Soleils d’Hiver/1

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A. Lemerre (p. 3-5).


DÉPART



Paris ! neige ou pluie…
Un grand ciel de suie
Du matin au soir
Sur la ville sombre
Allongeant son ombre
Comme un casque noir.

Dans l’immense gare
Résonne et s’égare
Un coup de sifflet…
Voilà le Rapide
Qui part, intrépide,
Et part au complet.


Des formes lointaines
Glissent, incertaines,
Là-bas, dans la nuit ;
Maisons et chaumières,
Furtives lumières…
Et le train s’enfuit.

Sous un quinquet blême
On veut — dur problème ! —
Trouver le sommeil…
L’horizon se dore…
Hurrah ! c’est l’aurore !
Et c’est le soleil !

Valence ! Valence !
Le wagon s’élance,
Roule avec entrain…
Avignon s’efface…
Puis Tarascon passe…
Bonjour, Tartarin !

Arles, blanche et nette,
Dresse sa cornette
Dans le clair matin ;
La Crau, plaine grise,
S’argente et s’irise
Jusqu’au bleu lointain,


Et bientôt Marseille
— Huitième merveille
Du vaste univers —
Vient nous faire fête,
L’azur sur la tête,
Les bras grands ouverts !

Salut, bonne ville !
Ta gaîté facile
Coulant sans effort,
Ton humeur sereine
Dégèlent sans peine
Les âmes du Nord !

Parfois on plaisante
Ta verve amusante,
Ton assent joyeux…
Eh ! vai !… laisse dire !
Réponds d’un sourire
À ces envieux !

Ris, brillante et fière,
Buvant la lumière
De ton ciel doré
Où monte et s’abaisse
De la bouillabaisse
L’encens adoré !