Silhouettes canadiennes/L’abbé de Calonne

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Imp. L’Action sociale Ltée (p. 167-179).


L’ABBÉ DE CALONNE




C et abbé grand seigneur jeté en Amérique par la Révolution française, a tenu dans la chaire canadienne une place éclatante.

D’après les contemporains, à la perfection du bien-dire, à l’opulence de la doctrine, il joignait une passion, une tendresse, une onction auxquelles nulle âme, chez nous, ne restait insensible. On ne se lassait point d’entendre l’abbé de Calonne, et sa rayonnante sainteté n’était pas le moindre attrait de ses prédications.

Plusieurs années de suite, il prêcha la neuvaine du carême à la cathédrale de Québec et jusqu’à la fin il enthousiasma et ravit son auditoire. La grande église, comme on disait aux jours de Mgr de Laval, n’avait jamais retenti d’accents si pathétiques. Non seulement les catholiques, mais les protestants du plus haut rang quittaient tout pour courir aux sermons de M. de Calonne.

Il ne les écrivait point et de sa parole enflammée, souveraine, rien ne reste que les fruits divins qu’elle a produits.

L’abbé de Calonne n’était pas seulement un orateur idéal, il était aussi un grand convertisseur. Sa foi emportait les âmes.

Aux Trois-Rivières, où il fut aumônier des Ursulines et curé de la Pointe-du-Lac, sa mémoire est en bénédiction. On conserve comme des reliques les objets qui ont été à son usage et son souvenir, tout illuminé de surnaturel, est resté si vif qu’un prêtre de la Pointe-du-Lac écrivait, il n’y a pas longtemps : « On dirait que l’abbé de Calonne vient de quitter la paroisse. »

Mais ailleurs qu’aux Trois-Rivières, il est aujourd’hui généralement oublié. Le temps a déjà voilé cette grande figure et, pour la remettre en lumière, il faudrait pouvoir citer l’orateur — le faire entendre directement. C’est malheureusement impossible, mais on lira peut-être avec intérêt quelques détails sur la vie de ce séducteur d’âmes. C’est bien une vie au sens vrai du mot. On y suit le développement et on y sent toujours la lutte.



Joseph-Jacques-Ladislas de Calonne naquit à Douai en 1743. Sa famille, très distinguée et très riche, était aussi très chrétienne, et la première éducation de l’enfant fut excellente. Après de fortes études, il entra comme conseiller au Parlement de Flandre, où son père était premier président et son frère Alexandre, procureur général.

Au XVIIIe siècle, les membres du Parlement faisaient grande figure en France. Magnifiquement doué, Ladislas de Calonne pouvait aspirer aux dignités les plus hautes, aux plus éclatants succès.

Il le savait. Il aimait la gloire qui lui souriait, il aimait le monde qui le recherchait. Cependant vers l’âge de trente ans, il jeta la toge et prit la soutane.

L’étonnante évolution ne pouvait être suspecte. Mais l’esprit mordant de M. de Calonne déconcerta ses supérieurs ; sa force violente, impétueuse, les inquiétait, et Mgr de Ronnegaise écrivit au président qu’il doutait fort de la vocation de son fils. On semblait lui trouver l’âme la moins ecclésiastique de la terre, comme disait de lui-même le cardinal de Retz.

Alexandre, l’aîné de la famille de Calonne, plus tard ministre de Louis XVI, n’avait pas meilleure opinion de la vocation de son frère. Mais le président fut plus clairvoyant.

C’était un homme d’une sagesse élevée, d’une grande expérience. Profondément religieux et désabusé des vanités du monde, il avait vu avec joie la résolution de son fils. C’est lui probablement qui le décida d’entrer au Séminaire de Saint-Sulpice[1], et dans cette maison sainte, Ladislas de Calonne travailla sérieusement à conquérir son âme pleine de feu, de larmes et d’orages, et toute sa vie, il bénit Dieu de la formation sacerdotale qu’il y avait reçue.

Aussitôt après son ordination, il fut appelé à Cambrai, capitale de la province, par Mgr de Choiseul qui le nomma vicaire général et official[2] de son église.

