Sous l’éventail/20

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Sandoz & Fischbacher (p. xx).


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À Mlle Adèle Souchier

sur son recueil de poésies : L’OISEAU BLESSÉ

Le poète, arraché du char d’Ézéchiel,
Sur notre sol ingrat de pleurs se rassasie ;
Des maux qu’elle a sondés sa main encor saisie
Verse en nos flancs meurtris le vin, l’huile & le miel.

Moderne Prométhée, il monte jusqu’au ciel
Pour aller nous cueillir la fleur de poésie,
Et tandis qu’il nous tend la coupe d’ambroisie,
Il ne garde pour lui que la coupe de fiel.

Pour charmer nos douleurs sa voix est toujours prête ;
Et sans songer au trait dont son cœur est percé,
Il fait couler le baume où l’absinthe a passé.

L’oiseau blessé, c’est vous, c’est moi, c’est le poète !
De nos sanglots amers sort un rhythme puissant
Et chaque vers nous coûte une goutte de sang !