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Sur la route (Bruant)/Anges pour Noël

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Sur la Route : chansons et monologuesAristide Bruant (p. 203-207).
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ANGES POUR NOËL


Le vent souffle dans les lointains.
Il apporte, avec la tourmente,
Les clameurs, les cris incertains
D’un peuple entier qui se lamente !

C’est décembre. Et, dans les journaux,
On raconte des faits étranges
Que commentent les tribunaux…
Voilà Noël… Il faut des anges !


Et le vent souffle. La cité
S’emplit de cris. De par la ville,
On refait la virginité
Des filles qui par cent, par mille,
Se livrent, un soir, à l’amant,
Au mâle, en rut, qui les féconde.
— Pour la fille, il est infamant
De mettre son enfant au monde. —

............

Le vent redouble et l’on entend
Les cris redoubler dans les antres,
— Officines de charlatan… —
Les bourreaux charcutent les ventres :
Ils amènent les chérubins
Sanglants et meurtris dans les langes !
Ohé !… Messieurs les carabins,
Voilà Noël… Il faut des anges !



Et le vent souffle sur les flots,
Emportant, avec lui, les âmes
Des angelets dont les sanglots
Viennent réveiller les infâmes
Qui les extirpent du saint lieu
Et les foutent dans les vidanges…
Pour les envoyer au bon Dieu.
Voilà Noël… Il faut des anges !

Décembre, 1896