Il apporta à ses importants devoirs une application, une diligence extrême et fit preuve d’un si grand sens, d’une si haute intégrité dans l’administration de la justice, que beaucoup de plaideurs convinrent de s’en rapporter à lui plutôt qu’aux tribunaux civils. En certains quartiers, on s’émut de cet abandon des procédures. Il s’en suivit une contestation qui eut un grand retentissement. L’abbé en sortit victorieux et ne s’applaudit de son succès que parce qu’il voyait le bien public dans un tribunal de conciliation. Redoutant les responsabilités de l’épiscopat, il avait refusé plusieurs évêchés et tâchait de s’effacer pendant que son frère s’efforçait d’arriver au pouvoir. On sait qu’il y parvint, que Louis XVI l’appela au ministère.

Dans la détresse financière où se trouvait la France, c’était un honneur bien redoutable. Mais, dit Thiers, dans son histoire de la Révolution, « Calonne, spirituel, brillant, fécond en ressources, comptait sur son génie, sur la fortune et sur les hommes et se livrait à l’avenir avec la plus singulière insouciance. Il séduisit la cour par ses manières, par son empressement à tout accorder. »

Calonne voulut avoir son frère près de lui. L’abbé se laissa persuader par ce frère qu’il aimait. Il s’en alla vivre à la cour et Louis XVI l’obligea d’accepter la commande de l’abbaye de Saint-Pierre de Melun qui lui assurait de grands revenus.

D’après l’Apôtre, celui qui s’est engagé dans la milice divine ne doit pas s’ingérer dans les intérêts du siècle. L’abbé en fit l’expérience : « Je m’en allais en enfer en carosse », a-t-il dit bien des fois.

Passionné pour les lettres, il voyait beaucoup les écrivains de cette triste époque ; il aimait Beaumarchais et on l’accuse d’avoir contribué à faire représenter « Le mariage de Figaro. » Cette pièce qui fit courir tout Paris fut l’un des événements du siècle. Au jugement de Napoléon, c’était déjà la Révolution en action.

Hâtons-nous de dire que l’abbé avait mis au service de son frère, toutes ses lumières, toute son activité. Il comprenait la pressante nécessité de réformes vastes et profondes et voulait l’abolition des privilèges.

Inutilement Turgot et Necker avaient déjà tenté d’étendre l’impôt au clergé et à la noblesse. Le ministre et l’abbé de Calonne crurent que le meilleur moyen d’y arriver, c’était de s’adresser aux privilégiés eux-mêmes et l’Assemblée des Notables fut convoquée.

On sait que les réformes proposées par le ministre le rendirent odieux. Le roi l’aimait, mais en s’engageant à le soutenir, il avait promis, dit Thiers, plus qu’il ne pouvait tenir. Calonne fut renvoyé.

L’abbé ressentit fortement le coup qui atteignait son frère. Son injuste disgrâce le détacha du roi, mais dans son âme très noble, les sentiments de fidélité se réveillèrent très vifs quand il vit le roi humilié et en péril. Il aurait voulu siéger à l’Assemblée Nationale. Ne pouvant supporter l’inaction, il vint à Paris et son dévouement à ses infortunés souverains fit mettre sa tête à prix (30,000 francs). Il réussit à quitter la France et partagea d’abord l’exil des princes. Puis, réfugié à Londres, il fonda avec M. de Montlosier Le Courrier de l’Europe.

Un peu plus tard, pour améliorer le sort de ses neveux ruinés comme lui par la Révolution, il offrit à son frère d’aller fonder une petite colonie dans l’Île du Prince-Édouard où le roi Georges III lui avait concédé des terres.


Mgr de Québec accorda les permissions requises et en 1799, l’abbé de Calonne arriva, avec ses colons, aux îles du golfe.

Des Acadiens s’y étaient réfugiés pour échapper à la déportation. Leur pauvreté était extrême, mais l’excès de leurs malheurs n’avait point altéré leur foi.

Ils accueillirent l’abbé de Calonne avec une joie intense. Ils l’entouraient, le suivaient, et bénissant leurs persécuteurs qui laissaient venir à eux un prêtre français, ils lui prodiguaient les marques les plus touchantes de vénération.

