Simples essais d’histoire littéraire/07
Dans les spirituels caprices de ses causeries, ce pauvre Nodier aimait à dire qu’en littérature l’art de ne pas vieillir consiste, malgré l’apparence, à savoir ne pas s’obstiner dans la jeunesse. Sous un air de paradoxe, l’assertion cache une vérité, et cette vérité me revient toujours au souvenir quand il s’agit de certains romantiques à tous crins (comme dit M. Gautier), qui, au sein des générations survenantes, ont gardé toutes les fantasques allures du temps d’Hernani et de la Ballade à la Lune. La châtelaine précisément de ce feuilleton où M. Gautier prodigue et gaspille chaque lundi tant de verve et de couleur, Mme de Girardin laissait naguère échapper de sa plume je ne sais plus quelle élégie coquette sur ces charmans bonnets de l’an passé, qui régnaient hier, qui sont surannés aujourd’hui ; n’est-ce pas un peu, je le demande, l’image des écoles poétiques, quelles qu’elles soient, qui s’obstinent à tout jamais dans une théorie exclusive et tranchante ? Il deviendrait piquant que le romantisme à son tour eût ses perruques, pour parler avec l’historien des Grotesques[1]. Assurément, vis-à-vis des préceptes régnans de Le Batteux et des tragédies de l’empire, l’émeute poétique de la restauration fut parfaitement légitime ; toutefois, dans la calme impartialité d’aujourd’hui, l’hyperbolique persistance de quelques radicaux littéraires ne semble-t-elle pas une gageure où il se dépense sans aucun doute beaucoup d’esprit, mais où il pourrait aussi se perdre beaucoup de talent ? Prendre le rôle de ligueur le lendemain de l’édit de Nantes, se déclarer frondeur en plein règne de Louis XIV, aurait été sans aucun doute un moyen bruyant de se faire remarquer ; peut-être n’eût-ce pas été un moyen de succès durable.
Certes, ces réflexions moroses ne s’appliquent pas, dans toute leur dureté, au trop spirituel auteur de Fortunio, à un poète dont je sais apprécier, pour ma part, la plume tout-à-fait brillante et la palette colorée ; pourtant le dernier et tout récent ouvrage de M. Gautier sur les Grotesques est bien propre, il en faut convenir, à confirmer la critique dans ses regrets, je voudrais pouvoir dire dans ses vœux. À la vérité, en cherchant aujourd’hui à réhabiliter la littérature de Louis XIII aux dépens de celle de Louis XIV, en donnant raison à Théophile et à Saint-Amant contre Boileau, M. Gautier n’a pas quitté, je le soupçonne, ces domaines de la fantaisie où sa muse hasardeuse se joue quelquefois avec bonheur, mais, comme l’a dit un grand poète, dont l’historien des Grotesques ne saurait récuser, l’autorité :
Le vers de M. Victor Hugo exprime merveilleusement ce que je veux dire ; le contact des faits, le voisinage de l’histoire, sont dangereux aux utopistes en littérature comme aux utopistes en politique. C’est un contrôle fatal, c’est surprendre les secrets de la vie dans la mort, in anima vili. Supposez quelque partisan du communisme faisant l’apologie des anabaptistes ; ce sera à peu près le pendant du néo-romantisme replaçant sur le piédestal l’école poétique du temps de Louis XIII. Provoquer de pareilles comparaisons est au moins imprudent : en montrant vos préférences dans le passé, vous attirez la lumière sur le présent. Étrange moyen de nous faire croire à vos victoires actuelles, et de nous étaler les défaites de ceux que vous proclamez (un peu à tort, il est vrai) vos précurseurs et vos aïeux directs ! Certes, il serait souverainement injuste de traiter M. Gautier sur le ton que M. Gautier lui-même n’hésite pas à prendre à l’égard de l’ignorant Boileau et du filandreux Malherbe ; mais cette indépendance absolue de jugemens, ces airs délibérés à l’égard de toute théorie reçue et de tout nom accrédité, semblent autoriser ici une liberté d’examen qu’on se croit d’autant plus permise, que les remarques s’adresseront bien moins au talent qu’au parti pris, bien moins aux dons de l’écrivain qu’à ses procédés.
Une des choses qui me frappe le plus dans l’histoire du romantisme (car le romantisme, hélas ! a déjà son histoire), c’est comment, tout en brisant en visière à la tradition, il a toujours senti le besoin impérieux d’un lien avec le passé, le désir de se rattacher à certains antécédens. La Muse est aristocratique, et on ne saurait dire d’elle le mot qu’elle dictait au poète :
Lorsque Dante, au milieu des ténèbres du moyen-âge, ouvre à l’art une nouvelle ère, il a bien soin de renouer la chaîne des temps ; il prend Virgile pour guide dans son pèlerinage infernal. En cela, le romantisme est resté fidèle au bon instinct poétique. Quand on entre sans engouement comme sans prévention dans notre histoire littéraire, telle qu’elle était avant la venue des Méditations de Lamartine et des Odes de Victor Hugo, on est aussitôt frappé d’une lacune que l’éclat de tant d’autres perfections ne fait que rendre plus manifeste. Cette lacune évidente, c’est la poésie lyrique ; les chœurs délicieux d’Esther ne suffisent pas seuls à constituer un genre. Je ne m’étonne donc pas qu’avec son goût d’innovation à tout prix, l’école romantique ait réussi d’une façon éclatante sur ce point, tandis qu’elle échouait ailleurs. Au théâtre, en effet, la place était prise ; il n’était guère facile de surpasser tant de maîtres glorieux. Et d’autre part, pour innover dans la prose, après tant d’immortels chef-d’œuvre, il fallait s’attaquer (la méthode est dangereuse) au fond même, et comme au tissu de l’idiome. De là tant d’essais monstrueux à la scène ; de là cette langue bariolée et métaphorique dont les termes font saillie sur l’idée et l’enveloppent si bien, que la forme prédomine sur le fond, et que le sentiment est moindre que l’expression. Dans la poésie lyrique, comme les antécédens manquaient, on n’eut pas besoin de tous ces vains efforts pour atteindre l’originalité : l’inspiration y suffit. J’avoue que, malgré mes réserves contre les imperfections des poètes et les excès de leurs imitateurs, ma vive sympathie suit sur ce terrain l’école romantique. Ici, je serais désolé de paraître suspect, même à M. Théophile Gautier ; mais, plus loin, mon bon sens fait le rétif, et je m’arrête sans passer le Rubicon. Voyons de la rive si César (plus d’un prétend à ce rôle) arrivera jusqu’à Rome sans coup férir, ou bien s’il se perdra dans les maremmes.
