Sur la route (Bruant)/À Nice

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Sur la Route : chansons et monologuesAristide Bruant (p. 49-52).


À NICE


Bonjour, Justin, comment qu’ça t’va ?
Moi, figur’-toi que j’suis à Nice,
Où que l’soir ej’ fais un Hova
Dans l’entre-sort du grand Narcisse ;
Un forain qui fait que c’qui peut
Et qui va chiner d’foire en foire
Avec sa méness’ qu’est tout’ noire
Et qui l’fait cocu tant qu’a veut.


Mais c’est pas pour ça que j’t’écris,
C’est pour te dir’ comme j’la r’lève.
Vrai, Nice est pus chouett’ que Paris,
C’est pas un pays… c’est un rêve !
Non, t’as pas idé’ de c’coin-là :
Ya des ros’s et des marguerites
Plein les ru’s… et des bell’s petites…
Comm’ les fleurs… en veux-tu… n’en v’là !

Aussi faut voir, au Carnaval,
Minc’ qui yen a d’la gigolette…
Et, tu sais, pas des marque-mal…
Non… des p’tit’s femm’s qu’a d’la galette !…
… Et d’la chaleur… et pas d’hiver ;
Tu pens’s un peu si j’me la coule,
Ej’me les chauffe, ej’me les roule,
Au soleil, comme un lézard vert.

Enfin, vois-tu, mon vieux Justin,
J’en ai soupé des Batignolles.
T’es pas près d’me r’voir à Pantin.
Non… faudrait que j’soy’ vraiment gnolle
Pour plaquer un pays pareil
Où qu’j’ai la Méditerranée,
Son ciel !… sa plage !… Et tout’ l’année
Des fleurs… des fess’s… et du soleil !