Sulamite/7

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VII


L’OREILLE CLOUÉE…






Il y avait un bassin dans le palais du roi, un frais bassin octogonal, en marbre blanc. Des gradins de malachite vert foncé y descendaient. Un revêtement de jaspe d’Égypte, blanc comme la neige, avec de petites veines roses imprécises, lui servait de cadre. Le plus beau bois d’ébène ornait ses murs. Quatre têtes de lions en sardoine rose projetaient de minces filets d’eau dans le bassin. Huit miroirs en argent poli, d’excellente facture sidonienne, étaient enchâssés dans les murs, entre les légères colonnes blanches.

Avant de faire entrer Sulamite dans le bassin, les jeunes servantes y versèrent des mélanges aromatiques ; à leur contact, l’eau se colora de teintes blanchâtres et azurées, et tous les reflets de l’opale laiteuse se mirent à jouer sur l’onde.

Les esclaves qui dévêtaient Sulamite, regardaient son corps avec ravissement, et, l’ayant mise nue, elles la conduisirent devant un miroir. Nul défaut ne déparait ce beau corps que dorait un blond et tendre duvet, le faisant semblable à un fruit mûr, bruni par le soleil. Mais elle, se voyant nue dans le miroir, rougissait et pensait :

— Tout cela pour toi, ô mon roi ! Elle sortit du bassin, fraîche et odorante, couverte de gouttelettes d’eau qui frémissaient. Les esclaves la revêtirent d’une courte tunique blanche du lin d’Égypte le plus fin, et d’une robe en précieux byssus de Sargon, d’un or tellement étincelant, que le vêtement semblait tissé des rayons du soleil. Elles chaussèrent ses pieds de sandales rouges en peau de jeune chevreau, firent sécher ses boucles de flammes, les parsemèrent de grosses perles noires, et ornèrent ses bras de bracelets d’or.

Ainsi parée, elle se présenta devant Salomon, et joyeusement le roi s’écria :

— Qui est-elle, étincelante, comme l’aurore, belle comme la lune, lumineuse comme le soleil ?

« Ô, Sulamite, ta beauté est plus terrible que le front des armées sous leurs bannières déployées !

« J’ai connu sept cents femmes et trois cents concubines, et des jeunes filles sans nombre, mais l’Unique, c’est toi, incomparable aimée !

« Les reines te verront et elles t’exalteront, les concubines s’inclineront devant toi, et tu seras glorifiée par toutes les femmes de la terre.

« Ô, Sulamite, le jour où tu deviendras mon épouse et ma reine, sera le plus heureux pour mon cœur.

Mais elle, s’approchant de la porte d’olivier sculpté, y pressa sa joue et dit :

— Je ne veux être que ton esclave, Salomon. Tu vois, j’ai appuyé mon oreille contre la porte, et je t’en prie : selon la loi de Moïse, cloue cette oreille contre cette porte, en témoignage de ma servitude volontaire devant toi.

Alors Salomon fit apporter de son trésor des pendentifs précieux, des escarboucles d’un rouge profond, taillées en forme de poires ovales. Il les fixa lui-même aux oreilles de Sulamite et dit :

— Ma bien aimée est à moi, et je suis à elle.

Puis, prenant Sulamite par la main, il la conduisit dans la salle des festins où l’attendaient déjà ses amis et ceux de son entourage.