Symptômes du temps/01

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Symptômes du temps
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 63 (p. 786-797).
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SYMPTOMES DU TEMPS

DE LA CURIOSITE EN LITTERATURE.

Idées et Sensations, par MM. de Goncourt, 1 vol. in-8o ; Paris 1866.

Nous ne voudrions pas, à Dieu ne plaise ! qu’on nous accusât d’injustice envers notre temps ; mais ce n’est pas en médire que d’y chercher les symptômes de certaines maladies intellectuelles et morales. Toutes les époques ont eu, dans un sens quelconque, de ces dispositions maladives, exagération d’une qualité ou d’un défaut à la mode, imitations excessives des modèles appropriés à l’esprit du moment, péchés mignons de la société ou de la littérature, revers des médailles frappées à l’effigie d’un homme ou d’un siècle. Dans l’âge héroïque de l’esprit français, l’idéal chevaleresque côtoyait la carte du Tendre. Cent ans plus tard, tous les bouquets artificiels de la futilité, toutes les variétés de la fadeur florissaient, en plein mouvement philosophique, à deux pas de Voltaire, qui traitait d’égal à égal l’abbé de Bernis et Gentil-Bernard, et donnait d’avance un utile sujet de réflexions aux gens tentés de prendre au sérieux les complimens des maîtres. Enfin, lors des grandes batailles du romantisme, les puérilités abondèrent. Pour bon nombre de combattans, les questions de détail et de forme, d’enjambement et de césure, eurent tout autant d’importance que le réveil du spiritualisme et les vraies conquêtes d’un art nouveau régénéré par des libertés nouvelles.

Notre époque n’en est plus à retrouver les idées générales et à fixer la langue pour les exprimer ; elle n’a plus à aiguiser l’idée et le mot pour en faire une arme contre les abus. Si elle essayait, pour s’occuper, d’entreprendre une révolution littéraire, cette révolution, cherchant vainement ; quelque chose à combattre ou à détruire, expirerait dans le vide ou le ridicule, et s’exposerait au chagrin de s’entendre dire que ses Hernani s’appellent Henriette Maréchal. Les sociétés, comme les individus, ne peuvent pourtant pas vivre sans une passion. Quelle sera donc la passion du temps présent ? Quel sera ce symptôme épidémique de qui l’on peut répéter une fois de plus que tous n’en meurent pas, mais que tous en sont frappés ? Ce symptôme, c’est la curiosité.

Oui., la curiosité dans les deux sens du mot, — active et passive, celle qu’on ressent et celle qu’on recherche, le sentiment qu’éveille un phénomène et ce phénomène lui-même, — voilà ce qui, pour bien des esprits raffinés et blasés, remplace les enthousiasmes disparus, les croyances éteintes, les erreurs à combattre, les vérités à défendre, la poursuite d’un idéal supérieur à nos sens bornés, le dévouement à quelque noble chimère ou aux intérêts de l’humanité. Quiconque est las de croire veut savoir, quiconque est fatigué de penser veut regarder ; mais dans les civilisations extrêmes, surmenées, poussées de ton, l’envie de savoir et de regarder prend des allures particulières ; elle ne s’applique pas toujours aux choses vraiment dignes d’attirer les regards et de solliciter la science. Il lui faut le bizarre, le superflu, le rare, — c’est le mot dont se servent les initiés, — ou, en d’autres termes, le curieux. Souveraine absolue dans son palais encombré, la curiosité ne demande pas qu’on lui donne matière à réfléchir, à observer ou à rêver. Ce qu’elle veut, c’est savoir ce que personne ne sait, c’est voir ce que personne n’a vu, et elle, se confond si bien avec l’objet de sa convoitise qu’ils deviennent synonymes. Du temps de Corneille, on disait : C’est grand ! du temps de Racine, on disait : C’est beau ! du temps de Voltaire, on disait : C’est spirituel ! Aujourd’hui on dit : C’est curieux ! — Et le mot répond à tout parce qu’il exprime tout.

Faut-il en conclure que la, curiosité n’est et ne peut être qu’un mal, qu’elle est essentiellement stérile, qu’elle n’a pas une part, une large part dans l’activité de l’esprit moderne et dans le surcroît de ses facultés inventives ? Assurément non. Il existe une curiosité féconde, et nous n’en voudrions pour preuve que les conquêtes de la science et de la critique contemporaine, qui, refusant de se contenter de tradition, de convention et d’à peu près, se sont efforcées de pénétrer jusque dans le vif, de percer à jour les événemens et les œuvres, de retrouver l’homme dans le personnage : efforts heureux dont a profité la littérature, dont on reconnaît la trace dans nos meilleurs livres d’histoire, et qui, sauf l’excès ou l’abus, ont enrichi l’art et les lettres de quelques-uns des procédés scientifiques. Nous prenons la curiosité au moment où elle cesse, dirait un médecin, d’être un excitant pour l’intelligence et devient un débilitant, au moment où elle se détache de l’ensemble des facultés et des opérations de l’esprit pour régner seule et se ranger parmi les maladies morales.

