Scivias, ou Les trois livres des visions et révélations/T1/6
VISION SECONDE
Ensuite, je vis comme une grande multitude de lampes vivantes qui projetaient une grande clarté, et qui, recevant une lumière embrasée, acquéraient une splendeur sereine. Et voici qu’un lac très large et très profond apparut, dont l’orifice ressemblait à celui d’un puits qui vomissait une fumée de flamme puante, de laquelle aussi une nuée ténébreuse s’exhalant, atteignit à des hauteurs presque imperceptibles à la vue ; et, dans une région lumineuse souffla une nuée blanche qui était sortie d’une belle forme humaine, renfermant en soi de nombreuses étoiles ; et elle la chassa elle et la forme humaine de cette région. Alors une splendeur lumineuse environna cette région ; et ainsi, tous les éléments du monde qui auparavant étaient restés dans une paix profonde, plongés dans un grand trouble, manifestèrent des terreurs horribles. Et de nouveau j’entendis celui qui m’avait parlé auparavant, qui disait : Ceux qui suivent Dieu dans la fidélité de leur vœu, et qui dans leur dilection conservent pour lui un amour ardent, n’étant troublés par aucune sollicitation d’injustice, ne seront pas écartés de la gloire de la suprême béatitude ; tandis que ceux qui feignent de chercher Dieu, non seulement ne seront pas élevés plus haut, mais ils seront même renversés, par un juste jugement, (des grandeurs) qu’ils s’imaginent faussement posséder.
Ce que montre cette multitude de lampes vivantes et d’un si grand éclat, qui figurent la grande armée des esprits célestes, resplendissant (de gloire) dans la vie bienheureuse, et qui sont ornés de toutes les grâces ; parce que, créés par Dieu, ils ne se sont pas élevés dans leur orgueil superbe, mais ils se sont fortifiés dans l’amour divin. Car, recevant un redoublement de flamme (amoureuse), ils sont parvenus à la splendeur sereine ; et lorsque Lucifer avec les siens voulut se révolter contre le créateur suprême, (les bons anges) mettant tout leur zèle divin à la chute (de Lucifer) et de ceux qui s’étaient unis à lui, manifestèrent la vigilance de la dilection divine, tandis que les (légions de Satan) encoururent l’aveuglement de l’ignorance par laquelle ils avaient réfusé de connaître Dieu. Comment ? Dans la chute du démon, un concert de louanges retentit parmi les esprits angéliques qui étaient restés dans la voie droite avec Dieu ; car, dans une illumination soudaine, ils reconnurent clairement, que Dieu immuable, persévère dans sa puissance, sans aucun changement de son essence, de telle sorte qu’il ne peut être vaincu par aucun ennemi. Et ainsi, brûlants de son amour et persévérant dans la droiture, ils méprisèrent tout repaire d’injustice.
Mais Lucifer qui fut précipité de la gloire du ciel à cause de son orgueil, au commencement de sa création, était si beau et si grand, qu’il ne découvrit aucun défaut dans sa beauté et dans sa force. C’est pourquoi, en contemplant sa grâce, et en considérant en lui-même la vertu de sa force, il rencontra la superbe qui lui promit d’entreprendre ce qu’il voudrait, parce qu’il pourrait accomplir ce qu’il entreprendrait. Et voyant le lieu où il pensait trouver sa place, pour y montrer sa beauté et sa force, il se disait en lui-même : Je veux briller là, comme celui-ci[1] resplendit ici. Ce que ses légions approuvèrent en disant : Ce que tu veux, nous le voulons aussi. Et comme, exalté dans son orgueil, il voulait accomplir ce qu’il avait médité, le zèle du Seigneur se montrant dans tout son éclat, précipita Satan avec toute son armée dans les ténèbres de flammes ; de telle sorte qu’ils changèrent leur splendeur sereine, en la plus épouvantable noirceur. Pourquoi cela ? Parce que si Dieu n’eût pas repoussé leur présomption, il se fût montré injuste ; car il eût favorisé ceux qui voulaient diviser l’intégrité de la divinité ; mais il abattit leur orgueil, et réduisit à néant leur impiété ; comme il bannit de la présence de sa clarté, tous ceux qui veulent s’opposer à lui ; ainsi que le montre mon serviteur Job, lorsqu’il dit : La lumière des impies s’éteindra, (l’enfer) les couvrira de ses ondes, ils auront en partage les tourments de sa colère. Ils seront comme le brin de paille sous la rage du vent, et comme la cendre que le tourbillon disperse[2]. Ce qui veut dire que la gloire de la méchanceté superbe, procédant d’une fausse prospérité, comme l’illustration de l’honneur, dans la volonté de la chair de ceux qui ne craignent pas Dieu, (mais qui le méprisent dans leur impiété perverse, dédaignant de savoir que nul ne peut lutter contre Lui, et voulant consumer dans le brasier de leur férocité tout ce qui s’oppose) (à leur perversité) : celle-là, à l’heure de la vengeance de Dieu, sera foulée aux pieds comme la terre, et, en vertu du jugement suprême, s’appesantira sur les impies eux-mêmes, l’abjection de l’indignation de tous ceux qui habitent sous le ciel, de telle sorte qu’ils seront en horreur et à Dieu et aux hommes. Mais parce que Dieu ne leur permet pas d’avoir ce qu’ils veulent, crispés par la douleur, ils se démènent parmi les hommes, dans le délire de leur insanité, parce qu’ils brûlent de posséder ce que Dieu ne veut pas qu’ils engloutissent (dans leurs désirs insatiables). Et comme, de cette manière, ils s’éloignent de Dieu, ils sont comparés aux choses inutiles, puisqu’ils n’accomplissent aucune œuvre bonne, ni pour Dieu, ni pour les hommes, retranchés qu’ils sont de la tige de vie, par l’œil prévoyant de la circonspection divine. C’est pourquoi, seront condamnés au même sort, ceux qui se laissent emporter par le goût fade des rumeurs iniques, et ainsi ne reçoivent pas la rosée fécondante du St-Esprit.