La vue de ces infortunés, l’ardeur de leur foi et l’abandon où ils se trouvaient bouleversèrent l’abbé de Calonne. Le feu sacré qui fait l’apôtre s’alluma dans son cœur et cette divine flamme dévora en un instant tous les regrets, tous les désirs humains.

Ne voulant plus être que prêtre, il renonça à son projet pour se donner tout entier aux âmes.


Le roi d’Angleterre faisait une pension à l’illustre abbé, mais il voulut partager les privations de ses chers Acadiens, et, lui, habitué à tous les raffinements de la délicatesse, vécut comme eux d’un pain grossier, de quelques légumes et de tisane de salsepareille.

À cette frugalité d’anachorète et aux fatigues de son laborieux apostolat il joignit dès lors des macérations terribles. Ce que la contemplation de l’éternité avait fait pour Rancé, la vue des âmes abandonnées le fit pour l’abbé de Calonne : il devint un homme de prière, un saint.


Les Irlandais et les Écossais établis à l’île du Prince-Édouard se déshonoraient par une crapuleuse ivrognerie. M. de Calonne, qui savait l’anglais, entreprit de les arracher à leur dégradante passion. À cette tâche rebutante, il mit tout son zèle, toute sa robuste volonté, mais le succès fut loin de répondre à ses efforts.

Désolé et rêvant d’une immolation encore plus complète, il voulait apprendre la langue des Micmacs, afin de se dévouer à ces sauvages privés de missionnaires depuis la mort du Père Maillard.

Mgr Plessis l’en dissuada. Le grand évêque jugea qu’il ferait plus de bien parmi son peuple et le nomma aumônier des Ursulines des Trois-Rivières.



C’est à l’automne de 1807 que l’abbé de Calonne nous arriva. La curiosité était vive à l’endroit de ce chapelain grand seigneur.

Il avait brillé à la cour, il avait assisté à ces commotions terribles de la Révolution qui, chez nous, avaient si fortement remué les cœurs. Inutile de dire que son arrivée fit sensation. Et faut-il ajouter que le mérite de l’émigré était relevé par la suprême distinction de sa personne. L’âge n’avait fait qu’argenter ses cheveux. Sa taille restait noble, majestueuse sous le poids des années, et la physionomie, qui prit plus tard une expression d’extrême ascétisme, rayonnait alors d’ardeur et de vie.

Les Ursulines venaient d’être éprouvées par l’incendie de leur monastère. C’est dans une humble chapelle provisoire que l’abbé de Calonne prêcha pour la première fois au Canada. Mais un auditoire d’élite avait envahi la pauvre chapelle et l’admiration fut profonde. L’abbé de Calonne n’était pas seulement un homme éloquent, c’était un saint éloquent.

On sait, avec quel succès incomparable il prêcha. La vieillesse ne refroidit point l’ardeur de sa parole. Jusqu’à la fin, il conserva ce don magnifique de l’éloquence qui en suppose tant d’autres et c’est seulement dans les dernières semaines de sa vie que sa voix si belle s’altéra.

J’ai dit que la splendeur de son élocution attirait bien des protestants aux offices catholiques. L’abbé de Calonne fut un illuminateur pour plusieurs et eut la joie de recevoir leur abjuration. Parmi ces convertis, on cite M. Stephen Bourroughs qui lui survécut quinze ans et ne manqua pas un seul jour d’aller prier sur sa tombe.



À tous ses pénitents, l’abbé de Calonne inspirait un profond sentiment de vénération. Il fut un grand et souverain directeur : dans les cœurs les plus faibles, les plus troublés, il mettait la paix, la joie, le courage. De tous côtés on venait à l’abbé de Calonne. Jamais prêtre n’exerça son ministère avec plus d’autorité, mais c’était un besoin pour lui de s’humilier devant ceux qui lui donnaient leur confiance.

