Souvenirs entomologiques/Série 2/Chapitre 9

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Librairie Delagrave (deuxième sériep. 134-156).

IX

LES FOURMIS ROUSSES


Le pigeon transporté à des cents lieues de distance sait retrouver son colombier ; l’hirondelle, revenant de ses quartiers d’hiver en Afrique, traverse la mer et reprend possession du vieux nid. Quel est leur guide en de si longs voyages ? Serait-ce la vue ? Un observateur de beaucoup d’esprit, dépassé par d’autres dans la connaissance de l’animal collectionné en vitrines, mais des plus experts dans la connaissance de l’animal en liberté, Toussenel, l’admirable auteur de l’Esprit des bêtes, donne pour guides au pigeon voyageur la vue et la météorologie. « L’oiseau de France, dit-il, sait par expérience que le froid vient du nord, le chaud du midi, le sec de l’est, l’humide de l’ouest. C’en est assez de connaissances météorologiques pour lui donner les points cardinaux et diriger son vol. Le pigeon transporté de Bruxelles à Toulouse dans un panier couvert n’a certes pas la possibilité de relever de l’œil la carte géographique du parcours ; mais il n’est au pouvoir de personne de l’empêcher de sentir, aux chaudes impressions de l’atmosphère, qu’il suit la route du midi. Rendu à la liberté à Toulouse, il sait déjà que la direction à suivre pour regagner son colombier est la direction du nord. Donc, il pique droit dans cette direction, et ne s’arrête que vers les parages du ciel dont la température moyenne est celle de la zone qu’il habite. S’il ne trouve pas d’emblée son domicile, c’est qu’il a trop appuyé sur la droite ou sur la gauche. En tous les cas, il n’a besoin que de quelques heures de recherche dans la direction de l’est à l’ouest pour relever ses erreurs. »

L’explication est séduisante lorsque le déplacement se fait dans la direction nord-sud ; mais elle ne peut convenir au déplacement est-ouest, sur la même isotherme. D’ailleurs, elle a le défaut de ne pouvoir se généraliser. Il ne faut pas songer à faire intervenir la vue et encore moins l’influence du climat changé, quand un chat revient au logis, d’un bout à l’autre d’une ville, et se dirige dans un dédale de rues et de ruelles qu’il voit pour la première fois. Ce n’est pas la vue non plus qui guide mes chalicodomes, surtout lorsqu’ils sont lâchés en plein bois. Leur vol peu élevé, deux ou trois mètres au-dessus du sol, ne leur permet pas de prendre un coup d’œil général de l’ensemble et de relever la carte des lieux. Qu’ont-ils besoin de topographie ? L’hésitation est courte : après quelques crochets de peu d’étendue autour de l’expérimentateur, ils partent dans la direction du nid, malgré le rideau de la forêt, malgré l’écran d’une haute chaîne de collines qu’ils franchiront en remontant la pente non loin du sol. La vue leur fait éviter les obstacles sans les renseigner sur la direction générale à suivre. La météorologie n’est pas davantage en cause : pour quelques kilomètres de déplacement, le climat n’a pas varié. L’expérience du chaud, du froid, du sec et de l’humide, n’a pas instruit mes chalicodomes : une existence de quelques semaines ne le permet pas. Et seraient-ils versés dans les points cardinaux, l’identité climatologique du point où est leur nid et du point où ils sont relâchés, laisserait indéterminée la direction à suivre.

Pour expliquer tous ces mystères, on arrive donc forcément à invoquer un autre mystère, c’est-à-dire une sensibilité spéciale, refusée à la nature humaine. Ch. Darwin, dont personne ne récusera l’imposante autorité, arrive à la même conclusion. S’informer si l’animal n’est pas impressionné par les courants telluriques, s’enquérir s’il n’est pas influencé par l’étroit voisinage d’une aiguille aimantée, n’est-ce pas reconnaître une sensibilité magnétique ? Possédons-nous une faculté analogue ? Je parle du magnétisme des physiciens, bien entendu, et non du magnétisme des Mesmer et des Cagliostro. Certes nous ne possédons rien d’approchant. Qu’aurait à faire le marin de sa boussole s’il était boussole lui-même ?

Ainsi le maître l’admet : un sens spécial, si étranger à notre organisation que nous ne pouvons pas même nous en faire une idée, dirige le pigeon, l’hirondelle, le chat, le chalicodome et tant d’autres, en pays étranger. Que ce soit magnétique ou non, je ne déciderai pas, satisfait d’avoir contribué, pour une part non petite, à démontrer son existence. Un sens de plus, s’ajoutant à notre lot, quelle acquisition, quelle cause de progrès ! Pourquoi en sommes-nous privés ? C’était une belle arme et de grande utilité pour le struggle for life. Si, comme on le prétend, l’animalité entière, y compris l’homme, provient d’un moule unique, la cellule originelle, et se transforme d’elle-même à travers les âges, favorisant les mieux doués, laissant dépérir les moins bien doués, comment se fait-il que ce sens merveilleux soit le partage de quelques humbles, et n’ait pas laissé de trace dans l’homme, le point culminant de la série zoologique ? Nos précurseurs ont été bien mal inspirés de laisser perdre un si magnifique héritage ; c’était plus précieux à garder qu’une vertèbre au coccyx, un poil à la moustache.