Qu’on y regarde de près, cette curiosité, qui est la mauvaise, on la découvrira, avec des compensations plus ou moins réelles, partout où s’accusent le goût et l’esprit du temps : depuis les livres de tel historien ou de tel critique jusqu’à tel nom ou telle pièce en vogue sur nos théâtres, depuis les imaginations du roman jusqu’aux, caprices des salons et de la mode. Elle a dit le dernier mot d’œuvres jadis entreprises sous une inspiration plus élevée ; elle a teint de ses couleurs la maturité ou la vieillesse d’écrivains autrefois avides d’une science de meilleur aloi ou dominés par une pensée plus haute. Le roman moderne est son tributaire ; elle a été, à l’état d’hallucination ou de manie, une des muses familières de Balzac. Quelle est la personnification, sinon la plus forte, au moins la plus remuante et la plus actuelle du théâtre contemporain ? M. Victorien Sardou, une curiosité vivante, la curiosité faite auteur dramatique ; curiosité de médium fort en mathématiques, fantaisies d’Edgar Poë toisées par un ingénieur, poupées de spirite habillées par une couturière à la mode ! Parlerons-nous du paysage à la plume, de cette prose descriptive qui tient une si grande place dans notre littérature ? La curiosité y est chez soi, et souvent elle en abuse. Ce qui n’était d’abord qu’un sentiment plus familier et plus vrai de la nature, une faculté de voir et de décrire inconnue de nos devanciers, une sorte d’intuition pittoresque ajoutant un sens nouveau à la poésie et à la prose, elle l’exagère jusqu’à ce que le style change de nom et devienne de la couleur, jusqu’à ce que la prose change de procédé et devienne de la peinture.

Mais enfin tous ces malades, plus ou moins atteints de l’influenza, historiens et poètes vieillis, romanciers défunts ou vivans, auteurs dramatiques, prosateurs paysagistes et pittoresques, ont racheté ou rachètent le tribut payé à l’épidémie régnante par des œuvres que l’on n’oublie pas, par des qualités que l’on ne peut méconnaître. Ils ont eu leurs années robustes et fécondes avant leurs saisons malsaines ; plusieurs gardent encore dans la recherche ou l’empâtement des couleurs la ligne savante, la verve puissante, la pureté ou la grandeur des contours ; quand viendra l’heure du triage, on ne pourra pas dire que la curiosité leur a tout donné et qu’elle leur reprend tout.

Sont-ce là tous les effets de la curiosité dans les rapports de nos mœurs avec la littérature et l’art ? Non, il en est un autre qui tient au même principe et se produit sous des formes innombrables : du moment que l’on ne met plus le mot au service d’une idée et l’idée au service d’une cause, du moment que l’on n’écrit plus pour convaincre, que l’on ne s’adresse plus à l’âme, à la conscience, à l’esprit, les conditions de publicité, les moyens d’attirer l’attention, ne sont plus les mêmes. La curiosité a des appétits de minotaure, des caprices de sultan, des fantaisies de libertin blasé. Ce qui lui suffit ce matin ne lui suffira plus ce soir, ce qui la réveille aujourd’hui l’endormira demain. Il faut à tout moment la solliciter, l’importuner, la surexciter par un habile crescendo d’amorces et de friandises ; il faut le great attraction des Américains et des Anglais. Ces attractions sont de deux sortes : d’abord la prétention, la recherche, la surcharge, le raffinement, ou, pour parler la langue de ceux que nous discutons, le ragoût : puis la prétention passe de la composition et du style de l’œuvre écrite dans l’exploitation de l’œuvre publiée. Rien de plus logique : ce qui s’appelait autrefois ouvrage de l’esprit, ce que l’on nommait plus récemment œuvre d’art devient une curiosité. Or qui dit objet de curiosité dit objet de commerce : qui dit commerce dit annonce ; mais il n’est pas commode et pas sûr de s’annoncer soi-même. L’individu, réduit à lui seul, ne pourrait rien ou pourrait trop peu : nomen illi legio, l’annonce ou la réclame se fait collective ; chacun reçoit en proportion de ce qu’il donne ; la vanité littéraire, qui, forcée de parler seule, aurait ses embarras ou sa pudeur, agissant et parlant par procuration, a ses coudées franches.