« Savez-vous ce que c’est que l’abbé de Calonne ? demandait-il à quelqu’un qui le priait d’être son confesseur. C’est un homme qui a mené une vie très indigne, qui n’a commencé à servir Dieu que lorsque ses forces épuisées le rendaient presque incapable d’exercer le saint ministère et qui à l’heure actuelle se sent tourmenté et environné de tous les démons de l’enfer. Priez bien pour ce pécheur. »


Il écrivait à une religieuse de Québec :

« Ma fille, toute cette vie n’est qu’un combat. Le repos sera au ciel, n’en cherchons pas sur la terre. C’est surtout par la soumission à la volonté divine qu’on prouve à Dieu son amour et c’est cela seul, ma fille, que Dieu demande de vous. Il n’a pas besoin de vos sentiments, ni de leurs expressions, il ne demande de vous que vos actions, votre fidélité, votre soumission à sa sainte volonté. Avec cela, votre état sera plus sûr que si vous sentiez toutes les ardeurs des séraphins. Cent fois le jour dites : Que votre volonté soit faite ! Dites-le de bouche, criez-le quand votre cœur paraît dire le contraire. »


Il écrivait à Mgr Plessis :

« Oh ! que les prêtres s’aveuglent aisément par une routine de pratiques de piété qui dessèche le cœur au lieu de le nourrir. Leur dévotion périt de phtisie. Grâces à Dieu, la multitude et la variété de vos devoirs vous empêchent de devenir un routinier. »



Sa conversation était toute divine. Il abhorrait le monde et eût voulu ne traiter qu’avec les âmes. C’est avec bonheur qu’il se dévoua à la communauté que l’évêque de Québec lui avait confiée. La ferveur et la générosité des religieuses le ravissaient. Cette maison des Ursulines où la charité et la paix régnaient parfaitement, où la pauvreté était accueillie comme la bien aimée de Notre-Seigneur, l’abbé de Calonne la nommait son paradis. Il bénissait Dieu qui lui avait ménagé la consolation d’y finir ses jours.

Il abandonna à sa famille ce qui lui fut rendu de son patrimoine après la restauration. De sa vaisselle d’argent, il n’avait gardé qu’une écuelle. Son détachement était absolu et pour ceux qui ont voué la pauvreté, il redoutait l’ombre d’une attache.

Ce prêtre d’une culture si haute, d’un raffinement si exquis aimait les petits et les humbles et passait volontiers des heures entières à expliquer le catéchisme aux enfants et aux pauvres. Il était vraiment tout à tous, mais il avait une prédilection pour les plus misérables. Chaque jour, il visitait l’hôpital et la prison, laissant dans tous les cœurs la consolation et l’espérance.



M. de Calonne ne voulut jamais rien changer à la façon de vivre qu’il avait adoptée chez les malheureux Acadiens. Sur ce point toutes les représentations furent inutiles. Dans cette âpre voie de la pénitence où il était entré avec tant de courage, l’abbé de Calonne ne se détourna pas, ne se reposa pas, ni ne se ralentit. Aux Trois-Rivières, c’est sur le plancher de sa chambre qu’il prenait le peu de repos qu’il s’accordait et une bûche de bois lui tenait lieu d’oreiller. Il jeûnait tout le carême, tout l’avent, tous les mercredis, vendredis et samedis de l’année, et les jeûnes de cet ancien grand seigneur n’était guère moins rigoureux que les jeûnes des Pères du désert.

Absorbé d’une façon intense par la passion de la sainteté, il écrivait à Mgr Plessis à la fin de l’année 1808 : « Je ne vois plus que cette éternité qui n’est composée ni d’années ni de moments, quand on en est si près, il faut la considérer du calvaire et monter même sur la croix. »

Cet athlète de la pénitence n’arriva pourtant jamais à maîtriser parfaitement sa nature de feu. Mais les vivacités qui lui échappaient, l’abbé de Calonne les réparait toujours par des actes d’humilité. L’un de ces actes donnera l’idée des autres.


