Souvenirs d’une cocodette/5

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Jean Bontemps (impr. F. Nys) (p. 91-106).

CHAPITRE V

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Comment ma mère se comporte avec son futur gendre. — Hypocrisie du marquis de B***. — Un dîner de gala. — Ma première nuit de noces. — C’est mon mari qui me sert de femme de chambre. — Furieuse appréhension. — Les fantaisies de mon mari. — Il paraît que je suis très belle. — Voilà l’instant ! ce que j’éprouve n’est pas gai.




L e jour même où ma tante était enfermée avec moi, à ce que j’appris beaucoup plus tard, le marquis de B*** vint trouver ma mère, et ils eurent ensemble une longue conversation à mon sujet.

« — Chère Madame, dit le marquis, maintenant que je vais avoir l’honneur d’être votre gendre, permettez-moi de vous adresser une prière. Le motif qui m’inspire cette démarche vous semblera bizarre peut-être, mais, croyez-le, il est dicté par un bon sentiment. J’ai toujours été d’opinion qu’il y avait peu de convenance dans certain usage traditionnel qui termine les cérémonies et les réjouissances à l’occasion du mariage.

Personne n’ose s’affranchir. C’est un tort, car cet usage blesse la décence et n’est propre qu’à inspirer un sentiment de répulsion pour son époux à la nouvelle mariée. Je veux parler de cette habitude où l’on est de faire mettre au lit, le premier soir de ses noces, la jeune femme pour y attendre, elle qui est, ou qui est censée être absolument innocente, que son mari vienne s’étendre à ses côtés.

Je ne suis peut-être qu’un esprit bien paradoxal, mais il me semble qu’il y aurait plus de convenance, plus de charme, pour les jeunes mariés, plus de poésie même, à ce qu’ils se retirassent chez eux, ce soir-là, sans être accompagnés par personne, le mari se chargeant, en cette occasion, de mettre au lit sa jeune femme, lui servant de femme de chambre, bénéficiant de la situation, non comme d’un droit, mais comme d’une faveur qu’il lui faudrait solliciter, qu’on serait libre de lui refuser. Vous qui poussez si loin la délicatesse en toute chose, pensez-vous comme moi, chère Madame ?

Je serais bien heureux s’il en était ainsi. Alors, je vous prierais, vous abstenant de suivre l’usage dont je parle, de vouloir bien m’aider à gagner le cœur de votre fille. La première impression que fait un mari sur sa femme peut avoir les plus graves conséquences dans tout le cours de leur commune existence. Je voudrais ne produire que de bonnes impressions sur l’esprit d’Aimée. Il me serait très doux de ne devoir son cœur et sa personne qu’à elle-même.

Il dépend de vous seule de me faire obtenir ce résultat. »

Il y avait une prodigieuse habileté dans la démarche que mon futur mari fit auprès de ma mère. Il était impossible de faire entendre à la digne femme des paroles mieux imaginées pour flatter son inclination et pour lui plaire. Elle fut parfaitement dupe de l’hypocrisie du marquis de B***. Elle lui promit de suivre une conduite conforme à ses désirs, et le félicita de ses sentiments de délicatesse. Je n’allais pas tarder à apprendre que ces beaux sentiments étaient tout simplement le fait d’un voluptueux, cherchant à assaisonner ses plaisirs.

Je ne m’étendrai pas sur les différents incidents de la cérémonie de mon mariage. Une affluence énorme se pressait à l’église Saint-Thomas d’Aquin, que ma mère avait choisie à mon intention comme étant l’église le plus à la mode. Ma mère était charmante, comme toujours. Elle avait daigné s’occuper elle-même des plus petits détails de ma toilette. Aussi mon succès fut-il complet. Mon mari était radieux. Comme il s’agenouillait auprès de moi, il me dit à l’oreille qu’il me trouvait « éblouissamment belle ». Le fait est que je ne crois pas qu’on ait vu à Paris, même à Saint-Thomas d’Aquin, dans ces derniers temps, beaucoup de mariées qui, sortant de l’église au bras de leur époux, aient fait à ce dernier autant d’honneur. J’étais contente de moi[1].

