Sur un Angelica nouveau de l’île de Quelpaërt (Corée)

La bibliothèque libre.

M. F. Camus donne lecture de la Note ci-dessous :

Sur un Angelica nouveau de l’île de Quelpaërt (Corée) ;

par M. H. de BOISSIEU.

La plante qui fait l’objet de la présente Note appartient à la section des Angelica appelée par Turczaninow Gomphopetalum et par Hoffmann Ostericum. Cette section comprend des plantes à facies tout particulier, et pourrait bien constituer un genre à part. Les Angelica de ce groupe sont des herbes peu élevées, débiles, surtout si on les compare aux espèces si robustes des autres sections des genres Angelica et Archangelica. Leur particularité la plus notable est la nature de l’aile du fruit qui montre sa contexture cellulaire, même à l’œil nu ou armé d’une loupe très faible.

La plante que je décris ci-dessous m’était connue depuis longtemps par diverses collections d’Ombellifères d’Extrême-Orient que m’avait communiquées Mgr Léveillé ; mais je la confondais avec deux espèces voisines, A. koreana Max et A. Uchiyamæ Yabe. Après mûr examen, la plante de Quelpaërt m’a semblé présenter des caractères assez tranchés pour mériter de recevoir une dénomination spéciale.

A. fallax sp. nov.

Herba elata, multipedalis. Caulis erectus, ramosus, striatus, glaber, tantum sub umbella juniore parum puberulus. Folia membranacea, cuncta, præter suprema, longe petiolata, inferiora bi-triternata, media ternata, petiolis secundariis patulis, divisionibus primi vel secundi ordinis pinnatis vel profunde pinnatipartitis ; folia suprema simpliciter ternata vel ternatisecta. Pinnæ seu lobi ultimi ovato-lanceolati, acuti, supremi sæpius 3-5 partiti, basi longe cuneati, cuncti sat profunde et inæqualiter dentati, dentibus acutis, apice sæpius albo scariosis. Vaginæ inferiores parum superiores amplius dilatatæ, supremæ nonnunquam saccato-inflatæ. Umbellæ 8-12 radiatæ, radiis intus scabridis, plus minus inæqualibus. Involucrum plerumque nullum vel monophyllum. Involucelli phylla 5-10 linearia, elongata umbellullam florentem æquantia vel superantia. Umbellulæ circa 20-floræ. Petala alba, vel roseo-albida, costa dorsali impressa, lobulo apice inflexo. Antheræ breves albidæ. Mericarpia oblongo-quadrata, elongata, apice nuda (non calyce coronata), jugis tribus dorsalibus elevato-filiformibus, mediis tenuissimis, lateralibus angustius alatis, valleculis univittatis commissura utrinque bivittata.

Diffère de l’Angelica koreana Max. Mél. biol. XII. 47 par son involucre bien moins fourni, les gaines des feuilles dilatées, le fruit non couronné par les dents persistantes du calice. L’A. Uchiyamæ Yabe in Bot. Mag. Tokyo XVII, 107, (avec une bonne figure dans Nakaï Fl. de Corée) a l’involucre assez fourni (6-7 folioles), les méricarpes beaucoup plus ailés, les divisions foliaires à dents bien moins inégales et profondes L’A. inæqualis Max. in Bull. Ac. Petersb., XIX, 186, a le facies, les divisions foliaires de notre espèce, mais les fruits plus largement ailés, à vallécules munies de plusieurs bandelettes.

N. B. — Il existe un lusus, une monstruosité de notre plante à involucres et même involucelles foliacés, avec folioles pinnatifides ou pinnatiséquées. Cette monstruosité est fréquente dans les Ombellifères de Chine et de Corée. J’ai même signalé naguère un véritable cas de phyllanthie chez le Peucedanum terebinthaceum F. M.

Semble commun à Quelpaërt (île au Sud de la Corée) près de Hongno, vers les cascades, févr.-juil., 1907 (Faurie no 1825) ; Ibid., 8 avril 1908 (Taquet, no 4649) ; rivage de Sycken, 25 juin 1908 (Taquet) ; Quelpaërt, sur le rivage, 8 avril 1911 (Taquet, no 4796).


Obs. — L’île de Quelpaërt, dont la latitude est celle du Nord de Kiushiu, semble avoir une flore assez caractéristique, tenant à peu près le milieu entre celle de la Corée et celle du Japon. M. Guillaumin a reconnu le fait pour les Rutacées. M. Finet a publié en 1908, dans le Journal de Botanique, une liste d’Orchidées de la partie montagneuse de Quelpaërt qui toutes, sauf une espèce nouvelle, se trouvent dans l’île de Nippon. Mes études sur diverses collections de Violacées et d’Ombellifères de Quelpaërt m’amènent à des conclusions analogues à celles de MM. Guillaumin et Finet. Il existe à Quelpaërt des espèces caractéristiques, répandues au Japon et jusqu’ici inconnues en Corée, Viola Keiskoi Miq., Osmorrhiza japonica S-Z, etc. La flore de cette petite île possède aussi, ainsi que celle de presque toutes les îles, un élément endémique qui semble assez important, comme le prouve, pour la seule famille des Ombellifères, la découverte de deux espèces nouvelles, A. fallax et Bupleurum Leveillei (Nob. in Bull. Soc. bot. Fr., 1910) et, pour la famille des Violacées, celle du Viola coreana (Nob. in Bull. Soc. bot. Fr. 1911).