Après la guerre de 1812, la misère était grande chez nous. M. de Calonne ne pouvait voir souffrir sans soulager. Si ruiné qu’il fût, il achetait du grain qu’il faisait moudre et distribuait aux plus nécessiteux. L’un de ses marguilliers qui avait sa confiance, en abusa pour lui survendre son blé. M. de Calonne l’apprit et le dimanche suivant fît venir le coupable à la sacristie et lui demanda l’explication de sa conduite. Interdit et confus, le marguillier ne trouvant rien à dire, se retirait à reculons. L’abbé le retint entre la porte et le mur et ne le lâcha qu’après avoir soulagé son indignation par la plus véhémente des réprimandes. Il se prépara ensuite à dire la messe, mais après l’Asperges, au lieu de revêtir la chassuble, il se dirigea vers le banc-d’œuvre, s’agenouilla devant le marguillier et lui demanda pardon. Le pauvre homme, plus mort que vif, put à grand’peine faire signe qu’il pardonnait, et on dit que dans l’église, tout le monde pleurait.


L’abbé de Calonne a été chez nous l’ardent apôtre de la dévotion au Sacré-Cœur. Pour l’entendre parler de l’amour de Jésus-Christ on accourait de très loin, la place de l’église ne suffisait plus aux voitures et l’on en voyait de longues files jusqu’à la chapelle des Ursulines.

S’il eut suivi son attrait, l’abbé de Calonne aurait passé les jours et les nuits prosterné devant le Saint-Sacrement. À l’âge de soixante-dix-neuf ans, il ajouta trois heures d’oraison aux quatre heures qu’il faisait journellement depuis quinze ans.

Il écrivait pourtant : « Je deviens très paresseux à mesure que je deviens vieux, ce qui est contre toute raison ; car c’est lorsqu’on est le plus près du but qu’on doit redoubler le pas et marcher plus gaiement. »


À l’automne (1822), on s’aperçut que le vénérable vieillard s’affaiblissait beaucoup. On espérait pourtant qu’il pourrait prêcher la retraite du Séminaire et M. Rambault vint l’en prier au commencement d’octobre, mais M. de Calonne lui déclara qu’il s’en sentait incapable. C’est le 10 octobre qu’il célébra la messe pour la dernière fois. Il le fit avec une si ardente ferveur qu’il semblait revenu aux beaux jours de la jeunesse.

Encore qu’il touchait à quatre vingts ans, les médecins espéraient conserver sa précieuse vie, mais lui paraissait avoir eu la révélation de sa fin prochaine : « Songez à aimer Dieu, disait-il aux religieuses qui s’ingéniaient à le soulager, et ne vous donnez pas tant de mal pour ma misérable carcasse qui n’est que pourriture et corruption et qui sera bientôt la pâture des vers. »

Il se soutenait à peine, mais recevait avec la plus touchante bonté tous ceux qui voulaient lui dire adieu et recevoir sa bénédiction.

Le 14 octobre, il demanda le Saint Viatique et quand le son de la cloche lui annonça l’approche du Saint Sacrement, son visage flétri par les austérités et la souffrance s’illumina. Transporté d’amour, il s’élança de son fauteuil, ouvrit les bras, et, tout rayonnant du feu divin qui l’embrasait, marcha à la rencontre de son adoré Sauveur et voulut se prosterner, mais il défaillit et s’affaissa contre terre. Il fallut le relever, et sa foi intense lui fit encore trouver la force de s’agenouiller. « Ce n’était plus un mourant, mais un séraphin », disaient les témoins de cette scène digne du pinceau d’un grand maître.



L’abbé de Calonne emporta d’immenses regrets et autour de son corps il y eut une affluence énorme. Chacun voulait le voir, le toucher, le revoir encore. L’expression de la physionomie était si belle qu’il fallait un effort pour en détacher le regard.


  1. À la fin d’une carrière remplie et comblée dans sa mesure, le président de Calonne déclarait que le bien qu’il avait fait aux malheureux avait été la plus douce joie de sa vie.
  2. Avant la Révolution, on donnait le nom d’Officialité à des tribunaux ecclésiastiques qui connaissaient de toutes les fautes relatives à la foi, à la morale, au culte et à la discipline ainsi que des délits et des abus de pouvoir commis en matière religieuse et les jugements avaient en certains cas des effets civils. Les officialités siégeaient avec tout l’appareil d’un tribunal public. Les fonctions de juge étaient remplies par un official qui constituait à lui seul le tribunal.