Statistique des salariés de l’État

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PARIS.Statistique des salariés de l’état. — La Société de Statistique a entendu, dans sa dernière séance mensuelle, un rapport fort curieux, de M. Bennistan de Château-Neuf, sur le nombre d’individus qui reçoivent de l’état un traitement quelconque. M. Bennistan a pris pour guide le budget, et son rapport « embrasse tous les rangs, toutes les conditions ; depuis le mousse jusqu’à l’amiral, depuis le soldat jusqu’au maréchal de France, depuis l’humble desservant jusqu’au prince de l’église, depuis le simple ouvrier jusqu’au souverain, tout est là, c’est la civilisation, c’est la société tout entière.

» Ce travail montre que, sur une population de 32 millions de citoyens, dont il faut retrancher seize pour les femmes, et les trois cinquièmes pour ceux qui sont au-dessous de vingt ans, il y a en France un individu sur dix payé par l’état, et que sur un total de 613,500 personnes qui reçoivent en traitemens ou salaires une somme de 347 millions, 6,200 en touchent 35, ou près du dixième à elles seules.

» Une autre observation s’offre encore. C’est qu’après avoir examiné ce tableau, On demeure convaincu qu’aucune économie n’est possible en France, à moins de réduire à moitié, ou de supprimer des services entiers de dépense, et cela tient bien moins à un mauvais système d’administration qu’à la vaste étendue d’un royaume qui a trois cents lieues de long sur deux cent vingt-cinq de large, et cent cinq millions d’arpens de superficie. Quand il faut développer toutes les branches de l’administration jusqu’aux derniers points d’une si vaste surface, leur multiplicité devient immense. C’est ainsi que, pour rapprocher autant que possible le juge du plaideur, on a été obligé de créer près de quatre cents tribunaux, et de nommer 3,540 magistrats, qui coûtent 10 millions ; que, pour empêcher la fraude et la contrebande, il faut entourer nos frontières d’une armée de 25,000 douaniers, qui touchent 16 millions ; que, pour entretenir un simple pasteur dans chaque église de nos nombreuses communes, on paie 29 millions à 42,000 curés ou desservans. Toutefois on est loin de penser qu’à côté du nécessaire il faille laisser le superflu, et qu’il n’y ait rien de ce superflu dans les 33 millions que touchent 6,000 personnes.

« Si l’on divise les 607,500 individus restant par les 312 millions qui restent également, on trouve que chacun en obtient pour sa part une modique somme de 513 francs, et que cette somme se place précisément entre celles que coûtent à l’état l’entretien d’un galérien et celui d’un soldat.

« Les réformes, la mort et d’autres causes encore font varier chaque année les nombres de ce tableau de quelques mille, mais la guerre les augmente tout à coup prodigieusement. Tels qu’ils sont, ils montrent que la France paie annuellement, en traitemens et en salaires, une somme égale à celle que présentent les revenus réunis de l’Espagne, de la Prusse et du Danemarck. »

Il résulte du travail de M. Bennistan qu’il y a en France :

3,353
magistrats, coûtant 
9,724,000 fr.
42,500
écclésiastiques 
29,000,000
11,933
officiers de toutes armes 
26,374,000
1,423
officiers de vaisseaux 
3,030,000
5,389
employés de tous grades dans les ministères et administrations secondaires 
15,317,000
242,800
pensionnaires, dont 120,000 militaires, 27,560 légionnaires et 25 ministres, etc. 
76,500,000
307,598 159,915,000 fr.