Maintenant est-il possible d’étudier ce phénomène littéraire sans se heurter à certains noms ? Voici un livre récent, Idées et sensations. Oh ! chez les deux auteurs l’étiquette et la date sont aussi irrécusables que si on les trouvait dans un de ces inventaires d’objets d’art où ils apportent, nous dit-on, un coup d’œil si infaillible. MM. de Goncourt offrent, faute d’une originalité plus saisissante, ce trait particulier, qu’au lieu d’être un accident ou une rencontre dans leur vie, la curiosité a été leur vie tout entière. Ce n’est pas à eux qu’on appliquera le prolem sine matre creatam. La curiosité les a pris au berceau, comme ces fées bonnes ou mauvaises qui dotaient leurs filleuls d’une vertu ou d’un vice, d’un agrément ou d’une infirmité. Un païen l’eût appelée leur fatalité, un grand poète l’appellerait leur anankè ; elle se les est si bien assimilés qu’on ne sait vraiment plus où elle finit et où ils commencent. Que dis-je ? Comme si le cas n’était pas encore assez curieux, il faut ajouter à cette assimilation filiale l’assimilation fraternelle. Quelle bizarrerie cette collaboration, que dis-je ? cette fusion absolue de ce qu’il y a au monde de plus individuel, cette physionomie unique faite de deux figures ! Quelle singularité fortuite ou cherchée, cet égoïsme à deux, perpétuel et impassible dans son expression, bicéphale, ou, pour évoquer un vieux souvenir des plaisanteries du pays latin, cette duplicité phénoménale qui se résout dans l’unité ! Poussée à ce point extrême, l’union n’est plus que l’abdication partielle de deux moitiés qui renoncent à leur libre arbitre. En outre, avec ce parti-pris de menus détails et de couleurs à outrance, une association aussi étroite ne peut doubler que les défauts. Obstinés à tout voir et à tout rendre, les deux frères se servent mutuellement de microscope ; ce que l’un des deux oublierait de regarder, l’autre le voit ; là où le premier glisserait, le second appuie. Ce faux luxe, auquel séparément ils ne suffiraient pas, ils y arrivent en se cotisant. L’on peut dire qu’ils sont entrés dans la littérature à l’instant même où la curiosité s’y établissait en souveraine : ils n’ont pas connu ce qui avait précédé son règne, ces belles ardeurs de l’esprit en quête d’une vérité, d’une liberté, d’un idéal, nobles flammes qui, même en s’éteignant, laissent encore un reste de chaleur dans l’âme où elles ont passé et parfois se réveillent sous la cendre attiédie. Ils n’ont jamais tressailli en songeant à ce que pouvait être l’action vivante et féconde d’une pensée se communiquant de proche en proche, usant de la parole comme l’oiseau de ses ailes, et allant se poser dans des milliers d’intelligences pour leur faire croire ce qu’elle croit et répéter ce qu’elle dit. Non, la curiosité s’est emparée d’eux tout d’abord, et ils n’ont rien demandé de plus. Ils ont accepté auprès d’elle le rôle du patilo, du sigisbeo Italien, qui, soumis à tous les caprices d’une beauté fantasque, l’accompagne dans tous les musées, à tous les spectacles, portant sa lorgnette et son châle. Elle leur a fait les honneurs de l’histoire, et, pour lui complaire, ils ont surtout cherché dans l’histoire le bric-à-brac ; elle leur a proposé des sujets de roman, et, pour ne pas la perdre de vue, ils se sont hâtés d’abandonner l’étude romanesque pour faire de la pathologie. Elle leur a montré le monde extérieur, et, afin d’être plus sûrs de mériter ses bonnes grâces, ils ont fait de l’art d’écrire un docile apprenti de l’art, de peindre et changé leur écritoire en palette.

Mais tout courtisan est solliciteur, et, en donnant beaucoup, MM. de Goncourt ont beaucoup demandé. Par une coïncidence que pourrait relever un amateur de synchronismes, leurs débuts datent de décembre 1851, c’est-à-dire d’un moment où la curiosité allait nécessairement profiter de tout ce que perdaient des passions plus nobles, des facultés plus éprises d’air libre et de soleil. Bien que collectionneurs intrépides, ils paraissent avoir oublié leur premier livre, dont il est pourtant difficile de ne pas se souvenir à propos de leur dernier ouvrage. Dans ce roman de début, dont le titre : En 18… était déjà un premier appel à la curiosité, c’est surtout par la hardiesse des paradoxes que les jeunes auteurs s’efforçaient de vérifier le dignus es intrare. Sans compter une page fort curieuse sur Molière, on lisait dans ce petit volume des idées ou des sensations, dans le genre de celles-ci : « Racine n’a jamais connu de la passion que ce qu’a voulu en partager avec lui le petit Sévigné. » — « Corneille a un très grand mérite auprès des mémoires courtes ; mais il n’y a pas de sublime plus glacial que le sien. » Voilà le diapason : toujours l’histoire du chien d’Alcibiade ! seulement n’est pas Alcibiade qui veut, et il y a des chiens de plusieurs espèces.

