Société du jeudi/Procès-verbal/Séance du 7 avril 1864

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Signé : P. A. ()
Imprimerie de Pillet fils aîné (p. 1-7).

PROCÈS-VERBAL
Séance du 7 avril 1864




SOCIÉTÉ DU JEUDI




POT-POURRI




PARIS
IMPRIMERIE DE PILLET FILS AÎNÉ
RUE DES GRANDS-AUGUSTINS, 5



1864

MEMBRES ACTIFS DE LA SOCIÉTÉ DU JEUDI


Avenel (Paul), homme de lettres.
Avenel (Paulin), avocat.
Beaucé, artiste peintre.
Borrel, graveur en médailles.
Bourgoin, artiste peintre.
Coffin, docteur en médecine.
Dancla, artiste musicien.
Gaudet, armateur.
Gérard, graveur sur bois.
Lacoste, artiste peintre.
Lefebvre, mécanicien.
Morin, dessinateur sur bois.
Navier, artiste peintre.
Pillet, commissaire-priseur.
Richebourg, ingénieur-opticien.
Suffit, architecte.
Triboulet, homme de lettres.

MEMBRE CORRESPONDANT


Welty, ancien journaliste, négociant en vins.

PROCÈS-VERBAL

Séance du 7 avril 1864


POT-POURRI


Air : Valse de Giselle.


Écoutez-moi, mes amis, je commence
À vous chanter notre procès-verbal,
Mais pour mon vers ayez de l’indulgence,
Car il n’est pas toujours original.

Pour une fois, par pure courtoisie,
Je veux, ce soir, dans un gai pot-pourri,
Vous endormir avec ma poésie
En vous parlant des membres du Jeudi.

Oui, sachez bien que dans cette séance,
Je foule aux pieds l’amour-propre d’auteur,
Et Triboulet me permettra, je pense,
Pour le dessert des vers de confiseur.


Depuis dix ans un festin… délectable
Nous réunit au restaurant Richard ;
Mais quand chacun a pris place à la table
On voit entrer Richebourg et Gérard.

On les connaît : leur inexactitude
Est tolérée à nos brillants repas ;
Être en retard pour eux c’est habitude,
Aussi, Messieurs, ne leur en voulons pas.

Lefebvre, hélas, brille par ses absences :
C’est que, Messieurs, ou du moins je le crois,
L’invention a bien des exigences,
Et l’inventeur est soumis à ses lois.

Du bon Welty la mine rabelaisienne
Sourit, deux fois, par an, à nos festins.
Mais son esprit, d’allure parisienne,
Reste au-dessous de l’esprit de ses vins.


Air : de Saltarello.


Nous pouvons bien ici, sans honte,
Parler un peu de nos travers,
Et vous savez que pour mon compte,
J’ai celui de faire des vers.

Quand Borrel a la présidence,
Il serait digne autant que beau,
S’il présidait par son silence,
Et s’il buvait son vin sans eau.

Pour lui peut-on être sévère,
Lorsque l’on sait que la gaîté

Peut sortir du fond de son verre,
Comme d’un puits la vérité.

Si Galilée avait pu faire
Boire à ses juges du bon vin,
Ils auraient vu tourner la terre
Et l’eussent absous, c’est certain.

Pour notre excellent camarade
Ne soyons donc pas sans pitié ;
S’il a du goût pour la rasade,
Il est prodigue en amitié.


Air : Les p’tits bateaux.


Je pourrais maintenant
Donner un peu de flatterie,
Puisqu’à l’Académie
Cela se fait communément.
Je pourrais, vil flatteur,
Vous poser là, tous en grands hommes,
Mais, humbles que nous sommes,
Contentons-nous d’avoir du cœur.

Nous avons, entre nous,
Place grande ou petite,
Mais notre grand mérite
Est de nous aimer tous.

Et nous avons surtout
Un côté sympathique,
Plus ou moins artistique,
Que guide notre goût.


Notre docteur Coffin
Se fait un jeu de la science,
Quand la jurisprudence
Embête l’avocat Paulin ;
Le musicien Dancla
Aime concert et sérénade,
Suffit, son camarade,
Voudrait construire l’Opéra.

Lacoste a ses pinceaux,
Navier a sa palette,
Morin sur le bois jette
Des dessins pour journaux.

Si nous avons Pillet,
C’est pour mettre aux enchères
L’œuvre de ses confrères
Au bruit de son maillet.

Beaucé, qui dut partir…
Et nous déplorons son absence ;
Mais, s’il n’est plus en France,
Nous conservons son souvenir !
Gaudet, les p’tits bateaux
Qui vont sur l’eau
Ont-ils des jambes ?
Mais oui, répond Bourgoin,
S’ils n’avaient pas
Y march’raient pas.


Air : L’pied qui r’mue.


N-i ni, j’ai fini
Ma petite balançoire.
J’en ai p’être trop dit
Sur les membres du Jeudi.


P. A.