En 1828, M. Sainte-Beuve, dans un livre célèbre, rattachait le nouvel et brillant essor de la poésie lyrique aux tentatives souvent charmantes et si vite interceptées de la pléiade du XVIe siècle, cet hommage à des prédécesseurs trop oubliés était, même par le point où le rapprochement semblait moins exact, un instinct heureux de M. Sainte-Beuve et comme un symptôme de la séparation qui ne pouvait manquer de s’établir plus tard entre ce que j’appellerai les girondins de la première génération et les sans-culottes de la seconde, entre ceux qui ont posé hardiment des principes et ceux qui les ont poussés à bout, comme si la littérature procédait avec une logique absolue, comme si les matières de goût pouvaient jamais se passer des nuances et des tempéramens ! Pour la délicate ciselure du rhythme, pour les graces de l’image, pour les hardiesses lyriques de la diction, l’auteur de Joseph Delorme triomphait contre J.-B. Rousseau, en évoquant le souvenir de Baïf et de Desportes ; il avait raison. Mais une différence profonde, qui ne fut pas d’abord mise dans tout son jour, séparait pourtant l’école de la pléiade de la nouvelle école romantique : la pléiade a péri par l’idolâtrie de la tradition, le romantisme, au contraire, échoue par le dédain de la tradition. C’est que l’abîme est aux deux pôles. Si, dans la première vivacité des débuts, M. Sainte-Beuve n’était pas assez sévère peut-être pour ces reproducteurs gracieux et par trop païens des Grecs, qui n’avaient su innover que dans la forme et comme dans l’enveloppe poétique, il trouvait d’ailleurs, en cet excès même de la pléiade, un exemple de respect pour les modèles inspirateurs de l’antiquité, exemple excellent qui, corrigé par un esprit original, eût suffi à le tenir loin des excès qui ont suivi, quand même son sens délicat et sûr ne l’eût pas mis naturellement en défiance. C’est un refuge préservateur que la pratique de ces vieux maîtres qui étonnent toujours et ravissent par une perfection si accomplie et une simplicité si sobre ; on se retrempe merveilleusement à cette source, qui rend plus fort et qui laisse comme une odeur divine aux génies qui s’en empreignent. C’est ce parfum qu’on retrouve à toutes les pages de ces esprits créateurs : Dante, Molière, Milton. J’oserai dire que la culture sérieuse de la beauté antique (elle n’est guère arrivée à la jeune génération littéraire qu’à travers André Chénier) eût garanti de certains écarts et contenu plus d’une échappée malheureuse. Sans doute, au milieu de la petite recrudescence néo-romantique de ces derniers mois, quelques jeunes Sicambres du feuilleton se sont imaginé avoir découvert le théâtre grec ; on nous a même démontré le plus sérieusement du monde que les tragédies de Sophocle n’étaient pas des tragédies, et qu’on se trompait là-dessus depuis bientôt trois mille ans. L’auteur de l’Œdipe roi transformé en précurseur d’Hernani ! l’assertion restera comme un spécimen bouffon de cette outrecuidance littéraire qui versifie tant bien que mal la prose des traducteurs de collége, et fait des admirables canevas grecs de vrais revers de tapisserie. Vous figurez-vous Scarron rimant Virgile sur l’insipide version de Perrin ? Mieux vaut qu’il travestisse tout bonnement l’Énéide. C’est plus sincère ; je n’aime pas les déguisemens.
Scarron nous ramène à ces Grotesques de la première moitié du XVIIe siècle dont M. Gautier parle avec une prédilection qui se prend quelquefois à sourire d’elle-même mais qui au fond, est réelle, et par conséquent caractéristique. Il y a là, en effet, des analogies que je n’aurais osé indiquer, et qu’avoue sans vergogne l’admiration audacieuse, d’autres diraient effrontée, de l’auteur de Fortunio. De tous les noms assurément de la littérature française, il n’y en avait pas de plus universellement décriés que ceux de cette école bâtarde des contemporains de Richelieu, de cette cynique génération du Parnasse satirique qui ne sut garder de l’art capricieux des Valois que l’esprit de turbulence ; sans rien pressentir des grands et sévères desseins de l’art de Louis XIV, ce groupe bigarré des Cyrano, des Saint-Amant, et des Théophile peut se définir une sorte d’émeute de matamores contre Malherbe, une émeute dont Boileau réprimera bientôt les derniers fermens ; c’est une fronde, cette fois de bas étage, entre le Richelieu et le Louis XIV non pas de la poésie peut-être, mais certainement de prosodie. Sans doute les exécutions faites par Despréaux furent sans pitié, et quelques-uns des méchans auteurs qu’il fustigea si durement ne méritaient pas le ridicule immortel qu’impriment quelques vers bien frappés et sus de tous. On dirait ces squelettes de pendus que Louis XI laissait attachés aux potences pour faire peur à ses voisins de Plessis-lès-Tours. On doit cependant avoir un peu d’entrailles pour les vaincus, et, sans réhabiliter Cinq-Mars aux dépens du cardinal, il faut le savoir apprécier avec moins de rigueur que ne firent les juges impitoyables d’alors. J’ai souvent pensé qu’un travail étudié et sans passion sur cette période mal connue de transition littéraire pourrait devenir, en de bonnes mains, une œuvre piquante. Une critique équitable trouverait là l’occasion fréquente d’exercer sa justice distributive et de redresser quelques-unes des assertions dédaigneuses que se permet volontiers la morgue un peu impertinente des vainqueurs. En résumé, toutefois, il faudrait bien conclure que, si cette école de Louis XIII eût décidément triomphé, Jodelet demeurait possible, mais qu’Athtalie ne l’était pas. Peut-être est-ce là précisément ce qui vaut à Théophile et à Saint-Amant la reconnaissance des néo-romantiques. C’est un point que je ne m’aviserai point de contester. Voyons seulement en fait où cela menait.
Et d’abord, pour avoir le droit de donner tort aux vers ridicules et coriaces de Nicolas Boileau, il faudrait avoir le courage d’accepter tout entière l’école qu’il a détrônée, car vraiment il serait trop commode de puiser des objections dans un éclectisme arbitraire qui isolerait quelques talens de leur grossier entourage, et qui détacherait çà et là quelques fragmens heureux du maussade fatras où ils sont enfouis. Osez donc aller au bout ! Donnez raison au marinisme quintessencié des ruelles contre les disgraces discrètes de Mme de Sévigné, aux dix tomes de l’Astrée contre le petit volume de la Princesse de Clèves, à l’afféterie de Voiture contre la sobriété forte de La Bruyère, au style chamarré des gongoristes contre le tour naturel des écrivains de Louis XIV, aux tragi-comédies, enfin, contre ce méticuleux et froid Racine, qui, mutilant la nature humaine, abandonnait à Molière la peinture de l’autre moitié de la vie. Voilà où pousserait une franche logique. Certes Mme de Rambouillet avait autant d’esprit que Théophile de verve, et l’imagination ne faisait pas plus défaut à d’Urfé que l’humour à Saint-Amant ; je ne vois aucune raison de s’arrêter. Pourquoi dont M. Gautier, qui se moque lui-même sans trop de façon des Scudéry et des Colletet, lesquels furent des grotesques sans le vouloir, traite-t-il sérieusement de très grands poètes Théophile et Saint-Amant, lesquels furent des grotesques de parti prix ? N’y aurait-il pas dans une adhésion si complète quelque chose de ce que Bentham appelle l’intérêt bien entendu ? L’égoïsme littéraire est le plus raffiné de tous. Cette apologie ne serait-elle qu’un ouvrage avancé, une sorte de fort détaché qu’on voudrait construire dans les gorges de la vieille littérature pour couvrir des constructions modernes maintenant battues en brèche, et qui menacent ruine ? Voyons un peu.