Mais ce lac si large et si profond qui t’apparaît est l’enfer qui se mesure à l’énormité (l’étendue) des vices et à la grandeur des pertes (des réprouvés) ; son orifice est comme celui d’un puits, et il exhale, avec une odeur fétide une fumée de flamme : parce que dans sa voracité, voulant engloutir les âmes, il leur montre des délices et des jouissances, mais il les conduit par une déception perverse, à la perversité des tourments, dans un brasier ardent d’où sortent des nuages de fumée noire, exhalant des vapeurs fétides ; parce que ces cruels tourments, sont destinés au démon et à ceux qui le suivent (en s’écartant du souverain bien, sans vouloir le connaître et le comprendre) ; c’est pourquoi ils ont été rejetés de tout bien, non parce qu’ils l’ignorèrent, mais parce que, dans leur orgueil démesuré, ils le méprisèrent. Que signifie cela ? Dans la chute de Satan, ces ténèbres extérieures, qui concentrent toutes les peines, furent créées ; parce que ces esprits malins, au lieu de la gloire qui leur fut préparée, préférèrent la misère des diverses peines ; et à la place de la lumière dont ils jouirent, ils se couvrirent d’épaisses ténèbres. Comment ? Lorsque l’ange superbe se dressa sur lui-même, comme la couleuvre, la prison infernale s’ouvrit ; parce qu’il ne put se faire, que quelqu’un prévalût contre Dieu. Et comme il ne conviendrait pas qu’il y eût deux cœurs dans une poitrine, ainsi dans le ciel, il ne put y avoir deux dieux. Et parce que le démon, avec les siens, satisfit sa présomption superbe, il trouva le lac de perdition préparé pour lui.
Ainsi les hommes qui les imitent dans leurs actes, deviennent participants de leurs peines selon leur mérite. Mais il y a des âmes qui, étant parvenues au comble de la damnation, sont rejetées de la science de Dieu ; et elles subiront les peines infernales, sans la consolation d’en voir la fin ; d’autres, au contraire, n’étant pas dans l’oubli de Dieu, mais en vertu d’un examen suprême, accomplissant la purgation des péchés dans lesquels elles sont tombées, verront enfin briser leurs liens, et parviendront au lieu du repos. Que signifie cela ? La géhenne est ouverte, à ceux qui restent sans repentir dans l’oubli de Dieu, au fond de leur cœur ; les autres tourments sont destinés à ceux qui, bien qu’ils fassent des œuvres mauvaises, n’y persévèrent pas cependant jusqu’à la fin, mais regardent enfin vers Dieu dans les larmes du repentir.
C’est pourquoi, que les fidèles fuient le démon et aiment Dieu, en renonçant aux œuvres mauvaises ; et qu’ils accomplissent le bien, avec les attributs de la pénitence, comme mon serviteur Ezéchiel, inspiré par moi, les y exhorte lorsqu’il dit : Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l’iniquité ne sera pas pour vous une cause de ruine[3]. Ce qui signifie : Ô vous, hommes qui jusqu’ici gisez dans le péché, souvenez-vous de votre nom de chrétien, en vous convertissant à la voie du salut ; et accomplissez d’autres œuvres dans la fontaine de la pénitence. Vous qui d’abord avez commis beaucoup de crimes dans la multitude de vos vices, relevez-vous de vos mauvais penchants, afin que l’iniquité dans laquelle vous croupissez, ne vous accable pas dans la ruine de la mort ; parce que vous y avez renoncé au jour de votre rédemption.
Et de cette manière la gloire des anges vous suivra, parce que vous vous séparerez du démon pour courir vers Dieu, le connaissant mieux dans les bonnes actions, que vous ne pouviez le connaître auparavant, lorsque vous étiez assujetti à la moquerie de l’antique séducteur. Mais que du même lac, une nuée noire s’exhalant atteigne une hauteur presque imperceptible à la vue : cela signifie que de la profondeur de sa perte, la tromperie diabolique faisant sortir le serpent venimeux, qui renfermait en soi le crime d’une intention frauduleuse, (Satan) envahit le domaine de l’homme, pour le tromper. Comment ?
Parce que lorsque le démon vit l’homme dans le paradis, il s’écria avec une grande indignation : Oh ! qui m’égalera dans le séjour de la véritable béatitude ? Ainsi il savait en lui-même, qu’il n’avait pas encore satisfait la malice qu’il avait en lui, sur une autre créature ; mais voyant Adam et Ève passer (leur vie) dans une innocence candide, au milieu du jardin de délices, il se porta, dans sa fourberie, vers eux, sous la forme du serpent, pour les tromper.
Pourquoi ? Parce qu’il sut qu’il pourrait plus aisément jouer son rôle par le serpent, que par un autre animal ; et il s’efforça de mener à bonne fin, par son artifice, ce qu’il n’aurait pu accomplir sous sa forme réelle. Aussi, lorsqu’il vit qu’Adam et Ève s’éloignaient, d’esprit et de corps, de l’arbre défendu, il comprit en lui-même qu’il y avait là pour eux un précepte divin, et que dans la première œuvre qu’ils entreprendraient, il les détournerait facilement.
Il ne savait pas en effet que cet arbre était défendu, mais il l’apprit selon l’épreuve de son artificieuse interrogation, et d’après leur réponse. C’est pourquoi, dans cette région lumineuse, s’exhala par le moyen d’une nuée ténébreuse, la nuée blanche (et lumineuse) qui était sortie de la belle forme humaine, contenant en elle de nombreuses étoiles ; puisque Satan envahit, pour sa perte, par la séduction du serpent, dans le même lieu de délices, Ève qui avait une âme innocente, Ève qui avait été tirée d’Adam dans son innocence, portant dans son corps toute la multitude de la race humaine, déjà vivante dans la préordination divine.
Pourquoi cela ? Parce qu’il savait que la faiblesse de la femme sérait plus facile à vaincre que la force de l’homme ; il voyait aussi qu’Adam était pénétré d’un amour[4] si violent pour Ève, que s’il réussissait à la vaincre, tout ce qu’elle dirait à Adam, celui-ci le ferait. Et ainsi, le démon la bannit de cette région, elle et la forme de l’homme ; bien plus, le même antique séducteur, en chassant par sa fourberie Adam et Ève du siège de leur béatitude, les plongea dans les ténèbres de la discorde. Comment ? Il séduisit d’abord Ève, afin que celle ci, par ses flatteries, obtînt l’assentiment d’Adam ; parce qu’elle pouvait entraîner plus rapidement Adam à la désobéissance, que les autres créatures ; car elle avait été tirée d’une côte d’Adamn. C’est pourquoi la femme fit tomber si aisément l’homme, car, comme il ne la détestait pas, il agréa facilement ses paroles,
Mais ce ne fut pas à Adam enfant, mais à Adam homme parfait, qu’une femme parfaite fut donnée ; car, lorsque l’homme ayant atteint l’âge de son complet développement, peut engendrer (puberté), il faut l’unir à une femme (nubile) ; de même, lorsque l’arbre commence à donner des fleurs, il faut le cultiver avec plus de soins. Car Ève fut formée d’une côte d’Adam et de sa chair, vivifiée de son sang ; et c’est pourquoi maintenant, la femme, après avoir reçu la semence provenant de la force et de l’ardeur virile, est destinée à multiplier la race dans le monde ; l’homme est en effet le semeur, et la femme reçoit la semence ; d’où vient que la femme reste sous la puissance de l’homme ; car la force de l’homme est à la faiblesse de la femme, comme la pierre dure est à la terre molle. Mais que la première femme ait été formée de l’homme, cela indique l’union matrimoniale de l’homme avec la femme. Et il faut le comprendre ainsi : cette union ne doit pas être contrac-tée à la légère et dans l’oubli de Dieu, parce que Celui qui forma la femme d’une côte de l’homme, institua cette union pour le bien et pour l’honneur, en formant la chair de la femme de la chair de l’homme. C’est pourquoi, de même qu’Adam et Ève ne firent qu’une seule et même chair, ainsi maintenant l’homme et la femme ne forment qu’une chair, dans l’union de charité, pour multiplier le genre humain.
