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Scènes de la vie du clergé/La Conversion de Jeanne/17

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CHAPITRE XVII

La nuit vint, et les lampes furent allumées avant que M. Tryan heurtât à la porte de Mme Pettifer. Le messager était revenu dire que M. Tryan n’était pas chez lui, et, tout l’après-midi, Jeanne avait été agitée de la crainte qu’il ne vînt pas ; mais, dès que son inquiétude fut dissipée par les coups frappés à la porte, elle sentit revenir le doute ; elle trembla et devint toute froide.

Mme Pettifer alla ouvrir la porte et expliqua à M. Tryan, aussi brièvement qu’elle put, ce qui était arrivé dans la nuit. Comme il posait son chapeau et se préparait à entrer au parloir, elle lui dit : « Je n’entre pas : je pense qu’elle préférera peut-être vous voir seul ».

Jeanne, enveloppée d’un grand châle blanc qui faisait ressortir son teint brun, était assise, les yeux tournés avec inquiétude vers la porte ; M. Tryan ne l’avait pas vue depuis leur rencontre chez Sally Martin, il y avait bien des mois. Il sentit une vive compassion à la vue de ce visage douloureux qui portait les signes visibles de tant d’épreuves. Son cœur à elle tressaillit lorsque leurs yeux se rencontrèrent de nouveau. Non ! elle ne s’était point trompée : les regards du pasteur avaient bien toute la sincérité, toute la tristesse, toute la pitié que sa mémoire lui rappelait ; plus encore, dans ce visage plus maigre et fatigué, les yeux paraissaient avoir gagné en puissance.

Il s’avança et dit en lui tendant la main : « Je suis bien aise que vous m’ayez envoyé chercher ; je suis reconnaissant de ce que vous ayez pensé que je pusse vous être de quelque secours ». Jeanne lui prit la main en silence : elle était incapable de dire aucune parole de simple politesse ou même de gratitude ; son cœur était trop plein des autres paroles qui s’étaient accumulées au moment où elle rencontra son regard de compassion et où elle sentit ses doutes s’évanouir.

Ils s’assirent en face l’un de l’autre, et elle lui dit à voix basse, tandis que des larmes s’amassaient lentement dans ses yeux endoloris :

« J’ai besoin de vous dire combien je suis malheureuse, combien je suis faible et coupable. Je n’ai aucune force, ni pour vivre, ni pour mourir. J’ai pensé que vous pourriez me dire quelque chose qui m’aiderait. »

Elle s’arrêta.

« Peut-être le pourrai-je, dit M. Tryan, car, en me parlant, vous vous adressez à un pécheur comme vous, qui a besoin de secours comme vous en avez besoin.

— Et vous l’avez trouvé ?

— Oui, et je crois que vous le trouverez aussi.

— Je voudrais être bonne et faire ce qui est bien ! s’écria Jeanne ; mais vraiment, vraiment, mon sort a été bien pénible. J’aimais tendrement mon mari et j’avais le désir de le rendre heureux, je ne désirais rien de plus. Mais il commença à se fâcher contre moi pour les plus petites choses, et…, je ne veux pas l’accuser…, mais il se mit à boire et devint de plus en plus dur, puis très cruel, et il me battit. Cela me brisa le cœur. Cela me rendait presque folle de penser que notre amour en était venu là… ; je ne pouvais le supporter. Je n’avais jamais eu l’habitude de boire autre chose que de l’eau. Je haïssais le vin et les spiritueux, parce que Robert en buvait tant ; mais, un jour que j’étais désespérée et que le vin était sur la table, soudain — je puis à peine me rappeler comment j’en vins à le faire — je versai du vin dans un grand verre et je le bus. Ce vin émoussa mes sentiments et me rendit plus indifférente. Après cela la tentation vint toujours, et de plus en plus forte. J’étais honteuse et je me haïssais ; je ne voulais plus le faire, et je le faisais. Il semblait qu’il y avait en moi un démon qui me poussait malgré moi. Et je pensais que Dieu était cruel, car, s’il ne m’avait pas envoyé cette terrible épreuve, bien plus forte qu’aucune autre femme n’en a à supporter, je ne me serais pas trouvée dans une semblable faute. C’est pécher de penser cela… ; je sens comme s’il devait y avoir de la bonté et de la justice au-dessus de nous ; mais je ne puis la voir et je ne puis avoir confiance. Et j’ai continué ainsi pendant des années. Il semblait parfois que cela allait mieux ; mais tout est devenu pire dernièrement : j’étais sûre que cela devait bientôt finir de manière ou d’autre. Et la nuit dernière il m’a jetée à la porte…, je ne sais que faire. Je ne recommencerai jamais cette vie-là, si je puis l’éviter : et pourtant toute autre chose me paraît impossible. Je suis sûre que le démon qui est en moi me poussera toujours à satisfaire le besoin qui me tourmente ; et les jours se suivront, comme ils l’ont fait pendant ces misérables années. Je ferai toujours le mal, en me détestant après — je m’enfoncerai toujours plus bas, en sachant que je m’enfonce. Oh ! pouvez-vous me faire trouver de la force ? Avez-vous jamais connu quelqu’un de semblable qui ait trouvé la paix de l’esprit et le pouvoir de bien faire ? Pouvez-vous me donner quelque consolation, quelque espérance ? »

