Sous le masque/Le Passage de la mort

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Sous le masqueBibliothèque Internationale d'Édition, Edward Sansot (p. 195-197).


Le passage de la mort


J’ai souvent entendu son pas dans le couloir,
Elle est là, sans frapper elle passe la porte,
Elle est légère autant que les ombres du soir.
Fait moins de bruit que le frisson des feuilles mortes


Elle sourit un peu et marche avec douceur,
Elle vient près de moi lorsque je suis très lasse
On voudrait la nommer avec un nom de sœur
Et saisir dans sa main cette robe qui passe.

Elle dit : « c’est plus tard… c’est peut-être ce soir
Que tu vas t’en aller et que tu vas me suivre.
Regarde, la clarté s’éteint des vieux espoirs…
N’as-tu pas toujours eu la tristesse de vivre ?…

Où je vais t’emmener ? Tu verras, tu verras…
C’est un pays si beau, si profond et si sombre !
Sens comme doucement je te prends dans mes bras
Pour te bercer parmi les vertiges de l’ombre. »

Et puis, lorsqu’elle va m’emporter, que je crois
Avoir déjà quitté les draps où je repose,
Lorsque j’ai regardé pour la dernière fois,
La lumière qui meurt, le jardin et les roses,


Je m’aperçois que je suis seule et qu’elle a fui.
Tout auprès de mon lit je vois encore sa place.
Un bruit de pas lointain disparaît dans la nuit
Et je crois voir pâlir son ombre dans les glaces.