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des dons de l’auteur dramatique, s’il ne les avait pas tous ; et il faut dire ici que, de les avoir transportés dans le roman, c’est une autre part, et non pas la moindre encore de son originalité.

Tous ses romans sont dramatiques ; et, pour apercevoir ce genre de mérite jusque dans l’Histoire de Sibylle, il suffit de la comparer à Mademoiselle La Quintinie. Les « situations » y abondent : toujours fortes, jamais invraisemblables ; et quand elles sont le plus extraordinaires, toujours sauvées, rendues probables ou nécessaires par la longueur et l’habileté des préparations. J’en ai fait jadis la remarque : Feuillet n’entre pas brusquement, brutalement en matière, in medias res ; et il en a d’excellentes raisons, que j’ai essayé de donner, et qui sont des raisons d’auteur dramatique. Ses caractères sont d’ailleurs et d’abord entiers, constans, semblables à eux-mêmes, « posés » et suivis, savamment nuancés, mais non pas anatomisés, compliqués et brouillés à force de « psychologie. » Telle est Sibylle, telle est Julia de Trécœur, tel est M. de Camors, tel est M. de Maurescamp. Ils ne se font pas sous nos yeux, ils se développent, ou pour mieux dire, ils développent l’idée que Feuillet nous a donnée d’eux. Leurs attitudes et leurs gestes encore ne sont pas indiqués avec moins de précision que le jeu de leurs physionomies. On en trouvera partout d’innombrables exemples : dans Julia de Trécœur, dans Monsieur de Camors, dans l’Histoire d’une Parisienne : un acteur n’aurait qu’à s’y conformer. Le style enfin, direct et agissant, net et rapide, impersonnel et objectif, s’il a d’autres qualités, a surtout celle-ci, qui est dramatique entre toutes, de ne pas attirer ou débaucher l’attention, mais au contraire de l’aider, de la soulager, d’en sauver la fatigue.

Si Feuillet ne laissera donc pas dans l’histoire du théâtre la trace ineffaçable qu’il laissera dans l’histoire du roman contemporain, il ne faut pas regretter pour lui, ni nous plaindre qu’il ait fait du théâtre. A s’enfermer dans le roman, il eût écrit plus de Roman d’un jeune homme pauvre que de Petite Comtesse. Mais les nécessités de la scène achevèrent de l’enlever à son romanesque. En sortant du petit monde où il s’était confiné jusqu’alors, il lui fallut modifier, avec la nature de son observation, les moyens de la rendre. Et, après l’expérience de la vie, ce qui lui manquait encore, la pratique du théâtre le lui donna.

Joignons-y l’influence des idées ambiantes.

« Il y aurait quelque naïveté, disait M. J.-J. Weiss, en 1858, dans un article célèbre sur la Littérature brutale, à signaler, après mille autres, ce développement excessif des intérêts matériels qui tend à devenir la loi de la société… Mais ce phénomène en entraîne d’autres, dont nous sommes plus particulièrement responsables, et