La tentative, à vrai dire, n’est pas malhabile, seulement il faudrait qu’elle réussît. L’effort du romantisme a été double : il y a eu ce que j’appellerai l’innovation lyrique et l’innovation grotesque ; la première a réussi, la seconde a avorté. Tel est du moins l’avis de la critique, et c’est ici qu’elle se trouve en dissentiment complet avec les obstinés du temps de Cromwell comme avec les jeunes recrues qui, ressaisissant la tâche spirituellement délaissée par M. De Cassagnac lui-même, font du feuilleton une salle d’armes, et, la flamberge au poing, espadonnent avec plus de colère que jamais contre ce malheureux Racine, auquel les triomphes de Mlle Rachel valent de nouvelles avanies. Voilà des néo-révolutionnaires un peu moins redoutables que leurs prédécesseurs ; ce sont les tardives folies de Babeuf… après le 9 thermidor. Au fond, aucune idée neuve, aucune vue propre, aucune intervention originale ; c’est toujours la vieille théorie de la préface de Cromwell qu’on reprend, qu’on délaie, qu’on badigeonne d’images, qu’on noie dans les métaphores. Je ne crois pas être suspect de prévention contre le génie si admirablement doué de M. Victor Hugo ; c’est la sympathie qui doit faire le fond de toute critique généreuse, et il faudrait être dépourvu de l’amour du beau pour marchander chichement la sienne aux élans lyriques de celui qui a écrit la Prière pour tous et la Tristesse d’Olympio. M. Hugo est, avec M. de Lamartine, l’un des plus grands poètes, non pas seulement de notre temps et de la langue française, mais de la moderne Europe. Cela dit, j’aurai bien le droit de faire mes réserves et d’exprimer toute ma pensée. Il est bien entendu que je mets à part la poésie lyrique.
Si quelque chose caractérise de notre temps, c’est assurément le retour vers les cimes du spiritualisme. Le XVIIIe siècle, qui a fait de si grandes choses et qui gardera l’éternelle reconnaissance de tous ceux qui ont le culte de la liberté, le XVIIIe siècle s’était enfermé dans la sphère inférieure du phénomène et de la contingence ; sous les liens de ce sensuel empirisme, il n’avait pu s’élever vers les sereines régions atteintes par Descartes et par Pascal. C’est là sa tache au milieu de tant d’éclat, ce sera sa honte dans l’avenir et comme le rachat de sa gloire. Le retour si décidé de ces dernières années vers les incomparables monumens du XVIIe siècle, le dégoût croissant au contraire pour tous les écrits frelatés et surfaits du mauvais romantisme, ce double mouvement, en un mot, n’a pas coïncidé pour rien avec les récentes conquêtes de la doctrine spiritualiste. Je suis convaincu, pour ma part, qu’en pratiquant au théâtre et dans le style sa théorie matérialiste du grotesque, de la métaphore à tout prix et de la couleur exclusivement locale, l’école moderne s’est mise en contradiction avec ce goût de l’idéal apporté par une philosophie nouvelle, et si bien servi d’ailleurs par les poètes eux-mêmes dans ce grand mouvement lyrique qui s’est ouvert par les Méditations, et qui s’est continué par les Feuilles d’Automne et Jocelyn. Ce qui, dans notre conviction, a le plus nui au maître, ce qui a perverti à l’entour une foule de jeunes talens, c’est la mise en pratique de la trop célèbre poétique de la préface de Cromwell. Certainement, M. Victor Hugo, avec sa prose éloquente, vigoureuse, mais trop tatouée et blasonnée d’images, avait écrit là des pages où se retrouve quelquefois la couleur effrénée de Rubens. Par malheur, ces belles théories nous ont valu la littérature débraillée dont tout le monde est las ; elles ont fait de l’art une sorte de mascarade à paillettes et à oripeaux écarlates, comme au temps de ces grotesques de Louis XIII que M. Gautier nous vante aujourd’hui, dans un moment de bonne humeur rétrospective.
C’était la théorie du grotesque aussi qui était le côté le plus saillant de la préface de Cromwell. Quelle était, à dire le vrai, l’origine psychologique de cette idée qui s’est systématiquement reproduite dans presque toutes les œuvres de M. Victor Hugo, et qui a contribué plus que tout le reste à gâter les essais de ses disciples ? Si on décompose le précepte si solennellement énoncé, on arrivera vite à le rapporter à deux penchans, tout-à-fait natifs chez M. Victor Hugo, à son goût extrême de la réalité matérielle, et à sa passion si marquée pour l’antithèse. Qu’est-ce, en effet, que le grotesque ainsi entendu ? D’un côté, la reproduction littérale dans l’art des défauts de la nature : voilà bien le goût de la réalité, de l’autre, l’opposition cherchée de ce qui est mal et de ce qui est bien, de ce qui est beau et de ce qui est laid : voilà bien la passion de l’antithèse. Appliquez cela à la création des types littéraires, vous aurez Han d’Islande, Quasimodo, Bug-Jargal, tous ces personnages monstrueux, rachitiques, bossus, contournés, repoussans, toute cette famille que le poète a cru faire vivre, et qui n’est au fond, que le même être impossible toujours reproduit, toujours essayé en vain. Dans Shakspeare, l’admirable Falstaff n’est pas la doublure de Caliban, comme Triboulet est celle de l’Angely : tous deux vivent, au contraire ; on les connaît, on les voit, on les entend, on rit d’eux. Les grotesques de M. Victor Hugo n’ont rien de cette aisance que donne la vraie vie de l’art : ils amènent le sourire sur les lèvres, mais ce n’est pas celui de la gaieté ; c’est le triste sourire du critique qui aperçoit la ficelle du mannequin Malgré quelques mots assez pantagruéliques et goguenards de son César de Bazan, on peut dire que M. Victor Hugo n’a en aucune façon ce don du génie comique qui nous intéresse aux drôleries de Panurge, à l’optimisme bouffon de Pangloss, à l’étincelante ironie de Figaro. Sans nul doute, de pareilles créations sont naturelles à l’esprit français, et ce n’est pas dans le pays des trouvères, de Patelin et de la Satire ménippée, que la veine comique pourrait se tarir ; mais M. Victor Hugo est de la lignée de Pindare et de Byron : il n’est pas de celle d’Aristophane et de Molière. Ses Grotesques me font toujours l’effet de quelque silhouette mal venue de Callot qu’on collerait, sans plus de façon, au beau milieu d’une toile de Rembrandt. Rien de plus alambiqué et de plus faux que ce comique d’antithèse, que cette contre-partie de la beauté morale toujours montrée dans la laideur matérielle, que cette opposition factice et toujours faite homme des élémens contraires de notre nature. C’est en grand le procédé des macaronées.
