Soleils d’Hiver/47

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A. Lemerre (p. 138).


LE CUIRASSÉ

Golfe Juan.



Ce n’est plus l’élégante et fine goélette
Mirant ses mâts légers dans l’azur du flot clair,
Ou, quand il vente frais, se jouant sur la mer
Au milieu de l’écume, ainsi qu’une mouette.

Ce n’est plus la frégate aux façons de coquette
Qui fond sur l’ennemi, plus prompte que l’éclair ;
Ce n’est plus le trois-mâts portant, superbe et fier,
Ses quatre-vingts canons dans sa coque muette.

Sombre, bardé de fer, les flancs sans ornement,
Le cuirassé s’élève ainsi qu’un monument
Au-dessus de la mer lisse comme une plaine ;

Mais, par sa lourdeur même, il a sa majesté,
Et, chauffant au soleil sa panse large et pleine,
Immense, il paraît grand malgré l’immensité.