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« Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/36 » : différence entre les versions

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des causes extérieures, nous ne pourrons rien trouver en elle qui la puisse détruire. » Cela signifie : Une notion ne pouvant rien contenir qui soit en contradiction avec sa définition, c’est-à-dire avec la somme de ses attributs, une chose non plus ne peut rien renfermer qui puisse devenir la cause de sa destruction. Cette opinion est poussée jusqu’à sa limite extrême dans la seconde et un peu longue démonstration de la onzième proposition, où il confond la cause qui pourrait détruire ou supprimer un être avec une contradiction que renfermerait la définition de cet être et qui par suite annulerait celle-ci. La nécessité de confondre une cause avec un principe de connaissance devient ici tellement impérieuse, que Spinoza ne peut jamais dire causa, ou bien ratio seulement, mais qu’il est obligé de mettre chaque fois ratio sive causa ; et dans le passage en question cela lui arrive huit fois, pour masquer la fraude. Descartes en avait déjà fait de même dans l’axiome que nous avons rapporté plus haut.
in eadem poterimus invenire, quod ipsam possit destruere.»<ref>« La définition d’une chose quelconque affirme, mais ne nie pas l’essence de cette chose (essence, constitution pour ne pas confondre avec ''existentia'', existence); autrement dit, elle pose, mais n’ôte pas l’essence de cette chose. Aussi longtemps donc que nous avons égard seulement à la chose elle-même, et non à des causes extérieures, nous ne pourrons rien trouver en elle qui la puisse détruire. »</ref> Cela signifie : Une notion ne pouvant rien contenir qui soit en contradiction avec sa définition, c’est-à-dire avec la somme de ses attributs, une chose non plus ne peut rien renfermer qui puisse devenir la cause de sa destruction. Cette opinion est poussée jusqu’à sa limite extrême dans la seconde et un peu longue démonstration de la onzième proposition, où il confond la cause qui pourrait détruire ou supprimer un être avec une contradiction que renfermerait la définition de cet être et qui par suite annulerait celle-ci. La nécessité de confondre une cause avec un principe de connaissance devient ici tellement impérieuse, que Spinoza ne peut jamais dire ''causa'', ou bien ''ratio'' seulement, mais qu’il est obligé de mettre chaque fois ''ratio siu causa'' ; et dans le passage en question cela lui arrive huit fois, pour masquer la fraude. Descartes en avait déjà fait de même dans l’axiome que nous avons rapporté plus haut.


Ainsi le panthéisme de Spinoza n’est donc au fond que la réalisation de la preuve ontologique de Descartes. Il commence par adopter la proposition ontothéologique de Descartes, citée ci-dessus : Ipsa naturae Dei immensitas est causa sive ratio, propter quam nulla causa indiget ad existendum[L’immensité même de sa nature est la cause ou la raison pour laquelle il n’a besoin d’aucune cause pour exister] ; au lieu de Deus [Dieu], il dit (au commencement) toujours substentia ; il conclut : Substantiæ essentia necessario involvit existentiam, ergo erit substantia causa sui [L’essence de la substance enveloppe nécessairement l’existence ; elle sera donc cause de soi » (Eth., P. I, prop. 7.) Ainsi, le même argument par lequel Descartes avait prouvé l’existence de Dieu lui sert à prouver l’existence absolument nécessaire
Ainsi le panthéisme de Spinoza n’est donc au fond que la ''réalisation'' de la preuve ontologique de Descartes. Il commence par adopter la proposition ontothéologique de Descartes, citée ci-dessus : ''Ipsa naturae Dei immensitas est causa sive ratio, propter quam nulla causa indiget ad existendum''<ref>« L’immensité même de sa nature est la cause ou la raison pour laquelle il n’a besoin d’aucune cause pour exister »</ref> ; au lieu de ''Deus'', il dit (au commencement) toujours ''substantia'' ; il conclut : ''Substantiæ essentia necessario involvit existentiam, ergo erit substantia'' causa sui.<ref>« L’essence de la substance enveloppe nécessairement l’existence ; elle sera donc cause de soi »</ref> (''Eth''., P. I, prop. 7.) Ainsi, le même argument par lequel Descartes avait prouvé l’existence de Dieu lui sert à prouver l’existence absolument nécessaire

Version du 11 janvier 2021 à 14:14

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in eadem poterimus invenire, quod ipsam possit destruere.»[1] Cela signifie : Une notion ne pouvant rien contenir qui soit en contradiction avec sa définition, c’est-à-dire avec la somme de ses attributs, une chose non plus ne peut rien renfermer qui puisse devenir la cause de sa destruction. Cette opinion est poussée jusqu’à sa limite extrême dans la seconde et un peu longue démonstration de la onzième proposition, où il confond la cause qui pourrait détruire ou supprimer un être avec une contradiction que renfermerait la définition de cet être et qui par suite annulerait celle-ci. La nécessité de confondre une cause avec un principe de connaissance devient ici tellement impérieuse, que Spinoza ne peut jamais dire causa, ou bien ratio seulement, mais qu’il est obligé de mettre chaque fois ratio siu causa ; et dans le passage en question cela lui arrive huit fois, pour masquer la fraude. Descartes en avait déjà fait de même dans l’axiome que nous avons rapporté plus haut.

Ainsi le panthéisme de Spinoza n’est donc au fond que la réalisation de la preuve ontologique de Descartes. Il commence par adopter la proposition ontothéologique de Descartes, citée ci-dessus : Ipsa naturae Dei immensitas est causa sive ratio, propter quam nulla causa indiget ad existendum[2] ; au lieu de Deus, il dit (au commencement) toujours substantia ; il conclut : Substantiæ essentia necessario involvit existentiam, ergo erit substantia causa sui.[3] (Eth., P. I, prop. 7.) Ainsi, le même argument par lequel Descartes avait prouvé l’existence de Dieu lui sert à prouver l’existence absolument nécessaire

  1. « La définition d’une chose quelconque affirme, mais ne nie pas l’essence de cette chose (essence, constitution pour ne pas confondre avec existentia, existence); autrement dit, elle pose, mais n’ôte pas l’essence de cette chose. Aussi longtemps donc que nous avons égard seulement à la chose elle-même, et non à des causes extérieures, nous ne pourrons rien trouver en elle qui la puisse détruire. »
  2. « L’immensité même de sa nature est la cause ou la raison pour laquelle il n’a besoin d’aucune cause pour exister »
  3. « L’essence de la substance enveloppe nécessairement l’existence ; elle sera donc cause de soi »