Jeanne, tandis qu’elle parlait, avait tout oublié, excepté son infortune et son désir de soulagement. Sa voix s’était élevée du ton bas du malheur timide aux notes puissantes de l’angoisse qui implore. Elle joignait ses mains, regardait M. Tryan avec des yeux anxieux et interrogateurs, les lèvres ouvertes et tremblantes et le front marqué des profondes lignes d’une souffrance cruelle. Dans la vie artificielle que nous menons, il ne nous arrive pas souvent de voir un visage humain offrir toute l’agonie du cœur, sans s’en apercevoir pour se contenir ; quand nous le voyons, cela nous frappe, comme si nous étions soudainement entrés dans le monde réel dont celui de tous les jours n’est qu’un simulacre. Pendant quelques instants M. Tryan fut trop ému pour répondre.

« Oui, chère madame Dempster, dit-il enfin, il y a de la consolation, il y a de l’espoir pour vous. Croyez-moi, il y en a, car je vous parle de ma profonde et dure expérience. » Il s’arrêta, comme s’il n’était pas décidé à prononcer les mots qui se pressaient sur ses lèvres. Bientôt il continua : « Il y a dix ans, je me sentais aussi infortuné que vous l’êtes. Je crois même que mon infortune était pire que la vôtre, car j’avais un péché plus grave sur la conscience. Je n’avais point, comme vous, souffert de la part des autres, et j’avais nui à une autre personne en son corps et en son âme d’une manière irréparable. L’image du mal que j’avais fait me poursuivait partout, et je me croyais sur les limites de la folie. Je haïssais ma vie, car je pensais, ainsi que vous le faites, que je continuerais à tomber dans la tentation et à faire encore plus de mal dans ce monde ; et je redoutais la mort, car, avec le sentiment du péché, je pensais que, quel que fût l’état où j’entrerais, ce serait un état de malheur. Mais un ami très cher, à qui j’ouvris mon âme, me montra que c’étaient justement ceux qui me ressemblaient — les désespérés qui se sentent sans secours — que Dieu invite spécialement à venir à lui et auxquels il offre les richesses de son salut ; non seulement le pardon, le pardon serait peu de chose s’il nous laissait sous la puissance de nos passions, mais la force, cette force qui nous permet de les vaincre.

— Mais, dit Jeanne, je ne puis avoir de confiance en Dieu. Il me semble qu’il m’a laissée à moi-même. Je l’ai souvent prié de me secourir, et pourtant tout a continué comme auparavant. Si vous avez éprouvé ce que j’éprouve, comment en êtes-vous venu à l’espoir et à la confiance ?

