Petite cuve dans laquelle on laisse séjourner
l'eau bénite pour l'usage des fidèles, à l'entrée ou à la sortie des églises.
Il y a deux sortes de bénitiers: les bénitiers portatifs et les bénitiers fixes.
Nous ne nous occuperons que de ces derniers, les premiers faisant partie
des ustensiles à l'usage du culte. Il nous serait difficile de dire à quelle
époque les bénitiers fixes furent posés à la porte des églises. Nous connaissons
quelques bénitiers informes qui paraissent avoir été très-anciennement
scellés dans les piédroits des portes d'églises d'une date reculée; mais il
nous paraît difficile de dire si ces bénitiers appartiennent à l'époque de la
construction de ces édifices, ou s'ils ont été placés après coup. Ces bénitiers,
en tant qu'ils soient primitifs, ne sont guère que de très-petites cuves en
pierre et en forme d'une demi-sphère. Nous serions tenté de croire (bien
que nous ne puissions appuyer notre opinion sur aucune preuve certaine)
que, dans les églises antérieures au XIIe siècle, le bénitier était un vase de
métal que l'on plaçait près de l'entrée des églises lorsque les portes étaient
ouvertes. Cette conjecture n'est basée que sur l'absence de toute disposition
indiquant la place de cet accessoire. Sous le porche des églises primitives
de l'ordre de Cluny, il y avait presque toujours une table de pierre d'une
dimension médiocre posée près de la porte. Cette table était-elle destinée à
recevoir un bénitier portatif? C'est ce que nous n'oserions affirmer. Était-elle,
comme semblent le croire quelques auteurs, entre autres Mabillon,
un autel? L'absence de monuments existant aujourd'hui nous laisse à cet
égard dans le doute.
Une gravure donnée par Dom. Plancher1, dans son Histoire de Bourgogne,
et représentant le porche de l'église abbatiale de Moutier-Saint-Jean,
montre un bénitier fort important placé devant le trumeau de la porte
centrale. La façade de cette église avait été élevée vers 1130, et le bénitier
semble appartenir à la même époque; autant qu'on peut en juger par la
gravure, fort grossièrement exécutée, ce bénitier paraît être en bronze et
posé immédiatement sous les pieds de la statue de la Vierge qui fait partie
du trumeau. Nous donnons ici (1) une copie de ce bénitier avec son entourage2.
Il était porté sur une colonne dont l'excessive maigreur nous fait
supposer qu'elle était en métal.
L'absence des bénitiers d'une époque ancienne dans nos églises n'aurait
pas lieu de surprendre, s'il était constaté qu'ils eussent été généralement
exécutés en bronze. En effet, les bénitiers en pierre, que nous trouvons
tenant à des monuments des XIIe et XIIIe siècles, sont d'une extrême simplicité,
et nous ne les rencontrons que dans des églises pauvres. On peut donc
supposer avec assez de raison que les bénitiers des églises riches, étant en
bronze, ont été volés, détruits et fondus à l'époque des guerres religieuses.
Dans les petites églises du Soissonnais, de l'Oise, construites à la fin du
XIIe siècle et au commencement du XIIIe, il existe un grand nombre de
bénitiers taillés comme l'indique la fig. 1 bis.3.
Mais les architectes du XIIIe siècle aimaient à faire tenir aux édifices tous
les accessoires nécessaires; ils étaient portés à prévoir, dans la construction,
des objets qui jusqu'alors avaient été regardés comme des meubles; ils
durent disposer des bénitiers faisant partie de l'édifice, près des portes, de
même qu'ils accusaient franchement les piscines, les crédences. Ces accessoires
devenaient pour eux autant de motifs de décoration. Près de la porte
méridionale de l'église de Villeneuve-le-Roi, on voit encore un bénitier
tenant au pilier de droite; ce bénitier est combiné avec la construction (2).
Ses assises règnent avec les assises du pilier; ce n'est pas un accessoire
rapporté après coup: il est prévu en bâtissant. La cuve polygonale est
surmontée d'un dais finement taillé. Cet édicule, comme la construction à
laquelle il tient, date de la première moitié du XIIIe siècle4.
Plus tard, pendant les XIVe et XVe siècles, les bénitiers reprennent leur
apparence de meubles, et se composent presque toujours d'une cuve
polygonale ou circulaire portée sur une colonne; ils ne font plus partie de
l'édifice. Quelquefois les sculpteurs se sont plu à figurer, au fond des cuves
des bénitiers, des serpents, des grenouilles, des poissons, puérilités
d'assez mauvais goût et qui font l'admiration de beaucoup de gens. Si ces
fantaisies avaient pour but de rappeler aux fidèles qu'ils doivent prendre
de l'eau bénite en entrant dans l'église, il faut avouer que cette singulière
façon d'attirer l'attention eut un plein succès. À l'époque où le zèle religieux
se refroidissait, les artistes s'ingéniaient souvent à exciter la curiosité,
à défaut d'autre sentiment. Nous pensons qu'il faut classer ces sculptures
d'animaux au fond des cuves des bénitiers parmi les fantaisies, parfois
burlesques, des sculpteurs du XVe siècle, quoiqu'on ait voulu trouver à ces
figures un sens symbolique.
Au pied des tombes, dans les cimetières, il était d'usage de placer ou de
creuser dans la pierre même recouvrant la sépulture de petits bénitiers;
on en voit encore un grand nombre en Bretagne, dans le Poitou et le
Maine, où cet usage s'est conservé jusqu'à nos jours. Ces petits bénitiers
étaient quelquefois en métal, en fer ou en bronze, accompagnés d'un
goupillon attaché à la cuve avec une chaînette.
Le siècle de la renaissance sculpta des bénitiers en marbre d'une grande
richesse, supportés par des figures. Mais malheureusement les guerres
religieuses détruisirent en France ces petits monuments. L'Italie et
l'Espagne nous en ont conservé un grand nombre d'exemples.
1 : Hist. génér. et partic. de Bourgogne. Dijon, 1739; t. I, p. 517.
2 : Nous nous sommes permis, tout en conservant aussi fidèlement que possible les
formes indiquées par la gravure, de rapprocher notre dessin du style du XIIe siècle,
la gravure étant complètement dépourvue de caractère.
3 : Ce bénitier provient de l'église de Saint-Jean-aux-Bois, près Compiègne.
4 : Le dessin de ce bénitier nous a été communiqué par M. Millet, architecte, à qui
nous devons déjà de précieux renseignements.