Tout cela, d’ailleurs, n’est pas aussi neuf qu’on le voudrait faire croire, et de pareilles peintures n’ont pas été le moins du monde étrangères à l’antiquité. On a encore un petit drame grotesque d’Euripide, et il me semble qu’en fait de fantaisie, les nuages parlans et les grenouilles railleuses d’Aristophane ne laissent pas plus à désirer que les matamores poltrons ou les parasites borgnes et ventrus de la scène latine. L’histoire est donc là pour démentir ces assertions pompeuses et frivoles. Voici même Pline qui vous renvoie à cet artiste grec, à ce peintre de chiffonniers[2], dont les ouvrages étaient d’un prix exorbitant. Par le temps qui court, ce dernier détail ne gâte rien, et il absoudra quelque peu, je l’espère, aux yeux des modernes grotesques la prétendue pruderie des anciens. Rien n’est moins vrai, au surplus, que de faire coïncider l’intervention de l’élément grotesque dans l’art avec le christianisme ; l’art chrétien, au contraire, garda cela des païens comme un élément d’opposition contre son propre idéalisme, comme une protestation persistante de la chair contre l’esprit. Ces figurines bizarres qui grimacent sous les porches des églises, la fête de l’âne, la danse macabre, toutes les folles et cyniques gausseries du moyen-âge ne sont pas autre chose.
Appliquée non plus au drame lui-même, c’est-à-dire à l’invention des personnages, mais au détail du style, au procédé, au faire de l’écrivain, je ne saurais croire que cette doctrine de M. Victor Hugo soit meilleure. Elle a produit des effets déplorables. On a eu l’orgie des mots après l’orgie des idées, et le mot, une fois maître, a voulu tenir le sceptre. Voilà comment l’idée a été oubliée pour l’expression, qui bientôt l’a surchargée et écrasée. Dans cet enivrement de la forme, dans ce magnétisme fascinateur du langage, l’art de la plume est devenu un art d’atelier. On a écrit comme on peint, avec la couleur. Beaucoup de verve sans doute et de talent a été dépensé dans ces arabesques multipliées de la métaphore, dans ces bigarrures diaprées de la période, dans cette prodigalité d’images enluminées, dans cette complication toute byzantine de ciselures. Toutefois un sensualisme si raffiné du style peut-il, je le demande, être accepté comme méthode ? M. Victor Hugo, par la fougue de sa pensée, brise souvent ses liens ; mais la ressource du génie n’est pas celle de tout le monde. Aussi, à côté de cette muse qui sait, à l’occasion, rejeter sa lourde tunique pour prendre son essor dans le bleu de l’espace, la muse moins robuste des imitateurs s’est trouvée comme empêchée sous ce surcroît de pierreries et de bandelettes.
De tous les jeunes écrivains sur lesquels le joug de ces idées systématiques a laissé sa fatale empreinte, M. Théophile Gautier était peut-être celui qui avait les dons les plus heureux. Ce qui a égaré M. Gautier, ç’a été à la fois la passion de l’indépendance et le manque d’indépendance : je ne joue pas sur les mots. L’auteur des Grotesques a reçu sans contrôle, a accepté sans restriction les préceptes de la préface de Cromwell ; puis, la voie du maître un fois adoptée, il a pris sa revanche et s’est permis (dans ce sens) les plus fantasques équipées. C’était se venger par toutes sortes de licences envers le public de la dictature subie. Un académicien dont les romantiques eux-mêmes ne nient pas la malice appelait cela assez joliment une orgie dans une prison. Il y a, je veux le dire tout de suite, peu de plumes plus spirituelles et plus éveillées que celle de M. Théophile Gautier. Avec lui, il faut s’attendre à mille témérités et à mille boutades, aux plus cyclopéennes énormités comme aux mignardises les plus raffinées. Ne diriez-vous pas les bergères attiffées de Boucher, assises, avec leur minois rose et leur nez retroussé, au beau milieu du monstrueux festin de Balthazar peint par la brosse titanesque de Martin ? Mais prenez garde, voilà les phrases de l’auteur de Fortunio qui défilent avec leurs bannières bariolées, comme celles d’un clan écossais ou d’une procession espagnole. C’est un vrai carnaval de Venise : il y a des empereurs chamarrés de pourpre et des lazzaroni déguenillés, plus fiers encore que les empereurs. Surtout, si vous portez par hasard cette perruque de Louis XIV qu’on avait autrefois le mauvais goût d’appeler le bon goût, fuyez bien vite ou vous serez berné. C’est pour cela qu’accourt à vous ce polichinelle couvert de diamans et de topazes, suivi d’un arlequin damasquiné de toutes les pierreries des Mille et Une Nuits. Ils vont vous enfariner de sable d’or ou vous donner des nazardes avec une batte de nacre incrustée. Je me risquerai en simple observateur dans la mêlée, sauf à recevoir quelque bon horion ou même à dérider tout bonnement, comme un classique en culotte courte et à queue poudrée, le très spirituel capitan de la littérature grotesque et les jeunes matamores de l’art pour l’art qui croient marcher à sa suite en jouant de la rapière contre le bon sens et contre la langue dans certains recoins du feuilleton et des petites revues.
Le grotesque est un élément indispensable, c’est la moitié de l’art ; voilà le plus clair de l’esthétique de M. Gautier. Par malheur, cette grande part faite à un élément si secondaire procède bien moins encore d’une théorie outrée ou fausse que de cette prédilection pour les splendeurs de la réalité matérielle comme pour les nudités de la laideur physique, qui tenait déjà tant de place chez M. Victor Hugo, mais qui ici a pénétré, envahi, d’autres diraient recouvert le talent tout entier. Il y a là, qui le nierait ? un vif et fougueux sentiment de certaines beautés, surtout de la beauté sensuelle. Quand il s’agit, par exemple, de peindre les grains d’une peau délicate que trahit l’échancrure de la robe, cette plume insiste voluptueusement et se joue sur les contours avec toute sorte de gentillesses. Personne peut-être n’a su prodiguer à ce degré le luxe des variantes pittoresques, pour décrire des tresses de cheveux enroulés, une prunelle noyée et éperdue, les chairs mattes d’une épaule découverte, la danse penchée d’une bayadère demi-nue, toutes les pompes orientales des mosquées ou des pagodes, toutes les clochettes ciselées d’un belvédère chinois, tous les mille bras entrelacés d’une idole indienne. Quelquefois ce sont des phrases d’un travail merveilleux, des périodes ouvrées comme une ogive, des métaphores à jour comme une flèche de cathédrale, partout des délicatesses de style infinies, ou, pour parler encore avec le poète des Fantômes :
Je crois retrouver ce vent tissé, ventum textilem, dont Apulée parle quelque part avec sa grace maniérée. Le vocabulaire est pour M. Th. Gautier un véritable sérail où il commande en maître. Par malheur, cet amour aveugle et véhément de la forme fait rejeter l’idée sur le second plan ; le sentiment n’est plus qu’un vassal de cette langue opulente et expressive qui s’enivre d’elle-même et se contemple comme Narcisse. C’est ainsi que peu à peu l’homme disparaît sous l’artiste.