Ces juvéniles ou puériles audaces avaient assurément fort peu d’importance, et notre siècle en a vu bien d’autres : pourtant le pli était déjà pris, et MM. de Goncourt n’ont pas su ou n’ont pas voulu le défaire. Nous lisons dans leur livre d’aujourd’hui : « l’antiquité a peut-être été faite pour être le pain des professeurs. » C’est exactement, à quinze ans de distance, avec la différence qui sépare des jeunes gens qui veulent faire du bruit d’hommes mûrs qui en ont fait, le même trait caractéristique : ou l’envie féroce de violenter la curiosité, qui ne se livre pas assez complètement, ou bien l’aveu, la preuve que l’on manque d’un sens, le meilleur, le plus français, le seul français, celui qui vit de simplicité, de clarté et de naturel, qui déteste le galimatias, et qui, en sa qualité de sens commun, refuse de se laisser charmer par le rare. Les affinités sont donc visibles entre le premier ouvrage de MM. de Goncourt et le dernier. Dans cet intervalle de quatorze ou quinze ans, ils ont touché à l’histoire, au roman, à l’esthétique, aux mémoires, à la fantaisie, au théâtre. Toutes ces œuvres variées ont une physionomie monotone ; toutes, si elles étaient de structure plus solide et plus durable, feraient l’effet de temples ou de chapelles élevés par MM. de Goncourt à leur idole. C’est ainsi qu’en essayant de raconter ou de décrire successivement la société française pendant la révolution et pendant le directoire, ils n’ont rien négligé pour donner à leur histoire les allures d’une revendeuse à la toilette. On étouffe dans ces volumes comme dans ces magasins où s’accumulent toutes les laideurs et toutes les pauvretés faites avec d’anciennes richesses et d’anciennes élégances. Dans ce fouillis de noms propres, on éprouve un étourdissement qui rend incapable d’apercevoir un coin d’horizon, de recueillir une idée, de préciser un souvenir. Il semble que l’historien se soit fait commissaire-priseur. MM. de Goncourt dans leur nouveau livre, — et c’est une des pensées les plus raisonnables qu’on y trouve, — viennent de nous dire : « L’anecdote, c’est la boutique à un sou de l’histoire. » — Ce serait le cas de leur répondre en rappelant un mot célèbre : « Je le pensais, mais je n’aurais pas osé vous le dire. » — Il est vrai qu’ils ajoutent, quelques pages plus loin : « Prenez un siècle près du nôtre, un siècle immense ; brassez une mer de documens, trente mille brochures, deux mille journaux ; tirez de tout cela non une monographie, mais le tableau d’une société, vous ne serez rien qu’un aimable fureteur, un joli curieux, un gentil indiscret. » — Sans discuter les adjectifs, on pourrait répliquer à MM. de Goncourt, qui professent un souverain mépris pour les travaux des bénédictins : à qui la faute ? On est puni par où on a péché. L’anecdote, le détail matériel, le détritus du passé, le haillon traînant dans le ruisseau, ne peuvent donner que ce qu’ils ont. L’intelligence, la réflexion, la conscience, le vrai savoir, ne peuvent pas encourager ce qui les dédaigne et récompenser ce qui les supprime. Vous destituez l’idée au profit des yeux ; vous nous dégoûtez de réfléchir pour nous forcer de regarder ; soit : mais alors ne vous étonnez par si l’idée prend sa revanche. Ceux qui, se livrant à une orgie de lectures indigestes, ne savent pas en extraire l’âme, former un esprit de cette masse de corps inertes, ceux-là n’ont que ce qu’ils méritent quand on les traite négligemment de compilateurs et de fureteurs.

Le roman, tel que l’ont pratiqué MM. de Goncourt, pourrait donner lieu à des observations analogues. Nous ne prétendons pas énumérer tous leurs essais en ce genre : ceci n’est ni un dénombrement, ni une étude ; nous avons voulu, en passant, marquer leurs rapports avec la curiosité comme on signale les rapports d’un jeune homme du monde avec une maîtresse ruineuse. La curiosité, qui n’a pas de cœur, ne veut pas qu’on lui en parle. Fidèles à la consigne, MM. de Goncourt, dans Renée Mauperin, dans Germinie Lacerteux, les plus récens, les plus bruyans, les plus affichés de leurs romans, avaient bien vite renoncé à l’analyse des sentimens et des caractères. Dans Renée Mauperin, ils avaient surtout recherché l’inattendu et le bizarre ; dans Germinie Lacerteux, ils n’avaient pas reculé devant le monstrueux. Un critique ingénieux comparait dans le temps Renée Màuperin à une jolie cantatrice qui chanterait faux : pourvu qu’on ait l’oreille juste, la figure n’y fait rien, et la cantatrice est sifflée ; mais il existe bien des manières de chanter faux. Celle de Renée Mauperin offrait un caractère spécial ; sous prétexte de ressembler le moins possible à une jeune première de théâtre, Renée était constamment au-dessous ou au-dessus du ton ; elle passait ingénument de toutes les crudités de la gaminerie et de l’argot à tous les raffinemens du mysticisme romanesque. Puis, lorsqu’arrivaient son agonie et sa mort, le roman devenait un long procès-verbal pathologique. Rien, à coup sûr, ne se ressemble moins que le médical et le pittoresque. Là pourtant c’étaient deux symptômes du même mal. La médecine empiétait sur le roman, comme, dans l’ensemble des écrits de MM. de Goncourt, la peinture empiète sur le sentiment et sur l’idée. On se fait médecin comme on s’était fait peintre, faute de pouvoir ou de vouloir être un écrivain véritable, un conteur sincèrement ému. Or c’est commettre une étrange erreur que de se figurer qu’on enrichit la littérature par ces emprunts à une science quelconque ou à un art : emprunts usuraires qui l’appauvrissent de tout ce qu’ils lui prêtent.