Si la transmission ne s’est pas faite, ne serait-ce pas faute d’une parenté suffisante ? Je soumets le petit problème aux évolutionnistes, et suis très désireux de savoir ce qu’en disent le protoplasme et le nucléus.

Ce sens inconnu est-il localisé quelque part chez les hyménoptères, s’exerce-t-il au moyen d’un organe spécial ? On songe immédiatement aux antennes. C’est aux antennes qu’on a recours toutes les fois que nous ne voyons pas bien clair dans les actes de l’insecte ; on leur accorde volontiers ce dont notre cause a besoin. Je ne manquais pas d’ailleurs d’assez bonnes raisons pour leur soupçonner la sensibilité directrice. Lorsque l’Ammophile hérissée recherche le ver gris, c’est avec les antennes, petits doigts palpant continuellement le sol, qu’elle paraît reconnaître la présence du gibier sous terre. Ces filets explorateurs, qui semblent diriger l’animal en chasse, ne pourraient-ils aussi le diriger en voyage. C’était à voir et j’ai vu.

Sur quelques Chalicodomes, j’ampute les antennes d’un coup de ciseaux, aussi près que possible. Les mutilés sont dépaysés, puis relâchés. Ils reviennent au nid avec la même facilité que les autres. Dans le temps, j’avais expérimenté d’une façon pareille avec le plus gros de nos Cerceris (Cerceris tuberculata) ; et le chasseur de Charançons était revenu à ses terriers. Nous voilà débarrassés d’une hypothèse : la sensibilité directrice ne s’exerce pas par les antennes. Où donc est son siège ? Je ne sais.

Ce que je sais mieux, c’est que les Chalicodomes sans antennes, s’ils reviennent aux cellules, ne reprennent pas le travail. Obstinément ils volent devant leur maçonnerie, ils se posent sur le godet de terre, ils prennent pied sur la margelle de la cellule, et là, comme pensifs et désolés, longtemps ils stationnent en contemplation devant l’ouvrage qui ne s’achèvera pas ; ils partent, ils reviennent, ils chassent tout voisin importun, sans jamais reprendre l’apport du miel ou du mortier. Le lendemain, ils ne reparaissent pas. Privé de ses outils, l’ouvrier n’a plus le cœur à l’ouvrage. Lorsque le Chalicodome maçonne, les antennes continuellement palpent, sondent, explorent et paraissent présider à la perfection du travail. Ce sont ses instruments de précision ; elles représentent le compas, l’équerre, le niveau, le fil à plomb du constructeur.

Jusqu’ici mes expériences ont uniquement porté sur des femelles, beaucoup plus fidèles au nid à cause des devoirs de la maternité. Que feraient les mâles, s’ils étaient dépaysés ? Je n’avais pas grande confiance dans ces amoureux, qui pendant quelques jours forment tumultueuse assemblée au devant des gâteaux, attendent la sortie des femelles, s’en disputent la possession en des rixes interminables, puis disparaissent lorsque les travaux sont en pleine activité. Que leur importait, me disais-je, de revenir au gâteau natal plutôt que de s’établir ailleurs, pourvu qu’ils y trouvent à qui déclarer leur flamme ! Je me trompais : les mâles reviennent au nid. Il est vrai que, vu leur faiblesse, je ne leur ai pas imposé long voyage : un kilomètre environ. C’était néanmoins pour eux une expédition lointaine, un pays inconnu, car je ne leur vois pas faire longues excursions. De jour, ils visitent les gâteaux ou les fleurs du jardin ; de nuit, ils prennent refuge dans les vielles galeries ou dans les interstices des tas de pierres de l’harmas.

Les mêmes gâteaux sont fréquentés par deux Osmies (Osmia tricornis et Osmia Latreillii), qui construisent leurs cellules dans les galeries laissées à leur disposition par les Chalicodomes. La plus abondante est la première, l’Osmie à trois cornes. L’occasion était trop belle de s’informer un peu à quel point la sensibilité directrice se généralise chez les hyménoptères ; je l’ai mise à profit. Eh bien ! les Osmies (Osmia tricornis), tant mâles que femelles, savent retrouver le nid. Mes expériences ont été faites rapidement, en petit nombre, à de faibles distances ; mais elles concordaient si bien avec les autres qu’elles m’ont convaincu. En somme, le retour au nid, en y comprenant mes essais d’autrefois, a été constaté pour quatre espèces : le Chalicodome des hangars, le Chalicodome des murailles, l’Osmie à trois cornes et le Cerceris tuberculé. Dois-je généraliser sans restriction et accorder à tous les hyménoptères une faculté de se retrouver en pays inconnu ? Je me garderai bien de le faire, car voici, à ma connaissance, un résultat contradictoire, très significatif.