— Ne croyez pas que Dieu vous ait abandonnée. Comment pouvez-vous dire que les plus pénibles épreuves que vous ayez connues n’aient pas été seulement la route par laquelle il vous conduisait à ce complet sentiment de votre péché et de votre abandon, sans lequel vous n’eussiez jamais renoncé à d’autres espérances et vous ne vous fussiez jamais confiée en son amour seul ? Je sais, chère madame Dempster, je sais que c’est dur à supporter. Je ne voudrais pas parler avec légèreté de vos chagrins. Je sens que le mystère de notre vie est grand, et dans un temps il m’a paru aussi obscur qu’il vous le paraît maintenant. » M. Tryan hésita de nouveau. Il vit que la première chose dont Jeanne avait besoin, c’était d’être assurée de sympathie. Il fallait lui faire sentir qu’il n’était point étranger à l’angoisse qu’elle éprouvait ; qu’il entrait dans les secrets qu’elle n’exprimait qu’à moitié de sa faiblesse, avant qu’aucune autre parole de consolation pût trouver le chemin de son cœur. L’histoire de la miséricorde de Dieu n’a jamais encore été comprise quand elle n’est sortie que de lèvres qui n’étaient pas émues par la pitié humaine. Et l’angoisse de Jeanne n’était pas étrangère à M. Tryan. Il n’avait jamais été en présence d’une tristesse qui eût fait vibrer aussi puissamment toutes les profondeurs de ses plus tristes souvenirs ; et c’est parce que la sympathie n’est que le souvenir de notre propre passé vécu sous une nouvelle forme, que la compassion amène souvent une confession comme réponse. M. Tryan sentit cette disposition, et son jugement aussi lui dit qu’en lui obéissant il prendrait le meilleur moyen de rendre la force à Jeanne. Cependant il hésita, comme nous tremblons de laisser entrer la lumière du jour dans une chambre de reliques que nous n’avons jamais visitée que dans une obscurité silencieuse. Mais la première impulsion l’emporta, et il poursuivit : « Toute ma vie, j’avais vécu loin de Dieu. Ma jeunesse s’était passée à satisfaire mes goûts frivoles, et toutes mes espérances avaient pour but une vaine mondanité. Je n’avais aucune idée d’entrer dans les ordres ; je pensais au contraire à suivre la carrière politique, car mon père était secrétaire privé d’un homme influent dans le ministère whig, et on lui avait promis de s’intéresser en ma faveur. Au collège je vécus dans l’intimité des jeunes gens les plus lancés ; j’adoptai même des vices pour lesquels je n’avais aucun goût, par simple condescendance et par le désir d’être en bons termes avec mes camarades. Vous voyez que je fus bien plus coupable que vous ne l’avez été, car je rejetais toutes les riches bénédictions de la jeunesse et d’une santé parfaite ; je n’avais aucune excuse. Mais, tandis que j’étais au collège, arriva l’événement qui me conduisit à cet état d’esprit dont je vous ai parlé — cet état de reproche intérieur et de désespoir qui me permet de comprendre ce que vous souffrez ; et je vous raconte ces faits pour que vous soyez persuadée que je ne prononce pas des paroles vagues quand je vous dis que j’ai été relevé d’un état de péché et de tristesse aussi profond que celui que vous racontez. Au collège je m’épris d’une charmante jeune fille de seize ans ; elle était d’une condition très inférieure à la mienne et je ne pensais pas à l’épouser ; mais je l’engageai à quitter la maison de son père. Je ne voulais point l’abandonner à ma sortie du collège, et je calmai tout scrupule de conscience en me promettant de prendre toujours soin de la pauvre Lucy. Mais, à mon retour d’un voyage fait pendant les vacances, je trouvai que Lucy était partie — partie avec un monsieur, me dirent ses voisins. Je fus tourmenté ; mais je cherchai à me persuader qu’il ne lui arriverait rien de fâcheux. Peu après, j’eus une grave maladie qui me laissa extrêmement faible, en sorte que toute dissipation m’était interdite. La vie me paraissait très vide et sans but, et je regardais avec envie ceux qui étaient à la poursuite de quelque but grand et glorieux : j’enviais même mon cousin, qui allait partir comme missionnaire, et que j’avais souvent regardé comme un être ennuyeux parce qu’il me parlait sans cesse de religion. Nous étions alors à Londres ; il y avait trois ans que j’avais perdu de vue Lucy. Un soir d’été, vers les neuf heures, comme je passais par Gower Street, je vis un groupe de personnes sur le trottoir devant moi. En m’approchant, j’entendis une femme s’écrier : « Je vous dis qu’elle est morte ». Ces paroles éveillèrent mon intérêt, et je me fis un passage au milieu de ces gens. Le corps d’une femme élégamment vêtue était couché contre le seuil d’une porte ; sa tête était penchée de côté, et de longues boucles de cheveux couvraient sa joue. Un frémissement me saisit en voyant ces cheveux ; ils étaient châtain foncé — comme ceux de Lucy — morte — les joues fardées. Je sus plus tard qu’elle avait pris du poison ; qu’elle était au pouvoir d’une femme corrompue ; que les vêtements même qui la couvraient ne lui appartenaient pas. Ce fut alors que mon passé se dressa devant moi dans toute sa laideur. Je désirais n’être jamais né. Je ne pouvais envisager l’avenir. Le visage peint de Lucy m’y suivrait comme il le faisait quand je regardais dans ce passé — comme il le faisait lorsque je m’asseyais à table avec des amis, quand je me couchais, quand je me levais. Une seule chose pourrait me rendre la vie supportable : ce serait de l’employer à préserver les autres de la ruine que je m’étais attirée. Mais comment le pourrais-je ? Je n’avais point de soutien, point de force, point de sagesse dans l’âme ; comment pouvoir en donner aux autres ? Mon esprit était obscurci, rebelle, en lutte avec lui-même et avec Dieu. »