Quant à Germinie Lacerteux, récusée aujourd’hui par les amis les plus dévoués de MM. de Goncourt, la difficulté d’en parler était l’argument le plus terrible qui pût peser sur ce triste roman ; Germinie péchait non par entraînement d’imagination, ni par faiblesse de cœur, mais par une prédisposition de tempérament. Monstrueusement innocente dans ses chutes réitérées, ses fautes étaient moins du ressort du romancier, ou même du confesseur, que du physiologiste. C’était là ce que les auteurs, dans leur préface, appelaient le roman du peuple. — Le peuple a droit à son roman, nous disaient-ils, comme si Germinie représentait une classe de roman ou le roman d’une classe, comme si le peuple avait quelque chose à voir dans un phénomène pathologique ! Qu’une femme soit patricienne, bourgeoise ou fille du peuple, une pareille organisation la déclasse et la réduit à l’état d’animal gouverné par des instincts. Si c’est là le dernier mot du réalisme, nous demandons qu’on nous ramène à Mlle de Scudéry.

Tous ces antécédens littéraires préparaient mal MM. de Goncourt au théâtre. Ils en ont essayé pourtant : assez spirituels pour comprendre que leurs succès maladifs gardaient la chambre et sentaient le renfermé, ils voulurent se mesurer avec le public, le gros public, qui n’a plus à se fâcher de l’épithète, puisque les auteurs d’Idées et sensations viennent de l’appliquer à Raphaël. On sait ce qui en est advenu. Nous avons comparé le curieux à un sultan blasé : il en a les caprices, mais il en a aussi les cruautés ; il, tue ceux qui ne l’amusent pas. Henriette Maréchal a été une de ses victimes. Loin de nous l’envie d’en refaire l’histoire ! Mais il sied de protester contre la légende d’après laquelle le drame infortuné de MM. de Goncourt aurait été proscrit au nom de Melpomène outragée et pour l’honneur de la maison de Racine ou de Molière. Racine dans certaine scène des Plaideurs, Molière dans M. de Pourceaugnac et le Malade imaginaire, ont suffisamment prouvé qu’ils n’avaient pas de pruderie, et quiconque aurait seulement hérité d’une parcelle de leur génie a d’avance le droit de s’autoriser de leurs hardiesses. Ce qui a perdu, tué et enterré Henriette Maréchal, c’est l’irritant contraste de la vulgarité des résultats avec l’énormité des prétentions. Rien de moins original que cette originalité tapageuse qui, pour ameuter les passans, cassait les vitres de fenêtres ouvertes. On avait voulu d’abord nous étonner, puis nous faire rire, puis nous faire pleurer, et il se trouvait que l’étonnement avait été prévenu par Gavarni, que la gaîté était glaciale et funèbre, que le pathétique tombait dans l’ornière du mélodrame. Dans ces équipées de la fantaisie, il n’y a pas de milieu : il faut être charmant ou l’on est intolérable. Quand on se mêle de débrailler l’esprit français et de le lancer en plein carnaval, on ne devrait pas le traiter comme ce pauvre Pierrot du tableau de M. Gérôme, qui s’affaisse, blessé à mort, sur un tas de neige. On ne devrait pas oublier que cet esprit-là, leste, naturel, joyeux, pimpant, primesautier, se soucie peu de travailler ses bons mots à domicile et de passer ses folies à l’alambic. Infortuné M. Prudhomme ! il a bon dos, quand il plaît à la vanité littéraire de le charger du poids de ses péchés et de s’en prendre à lui de ses blessures. On écrit une mauvaise pièce, on est sifflé : haro sur M. Prudhomme, qui dirige la cabale comme il la dirigeait en 1830 contre les drames de Victor Hugo ! Non, les philistins ne sont pas tous où on s’obstine à les voir, et, s’il fallait être là-dessus de l’avis des auteurs siffles, nous dirions : Tant pis pour la fantaisie quand elle est plus froide et plus lourde que le bon sens !