Par conséquent, la parfaite charité doit exister dans ces derniers, comme elle exista dans les premiers.[5]
Adam, en effet, pouvait incriminer son épouse, de ce que, par son conseil, elle lui avait apporté la mort ; mais il ne la quitta pas, tant qu’elle vécut dans ce siècle, parce qu’il connut qu’elle lui avait été donnée par Dieu. Aussi, en vertu de la charité parfaite, que l’homme n’abandonne pas sa femme ; si ce n’est, pour le motif raisonnable que lui propose l’Église fidèle. Et que nulle division ne s’accomplisse, si ce n’est lorsque les deux conjoints, dans un même esprit, veulent regarder vers mon Fils, et se dire, dans l’ardeur de leur amour pour lui : Nous voulons quitter le monde, et suivre celui qui a souffert pour nous. Que si les deux ne sont pas d’accord, sur le même vœu de quitter le monde, alors qu’ils ne se séparent nullement l’un de l’autre ; parce que, de même que le sang ne peut être séparé de la chair, tant que la vie réside en elle ; ainsi, le mari et l’épouse ne se séparent pas l’un de l’autre, mais ils vont ensemble, n’ayant qu’une même volonté. Mais si la prévarication de la loi dans la fornication, se trouve dans le mari ou dans la femme, alors (leur crime) étant divulgué, par eux-mêmes ou par leurs prêtres, ils devront subir, selon ce qui est juste, la censure de leur maître spirituel. Le mari s’enquerra selon la justice de Dieu, devant l’Église et les prélats, de la transgression conjugale de la femme, et la femme, de celle de son mari ; non cependant, de telle sorte que, le mari ou l’épouse puisse contracter une autre union ; mais eux-mêmes, ou bien ils resteront ensemble, selon la règle du mariage, ou ils s’abstiendront ensemble du rapport conjugal, selon ce qui leur sera indiqué, d’après la discipline de la règle ecclésiastique ; et ils ne se déchireront pas par des morsures de vipère, mais ils s’aimeront d’une affection pure, parce qu’il ne peut y avoir mari et femme, s’ils ne sont unis par ce lien ; comme mon ami Paul en rend témoignage lorsqu’il dit : Comme la femme est sortie de l’homme, ainsi l’homme (naît) par la femme, mais toutes choses viennent de Dieu.[6] Ce qui veut dire : La femme a été créée pour l’homme, et l’homme a été fait pour la femme ; parce que ce que celle-ci est, touchant le mari, le mari doit l’être, touchant la femme ; de peur que l’un ne se sépare de l’autre, dans l’unité de leur progéniture, car ils accomplissent ensemble la même œuvre, comme l’air et le vent mêlent leurs efforts dans un but commun. Comment ? L’air est agité par le vent, et le vent tourbillonne dans l’air, de telle sorte que dans leur évolution toutes les plantes verdoyantes leur sont soumises. Que signifie cela ? La femme coopère avec le mari à la procréation des enfants, d’où résultent de grands crimes, quand la fornication, aux jours de la procréation des enfants, engendre la division ; parce que l’homme et la femme retranchent leur propre sang du lieu où il a pris sa source, pour le rejeter dans un autre.
Il leur reste les fraudes de Satan et la colère de Dieu, parce qu’ils ont rompu le pacte établi par Dieu. C’est pourquoi, malheur à eux, quand leurs péchés ne leur sont pas remis ! Mais bien que l’homme et la femme coopèrent, comme il a été dit, s’il s’agit de leur progéniture ; cependant toutes choses, l’homme, la femme et les autres créatures dépendent de la disposition et de l’ordre divin ; parce que Dieu les fait selon sa volonté.
Mais avant l’incarnation de mon Fils, quelques-uns, dans le peuple ancien, avaient, selon sa volonté, plusieurs épouses ; parce qu’ils n’avaient pas encore entendu la prohibition facile à démontrer, que mon Fils venant en ce monde, donna pour la juste réglementation de cette union entre le mari et l’épouse, union qui doit ressembler pendant toute leur vie, à celle d’Adam et d’Ève ; parce que ce lien doit être contracté, non selon la volonté de l’homme, mais selon la crainte de Dieu ; car il vaut mieux le contracter d’après les dispositions de la règle de l’église, que de désirer la fornication ; quoique cependant, vous autres hommes, négligeant ces règles, vous assouvissiez votre luxure, non comme des hommes mais comme des bêtes. — Mais que la foi droite et le pur amour de la connaissance de Dieu soient chez le mari et l’épouse, de peur que leur semence étant souillée par un art diabolique, la vengeance divine ne les frappe, lorsqu’ils se déchirent (par la haine) l’un l’autre, et qu’ils répandent leur semence inhumainement, selon la manière lascive des animaux.