Je me sentais pleine de vie, de force, de grâce, de beauté… Il est juste d’ajouter que je ne ressentais pas d’amour pour mon mari. Mais l’inexprimable caractère de grandeur et de poésie de cette belle journée m’avait saisie. Ces toilettes, ces fleurs, cet air de fête, les parfums de l’encens, les sons de l’orgue, les voix des choristes, et, dans le chœur, autour de nous, cette foule choisie et recueillie, tous nos parents, tous nos amis ; puis, au dehors, ce mouvement de voitures, tout ce monde qui fixait sur nous des regards avides… J’étais comme sur la scène d’un grand théâtre, j’aspirais le bonheur de me sentir vivre par tous les pores et de toutes mes forces.

Si j’avais su, hélas !…

Après la fin de la cérémonie, lorsque nous rentrâmes chez mon père, je trouvai dans le vestibule un vieux domestique qui m’avait vue naître et me guettait, depuis le matin, pour me faire ses compliments. Ce fut lui le premier qui m’appela « Madame ». Ce nom me fit tant de plaisir à entendre que je lui donnai cinq[2] cents francs.

Le même jour, il y eut dîner de gala chez mon père. Mes gamines de sœurs, poussées par mes frères, s’amusaient à empiler de grosses truffes sur l’assiette de mon mari. Ma mère, qui, gracieusement, m’avait laissé à table la place d’honneur, en face de mon père, grondait mes sœurs, disant que mon mari se rendrait malade, et mon père riait, baissant le nez vers son assiette, sans doute charmé des jolis souvenirs qu’une telle journée lui rappelait. Je fus traitée en reine par tout le monde. Le soir, nos amis les plus intimes vinrent nous tenir compagnie. Enfin, à onze heures sonnant, mon mari, après avoir échangé quelques signes avec ma mère, se leva et m’offrit le bras. Nous sortîmes. On chuchotait dans le salon, on se poussait le coude en nous regardant. J’avais conservé toute la journée ma toilette de mariée, sauf le voile. Quand nous fûmes dans le vestibule, mon mari me plaça un long manteau sur les épaules. Notre voiture nous attendait au bas du perron. Ma mère m’avait tendrement serrée sur son cœur quand nous étions encore au haut de l’escalier.

De la rue Mazarine, où demeuraient mes parents, à la rue Saint-Dominique, où était situé l’hôtel de mon mari, il n’y a pas une longue course.

Pendant tout le trajet, mon mari ne cessa de presser mes bras et mes mains contre son cœur, promettant de me rendre heureuse, et jurant qu’il était « le plus heureux des hommes ». Nous arrivâmes enfin. Dans tout l’hôtel, il n’y avait d’éveillés que le portier et un valet de pied. Ce dernier nous ouvrit la porte du vestibule, et mon mari lui commanda de se retirer, après que nous serions montés, et qu’il aurait éteint le gaz dans l’escalier. Pendant que nous montions, mon mari entourait ma taille de son bras et me soutenait affectueusement, comme s’il eût voulu m’aider à marcher plus vite.

Quand nous fûmes au premier étage, où se trouvaient nos appartements privés, il me fit entrer dans un très élégant boudoir, puis il me demanda d’un ton câlin si je voulais bien lui permettre de « me déshabiller. »


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Je le remerciai, l’assurant que j’avais l’habitude de me déshabiller moi-même, ce qui était vrai. Alors, il se retira dans la chambre à coucher, après m’avoir indiqué la porte de mon cabinet de toilette. Tout cela était un peu froid et semblera étrange peut-être. Mais alors, je n’y pensai pas. J’étais toute à l’étonnement, et dans une furieuse appréhension de ma première nuit de noces. Un quart d’heure plus tard, ayant changé mon costume de mariée contre une jolie robe de chambre choisie par ma mère, je crus qu’il était temps d’aller retrouver mon mari. Je le surpris assis devant le feu, dans la chambre à coucher, en veste de matin et en pantoufles. Il buvait une tasse de thé. Deux grosses lampes éclairaient fortement la chambre. Il se leva en m’apercevant, vint au-devant de moi, prit de mes mains la couronne et le bouquet de fleurs d’oranger que j’avais portés toute la journée et que je lui offrais ingénument comme un gage de l’avenir[3]. Quand il les eut serrés dans un chiffonnier, il s’en revint à moi, qui l’attendais auprès du feu avec une anxiété facile à comprendre, me saisit dans ses bras, m’embrassa longuement et voluptueusement, en me disant qu’il m’adorait. J’éprouvais une émotion intraduisible. Quoique mon mari n’occupât encore qu’une bien petite place dans mon cœur, et malgré les recommandations de ma tante Aurore, pour le moment je ne me regardais pas encore tout à fait comme une victime. J’avais peur de je ne sais quoi, j’appréhendais un inconnu terrible. Les caresses de mon mari ne me causaient pas de répulsion, mais j’étais obligée de faire les plus grands efforts pour me soumettre avec résignation à ses désirs.