L’alliance mystérieuse de l’esprit et du corps chez l’homme a littéralement son analogue dans les rapports de la pensée, et du langage. Chez M. Gautier, c’est le langage qui a le pas : il est vrai qu’ici ce tyran plein de magnificence ne se sert que de liens d’or et de chaînes éclatantes. Cette domination de l’image, cette suprématie de l’expression ont bien leur inconvénient sensible quand il s’agit de la beauté ; mais du moins la beauté donne à ces peintures je ne sais quel reflet idéal qui fait illusion. Dans les sujets grotesques, il n’y a plus ce correctif, et le défaut alors apparaît avec toute sa saillie. Est-il en effet question de magots, de guivres, de gargouilles ou de djinns, de quelque nain hideux accroupi dans un angle humide, de quelque bossu à la grimace informe, M. Gautier se montre reproducteur si complaisant et si exact, qu’on est tenté de trouver trop de ressemblance entre le portrait et le modèle. C’est l’extrême excès de la couleur locale. Non pas que je veuille contester le moins du monde à l’auteur de Fortunio le tour comique ; ou plutôt ce qu’il appellerait lui-même, avec son style sans gêne, l’humeur hilariante et jubilatoire. M. Gautier a quelquefois des pages tout-à-fait récréatives et gaillardes. Personne n’établit mieux sur ses jambes un capitaine Fracasse, avec ses airs éventés, son espadon colossal et ses moustaches extravagantes ; personne ne retrace plus au vif quelque pauvre diable de poète juché fièrement dans une mansarde et faisant de sa bouteille un chandelier, de sa rapière une broche, de son drap une nappe. Ce sont là des goguettes de style que je n’aurai pas la pruderie de blâmer : je ne suis pas du tout de l’avis de Boileau sur le sac de Scapin. Seulement c’est le goût (veillard stupide, comme dans Hernani !) que M. Gautier a mis à la place du père Géronte et qu’il fustige d’importance. La question est de savoir si le bonhomme, se doutant du tour, finira par se fâcher. Sans doute, si ces joyeusetés ne prétendaient pas à autre chose qu’à être des charges spirituelles et des caricatures amusantes, il n’y aurait pas le plus petit mot à dire, mais c’est autre chose, c’est l’application d’une théorie, c’est le burlesque mis à côté du sublime, c’est Quasimodo enfin aux pieds de la Esmeralda. Je préfère le comique franc et sans grimace de Sganarelle et de Turcaret ; c’est un faible.
Tout à l’heure, les mots de palette et de pinceau revenaient malgré moi sous ma plume : c’est que le style de l’écrivain chez M. Gautier a tant d’analogie avec le style des peintres, qu’on ne saurait le caractériser qu’en l’imitant et en accumulant aussi les tons tranchés et voyans. Il faut se décider à écrire avec l’ocre et l’outre-mer. On dit que la jeunesse de M. Gautier s’est passée dans un atelier : cela m’explique sa manière. Ce n’est pas que le rapin d’autrefois, pour employer un mot familier et cher à M. Gautier, ne soit devenu un vrai poète ; mais enfin le poète a gardé de ce temps-là plus d’habitudes et de souvenirs que je n’eusse voulu. On le surprend presque toujours à écrire sur un chevalet. Je conviens qu’il y avait là un rôle à prendre. Après le faux genre descriptif de la poésie impériale, on concevait effectivement un retour vers la franchise du dessin et la vivacité des touches. Dès l’origine, M. Gautier semblait avoir tout ce qu’il fallait pour cette tâche, c’est-à-dire un sentiment profond des éternels spectacles de la nature, et aussi cette mélancolie qu’amène le contraste de l’ironique permanence des choses et de la fugitive mobilité de nos impressions. La place n’était pas à dédaigner, et, pour la prendre, il suffisait de substituer à la misérable versification de Saint-Lambert et d’Esménard quelques-uns de ces accens que Goethe avait su dérober à Lucrèce. Le désir de l’innovation, toujours louable en soi, mais un peu exagéré chez M. Gautier, qui se permet tout pour l’atteindre, eût été ainsi satisfait dans une juste mesure. Par malheur, la mesure est précisément ce qui manque au plus grand nombre des écrivains d’à présent. A-t-on un don, on en abuse ; a-t-on une faculté, on en fait un défaut en l’exagérant. Horace a raison cette fois : Pictura, poesis, ce sont ici de véritables synonymes. Le voisinage de la brosse et de la toile n’a que trop encouragé M. Gautier dans son goût exclusif pour la forme, dans son penchant à l’épicuréisme, tranchons le mot, au matérialisme littéraire. Sans doute, ce matérialisme est avenant, je lui trouve des graces ravissantes, des poses du plus bel air ; ses héros ont une encolure superbe, des muscles irréprochables, de splendides draperies ; rien aussi n’est plus suave que le profil des femmes qu’il évoque ; rien n’est plus provoquant que leurs airs penchés, leur taille fuyante, le duvet qui ombre leur cou sinueux. L’ame seule a été oubliée. C’est pour cela que les personnages des romans de M. Gautier vivent par les sens, et ne vivent pas par le cœur. Les chatoiemens sans fin du style (que l’auteur ne manquerait pas de nommer un style zébré et tigré) peuvent éblouir l’œil un instant ; mais on s’aperçoit vite qu’au fond la vie véritable, la vie que donne l’art, n’est pas dans ces singularités, dans ces raffinemens tourmentés de la diction. Aux grandes époques, les maîtres se contentent de reproduire en une langue sobre et forte les passions ordinaires de notre nature, l’amour dans le sein d’une fille, la foi dans l’ame d’une épouse, le dévouement dans le cœur d’une mère, Chimène, Pauline, Andromaque. C’est l’immortelle alliance des sentimens vrais et du style simple, laquelle fait les chefs-d’œuvre. À l’heure qu’il est, au contraire, on peut distinguer deux écoles également fausses, l’une (celle de M. Sue et de M. Soulié) qui invente des sentimens et ne se préoccupe plus du style ; l’autre (celle des adeptes les plus avancés de M. Victor Hugo) qui invente un style et ne se préoccupe plus des sentimens. Il y a beaucoup plus d’esprit dans la seconde que dans la première ; est-ce une raison pour qu’elle dure davantage ?
Il faut passer beaucoup de choses aux poètes, et cet aimable démon que Platon leur donne pour confident autorise de leur part bien des libertés ; c’est pour cela que les allures excentriques de M. Théophile Gautier choquent moins dans ses vers que dans sa prose. Laissons donc l’hippogriphe qui a remplacé Pégase se permettre les ruades les plus aventureuses, les zigzags les plus fantasques. Que la muse de la Comédie de la Mort dorme à plaisir sur l’édredon de la rime, ou qu’elle se prélasse dans un palanquin doré en se servant des métaphores comme d’éventails, on en sourira peut-être, mais sans trop se plaindre ; les poètes sont rois, et ils aiment à se permettre toutes les fantaisies impériales. M. Gautier peut avoir le caprice de jeter ses idées en proie à l’insatiable image, comme le Romain précipitait ses esclaves dans les viviers pour servir de pâture aux murènes : je m’amuserai à le contempler et je dirai seulement qu’il est dommage de gaspiller à plaisir un talent si vivace et si brillant. Du reste, bien des strophes vraiment belles et dictées par cette fée ineffable de l’art, qui a souvent murmuré à l’oreille de M. Gautier, se détachent çà et là dans la Comédie de la Mort. La facture alors est souple et stricte, le tour heureux, l’image éclatante : on s’oublie avec charme à suivre du regard ces méandres capricieux de la poésie mais bientôt quelque bizarrerie voulue, quelque boutade paradoxale, quelque expression hérétoclite, viennent couper court à la séduction, et vous rappeler du charmant pays des chimères au triste métier d’éplucheur de mots. Le détestable et l’exquis s’entremêlent sans cesse ; on ne saurait dire lequel domine, ou plutôt on le devine trop.
