée douleur… Elle se raidit, veut encore, pour maîtriser l’affolement qui la menace, garder son immobilité de reine morte. Elle crispe ses pieds étroits le long du cercueil ouvragé… ah, changer de douleur ! crie-t-elle — et la fatigue de souffrir l’exauce en accroissant son mal… mourir, gémit-elle, mourir ! mais elle a dépassé les contrées de la mort, et Rani, qui n’a pas vécu, ne peut mourir.

… Elle tressaute de souffrance, et violemment sortie de ses bandelettes brisées, elle n’est plus qu’un spasme. Page:Aurel - Sans halte.djvu/170 Page:Aurel - Sans halte.djvu/171 Page:Aurel - Sans halte.djvu/172 Page:Aurel - Sans halte.djvu/173

TABLE


Pages
L’Amour qui voit 
 7
Les Galets 
 15
Pour deux Yeux 
 25
Malade 
 33
Gelées blanches 
 41
Devant la " Faute " 
 51
Sans le Rire 
 59
La Bourrasque 
 67
Fragile 
 75
Théane 
 85
Les Orties 
 93
Parmi l’Amour 
 109
À Contre-Jour 
 115
Malgré le Bien 
 125
Les autres Baisers 
 131
Vers la Joie 
 139
Sans dire 
 147
Rani 
 155

Nice — Imprimerie du Commerce, 22, Avenue Beaulieu — Nice

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