Aussi, quand l’envie les mord comme la vipère, et qu’il y a en eux une vicieuse superfluité de semence, sans nulle crainte de Dieu, ni règle de vie humaine, il arrive souvent, pour le châtiment de leur perversité que, par un juste jugement de Dieu, ceux qui naissent d’eux sont disgrâciés de la nature, et ne peuvent jouir d’une vie prospère ; à moins que, acceptant la pénitence qu’ils font de leur crime, je me montre miséricordieux envers eux. Car de ceux qui m’invoqueront pour l’expiation de leurs péchés, j’accepterai la pénitence, par amour de mon Fils ; par ce que de celui qui lèvera son doigt vers moi, en se repentant, c’est-à-dire de celui qui me fera entendre les gémissements de son cœur, dans la pénitence, en disant : Seigneur, j’ai péché devant vous[7] ; mon Fils (qui est le prêtre des prêtres), me fera agréer la pénitence ; car la pénitence qui est offerte aux prêtres, par amour de mon fils, obtient le pardon des péchés pour ceux qui la font. C’est pourquoi, les hommes qui produisent de dignes fruits de pénitence, sortent de la mâchoire de Satan, qui voulant engloutir le hameçon de la toute puissance, blesse fortement la sienne ; ce qui fait qu’alors, les âmes fidèles s’écartant de la perdition, parviennent au salut. Comment ? Parce que les prêtres qui invoquent mon nom auprès des autels, reçoivent la confession des peuples et leur administrent le remède du salut. — C’est pourquoi, quiconque veut se rendre Dieu favorable, ne souillera pas sa semence dans la diversité des vices, car ceux qui prodiguent leur semence dans la fornication ou dans l’adultère, rendent plus vicieux les fils qui naissent d’eux, de cette manière. Comment ? Celui qui met dans un vase purifié de la boue ou des ordures, rend-il le vase intact ? De même, celui qui corrompt sa semence par la fornication ou l’adultère, peut-il engendrer des fils valeureux ? — Mais un grand nombre travaillent, selon la diversité de leurs mœurs et de leur tempérament ; d’autres deviennent prudents pour le siècle et pour Dieu. Et c’est avec eux que la céleste Jérusalem se remplit ; parce qu’ils abandonnent le vice, aiment la vertu ; et que dans la chasteté et les œuvres méritoires ils imitent mon Fils, accomplissant son martyre, chacun dans son corps, suivant sa passibilité — Quand je ne veux pas que des enfants naissent d’un homme, j’enlève les germes virils de la semence, pour qu’elle ne se coagule pas dans la ventre de la mère ; comme je refuse les germes fertilisants à la terre, quand je le juge nécessaire à la manifestation de ma justice. Mais pourquoi t’étonnes-tu, ô homme, que je permette que des enfants naissent dans l’adultère et les autres crimes de cette sorte ? mon jugement est juste. Car à partir de la faute d’Adam, je n’ai pas trouvé dans l’humaine semence la justice qu’elle devait avoir, dès que Satan l’eut mise en fuite par le goût de la pomme, c’est pourquoi j’envoyai mon Fils, né dans le monde d’une vierge sans aucun péché ; afin que, en vertu de son sang, dans lequel il n’y avait aucune souillure de la chair, il enlevât au démon les dépouilles qu’il avait ravies à l’homme. Car ni l’homme conçu dans le péché, ni l’ange non revêtu de la chair, ne pouvait soustraire à la puissance de Satan l’homme gisant dans le péché et infirme dans son corps ; seul, celui qui vint (dans le monde) avec un corps sans péché, put le délivrer par sa passion. C’est pourquoi, bien que les hommes soient nés dans le péché, cependant je les réunis pour la vie éternelle et le royaume céleste, lorsqu’ils le recherchent avec fidélité. Car nulle perversité ne peut m’enlever mes élus, comme la Sagesse en rend témoignage lorsqu’elle dit : Les âmes des justes sont entre les mains de Dieu, et le tourment de la mort ne les atteindra pas[8]. Ce qui veut dire : Les âmes de ceux qui suivent le chemin de la justice, sont, avec un tendre dévouement, dans le plan de l’assistance divine ; de telle sorte que, à cause des bonnes œuvres par lesquelles ils tendent vers le ciel, dans les hauteurs de la justice, les tourments de la damnation ne les briseront pas ; parce que la vraie lumière les garde dans la crainte et l’amour de Dieu.
Mais après qu’Adam et Ève eurent été chassés du lieu de délices, ils connurent en eux l’œuvre de la conception et de la parturition ; et ainsi, par leur désobéissance, tombant dans la mort, ils conçurent la douceur du péché, lorsqu’ils connurent qu’ils pouvaient pécher. Mais de cette manière, détournant la droiture de mon institution vers la convoitise du péché, lorsqu’ils devaient savoir que le trouble de leurs sens n’était pas en vue de la douceur du péché, mais de l’amour des enfants ; par la suggestion du démon, ils la rapportèrent à la volupté ; et ainsi, perdant l’innocence de leur progéniture, ils la tournèrent vers le péché. Aussi, comme cela ne s’est pas fait sans la persuasion satanique, le démon employa toutes ses flèches à l’accomplissement de cette œuvre ; afin qu’elle ne fût pas achevée sans lui ; c’est pourquoi il dit : Ma force est dans la conception de l’homme, par là, l’homme m’appartient. Et voyant que l’homme devait être participant de ses peines, parce qu’il lui avait obéi, il disait de nouveau en lui-même : Toutes les iniquités sont contraires au Dieu très puissant, parce qu’il n’est nullement injuste. Et le trompeur mit dans son cœur, comme un signe certain, que l’homme qui lui avait obéi spontanément, ne pourrait lui être enlevé. C’est pourquoi il y eut en moi un conseil secret, pour envoyer mon fils sur la terre en vue de la rédemption des hommes, afin qu’ils fussent rendus à la céleste Jérusalem.
Et nulle iniquité ne peut résister à ce conseil, lorsque mon Fils venant en ce monde, attira à lui tous ceux qui voulaient l’entendre et l’imiter, en désertant le péché.
Car je suis juste et droit et ne veux aucunement l’iniquité, que tu aimes, ô homme, lorsque tu reconnais que tu peux pécher.
Lucifer et l’homme, au commencement de leur création, tentèrent de se révolter contre moi, et ils ne purent se maintenir, abandonnant le bien pour choisir le mal.
Mais Lucifer comprit tout le mal, et fut rejeté de tout bien qu’il ne goûta nullement, et il tomba dans la mort. Adam, au contraire goûta le bien, lorsqu’il commença d’obéir ; puis il désira le mal et l’accomplit dans sa concupiscence, lorsqu’il désobéit à Dieu.
Pourquoi cela s’est-il fait ? L’homme mortel ne doit pas le rechercher, parce qu’il ne peut le savoir, pas plus qu’il ne peut savoir ce qui a été avant que le monde fût, et ce qui sera après le dernier jour. Dieu seul le sait, et ses élus autant qu’il leur permet de le cofnaître.
Mais la fornication qui est commune aux hommes, est abominable à mes yeux ; parce que, dès le commencement j’ai établi l’homme et la femme pour l’honneur, et non pour l’ignominie.
C’est pourquoi ces hypocrites qui disent, qu’il leur est licite de commettre la fornication avec qui bon leur semble, suivant l’instinct de la brute, sont indignes à mes yeux ; parce que, méprisant l’honneur et la sublimité de leur raison, ils imitent les animaux, et se rendent semblables à eux. Malheur à ceux qui vivent ainsi et persévèrent dans leur turpitude.
Je ne veux pas aussi que le même sang se mêle dans le mariage, où l’ardeur de l’amour n’est pas atténué par la consanguinité ; de peur qu’il en résulte un amour impudent, au souvenir de la consanguinité ; mais le sang d’une lignée étrangère convient, lequel ne fermente aucun reste de consanguinité ; afin que la discipline humaine soit sauvegardée. Parce que le lait cuit, une fois ou deux, ne perd pas sa saveur ; tandis que, coagulé ou cuit pour la septième ou huitième fois, perdant ses vertus, il ne garde sa saveur délectable que dans la nécessité. Et de même que la marque de consanguinité doit être inconnue dans sa propre épouse, ainsi la marque de consanguinité de la première épouse, doit être abhorrée dans une autre union. Que l’homme ne contracte pas de liens semblables, comme le défend l’Église par ses docteurs, qui l’ont affermie par leur grande sollicitude et leur sainteté.