Puisque M. Gautier a fait de l’exception son rôle et presque sa carrière, je m’empresserai de convenir que, comme ses qualités, ses défauts aussi me paraissent rares et originaux. Le premier venu ne les attraperait pas. Dans la prose pourtant, ce genre intempérant et expressif me semble accessible, par le pastiche, à des plumes bien moins consommées que celle de M. Gautier. Par exemple, l’amusante mascarade de son feuilleton hebdomadaire serait peut-être possible à d’autres, et qui sait si le public ne s’y méprendrait pas ? Voilà l’inconvénient d’avoir une manière, un parti pris, et des habitudes invétérées dans le style. C’est un pli qui ne vous quitte plus et comme une senteur qui vous trahit tout d’abord. Ajoutez qu’une certaine uniformité se glisse ainsi à la longue, et que la nécessité oblige, pour varier et se rajeunir, d’exagérer encore le procédé dont on est l’esclave. Habitué au gros trait, on perd le tact, et le crayon appuie encore davantage. Il ne faudrait pas cependant exagérer ici un reproche qui s’applique bien plutôt au style de l’écrivain qu’aux conceptions du romancier. Si délurées, en effet, que puissent paraître aux lecteurs timides les dernières compositions de M. Gautier, nous le féliciterons sincèrement d’être revenu, dans ces derniers temps, à des œuvres d’une morale moins risquée et moins ouvertement païenne. Sans doute, l’auteur de Fortunio aurait bien à faire encore pour voir ses volumes donnés en prix dans les pensionnats de jeunes personnes ; mais c’est là un succès auquel il ne vise pas, je pense, et qu’il abandonne très volontiers aux lauréats de l’Académie. Si le romantisme a eu sa constituante et sa convention, comme on le disait hier[3] en termes très spirituels et à l’occasion même du livre des Grotesques, on peut ajouter qu’il a eu aussi son directoire. Les Jeune-France et Mademoiselle de Maupin qui furent le début, un peu scandaleux, de M. Théophile Gautier, marquent la nuance la plus osée de ce retour heureusement momentané de la nouvelle école au genre déchu des Laclos et des Crébillon. Je doute même que l’auteur des Liaisons, dont la plume ne passe cependant pas pour prude, eût risqué une donnée aussi repoussante que celle de Mademoiselle de Maupin. Tout ce qu’on a le droit d’en dire, c’est que le livre eût pu sans inconvénient être dédié à la mémoire de Sapho, avec le mot trop connu d’Horace. Dans ses romans postérieurs, M. Théophile Gautier n’a pas eu une aisance plus pimpante et une verve plus drolatique, il n’a pas trouvé plus de montant et de couleur, il n’a pas jeté au vent plus d’humour et déployé un plus fabuleux mauvais goût ; mais au moins sa mise à présent se range, et n’est plus tout-à-fait sœur de celle de ces libertins de Louis XIII, qu’il vient, en jovial complice, proposer aujourd’hui à notre sympathique admiration. Dans Fortunio et dans une Larme du Diable se rencontrent çà et là des pages heureuses où l’esprit pétille, ou le poète l’emporte sur le peintre, et où la rêverie ne disparaît plus sous un surcroît d’enluminures. Malheureusement l’ensemble est sacrifié au luxe et à la profusion des détails. Chaque idée de M. Gautier me fait l’effet de ce qu’on appelait une lance dans les armées du XVIe siècle ; c’était un simple chevalier suivi de nombreux varlets caparaçonnés qui portaient chacun leur part de l’armure du maître. Cela faisait bel effet aux revues, et n’était qu’une gêne dans la mêlée. Le lecteur aussi s’enchevêtre dans cette synonymie d’images, dans ces groupes sans fin de métaphores. Ajoutez que l’œil ébloui par ce scintillement de facettes, par toutes ces broderies historiées, cherche en vain à se reposer sur des sentimens vrais, sur quelque émotion venue du cœur. Malheureusement les personnages du poète sont des personnages d’atelier ; la Nyssia de son Roi Candaule n’est pas plus une femme que la Musidora de son Fortunio : ce sont les créations chimériques et flottantes d’un rêve d’opium.
a écrit Lamartine de Napoléon. On en pourrait dire autant de presque toutes les héroïnes de M. Gautier ; l’épaisse armure ici, c’est le corps voluptueusement décrit qu’il leur prête, ce sont les riches draperies dont il les couvre ; l’ame est comme noyée sous la chair. À un endroit de ses Lettres Parisiennes, Mme de Girardin parle de ces mouchoirs si jolis qu’au moment de pleurer, on se console en les regardant ; il en est de même des femmes de M. Gautier : je m’oublie à considérer combien elles sont belles, et leur taille m’empêche de penser à leur cœur. Aussi trouvé-je que la fantaisie descriptive de M. Gautier est bien plus à l’aise et bien mieux appropriée à son vrai cadre dans les récits de voyage, où son imagination est un peu contenue par ses souvenirs. Son excursion en Espagne, publiée sous le titre un peu baroque de Tra los Montes, peut être citée comme un cavalier et piquant exemple de ce genre leste et aimable. L’abus des couleurs tranchées y est encore très sensible, mais ici au moins il sert à l’exactitude pittoresque du paysage. Si l’insurmontable goût de M. Gautier pour les trivialités brutales et les plus impossibles chimères arrêtent encore çà et là et choquent les timorés, tant de vie et de bonne humeur courent à travers ces pages fringantes, qu’on est bien vite désarmé. Il y a dans tout ce style une certaine saveur de Panurge, et Panurge (La Bruyère en convient) a toujours eu le don de dérider même les dégoûtés et les délicats. Ce filon de Rabelais, qu’on retrouve souvent chez M. Gautier, est un don heureux et rare.
L’imagination du romancier et du touriste peut tout se permettre ; mais il semble que l’histoire littéraire et la critique voudraient au moins quelque exactitude et quelque vérité de couleur. Vous vous doutez trop que le poète a laissé dédaigneusement ces babioles aux pauvres diables d’érudits. Au surplus, nous ne le chicanerons pas de ce côté[4]. Si cette simple remarque : que la fantaisie serait mieux placée dans un roman que dans une notice est mise hors de litige, la critique se tiendra pour satisfaite. On me permettra d’être très court sur les deux volumes des Grotesques ; j’en ai déjà trop dit en caractérisant le genre lui-même.