Parmi les richesses de mon laboratoire de l’harmas, je mets au premier rang une fourmilière de Polyergus rufescens, la célèbre Fourmi rousse, l’Amazone, qui fait la chasse aux esclaves. Inhabile à élever sa famille, incapable de rechercher sa nourriture, de la prendre même quand elle est à sa portée, il lui faut des serviteurs qui lui donnent la becquée et prennent soin du ménage. Les Fourmis rousses sont des voleuses d’enfants, destinés au service de la communauté. Elles pillent les fourmilières voisines, d’espèce différente ; elles en emportent chez elles les nymphes qui, bientôt écloses, deviennent, dans la maison étrangère, des domestiques zélés.

Quand arrivent les chaleurs de juin et de juillet, je vois fréquemment les Amazones sortir de leur caserne dans l’après-midi, et partir en expédition. La colonne mesure de cinq à six mètres. Si sur le trajet rien ne se montre qui mérite attention, les rangs sont assez bien conservés ; mais aux premiers indices d’une fourmilière, la tête fait halte et se déploie en une cohue tourbillonnante, que grossissent les autres arrivant à grands pas. Des éclaireurs se détachent, l’erreur est reconnue, et l’on se remet en marche. La cohorte traverse les allées du jardin, disparaît dans les gazons, reparaît plus loin, s’engage dans les amas de feuilles mortes, se remet à découvert, toujours cherchant à l’aventure. Un nid de Fourmis noires est enfin trouvé. À la hâte, les Fourmis rousses descendent dans les dortoirs où reposent les nymphes, et bientôt remontent avec leur butin. C’est alors, aux portes de la cité souterraine, une étourdissante mêlée de noires défendant leur bien et de rousses s’efforçant de l’emporter. La lutte est trop inégale pour être indécise. La victoire reste aux rousses, qui s’empressent vers leur demeure, chacune avec sa prise, une nymphe au maillot, au bout des mandibules. Pour le lecteur non au courant de ces mœurs esclavagistes, ce serait une bien curieuse histoire que celle des Amazones ; à mon grand regret, je l’abandonne : elle nous éloignerait trop du sujet à traiter, savoir le retour au nid.

La distance où se transporte la colonne voleuse de nymphes est variable, et dépend de l’abondance du voisinage en Fourmis noires. Dix à vingt pas quelquefois suffisent ; en d’autres moments, il en faut cinquante, cent et au-delà. Une seule fois, j’ai vu l’expédition se faire hors du jardin. Les Amazones escaladèrent le mur d’enceinte, élevé de quatre mètres en ce point, le franchirent et s’en allèrent un peu plus loin dans un champ de blé. Quant à la voie suivie, elle est indifférente à la colonne en marche. Le sol dénudé, le gazon épais, les amas de feuilles mortes, le tas de pierre, la maçonnerie, les massifs d’herbages, sont franchis sans préférence marquée pour une nature de chemin plutôt que pour une autre.

Ce qu’il y a de rigoureusement déterminé, c’est la voie de retour, qui suit dans toutes ses sinuosités, dans tous ses passages, jusqu’aux plus difficiles, la piste de l’aller. Chargées de leur butin, les Fourmis rousses reviennent au nid par le trajet, souvent fort compliqué, qu’ont fait adopter les éventualités de la chasse. Elles repassent où elles ont d’abord passé ; et c’est pour elles nécessité si impérieuse, qu’un surcroît de fatigue, qu’un péril très grave même, ne fait pas modifier la piste.

Elles viennent, je suppose, de traverser un épais amas de feuilles mortes, pour elles passage plein d’abîmes, où des chutes à tout instant se répètent, où beaucoup s’exténuent pour remonter des bas-fonds, gagner les hauteurs sur des ponts branlants et se dégager enfin du dédale de ruelles. N’importe : à leur retour elles ne manqueront pas, bien qu’appesanties par leur charge, de traverser encore le pénible labyrinthe. Pour éviter tant de fatigue, que leur faudrait-il ? Se dévier un peu du premier trajet, car le bon chemin est là, tout uni, à peine à un pas de distance. Ce petit écart n’entre pas dans leurs vues.