Ses désirs, cependant, me semblaient parfois bien étranges. Il m’avait fait asseoir sur un canapé, et, se plaçant à deux genoux par terre, devant moi, il[4] avait enlevé mes souliers de satin blanc, puis mes bas, et baisant mes pieds nus avec une avidité singulière, en s’extasiant sur leur beauté. Me souvenant à temps des conseils de ma tante, je le laissai faire, sans mot dire. J’avais peut-être l’air bien sot ; mais la situation était si nouvelle pour moi, et j’éprouvais une telle peur, une peur instinctive, irréfléchie, que j’étais incapable de desserrer les lèvres. Je remarquai que le lit était découvert, et qu’il y avait, sur le traversin, deux oreillers l’un auprès de l’autre.


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Cependant mon mari m’avait priée de vouloir bien me tenir debout. En un clin d’œil, quand je fus sur mes pieds, il m’enleva ma robe de chambre. Je me trouvai donc en chemise devant lui, et, je l’avoue, je me sentais toute honteuse. Quelle accablante position pour une femme qui était encore une jeune fille ! Le souvenir des aventures qui m’étaient antérieurement arrivées, et qui me revenaient alors à l’esprit, n’atténuait en rien l’inexprimable sentiment de gêne que je ressentais. J’avais beau me sermonner intérieurement, me gronder, rien n’y faisait. J’étais en chemise, nu-pieds. Un homme me regardait. Cela suffisait.

Je sais bien aujourd’hui que toutes les femmes, dans tous les temps et dans tous les pays du monde, ont passé par là et n’en sont pas mortes. La plupart d’entre elles, même, à ce que je crois, n’ont pas cru devoir faire autant de façons que moi, ne trouvant pas la chose si extraordinaire et si pénible. Encore une fois, cela ne fait rien. Le monde entier dût-il me traiter de sotte, je ne me lasserai jamais de répéter que j’endurai un supplice sans nom quand je me vis ainsi en chemise devant un homme. Et si jusqu’à présent aucune femme, à ma connaissance du moins, n’a eu l’idée de décrire les sensations et les émotions de sa première nuit de noces, je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas de la franchise et du courage pour tout mon sexe. Les choses les plus vulgaires, celles qui se passent chaque jour, qui cependant, par suite de je ne sais quelle convention universelle et ridicule, demeurent éternellement inédites, m’ont toujours paru être pleines du plus grand intérêt.

Lorsque je me trouvai dans le costume que j’ai dit, — je ferais sans doute mieux de dire « absence de costume, » — mon mari, dont les yeux étincelaient, recommença à me caresser et à passer en revue ce qu’il appelait galamment « toutes mes beautés ». Il découvrait ma gorge, s’extasiait, la baisait ; et puis, il me tenait des discours passionnés, promettant de me faire, dès le lendemain, tous les petits cadeaux qui pourraient me causer le plus de plaisir, si je voulais continuer à être bien gentille et me soumettre à toutes les fantaisies qui lui passeraient par la tête. Moi, je lui répondais ingénument que j’avais froid et me sentais mal à mon aise, n’étant point encore habituée à de semblables fantaisies, ne soupçonnant même pas qu’elles pussent venir à l’esprit des gens raisonnables. Là-dessus, le voilà qui recommence à me caresser et à m’embrasser, m’empêchant de parler et disant constamment : — Tais-toi. Ta soumission, quelque froide qu’elle soit, est un million de fois plus précieuse pour moi que tes paroles.