M. Tryan, en parlant, avait regardé dans le vide, absorbé par les images que sa mémoire lui rappelait. Mais maintenant il se retourna vers Jeanne, et ses regards rencontrèrent ceux de la jeune femme fixés sur lui, avec cette expression d’attente ravie du naufragé qui, cramponné à un roc, tandis que les vagues montent de plus en plus, voit un bateau détaché du rivage pour venir à son secours.

« Vous voyez, madame Dempster, combien j’avais besoin de secours. Je vécus ainsi pendant plusieurs mois, convaincu que, si je trouvais jamais ce secours, ce devait être dans la religion. J’allai entendre de célèbres prédicateurs ; je lus des livres religieux. Mais je ne trouvai rien qui s’appliquât à mes besoins. La foi qui met le pécheur en possession du salut me parut hors de ma portée. Je n’avais point de foi ; je me sentais seulement désespéré, dominé par des habitudes et des convictions qui avaient amené un mal affreux. Enfin, comme je vous l’ai dit, je trouvai un ami, à qui je confiai toutes mes pensées — à qui je confiai tout. C’était un homme qui avait passé par une profonde expérience et pouvait comprendre les secours différents que réclamaient des esprits différents. Il me fit voir clairement que la seule préparation pour venir au Christ et avoir part au salut était ce sentiment même du péché et du besoin de secours qui pesaient sur mon âme. Il me dit : « Vous êtes lourdement chargé : donc c’est vous que le Christ invite à venir à Lui pour trouver du soulagement. Il vous demande de vous appuyer sur Lui ; Il ne vous commande pas de marcher seul, sans faire de chute. Il ne vous dit pas, comme vous le disent les hommes, que vous devez d’abord mériter son amour ; Il ne vous condamne point, ne vous reproche point votre passé ; Il vous demande seulement de venir à Lui pour avoir la vie ; Il vous demande d’étendre les mains et de recevoir la plénitude de son amour. Vous n’avez qu’à vous reposer sur Lui, comme un enfant sur les bras de sa mère, et vous serez relevé par sa force divine. Voilà ce qu’est la foi. Vous sentez que vos mauvaises habitudes sont trop fortes, que vous êtes incapable de lutter contre elles ; vous savez d’avance que vous succomberez. Mais, quand une fois nous sentons notre impuissance et que nous allons au Christ, désireux d’être délivrés du péché et de son châtiment, nous ne sommes plus abandonnés à nos propres forces. Aussi longtemps que nous vivons en révolte contre Dieu, désirant faire notre volonté et cherchant le bonheur dans les choses de ce monde, c’est comme si nous nous renfermions dans une salle encombrée de monde pour y respirer un air empoisonné ; mais nous n’avons qu’à sortir pour nous promener sous l’immensité des cieux, et nous respirons un air libre et pur qui nous rend la santé, la force et la joie. Il en est de même de l’esprit de Dieu ; dès que nous désirons nous unir à Lui et devenir saints et purs, c’est comme si les murs qui nous séparent de Dieu s’étaient écroulés, et nous sommes nourris de Son esprit, qui nous donne une nouvelle force.