Je les surpris un jour allant en razzia et défilant sur le bord interne de la maçonnerie du bassin, où j’ai remplacé la vieille population batracienne par une population de poissons rouges. La bise soufflait très fort et, prenant en flanc la colonne, précipitait des rangs entiers dans les eaux. Les poissons étaient accourus ; ils faisaient galerie et gobaient les noyés. Le pas était difficile ; avant de l’avoir franchi, la colonne se trouvait décimée. Je m’attendais à voir le retour s’effectuer par un autre chemin, qui contournerait le fatal précipice. Il n’en fut rien. La bande chargée de nymphes reprit la périlleuse voie, et les poissons rouges eurent double chute de manne : les fourmis et leur prise. Plutôt que de modifier sa piste, la colonne fut décimée une seconde fois.

La difficulté de retrouver le domicile après une expédition lointaine, à capricieux détours, rarement les mêmes dans les diverses sorties, impose certainement aux Amazones cette retraite par la voie suivie en allant. S’il ne veut s’égarer en route, l’insecte n’a pas le choix du chemin : il doit rentrer chez lui par le sentier qui lui est connu et qu’il vient récemment de parcourir. Lorsqu’elles sortent de leur nid et vont sur une autre branche, sur un autre arbre, chercher feuillée mieux à leur goût, les Chenilles processionnaires tapissent de soie le trajet, et c’est en suivant les fils tendus en route qu’elles peuvent revenir à leur domicile. Voilà la méthode la plus élémentaire que puise employer l’insecte exposé à s’égarer dans ses excursions : une route de soie le ramène chez lui. Avec les Processionnaires et leur naïve voirie, nous sommes bien loin des Chalicodomes et autres, qui ont pour guide une sensibilité spéciale.

L’Amazone, quoique de la gent hyménoptère, n’a, elle aussi, que des moyens de retour assez bornés, comme le témoigne la nécessité où elle est de revenir par sa récente piste. Imiterait-elle, dans une certaine mesure, la méthode des Processionnaires ; c’est-à-dire laisserait-elle sur la voie, non des fils conducteurs puisqu’elle n’est pas outillée pour pareil travail, mais quelque émanation odorante, par exemple quelque fumet formique, qui lui permettrait de se guider par le sens olfactif ? On s’accorde assez dans cette manière de voir.

Les Fourmis, dit-on, sont guidées par l’odorat ; et cet odorat paraît avoir pour siège les antennes, que l’on voit en continuelle agitation. Je me permettrai de ne pas montrer un vif empressement pour cet avis. D’abord, je me méfie d’un odorat ayant pour siège les antennes ; j’en ai donné plus haut les motifs ; et puis, j’espère démontrer expérimentalement que les fournis rousses ne sont pas guidées par une odeur.

Épier la sortie de mes Amazones, des après-midi entières, et fort souvent sans succès, me prenait trop de temps. Je m’adjoignis un aide, dont les heures étaient moins occupées que les miennes. C’était ma petite-fille Lucie, espiègle qui prenait intérêt à ce que je lui racontais sur les Fourmis. Elle avait assisté à la grande bataille des rousses et des noires ; elle était restée toute pensive devant le rapt des enfants au maillot. Bien endoctrinée sur ses hautes fonctions, toute fière de travailler déjà, elle si petite, pour cette grande dame, la Science, Lucie parcourait donc le jardin lorsque le temps paraissait favorable, et surveillait les Fourmis rousses, dont elle avait mission de reconnaître soigneusement le trajet jusqu’à la fourmilière pillée. Son zèle avait fait ses preuves, je pouvais y compter. Un jour, à la porte de mon cabinet, tandis que j’alignais ma prose quotidienne :

— Pan ! pan ! C’est moi, Lucie. Viens vite : les rousses sont entrées dans la maison des noires. Viens vite !

— Et sais-tu bien le chemin suivi ?

— Je le sais ; je l’ai marqué.

— Comment ? Marqué et de quelle manière ?

— J’ai fait comme le Petit Poucet : j’ai semé des petits cailloux blancs sur la route.

J’accourus. Les choses s’étaient passées comme venait de me le dire ma collaboratrice de six ans. Lucie avait fait à l’avance sa provision de petites pierres, et voyant le bataillon des fourmis sortir de la caserne, elle l’avait suivi pas à pas en déposant de distance en distance ses pierres sur le trajet parcouru. Les Amazones commençaient à revenir de la razzia suivant la ligne des cailloux indicateurs. La distance au nid était d’une centaine de pas, ce qui me donnait le temps d’opérer en vue d’une expérience méditée à loisir.

Je m’arme d’un fort balai et je dénude la piste sur une largeur d’un mètre environ. Les matériaux poudreux de la surface sont ainsi enlevés, renouvelés par d’autres. S’ils sont imprégnés de quelque émanation odorante, leur absence déroutera les fourmis. Je coupe de la sorte la voie en quatre points différents, espacés de quelques pas.