Si dans l’Ancien Testament, les hommes se sont unis selon le précepte de la loi, malgré le lien de consanguinité, c’est à cause de leur (endurcissement) pour qu’ils eussent la paix ; et que les liens de charité fussent si forts entre eux, que les tribus divisées ne se mélant pas par l’alliance des Gentils, ils ne rompissent pas mon pacte ; jusqu’à ce que le temps vint dans lequel mon Fils, apportant la plénitude de la charité, changea, pour la sauvegarde de la pudeur, le lien de consanguinité charnelle, pour former celui d’une autre lignée. Aussi, comme l’épouse de mon Fils a reçu maintenant, dans le saint baptême, le lien de ma crainte et la véritable justice, le lien de consanguinité lui répugne fort ; parce que la fornication, sans pudeur et sans modération de passion, s’embraserait plus aisément, pour une œuvre infâme, dans l’union de l’homme et de la femme de même sang que d’un sang étranger. Et moi, je déclare ces choses par cette femme qui n’a jamais connu d’homme, et qui reçoit ce discours, non d’une vertu humaine, mais de la science de Dieu.
— Sed quid nunc : Cum autem masculus in forti ætate est, ita quod venæ illius sanguinæ plenæ sunt, tunc fertilis in semine suo est, tunc mulierem in desponsatione legitimæ institutionissibi accipiat, quæ etiam in ferventi ætate existens, semen illius cum verecundia suscipiat, et illi prolem in via rectitudinis gignat. Sed vir ante annos fortitudinis suæ semen suum in superfluitate libidinis non ejiciat, quia hoc probatio peccati suggerente diabolo est, si semen suum in concupiscentia libidinis seminare tentaverit antequam ipsum semen rectam coagulationem in fervente calore habere possit.
Et cum vir jam fortissimus in generationis opere est, tunc vires suas, secundum quod potest, in illo tempore non exerceat quotiam, si tunc ad diabolum respicit, opus diabolicum operatur, corpus etiam suum contemptibile faciens, quod omnino illicitum est. Vir autem secundum quod eum humana natura docet, in fortitudine caloris et in abundantia seminis sui rectum iter in uxore suo quœrat ; et hoc cum humana disciplina ob studium filiorum faciat. Sed nolo ut idem opus fiat in separatione mulieris, cum jam fluxum sanguinis sui patitur : quod est apertio occultorum membrorum uteri ejus, ne fluxus sanguinis ejus susceptum semen maturum effundat, et ita semen effusum pereat ; se enim tunc mulier in dolore et in carcere positam videt : portionem scilitet doloris partus sui tangens.
Mais je ne blâme pas ce temps de souffrance pour la femme, car je l’ai infligé à Ève, lorsqu’elle conçut le péché en goûtant le fruit défendu. Pendant ces jours, la femme doit être environnée de toutes sortes de soins charitables, et elle-même doit garder dans la retraite les règles de la discipline, non cependant qu’elle soit obligée de s’éloigner de mon temple, mais y pénétrer, avec permission, dans son rôle d’humilité, pour son salut.
Comme l’épouse du fils de Dieu (l’Église) est toujours dans son intégrité : que l’homme blessé, dont l’intégrité des membres a été divisée par quelque coup reçu, n’entre pas dans mon temple, sinon dans le cas d’une extrême nécessité, de peur d’être vu ; ainsi qu’il est arrivé pour Abel qui fut le temple de Dieu, et dont les membres furent cruellement divisés dans leur intégrité par Caïn son frère.
Mais lorsque la femme est dans l’enfantement, comme elle est blessée dans ses membres cachés, qu’elle ne pénètre dans mon temple que suivant les prescriptions de la loi donnée par moi ; afin que les saints sacrements de mon temple restent inviolables, éloignés de toute pollution et de toute douleur de l’’homme et de la femme ; parce que mon Fils a été engendré par une Vierge très pure, qui demeura dans son intégrité sans aucune souillure du péché[9]. Le lieu qui est consacré à l’honneur de mon Fils doit être, en effet, préservé de toute souillure provenant des blessures et du sang ; parce que mon Fils unique connut en lui l’intégrité de l’enfantement virginal.
Unde et mulier quæ integritatem virginitatis suæ cum viro corrupit, in livore plagæ suæ qua corrupta est ab ingressu templi mei se contineat, usque dum plaga vulneris ipsitis sanetur, secundum quod ecclesiastica disciplina ipsi de eadem causa certissime demonstrat.
Car lorsque l’Épouse (l’Église) fut unie à mon Fils, Jésus-Christ, sur l’arbre de la croix, elle-même se renferma dans le silence, jusqu’à ce que mon Fils ordonna à ses disciples, d’annoncer la vérité de l’Évangile par le monde entier ; ensuite, elle ressuscita ouvertement (comme le Christ), et annonça manifestement la gloire de son époux, dans la génération de l’Esprit et de l’eau. Que la vierge qui est unie à un époux fasse ainsi, avec une pudeur modeste, pendant le temps que la censure ecclésiastique lui propose : qu’elle demeure dans la retraite ; et ce temps écoulé, qu’elle sorte de sa solitude et s’adonne à l’affection de son mari.
Je ne veux pas non plus que le dit acte de l’homme et de la femme s’accomplisse, lorsque déjà l’embryon de l’enfant est dans le sein de la mère, jusqu’à ses relevailles ; de peur que l’enfant embryonnaire soit souillé par la semence superflue et perdue ; et cela ne doit pas être empêché par violence mais en toute droiture, pour l’amour des enfants.
Ainsi le genre humain est établi pour procéder à l’œuvre de la procréation, en toute honnêteté, selon la discipline humaine ; et non comme le prétendent les hommes insensés et vains, qui disent qu’il leur est permis d’assouvir leur passion suivant leur volonté, et qui s’écrient : Comment pouvons-nous nous contenir, d’une manière si inhumaine ? Ô homme, si tu écoutes le démon, il t’entraîne vers toutes sortes d’œuvres mauvaises ; et il te donne la mort, par son venin mortel ; mais si tu lèves tes yeux vers Dieu, lui-même t’accorde son secours, et il te rend chaste. Est-ce que, dans cet acte, tu ne préfères pas la volupté à la chasteté ?… La femme est soumise à l’homme, qui répand en elle sa semence ; et ainsi, il travaille la terre, pour qu’elle porte des fruits. Est-ce que l’homme cultive la terre, pour qu’elle produise des ronces et des épines ? Non certes, mais pour qu’elle donne un bon fruit. Ainsi doit se porter le zèle de l’homme vers l’amour de ses enfants, et non vers les entraînements de la passion. Ô hommes, pleurez et criez vers votre Dieu, que si souvent vous méprisez dans vos péchés, lorsque dans la plus honteuse fornication vous rejetez votre semence ; alors, vous n’êtes pas seulement des fornicateurs, mais aussi des homicides, parce que, dédaignant le respect dû à Dieu, vous assouvissez votre passion, selon votre volonté. Aussi, le démon vous poursuit-il sans cesse dans cet acte, sachant que vous préférez la satisfaction de votre concupiscence, à la joie de vos enfants.