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Tout à coup, comme si le dernier voile qui me restait, en me couvrant mal, l’eût impatienté, il me l’enleva, et me voilà complètement nue devant lui. Le souvenir des recommandations de ma tante aidant, je m’efforçai, avec une candeur qui aurait pu sembler touchante à tout autre que le marquis de B***, de ne pas paraître niaise. Mais je me sentais littéralement mourir de honte. Il faut se rappeler que, depuis que j’étais nubile, âme qui vive, y compris ma mère, ne m’avait vue une seule fois dans un tel état. Je ne manquais jamais d’éloigner ma femme de chambre quand je voulais sortir de mon bain. Et quoique, au couvent, comme je l’ai dit, emportée par l’exemple et par une surprise des sens, j’eusse pu laisser la petite Carmen se livrer à un coupable attentat sur ma personne, quoique, pour m’aider à subir avec résignation le désagrément de ma situation présente, je ne cessasse de me répéter que l’homme qui me contemplait dans ma nudité était mon mari, je souffrais, j’endurais un réel martyre.

Ce n’était même pas ma conscience, c’était ma chair tout entière qui frissonnait et se révoltait de se sentir ainsi sous les yeux d’un homme.

Comme je me débattais, mon peigne tomba ; et mes cheveux noirs se déroulèrent dans toute leur longueur, c’est-à-dire jusqu’à mi-jambes.

Alors, ce ne fut plus de l’admiration, mais de l’extase. Il fallait que je fusse, en réalité, admirablement belle.

Jamais je n’aurais cru que pouvait aller aussi loin le ravissement chez un homme, surtout à l’occasion d’une femme nue. Celui-ci ne cessait de s’exclamer[5]. On aurait dit qu’il ne pouvait goûter aucun plaisir, s’il ne l’assaisonnait du plaisir de parler.

Il me disait que j’étais la plus belle des femmes, que jamais il n’avait vu de femme qui pût m’être comparée, que je possédais toutes les beautés qui lui plaisaient le plus, qu’il préférait ; à l’entendre, « mes bras, mes jambes, mes pieds, étaient autant de merveilles. » Et puis, il s’écriait, en tournant autour de moi :

— Dieu, que tu es grande ! Dieu, que tu es mince ! Comme tes formes sont élégantes et sveltes ! Tu me sembles plus grande encore !

Après cela, il me faisait tourner tantôt d’un côté, et tantôt d’un autre, lever les bras en l’air et me renverser en arrière ; et puis, il ne cessait de répéter que ce qu’il y avait de plus beau en moi, de plus délicieux, c’était le contraste formé par une peau si fine, si blanche, et mes cheveux noirs, alors tombant derrière moi comme un manteau, et qui faisaient ressortir toutes mes formes.

Une[6] femme qui aurait eu de l’amour pour son mari se serait estimée heureuse, aurait été touchée, peut-être. Moi, je l’avoue avec la plus entière candeur, au risque de passer pour méchante et de me faire détester par tous les hommes, malgré les compliments qu’elle me valait, cette exhibition m’assommait. Tantôt, il me prenait de folles envies de rassembler mes vêtements épars et de me sauver loin, si loin que mon mari ne pût jamais me rattraper. Tantôt, saisie par le côté grotesque de la situation, j’étais forcée de me tenir les côtes pour ne pas éclater de rire.

— Ma tante ne m’avait pas parlé de cet examen, me disais-je[7]. Est-ce que toutes les femmes ont subi cette désagréable inspection ?

Il est à croire que, bien involontairement, je laissai percer quelque chose de ma mauvaise humeur, car mon mari me parut soudain chagriné. Cependant, comme chez lui les impressions étaient toujours passagères, il sauta sur ses pieds, me saisit dans ses bras, m’enleva de terre comme une plume, et, sans même me laisser le temps de me reconnaître, il me porta dans mon lit et m’y coucha.

À partir de ce moment, il ne se passa plus rien que d’ordinaire. En deux minutes, mon mari eut enlevé ses vêtements et s’étendit à mon côté. Il me serrait entre ses bras, m’étouffait de baisers.

— Voilà l’instant ! me disais-je, avec une enfantine terreur. Oh ! ma tante, que n’es-tu là pour me donner du courage !

Je ne sais pas, et ne me soucie même pas de savoir comment les autres femmes se sont tirées d’affaire en cette désenchantante circonstance.