Voici que la colonne arrive à la première coupure. L’hésitation des fourmis est évidente. Il y en a qui rétrogradent, puis reviennent pour rétrograder encore ; d’autres errent sur le front de la section ; d’autres se dispersent latéralement et semblent chercher à contourner le pays inconnu. La tête de la colonne, resserrée d’abord dans une étendue de quelques décimètres, s’éparpille maintenant sur trois à quatre mètres de largeur. Mais les arrivants se multiplient devant l’obstacle ; ils se massent, ils forment cohue indécise. Enfin quelques fourmis s’aventurent sur la bande balayée et les autres suivent, tandis qu’un petit nombre a repris en avant la piste au moyen d’un détour. Aux autres coupures, mêmes hésitations ; elles sont néanmoins franchies soit directement, soit latéralement. Malgré mes embûches, le retour au nid s’effectue, et par la voie des petits cailloux.

L’expérience semble plaider en faveur de l’odorat. À quatre reprises, il y a des hésitations manifestes partout où la voie est coupée. Si le retour se fait néanmoins sur la piste de l’aller, cela peut tenir au travail inégal du balai, qui a laissé en place des parcelles de l’odorante poussière. Les fourmis qui ont contourné la partie balayée peuvent avoir été guidées par les déblais rejetés latéralement. Avant de se prononcer pour ou contre l’odorat, il convient donc de recommencer l’expérience dans des conditions meilleures, il convient d’enlever radicalement toute matière odorante.

Quelques jours après, mon plan bien arrêté, Lucie se remet en observation et ne tarde pas à m’annoncer une sortie. J’y comptais, car les Amazones manquent rarement d’aller en expédition dans les après-midi lourdes et chaudes de juin et de juillet, surtout si le temps fait menace de devenir orageux. Les cailloux du Petit Poucet jalonnent encore le trajet, sur lequel je choisis le point le plus favorable à mes desseins.

Un tuyau de toile servant à l’arrosage du jardin est fixé à l’une des prises d’eau du bassin ; la vanne est ouverte, et la route des fourmis se trouve coupée par un torrent continu de la largeur d’un bon pas et d’une longueur illimitée. La nappe d’eau coule d’abord abondante et rapide, afin de bien laver le sol et de lui enlever tout ce qui pourrait être odorant. Ce lavage à grande eau dure près d’un quart d’heure puis, quand les fourmis s’approchent, revenant du butin, je diminue la vitesse d’écoulement et réduis l’épaisseur de la nappe liquide pour ne pas outrepasser les forces de l’insecte. Voilà l’obstacle que les Amazones doivent franchir, s’il leur est absolument nécessaire de suivre la première piste.

Ici l’hésitation est longue, les traînards ont le temps de rejoindre la tête de la colonne. Cependant on s’engage dans le torrent à la faveur de quelques graviers exondés ; puis le fond manque, et le courant entraîne les plus téméraires, qui, sans lâcher leur prise, s’en vont à la dérive, échouent sur quelque haut-fond, regagnent la rive et recommencent leurs recherches d’un gué. Quelques fétus de paille apportés par les eaux s’arrêtent çà et là : ce sont des ponts branlants où les fourmis s’engagent. Des feuilles sèches d’olivier deviennent des radeaux avec cargaison de passagers. Les plus vaillants, un peu par leurs propres manœuvres, un peu par d’heureuses chances, gagnent, sans intermédiaires, la rive opposée. J’en vois qui, entraînés par le courant à deux ou trois pas de distance, sur l’un et l’autre rivage, semblent fort soucieux de ce qu’ils ont à faire. Au milieu de ce désordre de l’armée en déroute, au milieu des périls de la noyade, aucun ne lâche son butin. Il s’en garderait bien : plutôt la mort. Bref, le torrent est franchi tant bien que mal, et cela par la piste réglementaire.

L’odeur de la voie ne peut être en cause, ce me semble, après l’expérience du torrent, qui a lavé le sol quelque temps à l’avance et qui d’ailleurs renouvelle ses eaux tant que dure la traversée. Examinons maintenant ce qui se passera lorsque l’odeur formique, s’il y en a une sur la piste, en effet, sera remplacée par une autre incomparablement plus forte, et sensible à notre odorat, tandis que la première ne l’est pas, du moins dans les conditions que je discute ici.

Une troisième sortie est épiée, et sur un point de la voie suivie, le sol est frotté avec quelques poignées de menthe que je viens de couper à l’instant dans une plate-bande. Avec le feuillage de la même plante, je recouvre la piste un peu plus loin. Les fourmis, revenant, traversent, sans paraître préoccupées, la zone frictionnée ; elles hésitent devant la zone jonchée de feuilles, puis passent outre.

Après ces deux expériences, celle du torrent qui lessive le sol, celle de la menthe qui en change l’odeur, il n’est plus permis, je crois, d’invoquer l’odorat comme guide des fourmis rentrant au nid par la voie suivie au départ. D’autres épreuves achèveront de nous renseigner.