Écoutez donc, vous qui êtes dans les tours de l’Église. Ne m’accusez pas dans votre fornication, mais considérez-vous vous-mêmes ; parce que, lorsque vous courez vers le démon, en me méprisant, vous accomplissez des actes illicites ; et c’est pourquoi vous ne voulez pas être chastes, comme parle mon serviteur Osée, au sujet du peuple impudique, lorsqu’il dit : Ils ne dirigeront pas leurs pensées vers le retour à Dieu, parce que l’esprit de fornication est au milieu d’eux, et ils n’ont pas connu Dieu[10]. Ce qui veut dire : Les hommes mauvais, ne connaissant pas Dieu, cachent la face de leur cœur, et ne la retournent jamais vers lui, dans les diverses évolutions de leurs intrigues, pour revenir vers la vraie clarté. Ils ne peuvent distinguer d’un œil clairvoyant les choses de Dieu ; mais ils nourrissent le mal en eux-mêmes, parce que le souffle impétueux de l’impureté, par la suggestion de Satan, amollit la force virile qu’ils devraient avoir en eux, et ne les laisse pas placer en Dieu leur conscience bonne, tandis que son adversaire (satan) les éloigne de la vie bienheureuse.
Mais maintenant je veux me retourner vers mes brebis très aimantes que je garde au fond de mon cœur, et qui sont la semence de la chasteté ; (car la virginité a été plantée par moi, et mon Fils est né d’une Vierge). C’est pourquoi la virginité est le fruit le plus beau entre tous les fruits de la vallée, c’est un grand personnage entre tous les personnages, qui forment la cour du souverain roi ; parce qu’elle n’est pas soumise au précepte de la loi, puisqu’elle a donné mon Fils unique au monde. C’est pourquoi, qu’ils écoutent ceux qui veulent suivre le Fils de Dieu, dans l’innocence de la libre chasteté, et dans la séparation de la tristesse de la viduité ; parce que plus noble est la virginité, qui s’est toujours conservée intacte dès le commencement, que la viduité opprimée sous le joug de l’homme ; quoique cependant, après la douleur de la perte du mari, on suive la virginité.
Mon Fils, en effet, a supporté dans son corps de multiples douleurs, et la mort de la croix ; aussi aurez-vous à supporter dans son amour de nombreuses angoisses, lorsque vous extirperez en vous, ce qui a été semé dans la volupté du péché, depuis le fruit de l’arbre défendu. Mais cependant, en retenant dans votre semence les ruisseaux débordant de l’embrasement de la passion, lorsque vous ne pouvez pas être assez chastes, pour que la fragilité de l’humaine faiblesse ne se montre secrètement en vous : dans ce labeur, vous devez imiter la passion mon Fils, lorsque vous résistez à vous-mêmes, en éteignant en vous l’ardente flamme de la volupté, ou en réprimant les autres passions séculières qui sont du monde, comme la colère, l’orgueil, la luxure et les autres vices de même sorte ; et en rapportant, dans un grand combat, cette victoire. Aussi ces luttes m’apparaissent plus fécondes et plus resplendissantes que le soleil, et d’un parfum plus excellent que l’odeur suave des aromates ; parce que vous imitez mon fils unique dans ses souffrances, lorsque vous réprimez en vous, dans un si rude combat, les feux de la volupté. Et quand vous persévérez ainsi, vous méritez une gloire éclatante dans le royaume céleste. Ô fleurs admirables, mes anges admirent, dans votre combat, que vous évitiez la mort ; que dans la boue empoisonnée du monde vous ne soyez pas souillées, malgré que vous portiez un corps de chair, que vous foulez aux pieds par ce vœu (de chasteté) ; ce pourquoi vous serez glorifiées dans leur compagnie, puisque, à leur ressemblance, vous apparaissez pures et sans tache. Aussi réjouissez-vous dans votre persévérance, parce que je suis avec vous, puisque vous m’avez reçu fidèlement, et que vous avez observé ma parole avec la joie de votre cœur ; comme je le montre à mon bien aimé Jean, dans une vision secrète, en disant : Voici que je m’arrête à la porte et je frappe : si quelqu’un écoute ma parole, j’entrerai auprès de lui, je mangerai avec lui, et lui avec moi.[11] Ce qui veut dire : Vous qui m’aimez fidèlement, moi votre sauveur, voyez, que dans ma volonté de vous secourir, j’attends devant le tabernacle de votre cœur, en considérant ce que contient votre conscience dans la cassette de son cœur, et en rappelant le souvenir de votre esprit, j’ouvre votre âme, pour qu’elle reçoive la bonne volonté. Que si alors le cœur fidèle perçoit le son de mon amour, je m’unis à lui et je l’embrasse ; je prends avec lui une nourriture incorruptible, puisque lui-même il se donne à moi, comme un mets délicieux, dans les bonnes œuvres ; et il goûte en moi le pain de vie, car il l’aime ; ce qui apporte la justice à ceux qui désirent la vie.
Mais comme tu vois, Adam et Ève étant expulsés du paradis, une splendeur lumineuse environna cette région, parce que, après qu’ils eurent quitté le lieu de délices, à cause de leur transgression, la puissance de la divine majesté écarta de ce lieu toute souillure de contagion et l’environna de sa clarté, comme d’un rempart ; pour que désormais, il ne fût pas détourné de sa destination ; montrant aussi, que la transgression qui s’était produite dans ce lieu, devait être un jour abolie par sa clémence et sa miséricorde. Et ainsi tous les éléments du monde, qui d’abord étaient restés en paix, subirent une grande perturbation, et manifestèrent des troubles horribles ; parce que la créature, qui avait été faite pour le service de l’homme et n’avait subi en soi aucune adversité, (l’homme faisant sienne la désobéissance et devenant rebelle à son Créateur), perdit sa tranquillité et fut saisie d’inquiétude, causant à l’homme de grands et multiples tourments ; parce que s’étant lui-même détourné du devoir, il devait être châtié par elle. Pourquoi cela ? Parce que l’homme s’était révolté contre Dieu dans le lieu de délices, la créature, qui avait été soumise au service de l’homme, s’opposa désormais à sa volonté.