C’est à l’époque dite de Louis XIII que se rapportent la plupart des portraits ou plutôt des spirituelles charges littéraires recueillies aujourd’hui par M. Gautier. Comme M. Gautier admire beaucoup notre littérature contemporaine, et comme il trouve certains rapports entre la poésie d’à présent et la vieille poésie des Cyrano et des Saint-Amant, sa bienveillance n’hésite pas à se déclarer ouvertement, et il amnistie de tout son cœur les précurseurs oubliés. Hélas ! Cette fraternité et ces analogies sont trop vraies, plus vraies que ne se l’imagine M. Gautier lui-même. Sans y mettre de malveillance ou de malice, on pourrait pousser le parallèle fort loin : ainsi la tragi-comédie était absolument le drame romantique mêlé de grotesque et de sublime[5], et, pour passer aux noms propres, Varillas n’avait pas moins de fécondité que M. Capefigue, l’évêque Camus n’était pas un romancier moins édifiant que M. Veuillot. Je compte précisément autant de volumes dans la Clélie qu’il y en aura dans le Juif Errant. L’opinion même de donner le pas à Scarron sur Boileau n’est pas si neuve qu’on voudrait le faire croire[6]. Il serait puéril de prolonger ces rapprochemens et de les préciser dans leurs nuances. Il y aurait trop à faire. Mais qu’on me laisse encore tirer quelques lumières de deux livres tout-à-fait oubliés d’un auteur qu’on ne cite jamais, et que n’a probablement pas lu M. Gautier : je veux parler de Gombauld, ce vieux poète qui vécut près de cent ans, et qui, presque contemporain de la pléiade, s’attarda très avant dans le siècle de Louis XIV. C’était un écrivain assez agréable, mais trop infecté des fadeurs de l’hôtel Rambouillet : comme Boileau l’a maltraité, Gombauld se trouve tout recommandé à l’historien des Grotesques. Profitons de l’autorité.
Je furetais donc l’autre jour dans les Épigrammes et dans les Lettres de Gombauld : le moindre rayon sur le passé fait revivre aussitôt des milliers d’atomes. Ce monde littéraire de Louis XIII, tel que le judicieux Gombauld l’a peint, offre vraiment mille similitudes singulières avec ce qui se passe sous nos yeux. Et d’abord c’était la même abondance confuse d’auteurs sans vocation :
Chacun s’en veut mêler, et pour moi je m’étonne
De voir tant d’écrivains et si peu de lecteurs.
Il y avait aussi des excentriques, auxquels il fallait bien à la longue s’habituer. « Nous sommes continuellement exposés aux vaines illusions et aux raisons extravagantes de certains esprits fertiles en chimères, que la seule coutume nous rend supportables, et nous imitons en cela ces peuples qui demeurent auprès des cataractes du Nil et qui deviennent insensibles au bruit dont les étrangers seraient étourdis en un moment[7]. » Voilà bien l’effet assourdissant que produit, à la première audition, notre bruyante littérature. Ailleurs Gombauld est plus vif encore et touche à la crudité :
Il n’est que de vivre à la mode.
Je vous en dirai la méthode :
Soyez toujours bien habillé,
Mais soyez toujours débraillé.
Courbez-vous et portez l’image
D’un infame libertinage.
Faites gloire d’être ignorant,
Ne parlez jamais qu’en jurant.
Que votre brutale arrogance
Choque partout la complaisance ;
En méprisant jusqu’à l’honneur,
Faites le maraud en seigneur.
Voilà une recette excellente. Cette peinture des libertins de Louis XIII ne s’applique-t-elle pas merveilleusement à la muse à la fois bien habillée et débraillée d’aujourd’hui, à tous ces dévergondages insolens de la plume, à toute cette littérature industrielle qui cache ses allures de sacripant sous l’aristocratie des dehors ? Hélas on avait déjà tout inventé dans ce temps-là, et le lecteur d’alors avait commencé son rôle de dupe. On le faisait même, tout comme en 1844, croire à des réimpressions imaginaires. Lisez plutôt ce dialogue piquant que je rencontre dans le Carpenteriana :
Pour en faire six éditions consécutives, il n’y a qu’à changer le premier feuillet.
Ah ! Ah ! monsieur, vous savez tous nos secrets.
Oui je sais tous les secrets dont les auteurs se servent pour établir leur réputation. J’ai bu autrefois à l’auberge avec un auteur qui avait été grand ami de Théophile, et qui m’a appris bien d’autres tours.
En somme, on le voit, c’est une époque d’anarchie et de corruption, où le goût était aussi aventureux que les évènemens. Il fallait bien à la fin que le calme rentrât dans les intelligences troublées comme dans la société turbulente. Richelieu, Descartes, Boileau, se correspondent à merveille : leur tâche, il est vrai, est constituante et non révolutionnaire ; mais cette gloire ne vaut-elle pas l’autre ? Avec eux, la politique émeutière de la ligue, le scepticisme ivre du XVIe siècle, l’art aussi irrégulier qu’impuissant des successeurs rebelles de Malherbe[8], s’ordonnent et préparent cette magnifique unité du règne de Louis XIV, qui offrit au monde le plus majestueux spectacle. Les irrévérentes ironies de M. Gautier contre Despréaux peuvent être spirituelles ; elles ne changeront rien aux choses. C’est là de l’histoire.
Un délicieux et paradoxal morceau de Charles Nodier sur Cyrano[9] (que M. Gautier ne paraît pas avoir connu, mais que nous n’avons pas oublié), une judicieuse et fine notice de M. Bazin sur Théophile de Viau, plusieurs articles très brillans et étudiés de M. Philarète Chasles, dont les lecteurs de la Revue se souviennent, nous avaient mis en goût de cette période Louis XIII, sur laquelle l’auteur des Grotesques revient aujourd’hui avec toute sorte de brusqueries inattendues et divertissantes. On n’a pas besoin, il est vrai, de se faire cercler les côtés à force de rire, comme l’auteur le propose ; mais l’hilarité, je n’en disconviens pas, est franchement provoquée à plus d’un endroit. M. Gautier, par exemple, est impayable quand il montre le poète crotté dont les semelles usées pétrissent la boue à crû, quand il peint le pédant avec sa soutane moirée de graisse et ses grègues faites d’une thèse de Sorbonne. Scudéry sur les échasses de son style, l’ancillaire Colletet aux genoux de sa Claudine, Chapelain avec ses rimes criardes, Saint-Amant charbonnant les cabarets de vers admirables, le rodomont Cyrano dans ses duels avec la raison, frétillent et chatouillent sous le pinceau jovial du plaisant critique. M. Gautier excelle dans ce genre à demi bouffon, et sa verve est si gaie qu’on lui pardonne de descendre à chaque instant sur le pré pour donner des taillades aux idées reçues. J’aurais bien eu envie de taquiner un peu l’historien si approprié des Grotesques sur son admiration sans bornes pour Viau, que ses citations ne justifient guère ; mais, que voulez-vous ? on lit dans la notice de ce poète mal famé ces propres mots : « Tout le mal que l’on disait de Théophile me semblait adressé à Théophile Gautier. » Que dire à cela, sinon qu’on pense infiniment plus de bien de M. Gautier que de son homonyme d’il y a deux siècles ? Dans son enthousiasme, l’auteur des Grotesques va jusqu’à faire de la Corinne de Théophile une sœur d’Elvire. Si c’est un compliment adressé à M. de Lamartine, je doute qu’il charme l’illustre poète.
Au fond, M. Gautier n’a qu’une foi très factice dans l’école excentrique à laquelle il semble avoir voué jusqu’ici un esprit et un talent faits pour de meilleures causes. À un endroit même, il lui échappe de dire : « Hélas ! quel est celui de nous qui peut se flatter qu’une bouche prononce son nom dans cent ans d’ici, ne fût-ce que pour s’en moquer ? Les plus grands génies de maintenant n’oseraient l’espérer. » Un pareil aveu trahit le découragement. Est-ce que Boileau, par hasard, aurait raison contre Théophile ? Mais je n’hésite pas à dire que M. Gautier calomnie la littérature contemporaine et se calomnie lui-même en désespérant à ce degré de l’avenir. Vous plaignez le sort des écrivains de Louis XIII, vous regrettez la venue d’un régulateur aussi sévère que Despréaux ; pourquoi alors faire comme ces vaincus et les reproduire ? Des moyens semblables amènent en général une fin pareille. C’est la loi de l’histoire.
