Être un modeste croque-notes
Donnant des leçons de hasard,
Qui court Paris en grosses bottes,
Mais qui comprend Gluck et Mozart ;
Avoir quelque part un vieux maître ;
Aimer sa fille ; et, chaque soir,
Brosser son vieil habit et mettre
Du linge pour aller les voir ;
Ils logent loin ! Faire une lieue
En chantonnant quelques vieux airs,
L’été, sous la douce nuit bleue,
Et par les bons quartiers déserts ;
Aimer d’un amour très honnête ;
Avoir peur, en portant la main
À certain cordon de sonnette,
Dont on sait pourtant le chemin…
— Ah ! monsieur Paul !… — Mademoiselle !
— Mon père vous attend. Voyez.
Voici votre violoncelle,
Son violon et les cahiers. —
Demander comment va le maître,
Qui survient, simple et cordial :
Oh ! le bon moment ! — La fenêtre
S’ouvre sur le ciel nuptial ;
Les brises, déjà rafraîchies,
Entrent avec des papillons
Bien vite brûlés aux bougies,
Qui jettent de faibles rayons.
Le concert commence. Elle écoute,
Blonde, accoudée et tout en blanc,
Et son cœur frissonne sans doute
Avec l’allegretto tremblant.
Puis, c’est le menuet, l’andante,
Tout le beau poème du bruit,
Toute la symphonie ardente.
Et le temps passe : il est minuit.
— Sauvez-vous. C’est une heure indue
Pour vous qui logez tout là-bas,
Et cette banlieue est perdue.
— Vous viendrez demain, n’est-ce pas ?
— Mais, avant de partir, encore
Un peu de musique ; pas trop…
Pendant que Julie élabore
Trois humbles verres de sirop.
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