Le paradis est un lieu de délices, qui resplendit dans l’épanouissement des fleurs et des plantes, au milieu des parfums de tous les aromates, lieu embelli pour la joie des âmes bienheureuses, où la terre aride devient riche et fertile, étant sans cesse vivifiée, comme le corps par l’âme ; parce que le paradis n’est pas obscurci, pour cacher les pécheurs et les perdre. C’est pourquoi écoutez-moi et comprenez-moi, vous qui dites dans vos cœurs : Quelles sont ces choses, et pourquoi sont-elles ? Oh ! comment êtes-vous si insensés dans vos cœurs, vous qui avez été faits à l’image de Dieu et à sa ressemblance ?
Tant de gloire et d’honneur qui vous avaient été donnés, pouvaient-ils rester sans épreuve ? tandis que l’or qui n’est que néant doit être éprouvé par le feu, et que les pierres précieuses doivent être purifiées et polies, et que toutes les choses doivent être transformées ainsi : Ô hommes insensés ! comment ce qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, pourrait-il rester sans épreuve ? L’homme, en effet, doit être examiné de préférence à toute créature, et éprouvé plus que tout le reste, et par toute créature.
Comment ? L’esprit doit être éprouvé par l’esprit, la chair par la chair, la terre par l’air, le feu par l’eau, la guerre par la paix, le bien par le mal, la beauté par la difformité, la pauvreté par la richesse, la douceur par l’amertume, la santé par l’infirmité, la longueur par la brièveté, la dureté par la mollesse, la hauteur par la profondeur, la lumière par les ténèbres, la vie par la mort, la joie par la peine, le ciel par la géhenne, les choses terrestres avec les choses terrestres, et les célestes avec les célestes. Ainsi l’homme est éprouvé en toute créature, dans le paradis, sur la terre, dans les enfers ; et il est ensuite placé dans le ciel.
Vous voyez manifestement peu de choses, de tout ce qui est mystère devant vos yeux. Et pourquoi vous moquez-vous de tout ce qui est droit, juste, équitable et bon entre tous les biens, aux yeux de Dieu ? Pourquoi vous indignez-vous de ces choses ? Dieu est juste ; mais le genre humain dans la prévarication des préceptes divins est injuste, lorsqu’il veut paraître plus sage que Dieu. Dis-moi, ô homme, que penses-tu avoir été, lorsque tu n’étais pas dans l’âme et dans le corps ? Tu ne sais même pas comment tu as été créé ! Et maintenant, ô homme, tu veux scruter le ciel et la terre, et juger de leur justice dans la constitution divine ! connaître les choses les plus hautes (l’infiniment grand), lorsque tu ne peux apprécier les plus petites (l’infiniment petit) ! lorsque tu ne sais pas comment tu vis dans le corps, et comment tu en es dépouillé.
Celui qui t’a créé dans le premier homne, celui-là a prévu toutes ces choses. Mais le Père très bon envoya son Fils unique mourir pour le peuple, afin de délivrer l’homme de la puissance diabolique. Et l’homme ainsi délivré brille en Dieu, et Dieu en l’homme ; l’homme ayant une affinité avec Dieu, possède dans le ciel une splendeur plus grande que celle d’avant sa chute.[12]. Ce qui n’eût pas été, si le Fils de Dieu ne s’était pas revêtu de la chair ; parce que, si l’homme était resté dans le Paradis, le Fils de Dieu ne fût pas mort sur la croix. Mais lorsque l’homme fut trompé par le rusé serpent, Dieu touché d’une vraie miséricorde, voulut que son Fils unique s’incarnât dans une Vierge très pure ; et ainsi, après la ruine de l’homme, s’élevèrent pour resplendir dans le ciel, de nombreuses vertus, telle que l’humilité, la reine des vertus, qui fleurit dans l’enfantement virginal ; comme aussi les autres vertus, qui conduisent les élus de Dieu vers les régions célestes. Car lorsqu’un champ est bien cultivé, il produit beaucoup de fruits ; comme il a été montré, en ce qui concerne le genre humain ; puisqu’après la ruine de l’homme, de nombreuses vertus surgirent pour son relèvement. Mais ô hommes, appesantis par le corps, vous ne voyez pas cette gloire immense, qui vous est préparée, sans tache et sans mécompte, dans la pleine justice de Dieu, et que nul ne peut vous ravir ; car avant l’établissement du monde, Dieu avait prévu toutes ces choses dans la vraie justice. C’est pourquoi, ô homme, considère cette comparaison :
Le Seigneur qui veut faire un jardin, choisit premièrement un lieu favorable ; et ensuite, disposant la place de chaque plantation, il examine l’utilité des fruits des bons arbres, leur saveur, le parfum de ceux qui portent des aromates, et la diversité des espèces. Et ainsi le Seigneur, grand et sublime jardinier, dispose chaque plantation, pour les bien discerner en vue de son utilité ; et ensuite il pense à la haie vive dont il l’environnera, afin que nul ennemi ne vienne ravager sa plantation. Alors, il établit aussi des jardiniers, qui sachent arroser le jardin, et en cueillir les fruits, pour des usages divers. C’est pourquoi, ô homme, considère diligemment que si le Seigneur prévoit que le jardin, qui ne porte aucun fruit et n’est d’aucune utilité, doit être ravagé : pourquoi un si grand et si sublime jardinier trace-t-il, plante-t-il, arrose-t-il et défend-il ce jardin, avec tant de soins et tant de labeurs ? Écoute donc et comprends : Dieu qui est le soleil de justice, envoya sa splendeur sur la boue qu’est la prévarication de l’homme ; et cette splendeur l’illumina d’une grande clarté, car cette boue était bien horrible et épaisse. Le soleil en effet resplendit dans sa clarté ; et la boue dégäge des odeurs fétides ; ce qui fait que le soleil serait admiré avec plus de délectation, si la boue ne lui était pas unie, Mais comme la boue paraît horrible à l’image du soleil, ainsi la transgression de l’homme est inique devant la justice de Dieu. Aussi, la justice doit être aimée, parce qu’elle est belle ; et l’iniquité doit être détestée, parce qu’elle est horrible. Son horreur fut cause de la perte de la brebis du Seigneur qui avait planté le jardin. Et cette brebis, par son propre consentement, non par la faute du Seigneur, fut soustraite à sa puissance ; mais dans la suite, le Seigneur la reconquit par son amour et sa justice. C’est pourquoi, les chœurs des anges furent transportés d’une grande joie, lorsqu’ils virent dans le ciel l’homme racheté. Que signifie cela ? Lorsque l’agneau innocent fut suspendu à la croix, les éléments s’agitèrent ; parce que le très noble fils de la Vierge fut mis à mort corporellement par des mains homicides. Par cette mort, la brebis perdue fut ramenée vers les pâturages de vie.
