Semaine théâtrale/Première représentation des Joies du foyer, au Palais Royal

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Palais-Royal. — Les Joies du foyer, comédie en trois actes, de M. Maurice Hennequin.

Fidèle à la tradition, le Palais-Royal, dès le 1er  septembre, a réouvert ses portes et cette réouverture, à époque fixe, a été triplement heureuse, d’abord en ce qu’elle a très aimablement réussi, ensuite en ce qu’elle a été faite avec une pièce nouvelle, enfin en ce que l’auteur est un jeune et que ses Joies du foyer sont la première pièce qu’il signe seul, donc une sorte de début.

L’affiche dit « comédie », je n’y veux point absolument contredire, car le fond de ces trois actes fait montre d’observation juste ; mais il est très évident que toute la partie vaudeville est celle qui a le mieux servi M. Hennequin et que les scènes bouffonnes et écrites de verve ont surtout décidé du succès. Les Joies du foyer, comme toute œuvre qui se respecte, comporte une morale, à savoir que la seule manière de vivre heureux et tranquille est de tenir loin de soi une famille qui dérange vos petites habitudes, trouble votre intérieur et, au lieu des agréments qu’on est en droit d’en attendre, surtout lorsque l’on est un bon oncle à héritage, ne vous amène qu’ennuis et désagréments ; morale très Palais-Royal, comme vous voyez, et dissimulée sous un titre ironique.

C’est l’excellent Thérillac qui est chargé de nous démontrer l’exactitude de cette vérité. Ayant bien dépassé la cinquantaine, averti par un accès de goutte à la jambe que le cercle et les femmes ne sont plus absolument de son fait, il songe à se ranger et à se créer un home familial. Pour ce faire, il paiera les dettes d’un sien neveu, le mariera, nanti d’une dot rondelette, à une exquise personne, et fera vivre, à ses côtés, dans un hôtel construit à ses frais, le jeune couple qui n’aura garde, étant donné ses bontés présentes et futures, de passer son temps à le choyer et à le dorloter. Pauvre Thérillac, il a compté sans l’égoïsme de ses hôtes, qui s’occupent fort peu de lui, et sans les terribles scènes de ménage qui mettent sa maison sens dessus dessous. Ayant vainement essayé de ramener le calme au foyer domestique, il se décide à retourner chez son amie « Gégèle », où du moins, on le laissait dormir en paix.

M. Saint-Germain, dans le rôle d’un vieux mari martyr, et M. Calvin, Thérillac, sont absolument parfait et il n’y a que des compliments à adresser à Mmes Lavigne, Kerwich, Franck-Mell et à MM. Dubosc et Didier.

Paul-Émile Chevalier.