Sans rien toucher au sol, j’étale maintenant en travers de la piste d’amples feuilles de papier, des journaux que je maintiens avec quelques petites pierres. Devant ce tapis, qui change complètement l’aspect de la route sans rien lui enlever de ce qui pourrait être odorant, les fourmis hésitent encore plus que devant tous mes autres artifices, même le torrent. Il leur faut des essais multipliés, des reconnaissances sur les côté, des tentatives en avant et des reculs réitérés, avant de se hasarder en plein sur la zone inconnue. La bande de papier est enfin franchie et le défilé reprend comme d’habitude.

Une autre embûche attend plus loin les Amazones. J’ai coupé la piste par une mince couche de sable jaune, le terrain lui-même étant grisâtre. Ce changement de coloration suffit seul pour dérouter un moment les fourmis, qui renouvellent ici, mais moins prolongées, leurs hésitations devant la zone de papier. Finalement, l’obstacle est franchi comme les autres.

Ma bande de sable et ma bande de papier n’ayant pas dissipé les effluves odorants dont la piste pourrait être imprégnée, il est d’évidence que, puisque les mêmes hésitations, les mêmes arrêts se reproduisent, ce n’est pas l’olfaction qui fait retrouver leur chemin aux fourmis, mais bel et bien la vue, car toutes les fois que je modifie l’aspect de la piste d’une façon quelconque, par les érosions du balai, le flux de l’eau, la verdure de menthe, le tapis de papier, le sable d’une autre couleur que le sol, la colonne de retour fait halte, hésite et cherche à se rendre compte des changements survenus. Oui, c’est la vue, mais une vue très myope pour laquelle quelques graviers déplacés changent l’horizon. Pour cette courte vue, une bande de papier, un lit de feuilles de menthe, une couche de sable jaune, un filet d’eau, un labour par le balai, et des modifications moindres encore, transforment le paysage ; et le bataillon, pressé de rentrer au plus vite avec son butin, s’arrête anxieux devant ces parages inconnus. Si ces zones douteuses sont enfin franchies, c’est que, les tentatives se multipliant à travers les bandes modifiées, quelques fourmis finissent par reconnaître, au-delà, des points qui leur sont familiers. Sur la foi de ces clairvoyantes, les autres suivent.

La vue serait insuffisante si l’Amazone n’avait en même temps à son service la mémoire précise des lieux. La mémoire d’une fourmi ! Qu’est-ce que cela pourrait bien être ? En quoi ressemble-t-elle à la nôtre ? À ces questions, je n’ai pas de réponse ; mais quelques lignes me suffiront pour démontrer que l’insecte a le souvenir assez tenace et très exact des lieux qu’il a une fois visités. Voici ce dont j’ai été témoin à bien des reprises. Il arrive parfois que la fourmilière pillée offre aux Amazones un butin supérieur à celui que la colonne expéditionnaire peut emporter. Ou bien encore la région visitée est riche en fourmilières. Une autre razzia serait nécessaire pour exploiter à fond l’emplacement. Alors une seconde expédition a lieu, tantôt le lendemain, tantôt deux ou trois jours plus tard. Cette fois, la colonne ne cherche plus en route, elle va droit au gîte fertile en nymphes, et elle s’y rend exactement par la même voie déjà suivie. Il m’est arrivé d’avoir jalonné avec de petites pierres, sur une longueur d’une vingtaine de mètres, le chemin suivi une paire de jours avant, et de surprendre les Amazones en expédition par la même route, pierre par pierre. Elles vont passer par ici, elles vont passer par là, me disais-je d’après les cailloux de repère ; et, en effet, elles passaient ici, elles passaient là, longeant ma pile de cailloux, sans écart notable.

À plusieurs jours d’intervalle, est-il permis d’admettre la persistance d’émanations odorantes répandues sur le trajet ? Nul ne l’oserait. C’est donc bien la vue qui guide les Amazones, la vue servie par la mémoire des lieux. Et cette mémoire est tenace jusqu’à conserver l’impression le lendemain et plus tard ; elle est d’une fidélité scrupuleuse car elle conduit la colonne par le même sentier que la veille, à travers les accidents si variés du terrain.

Si les lieux lui sont inconnus, comment se comportera l’Amazone ? Outre la mémoire topographique, qui ne peut ici lui servir, la région où je la suppose étant encore inexplorée, la fourmi possèderait-elle la faculté directrice du Chalicodome, au moins dans de modestes limites, et pourrait-elle ainsi regagner sa fourmilière ou sa colonne en marche ?

Toutes les parties du jardin ne sont pas également visitées par la légion pillarde ; la partie nord est exploitée de préférence, les razzias y étant sans doute plus fructueuses. C’est donc au nord de leur caserne que les Amazones dirigent d’habitude leurs caravanes ; très rarement, je les surprends au sud. Cette partie du jardin leur est donc, sinon totalement inconnue, du moins bien moins familière que l’autre. Cela dit, voyons la conduite de la fourmi dépaysée.