En effet, lorsque l’antique persécuteur vit qu’il avait perdu cette brebis, à cause du sang que l’agneau sans tache avait versé, pour la rémission des péchés des hommes : alors il connut quel était cet agneau ; parce qu’il n’avait pu connaître auparavant, comment l’agneau céleste s’est incarné, sans la semence virile et sans aucune concupiscence du péché, dans le sein d’une Vierge, par l’opération du St-Esprit ; car le même persécuteur, au commencement de sa création, s’éleva au souffle de l’orgueil, se précipitant lui-même dans la mort, et éloignant l’homme de la gloire du paradis, sans que Dieu voulût lui résister par sa puissance, se réservant de l’emporter sur lui par l’humilité de son Fils. Et parce que Lucifer méprisa la justice de Dieu, par un juste jugement de Dieu, il ne put connaître l’incarnation du Fils unique de Dieu. Car dans ce conseil secret (des trois personnes de la sainte Trinité) la brebis perdue fut ramenée à la vie. Et d’où vient, ô hommes rebelles, que vous soyez si endurcis ? Dieu ne voulut pas abandonner l’homme, mais il envoya son Fils pour le sauver ; et ainsi Dieu écrasa la tête de l’orgueil superbe, dans l’antique serpent. Quand l’homme fut arraché à la mort, l’enfer dut ouvrir ses abîmes, malgré les hurlements de Satan qui s’écriait : Malédiction ! Malédiction ! Qui donc pourra me secourir ? Mais toutes les légions diaboliques se retirèrent dans un horrible frémissement, admirant quelle était cette puissance étrange, à laquelle elles-mêmes et Satan le prince du mal ne pouvaient résister, quand ils voyaient que les âmes fidèles leur étaient enlevées.
Ainsi l’homme fut élevé au-dessus des cieux ; parce que Dieu apparut dans l’homme, et l’homme dans Dieu, par le Fils de Dieu.
Le même Seigneur qui avait perdu la brebis, mais l’avait ramenée si glorieusement à la vie, fit pour elle ce que l’on fait pour la pierre précieuse qui est tombée dans la boue : Il la rechercha lui-même, et l’ayant trouvée, il la retira avec joie, et la purifia de toute souillure ; comme l’or a coutume d’être expurgé dans la fournaise ; et il la rétablit dans sa dignité première, avec une gloire plus grande. Car Dieu créa l’homme, qui, de lui-même, par la persuasion de Satan, tomba dans la mort, de laquelle le Fils de Dieu le releva par la vertu de son sang ; et il le conduisit glorieusement vers les honneurs célestes. Comment ? Par l’humilité et la charité. L’humilité fit naître le Fils de Dieu de la Vierge, dans laquelle fut trouvée (encore) l’humilité ; et ce ne fut pas dans les embrassements de l’homme, ni dans les curiosités de la chair, ni dans les richesses terrestres, ni dans les ornements précieux qu’il naquit, mais le Fils de Dieu fut couché dans une crèche, à cause de la grande pauvreté de sa mère. — L’humilité dans les gémissements et les larmes tue le crime ; et c’est son ouvrage. Quiconque veut combattre Satan, qu’il se munisse et s’arme de l’humilité, parce que Lucifer la fuit ; et, comme une couleuvre, il se cache devant elle dans les abîmes ; car, partout où elle le saisit, elle le brise aussitôt comme un fil fragile. La charité aussi contient le Fils unique de Dieu, dans le sein du Père, dans le ciel ; et elle l’envoie dans le sein de la mère, sur la terre ; parce qu’elle ne méprise ni les pécheurs, ni les publicains, mais elle s’efforce de les sauver tous. C’est pourquoi, en faisant couler souvent la source des larmes des yeux des fidèles, elle amollit la dureté du cœur. En cela l’humilité et la charité sont plus belles que les autres vertus ; car l’humilité et la charité sont comme l’âme et le corps, qui ont des vertus plus grandes que les autres facultés de l’âme ou chaque membre du corps. Comment ? L’humilité est comme le corps, et la charité comme l’âme ; et elles ne peuvent être séparées l’une de l’autre, mais elles agissent ensemble ; de la même manière que l’âme et le corps qui sont inséparables, s’entr’aident l’un l’autre, tant que l’homme vit dans son corps. Et comme les divers membres du corps sont soumis à l’âme et au corps, suivant leur rôle, ainsi les autres vertus sont, comme il est juste, les humbles servantes de l’humilité et de la charité. Et c’est pourquoi, Ô hommes, pour la gloire de Dieu et pour votre salut, suivez l’humilité et la charité ; et ainsi armés, vous ne craindrez pas les embûches du démon, et vous possèderez la vie éternelle. Quiconque a la science du St-Esprit et les ailes de la foi, ne transgressera pas mon conseil, mais il le recevra pour en faire les délices de son âme.
- ↑ Dieu créateur dont la beauté est incomparable et la gloire inaccessible. — Ce sentiment d’orgueil de Satan est la cause initiale de sa chute.
Note du Trad.
- ↑ Lucerna impiorum, extinguetur, et superveniet eis inundatio, et dolores dividet furoris sui. Erunt sicut paleæ ante faciem venti, et sicut favilla quam turbo dispergit.(Job. XXI-15)
- ↑ Convertimini et agite pœnitententiam ab omnibus iniquitatibus vestris, et non erit vobis in ruinam iniquitas.(Ezech. XVIII).
- ↑ Amour de charité et non de concupiscence qui ne pouvait exister avant le péché.
N. du T.
- ↑ Pour que l’accord soit parfait, par le secours de la grâce d’en haut, l’union doit se faire totale de deux corps et de deux âmes, en un seul corps et une seule âme.
Caro una et anima una.N. d. T.
- ↑ Sieut mulier de viro, ita et vir per mulievem : omnia autem ex Deo. (I Cor. XII).
- ↑ Peccavi, Domine, coram te.
- ↑ Justorum animæ in manu Dei sunt, et non tanget illos tormentum mortis.(Sap. II)
- ↑ Inviolata, integra et casta est Maria.
Hymne d’Égl.
- ↑ Non dabunt cogitationes suas ut revertantur ad Deum suum, quia spiritus fornicationis in medio eorum, et Deum non cognoverunt.(Osée v. 4)
- ↑ Ecce sto ad ostium et pulso : si quis audicrit vocem meam intrabo ad illum, et cœnabo cum illo, et ipse mecum.(Apoc. III).
- ↑ Par l’Incarnation du Fils de Dieu et la rédemption de l’homme, le chrétien est frère du Christ et cohéritier de sa gloire. — Christianus alter Christus. C’est pourquoi il est devenu plus grand qu’avant sa chute.