En publiant Idées et sensations, nos martyrs de la cabale ont sans doute cherché une revanche : l’air vif du théâtre ne convenait évidemment pas au tempérament de ces délicats. Rentrer dans un petit cercle d’amis et du fond de cette consolante retraite offrir aux curieux un régal de gourmets, une collation de friandises rares présentées dans un service complet de Saxe, de Chine et de vieux sèvres, le calcul n’était pas malhabile, et les auteurs, durement avertis, revenaient à leur spécialité. Ils renonçaient au grand soleil pour la lampe à abat-jour. On pouvait croire que cette douce lumière allait n’éclairer que des choses exquises, ne faire scintiller que des diamans et des perles. Ici les exigences étaient d’autant plus légitimes que notre langue a produit en ce genre des chefs-d’œuvre d’ingéniosité, de finesse, de profondeur et de grâce, et que, s’il est permis de tomber à plat sur un théâtre où les auteurs les plus renommés ont eu de lourdes chutes, il est défendu d’être médiocre dans le pays et dans le genre de La Rochefoucauld et de La Bruyère, de Vauvenargues et de Joubert.

Idées et sensations, soit : tel est le titre du volume, et il suffit de connaître le répertoire et le penchant de MM. de Goncourt pour être sûr, — premièrement que les sensations tiennent dans leur livre beaucoup plus de place que les idées, — secondement que les idées, même disséminées à travers ces pages, sont tellement intimidées de leur isolement ou de leur voisinage qu’elles se hâtent d’appeler les sensations à leur aide. Ainsi, lorsque les auteurs appellent Paul et Virginie à la première communion du désir, » lorsqu’ils appellent la musique « la messe de l’amour, » il est évident qu’ils n’ont pas bien su s’ils exprimaient une sensation ou une idée ; mais on sait trop bien en lisant ces deux lignes tout le mal que peut faire, et réciproquement, une sensation factice à une idée fausse. S’il était possible de classer ce pêle-mêle, nous dirions que MM. de Goncourt, s’opiniâtrant plus que jamais dans leur rôle de chercheurs de curiosités, s’y sont pris cette fois de deux manières. Leurs idées sont des paradoxes, leurs sensations sont des peintures ; mais paradoxes et peintures dépassent le but : ceux-là ne parviennent qu’à prouver un perpétuel contre-sens de l’esprit dans un genre où tout dépend de la justesse et de la finesse de l’esprit ; celles-ci ne réussissent qu’à rappeler tout ce que perd l’écrivain à vouloir empiéter ou renchérir sur les procédés du peintre.

Quelques exemples nous suffiront : à quoi bon tant d’insistance ? Nous avons cité cette première communion du désir, cette messe de l’amour, qui peuvent indiquer la gamme. On rencontre aussi çà et là des idées ou des sensations, — ne séparons pas les synonymes, — telles que celles-ci : « Henri Heine, le christ de son œuvre, un peu un crucifié physique. » — Dans un style plus grandiose : « On croirait voir en même temps l’apothéose lumineuse de l’Action et le cadavre glacé de la Gloire sur cette toile tendue, dans ce champ de bataille éteint, où il semble qu’on finisse par entendre germer comme le bruit d’une armée d’âmes et par apercevoir comme un pâle chevauchement d’ombres à l’horizon du trompe-l’œil. » — Que serait-ce, si nous tombions de cet horizon dans le ruisseau pour y trouver « des lèvres blanches versant dans la conque cireuse des oreilles des idées en enfance, » — « des consciences césariennes de vieille femme qui repassent muettement dans une mémoire de marbre une vie fauve et des jours rouges ? » — Ces citations seraient inépuisables et emporteraient les deux tiers du volume. N’abusons pas de nos avantages et rangeons-nous du côté des amis : ils ont reproduit avec complaisance deux fragmens de description, description de la campagne, où il semble que ces poumons engorgés de métaphores et de gongorismes auraient pu du moins aspirer quelques bonnes bouffées d’air pur. C’est là qu’éclate le vice de ce système d’absorption de l’idée par l’image, de la prose par la peinture ; tantôt on se dispense de voir et d’entendre juste, tantôt on donne deux ou trois coups de pinceau de trop qui gâtent tout le reste.

Voici pour la justesse : « Au mois de décembre, dans un bois,… j’aime à entendre la lisière toute gazouillante et rossignolante du sautillant bonsoir des oiseaux au soleil… Le silence s’amasse, des oiseaux de proie tombent avec leur vol sourd sur les branches des grands arbres comme de gros flocons de neige… » Ceci est bon pour de spirituels citadins qui n’ont jamais couché hors de Paris ; mais le plus simple campagnard signalerait dans ce passage autant d’hérésies que de mots. Où les auteurs ont-ils vu qu’il y a des rossignols en décembre, que toutes ces espèces rossignolantes chantent ou même se montrent en hiver ? Où ont-ils vu que les oiseaux de proie, qui sont noirs, lourds, et qui s’abattent avec un grand frémissement de serres et d’ailes, peuvent ressembler à de grands flocons de neige, qui sont blancs, légers, et qui ne font pas de bruit ?