Je me tiens au voisinage de la fourmilière ; et quand la colonne revient de la chasse aux esclaves, je fais engager une fourmi sur une feuille morte que je lui présente. Sans la toucher, je la transporte ainsi à deux ou trois pas seulement de son bataillon, mais dans la direction sud. Cela suffit pour la dépayser, pour la désorienter totalement. Je vois l’Amazone, remise à terre, errer à l’aventure, toujours le butin entre les mandibules bien entendu ; je la vois s’éloigner en toute hâte de ses compagnes, croyant les rejoindre ; je la vois revenir sur ses pas, s’écarter de nouveau, essayer à droite, essayer à gauche, tâtonner dans une foule de directions sans parvenir à se retrouver. Ce belliqueux négrier, à la forte mâchoire, est perdu à deux pas de sa bande. Il me reste en mémoire quelques-uns de ces égarés qui, après une demi-heure de recherches, n’avaient pu regagner la voie et s’en éloignaient de plus en plus, toujours la nymphe aux dents. Que devenaient-ils, que faisaient-ils de leur butin ? Je n’ai pas eu la patience de suivre jusqu’au bout ces stupides pillards.

Répétons l’expérience mais en déposant l’Amazone dans la région nord. Après des hésitations plus ou moins longues, des recherches tantôt dans une direction et tantôt dans une autre, la fourmi parvient à retrouver sa colonne. Les lieux lui sont connus.

Voilà certes un hyménoptère totalement privé de cette sensibilité directrice dont jouissent d’autres hyménoptères. Il a pour lui la mémoire des lieux et plus rien. Un écart de deux à trois de nos pas suffit pour lui faire perdre la voie et l’empêcher de revenir parmi les siens ; tandis que des kilomètres, à travers des parages inconnus, ne mettent pas en défaut le Chalicodome. Je m’étonnais tantôt que l’homme fût privé d’un sens merveilleux, apanage de quelques animaux. La distance énorme entre les deux termes comparés pouvait fournir matière à discussion. Maintenant cette distance n’existe plus il s’agit de deux insectes très voisins, de deux hyménoptères. Pourquoi, s’ils sortent du même moule, l’un a-t-il un sens que l’autre n’a pas, un sens de plus, caractère bien autrement dominateur que les détails de l’organisation ? J’attendrai que les transformistes veuillent bien m’en donner raison valable.

Cette mémoire des lieux, dont je viens de reconnaître la ténacité et la fidélité, à quel point est-elle souple pour retenir l’impression ? Faut-il à l’Amazone des voyages réitérés pour savoir sa géographie ; ou bien une seule expédition lui suffit-elle ? Du premier coup, la ligne suivie et les lieux visités sont-ils gravés dans le souvenir ? La Fourmi rousse ne se prête pas aux épreuves qui donneraient la réponse : l’expérimentateur ne peut décider si la voie où la colonne expéditionnaire s’engage est parcourue pour la première fois ; et puis il n’est pas en son pouvoir de faire adopter par la légion tel ou tel autre chemin. Quand elles sortent pour piller les fourmilières, les Amazones se dirigent à leur guise, et leur défilé ne souffre pas notre intervention. Adressons-nous alors à d’autres hyménoptères.

Je choisis les Pompiles, dont les mœurs seront étudiées en détail dans un autre chapitre. Ce sont des chasseurs d’araignées et des fouisseurs de terriers. Le gibier, nourriture de la future larve, est d’abord capturé et paralysé ; la demeure est ensuite creusée. Comme la lourde proie serait grave embarras pour l’hyménoptère en recherche d’un emplacement propice, l’araignée est déposée en haut lieu, sur une touffe d’herbe ou de broussailles, à l’abri des maraudeurs, fourmis surtout, qui pourraient détériorer la précieuse pièce en l’absence du légitime possesseur. Son butin établi sur l’élévation de verdure, le Pompile cherche un lieu favorable et y creuse son terrier. Pendant le travail d’excavation, il revient de temps à autre à son araignée ; il la mordille un peu, il la palpe comme pour se féliciter de la copieuse victuaille ; puis il retourne à son terrier, qu’il fouille plus avant. Si quelque chose l’inquiète, il ne se borne pas à visiter son araignée : il la rapproche aussi un peu de son chantier de travail, mais en la déposant toujours sur la hauteur d’une touffe de verdure. Voilà les manœuvres dont il me sera facile de tirer parti pour savoir jusqu’à quel point la mémoire du Pompile est flexible.