Pour moi, dans mon innocence relative, je la trouvai si bestiale, si douloureuse que je me crus victime d’un abominable attentat. Il me semblait, dans ma naïveté, et il m’avait toujours semblé que le mariage était, avant tout, une chose sainte. Je me disais que mon mari aurait dû me respecter, me traiter comme la compagne de sa vie, et non comme le mâle, chez les animaux, traite sa femelle.

— Qu’est-ce que vous faites ? qu’est-ce que vous faites donc ? Vous me faites un mal affreux. Vous êtes un sauvage, disais-je à mon mari, en me débattant convulsivement pour échapper à son étreinte et me soustraire à sa violence.

Je ne ressentis pas la plus fugitive sensation voluptueuse. Rien que de la douleur.

J’ai oublié ce que mon mari me répondait.

Je crois qu’il me disait qu’on se mariait pour avoir des enfants, et autres banalités auxquelles il ne croyait même pas. Je ne l’écoutais guère. J’étais entièrement absorbée par la chose elle-même. Je ne sais pas si je suis plus douillette, si je suis constituée autrement que le commun des femmes. Cela n’est pas probable. Ce que je sais très bien, c’est que je subissais une sorte de supplice des plus[8] désagréables.

C’était l’atroce et harcelante sensation d’un fer rouge mille fois enfoncé à coups précipités jusqu’au plus vif de mes entrailles.

Une sueur glacée baignait mon front. Je croyais que j’allais mourir.

C’est pour le coup que je fus à même d’apprécier la justesse de la comparaison de ma tante ; « L’homme est un sabre. » « Grand Dieu ! quel sabre ! » me disais-je.

Encore une fois, je le sais bien, toutes ces choses sont des plus naturelles et des plus vulgaires. « Naturelles, comme toutes les fonctions de la vie, aurait dit mon père, comme le sont naître et mourir ». Toutes les femmes ont subi ces épreuves. Je le sais bien. Et, après la première expérimentation, quelques unes, le plus grand nombre même, ne s’en plaignent pas.

La preuve en est qu’elles y retournent.

S’il n’y avait que cela, même avec la plus entière bonne foi qui me les inspire dans ces mémoires, les lecteurs superficiels pourraient regretter le temps employé à les lire. Pour moi, je ne sais rien au monde de plus saisissant et de plus poignant que ces choses banales docilement subies par chacun de nous et dont nul ne s’est jamais avisé de faire l’analyse. C’est là ma seule excuse pour avoir eu l’idée de relater tant de détails intimes.

Je finirai ce chapitre par un dernier mot.

Quand mon tendre époux s’endormit après six assauts successifs, je me trouvai tout ensanglantée.


Vignette et dessin de fin de paragraphe
  1. Variante, ligne 9, après moi ; lire : Oubliant les peu rassurantes confidences de ma tante Aurore, j’étais devenue contente de moi…
  2. Variante, ligne 6, au lieu de cinq ; lire : deux.
  3. Variante, ligne 16, au lieu de l’avenir ; lire : souvenir.
  4. Variante, ligne 8, après il ; lire : me tenait les discours les plus passionnés. Pour mon malheur, mon pied, « mon double pied », comme il disait, si finement chaussé, dépassait le bord de ma robe. Il s’en aperçut tout à coup. Le saisir dans ses mains, me demander assez lestement la permission de le baiser, furent l’affaire d’une seconde. Puis, sans attendre cette permission, il se mit à me déchausser. Il avait enlevé mon soulier. Je ne pus m’empêcher de pâlir en sentant ses deux mains monter le long de ma jambe pour dégrafer ma jarretière. Quand la jarretière fut tombée, il se mit à tirer le bas qui résistait un peu, ayant été imprimé sur mon pied, avec ses broderies, par la pression du soulier. Enfin le bas fut enlevé. Alors il se jeta sur mon pied nu et le baisa à plusieurs reprises avec une avidité qui faisait peur. On aurait dit qu’il voulait le manger.
  5. Variante, ligne 10, au lieu de s’exclamer ; lire : se récrier.
  6. Variante, ligne 6, avant une femme ; lire : une autre femme.
  7. Variante, ligne 20, après disais-je ; lire : est-ce que les choses se passent toujours ainsi la première nuit qui suit le mariage ?
  8. Variante, ligne 13, au lieu de des plus ; lire : horriblement.