Voici pour la surcharge : « Sept heures du soir. Le ciel est d’un bleu pâle, etc. » Je ne cite pas les dix premières lignes, je les accepte et les regarde comme je regarderais un tableau de Jules Dupré ou de Daubigny ; mais, pour le tableau, l’impression est simultanée et homogène ; pour la page écrite, elle est, pour ainsi dire, successive. J’arrive aux lignes suivantes : « Dans l’eau, ridée par une botte de paille, qu’un homme trempe au lavoir pour lier l’avoine, les joncs, les arbres, le ciel se reflètent avec des solidités denses, et sous la dernière arche du vieux pont, près de moi, de l’arc de son ombre se détache la moitié d’une vache rousse, lente à boire, et qui, quand elle a bu, relevant son mufle blanc bavant des fils d’eau, regarde. » Daubigny me faisait rêver : le paysage écrit m’impatiente. Les solidités denses, l’arc de son ombre, la moitié d’une vache rousse, le mufle bavant des fils d’eau, autant de surcharges ! Ce ne sont plus même des effets, ce sont des excroissances ; le procédé s’accuse et se condamne en s’exagérant. On ne peut qu’y voir la gageure, perdue d’avance, d’un art obligé de se faire excessif et de se mettre hors de soi pour rivaliser avec un autre art.

Mais laissons là ces détails techniques ; assez de sensations et de couleurs : discutons plutôt les idées, si toutefois il est possible d’en dégager une seule de ce volumineux recueil. Le paradoxe, nous l’avons dit, est à deux fins : il pique au jeu la curiosité blasée, et il masque certaines facultés négatives. On a vu comment les auteurs d’Idées et sensations parlaient jadis de Corneille, de Racine et de Molière, comment ils parlent aujourd’hui de l’antiquité ; C’est, paraît-il, que le XVIIIe siècle les absorbe : ils ne veulent rien voir en-deçà de ce qui les fait contemporains du maréchal de Richelieu et de Mme Du Deffand ; mais aussi sur ce terrain quel goût, quelle passion, quelle sûreté de tact, quelle parfaite compétence ! — En est-on bien sûr ? Aimer ardemment les lettres, leur consacrer sa vie, et commencer par rayer d’un trait de plume l’antiquité et le XVIIe siècle, ce serait déjà, d’un curieux qui toucherait au monstrueux. Admettons pourtant cette étrangeté de plus ; est-il bien prouvé que ces hardis contempteurs des siècles de Périclès, d’Auguste et de Louis XIV soient bien maîtres de leur XVIIIe siècle, qu’ils le connaissent et le possèdent tel du moins qu’on doit le posséder ou le connaître ? Oui, peut-être, s’il est question d’apprécier un Clodion, de distinguer un Boucher d’un Fragonard. Non, si l’on vise plus haut et si l’on entre dans le vrai monde des idées. Là encore ils sacrifient l’histoire à l’anecdote. En l’honneur des inutiles, des exotiques, des excessifs, — l’abbé Galiani par exemple, Diderot ou Rivarol, — ils dédaignent ou rapetissent ce que l’esprit de ce siècle eut vraiment de supérieur et de fécond, ce qui lui donna la plus grande influence que l’esprit ait jamais eue sur les destinées du monde. On avoue, ou peu s’en faut, que Mme de Sévigné, Racine, Molière et peut-être La Fontaine n’existent pas pour eux : se risquerait-on beaucoup en affirmant que Gil Blas, les Lettres persanes et Zadig n’existent pas davantage ?

Nous lisons dans le volume : « Voltaire est immortel ; Diderot n’est que célèbre. Pourquoi ? Voltaire a enterré le poème épique, le conte, le petit vers et la tragédie ; Diderot a inauguré le roman moderne, le drame et la critique d’art… » Qu’est-ce à dire ? S’il était vrai que Voltaire eût enterré le conte et le petit vers, ou, en d’autres termes, que notre génération fût insensible au Pauvre Diable, à Memnon, à Zadig, à Mme Gertrude, et en revanche admirât les drames de Diderot, des prodiges de bouffissure et d’ennui, il faudrait désespérer du goût et de l’esprit français. Quant aux tragédies de Voltaire, nous n’avons nulle envie de les ressusciter ; mortes comme œuvres d’art, elles vivent dans l’ensemble de ce règne intellectuel ; elles comptent, avec tout le reste, dans cette souveraineté de l’esprit que rien n’égala et qui dure encore. Les fougueuses beautés du Neveu de Rameau ou des Salons de Diderot peuvent ravir quelques raffinés qui voudraient bien s’y reconnaître ; mais si le génie du XVIIIe siècle n’avait rien produit de plus, au lieu d’être une puissance, il n’aurait été qu’une curiosité. Ceci explique les préférences de MM. de Goncourt. Sérieusement, lorsqu’on en est là, nous disons hardiment qu’on manque d’un sens, qu’on est muré du côté d’en haut, du côté d’où s’éclairent l’imagination et l’intelligence. Fût-on maître et arbitre consommé en fait de pâte tendre, de gravures, de préciosités et de bric-à-brac, nous répétons que l’on ne connaît pas ou que l’on connaît mal son XVIIIe siècle.

