Sur la route (Bruant)/Innocent

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Sur la Route : chansons et monologuesAristide Bruant (p. 27-30).


INNOCENT


Oui, Monsieur l’Président, j’braconne,
J’maraude aussi, chacun sait ça,
Mais j’ai jamais violé personne,
Surtout la fille à c’tte femm’-là !…
Sa fille !… Alle a pris sa volée
Sans qu’on la pousse… ah ! nom de Dieu !…
Et v’nir sout’nir que j’l’ai violée !
Sa fille !… a sortait pas d’mon pieu.


Alle est v’nu’ comm’ ça, sans qu’j’y d’mande,
Un beau soir, entre loup et chien.
Alle était plat’ comme eun’ limande ;
Quant à du néné, yavait rien.
N’empêch’ que j’me suis laissé faire,
Moi j’suis obligeant et bon fieu…
Et pis j’dois êt’ eun’ bath affaire !…
Sa fille !… a sortait pas d’mon pieu.

J’avais beau y dir’ : Faut qu’tu t’lèves ;
Si tu restes là, j’vas m’fâcher.
— De quoi ? qu’a m’répondait, tu m’crèves,
Je m’tiens pus d’bout, j’peux pus marcher.
Pendant qu’j’allais tirer d’la marne,
Mam’zell s’allongeait dans l’milieu
D’mon poussier… a faisait sa carne…
Sa fille !… a sortait pas d’mon pieu.

Et v’là-t’y pas c’tte vieill’ noceuse
Qui vient sout’nir, mon Président,
Que j’yai violenté sa pisseuse…
Ah ! non !… vrai !… c’que c’est emmerdant !!!
Mais d’mandez-y donc qui qu’est l’père ?
Personn’ ne l’sait, mêm’ pas l’bon Dieu.
Mais c’est eun’ putain comm’ sa mère !…
Sa fille !… a sortait pas d’mon pieu.