— Voilà ce dont j’ai besoin, dit Jeanne ; j’ai cessé de penser au plaisir. Je crois que je serais contente au milieu de mes difficultés si je sentais que Dieu s’occupât de moi et voulût me donner la force de mener une bonne vie. Mais, dites-moi, trouvâtes-vous bientôt la paix et la force ?

— Non, pas une paix parfaite pendant longtemps, mais de l’espoir et de la confiance, ce qui est de la force. Aucune assurance de pardon pour moi-même ne pouvait me délivrer de la douleur que j’avais en pensant à quoi j’avais pu conduire une autre personne. Mon ami me représentait habituellement que mon péché contre Dieu était plus grand que mes torts envers elle ; mais — cela provient sans doute de l’absence d’un sentiment spirituel assez profond — ce qui concerne Lucy est encore à cette heure ce qui me cause la douleur la plus amère. Je ne pouvais plus venir au secours de la pauvre enfant ; mais, par la bénédiction de Dieu, je pouvais venir en aide à d’autres âmes faibles et chancelantes ; c’est pour cela que j’entrai dans l’Église. Je ne demandais pour le reste de ma vie que de pouvoir être dévoué à l’œuvre de Dieu, sans m’en détourner pour chercher aucune espèce de plaisir, de quelque genre que ce fût. La lutte a été souvent difficile ; mais Dieu a été avec moi — et il se peut que cela ne dure pas bien longtemps. »

M. Tryan s’arrêta. Pendant un instant il avait oublié Jeanne ; pendant un instant aussi, elle avait oublié ses propres douleurs. Quand elle revint à elle, ce fut avec un nouveau sentiment.

« Ah ! quelle différence entre nos vies ! Vous avez choisi la peine et le travail, en renonçant à vous-même, et moi, égoïste, je n’ai pensé qu’à moi. Je n’étais que fâchée de ce que j’avais à supporter. Vous n’avez jamais eu ce sentiment coupable que j’ai eu si souvent, n’est-ce pas ? le sentiment que Dieu était cruel de m’envoyer des épreuves et des tentations plus qu’aux autres.

— Je l’ai éprouvé ; j’ai eu des pensées blasphématoires, et je sais que cet esprit de révolte doit avoir fait la pire de vos afflictions. Vous ne sentiez pas combien il nous est impossible de juger avec justice les voies de Dieu, et vous vous refusiez à bénir sa volonté. Mais que savons-nous ? Nous ne pouvons prédire le plus petit événement de notre propre vie ; comment pourrions-nous juger de choses qui sont tellement au-dessus de nous ? Il n’y a rien qui nous convienne mieux qu’une entière soumission, une parfaite résignation. Aussi longtemps que nous mettons notre propre volonté en face de celle de Dieu, nous bâtissons entre nous et son amour ce mur dont je viens de vous parler. Mais, aussitôt que nous nous jetons entièrement à ses pieds, il nous est accordé assez de lumière pour guider nos pas, comme le soldat qui n’entend rien des conseils qui déterminent la direction de la grande bataille où il se trouve, entend bien assez positivement le commandement auquel il doit obéir. Je sais, chère madame Dempster, je sais que cela est pénible — la chose la plus pénible, peut-être — pour la chair et pour le sang. Mais présentez cette difficulté au Christ avec vos péchés et vos faiblesses, et demandez-lui de vous donner l’esprit de soumission. Il entre dans cette lutte ; Il a bu jusqu’à la lie la coupe de nos souffrances. Il sait le combat difficile que nous devons supporter avant de dire : Que ta volonté soit faite et non la mienne !

— Priez avec moi, dit Jeanne ; priez pour que j’aie de la lumière et de la force. »