Pendant que l’hyménoptère travaille au terrier, je m’empare du gibier et le mets en lieu découvert, distant d’un demi-mètre de la première station. Bientôt le Pompile quitte le trou pour s’enquérir de sa proie, et va droit au point où il l’avait laissée. Cette sûreté de direction, cette fidélité dans la mémoire des lieux peuvent s’expliquer par des visites antérieures et réitérées. J’ignore ce qui s’est passé avant. Ne tenons compte de cette première expédition ; les autres seront plus concluantes. Pour le moment, le Pompile retrouve, sans hésitation aucune, la touffe d’herbe où gisait sa proie. Alors marches et contre-marches dans cette touffe, explorations minutieuses, retours fréquents au point même où l’araignée avait été déposée. Enfin, convaincu qu’elle n’est plus là, l’hyménoptère arpente les environs, à pas lents, les antennes palpant le sol. L’araignée est aperçue sur le point découvert où je l’avais mise. Surprise du Pompile, qui s’avance, puis brusquement recule avec un haut-le-corps. Est-ce vivant ? Est-ce mort ? Est-ce bien là mon gibier ? semble-t-il se dire. Méfions-nous !

L’hésitation n’est pas longue : le chasseur happe l’araignée et l’entraîne à reculons, pour la déposer, toujours en haut lieu, sur une seconde touffe de verdure, distante de la première de deux à trois pas. Ensuite il revient au terrier, où quelque temps il fouille. Pour la seconde fois, je déplace l’araignée, que je dépose à quelque distance, en terrain nu. C’est le moment pour apprécier la mémoire du Pompile. Deux touffes de gazon ont servi de reposoir provisoire au gibier. La première, où il est revenu avec tant de précision, l’insecte pouvait la connaître par un examen un peu approfondi, par des visites réitérées qui m’échappent ; mais la seconde n’a fait certainement en sa mémoire qu’une impression superficielle. Il l’a adoptée sans aucun choix étudié ; il s’y est arrêté tout juste le temps nécessaire pour hisser son araignée au sommet ; il l’a vue pour la première fois, et il l’a vue à la hâte, en passant. Ce rapide coup d’œil suffira-t-il pour en garder exact souvenir ? D’ailleurs, dans la mémoire de l’insecte, deux localités peuvent maintenant se brouiller ; le premier reposoir peut être confondu avec le second. Où ira le Pompile ?

Nous allons le savoir : le voici quittant le terrier pour une nouvelle visite à l’araignée. Il accourt tout droit à la seconde touffe, où il cherche longtemps sa proie absente. Il sait très bien qu’elle était là, en dernier lieu, et non ailleurs ; il persiste à l’y chercher sans une seule fois s’aviser de revenir au premier reposoir. La première touffe de gazon ne compte plus pour lui, la seconde seule le préoccupe. Puis commencent des recherches aux environs.

Son gibier retrouvé sur le point dénudé où je l’avais mis moi-même, l’hyménoptère dépose rapidement l’araignée sur une troisième touffe de gazon, et l’épreuve recommence. Cette fois, c’est à la troisième touffe que le Pompile accourt sans hésitation, sans la confondre nullement avec les deux premières, qu’il dédaigne de visiter, tant sa mémoire est sûre. Je continue de la même façon une paire de fois encore, et l’insecte revient toujours au dernier reposoir, sans se préoccuper des autres. Je reste émerveillé de la mémoire de ce myrmidon. Il lui suffit d’avoir vu une fois, à la hâte, un point qui ne diffère en rien d’une foule d’autres, pour se le rappeler très bien, malgré sa préoccupation de mineur, acharné à son travail sous terre. Notre mémoire pourrait-elle toujours rivaliser avec la sienne ? C’est fort douteux. Accordons à la Fourmi rousse une mémoire pareille, et ses pérégrinations, ses retours au logis par la même voie n’auront plus rien d’inexplicable.

Des épreuves de ce genre m’ont fourni quelques autres résultats dignes de mention. Quand il est convaincu, par des explorations difficiles à lasser, que l’araignée n’est plus sur la touffe où il l’avait déposée, le Pompile, disons-nous, la recherche dans le voisinage et la retrouve assez aisément, car j’ai soin de la placer moi-même en lieu découvert. Augmentons un peu la difficulté. Du bout du doigt, je fais une empreinte sur le sol, et au fond de la petite cavité, je dépose l’araignée, que je recouvre d’une mince feuille. Or, il arrive à l’hyménoptère, en quête de son gibier égaré, de traverser cette feuille, d’y passer et d’y repasser sans avoir soupçon que l’araignée est dessous, car il va plus loin continuer ses vaines recherches. Ce n’est donc pas l’odorat qui le guide, mais bien la vue. De ses antennes pourtant il palpe sans cesse le sol. Quel peut être le rôle de ces organes ? Je l’ignore, tout en affirmant que ce ne sont pas des organes olfactifs. L’Ammophile, en quête de son ver gris, m’avait déjà conduit à la même affirmation ; j’obtiens maintenant une démonstration expérimentale qui me semble décisive. J’ajoute que le Pompile a la vue très courte : souvent il passe à une paire de pouces de son araignée sans l’apercevoir.