Mais à notre tour que faisons-nous ? Nous voilà réfutant des idées en présence d’un système qui les exclut, d’une maladie qui les affaiblit au point d’en faire les très humbles servantes des sensations les plus bizarres et des fantaisies les plus folles ! Est-il bien généreux de troubler MM. de Goncourt dans la possession de ce petit monde qu’on dirait peint sur porcelaine de Chine, où ils trouvent le contentement de leurs goûts les plus chers, et d’où ils ne pourraient peut-être sortir sans risquer de se voir fort dépourvus ? — Vous autres Français, nous disait un jour un spirituel Genevois, restez catholiques, car si vous ne l’étiez pas, vous ne seriez rien. — Restez hérétiques, dirions-nous volontiers aux auteurs d’Idées et sensations, car, si vous ne l’étiez pas, je ne vois pas trop ce que vous seriez. On peut donc mettre MM. de Goncourt hors du débat ; mais il est permis, quand un phénomène se produit en littérature, de remonter du détail à l’ensemble et de l’effet à la cause ; il est permis, quand des plantes parasites poussent dans un champ, de se demander s’il faut en attribuer la croissance au terrain, au climat ou à la culture. Si une tige de coquelicot ou de folle-avoine a un sens pour l’agriculteur, pourquoi certaines œuvres n’en auraient-elles pas un pour la critique ?

Ce sens, il n’est, hélas ! que trop facile à trouver. Ces œuvres sont l’expression quintessenciée et sophistiquée de la curiosité ; la curiosité est un des symptômes frivoles du matérialisme qui s’infiltre peu à peu dans la société, dans les mœurs, dans les lettres, et tend de plus en plus à remplacer l’idéal. Elle est la ciselure de cette arme, l’objet d’art de cet arsenal. À ce point de vue, la question se généralise et l’horizon s’agrandit. Si une pareille littérature arrivait à prévaloir, les conséquences en seraient assez fâcheuses pour justifier ceux qui, observant un symptôme, s’en emparent et expriment d’avance leurs appréhensions. La supériorité s’accuse de deux façons, tantôt indulgente pour des défauts qui ressemblent à l’exagération de ses qualités, tantôt entraînée vers un excès contraire et affectant de dédaigner ou même d’ignorer des ouvrages dont il faudrait s’inquiéter. Enfin, comme les affamés d’idéal ne peuvent pas tous abdiquer ou disparaître pour le bon plaisir des curieux et des réalistes, ils cherchent loin, bien loin, leur indemnité et leur pâture ; comme toutes les minorités vaincues, ils s’exagèrent et s’exaltent. Le spiritualisme se fait mystique : il se répand en effusions touchantes ; il se formule dans des ouvrages qui émeuvent, que l’on admire quand on songe aux belles âmes qui les ont inspirés ou écrits, mais qui mèneraient peut-être vers des pentes bien glissantes ou laisseraient en chemin la plupart de ceux qui essaieraient de les suivre. Ainsi s’élargissent les séparations entre les divers membres de la grande famille littéraire, qu’il serait absurde sans doute de forcer à marcher côte à côte, mais qui devraient au moins ne pas placer entre eux l’infini, rester à des distances raisonnables, à portée du regard et de la voix. Ainsi s’effacent ces entre-deux, si utiles, si nécessaires pour plaider la cause du véritable esprit français contre ceux qui veulent l’exalter trop ou le trop abaisser, — pour défendre les intérêts de la vraie langue française contre ceux qui la mettent à la diète ou à la torture. On le voit, il s’agit de choses graves ; sommes-nous assez loin de MM. de Goncourt ? Ne leur adresserons-nous pas, en finissant, une remontrance et un conseil ? Hélas ! si nous leur disions que pour guérir ils devraient rompre avec la curiosité, adorer ce qu’ils brûlent, brûler ce qu’ils adorent, sacrifier les sensations aux idées, ils nous répondraient, nous en sommes sûrs, qu’ils aiment mieux rester malades.


F. DE LAGENEVAIS.