Soyez sûr qu’on goûte votre talent, qu’on apprécie votre plume effilée et savante. Vous êtes même aimé… comme l’enfant prodigue ; mais pourquoi ne pas croire à vous-même et ne pas vous prendre au sérieux ? Pourquoi vous complaire toujours à des pochades, quand vous pourriez faire des tableaux ? Jusqu’à présent, l’imagination a tenu chez vous le dé en souveraine, et a fait de la raison son esclave. Tout votre secret, ou plutôt toute votre erreur, c’est de toujours faire passer le mot qui peint avant le mot qui fait sentir. Est-ce là, je le demande, le procédé des grands écrivains ? La forme ne peut pas être indépendante du sentiment ; le sentiment, au contraire, dès qu’il est grand, emporte avec lui son expression, et est, pour ainsi parler, sa forme à lui-même. Tel humble mot du cœur, telle situation simple et immortelle, Werther contemplant Charlotte, Virginie serrant la main de Paul, valent mieux, selon nous, que tout le glossaire métaphorique de l’école pittoresque. Qu’on y songe, ni l’inspiration ni le style n’ont manqué à notre temps ; ce qui a fait défaut, c’est tout simplement le bon sens et le naturel, lesquels ne font pas les grandes littératures, mais peuvent seuls les consacrer. M. Gautier est jeune ; il est encore temps pour lui de se soustraire aux enchantemens de la sirène. Son talent original et plein de sève se régénérerait par des doctrines plus saines, par une pratique assidue et sérieuse. Dès-lors, nous le croyons, une place tout-à-fait brillante et peut-être durable lui serait réservée dans la littérature d’aujourd’hui. Nous espérons que M. Gautier verra là de notre part un vœu plutôt encore qu’un conseil ; il nous répugnerait trop de penser que dans cette histoire rétrospective des grotesques oubliés le spirituel écrivain n’aurait réussi qu’à être un prophète.
- ↑ Deux vol. in-8o, chez Desessart, rue des Beaux-Arts, 8.
- ↑ C’est ainsi que traduit Wieland, et il traduit bien. Voyez, dans ses Mélanges le court et judicieux morceau sur la teinture grotesque chez les Grecs.
- ↑ Revue de Paris du 31 octobre. — Article de M. Sainte-Beuve.
- ↑ Il y aurait quelque pédanterie à relever exactement toutes les légèretés, toutes les étourderies du spirituel auteur des Grotesques. M. Sainte-Beuve n’a pu s’empêcher déjà de noter les plus fortes, et on doit renvoyer à ses judicieuses remarques. J’ajouterai, entre cent, deux ou trois objections aux siennes. Il faut bien donner une idée du procédé par trop espiègle de M. Gautier. Dès les premières pages, il est question de Donat le grammairien du moyen-âge si souvent cité ; M. Gautier l’appelle toujours Donnait. Plus loin, je lis que le Pédant joué de Cyrano a été la première comédie écrite en prose… Et les joyeuses farces de Larivey ! Cela est élémentaire en littérature française. Mais ceci n’est rien. M. Gautier va jusqu’à écrire, à un endroit, qu’il n’y avait rien d’abondant, d’ample, de flottant, dans le style de Balzac ; il ajoute même en termes plus formels : « Le vêtement de l’idée est trop court pour elle, et il le faut tirer à deux mains pour l’amener jusqu’aux pieds. » (Tome II, page 165.) Un pareil jugement critique confond : c’est le contraire précisément qu’il fallait dire. L’idée de Balzac disparaît toujours sous les plis sans fin de la phrase ; ce n’est pas un écrivain sec, chiche et compassé, comme vous l’avancez à tout hasard, mais bien un rhéteur peu amusant, sous lequel la langue française (quelqu’un l’a dit spirituellement) a doublé sa rhétorique. On peut voir, dans les Dissertations de Balzac, la xixe, sur le style burlesque, où les écrivains de ce genre sont impertinemment comparés « aux grimaciers des carrefours. » M. Gautier n’a certainement jamais lu un seul mot de cet auteur, puisqu’il en parle comme on l’a vu ; mais il y a du pressentiment dans sa rancune. — Je borne là mon erratum de pédant ; on a le ton, et cela suffit.
- ↑ Scudéry, il est piquant de le remarquer, dit en propres termes dans ses Observations sur le Cid : « La tragi-comédie, qui n’a presque pas été connue de l’antiquité, est un composé de la tragédie et de la comédie. » Voilà bien l’alliance du grotesque et du sublime que proclamait, il y a dix-huit ans déjà, la préface de Cromwell. Ainsi Scudéry définissait la tragi-comédie dans les mêmes termes précisément que l’école romantique définit le drame. Cela nous replace avant le Cid, au temps des grandes aventures sans vraisemblance et des imbroglios sans caractère. On a pu montrer plus de génie aujourd’hui, mais a-t-on plus de bon sens ?
- ↑ Charles Perrault, au troisième volume de son Parallèle des Anciens et des Modernes, s’exprime sur le genre grotesque de façon presque à satisfaire M. Gautier ; le passage s’approprie si directement à notre sujet, qu’il faut le citer. Le voici : « Dans l’ancien burlesque, le ridicule est en dehors et le sérieux en dedans ; dans le nouveau, qui est un burlesque retourné, le ridicule est en dedans et le sérieux en dehors… Je veux vous donner une comparaison là-dessus. Le burlesque du Virgile travesti est une princesse sous les habits d’une villageoise, et le burlesque du Lutrin est une villageoise sous les habits d’une princesse ; et comme une princesse est plus aimable avec un bavolet qu’une villageoise avec une couronne, de même les choses graves et sérieuses, cachées sous des expressions communes et enjouées, donnent plus de plaisir que n’en donnent les choses triviales et populaires sous des expressions pompeuses et brillantes. » — Je demanderai de ne pas souscrire à la spécieuse métaphore de Perrault ; mais M. Gautier conviendra qu’on était assez hardi en plein siècle de Louis XIV. On y préférait déjà Scarron à Boileau ; rien n’est plus suranné que certains paradoxes et plus neuf que certaines vérités : c’est que le paradoxe vieillit et que la vérité n’a pas d’âge.
- ↑ Lettres de Gombauld ; Paris, 1647, in-8o, p. 34.
- ↑ Je ne me sens pas disposé à défendre contre M. Gautier les façons rogues et acariâtres de Malherbe, qui fut cependant un vrai poète ; mais je suis heureux de pouvoir le renvoyer à l’opinion de ce même Théophile de Viau, si surfait par lui, et qui a dit, plus équitablement : « Malherbe, qui nous a appris le français, et dans les écrits duquel je lis avec admiration l’immortalité de sa vie. » On se doute bien que M. Gautier a dissimulé cette phrase.
- ↑ Revue de Paris, 1831, tome XXIX.