Témoignages sur la bataille de Fougères

La bibliothèque libre.

Un utilisateur travaille actuellement sur cette page.
Afin d’éviter un conflit d’édition, veuillez attendre le retrait de ce bandeau avant d’effectuer toute modification.
Message déposé par Le ciel est par dessus le toit le 5/02/2024 à 04:42.

Cette page recense différents témoignages sur la bataille de Fougères.


Alexandre Magnus d’Obenheim
Récit du capitaine républicain Alexandre Magnus d’Obenheim sur la bataille de Fougères
Baudouin Frères (2p. 336-338).

« À l’époque du passage des Vendéens par Mayenne, la garnison de Fougères était composée d’un bataillon de chasseurs, trois bataillons de volontaires, une compagnie détachée de canonniers, et trois à quatre mille hommes pris parmi les gardes nationales de Mortain, Vire, Coutances, Granville, etc., etc., dont la moitié n’était armée que de piques.

Le 3, les chasseurs d’Imbert furent envoyés à Ernée que venaient d’abandonner des bataillons de réquisition ; ils devaient être soutenus par d’autres bataillons placés à moitié distance.

Arrivant à Ernée, ces chasseurs trouvèrent quelques soldats de l’avant-garde vendéenne qui s’étaient déjà logés ; ils les chargèrent et les poursuivirent pendant un gros quart d’heure ; mais ils furent bientôt arrêtés par l’avant-garde de l’ennemi et ne tardèrent pas à être repoussés vigoureusement : il n’en revint pas la moitié à Fougères.

Cet événement répandit de l’inquiétude dans cette place ; la garnison passa la nuit au bivouac. Des pièces de campagne furent placées à toutes les portes, on acheva quelques retranchemens commencés beaucoup trop tard et suivis avec trop peu de moyens. Deux bataillons furent portés plus d’une lieue en avant sur le chemin d’Ernée. L’ingénieur, qui déjà avait désapprouvé dans le conseil la marche des chasseurs sur Ernée, fit faire une coupure sur la route, à peu de distance de la ville et fit dire au général et aux commandans des bataillons avancés qu’il serait avantageux de se replier et de se tenir en défense à la hauteur de cette coupure. Cet avis ne fut pas suivi.

L’armée vendéenne, qui avait passé la nuit à Ernée, marche sur Fougères et commence son attaque le 4 vers trois heures du soir. Les bataillons avancés sont bientôt repoussés ; on ne leur laisse pas le temps de se reformer en deçà du retranchement fait derrière eux pendant la nuit. Ils rentrent avec précipitation par la porte de Vitré. Les troupes destinées à la défense de ce poste et de ses environs, les voyant traverser la ville avec rapidité, s’ébranlent et quittent leur poste. L’ingénieur les rallie ; le poste est bien défendu pendant plus d’un quart d’heure ; mais une autre entrée ayant été forcée beaucoup plus vite, environ quatre cents hommes se réfugient dans un vieux château sans défense, et plus de cent se cachent dans les greniers ou les caves des particuliers ; le reste prend la fuite de tous les côtés.

Les Vendéens traitèrent en prisonniers de guerre la plus grande partie des militaires retirés dans le château ; ils se contentèrent de leur couper les cheveux ; mais ils traitèrent tous les autres avec une barbarie capable de leur faire conserver le nom de brigands jusque-dans les siècles les plus reculés. Dès qu’ils les découvraient dans une maison, ils les conduisaient dans la rue et les fusillaient sans miséricorde.

Personne à Fougères n’avait une idée nette de la force de l’armée catholique. Il aurait fallu, pour défendre cette ville, plus de canons, plus de munitions de guerre et de bouche ; avoir huit jours devant soi pour élever quelques redoutes et faire des abattis, et surtout beaucoup de soldats. Il eut beaucoup mieux valu réunir des forces considérables du côté de Rennes avant de livrer le moindre combat.. »


Louis Monnier
Témoignages sur la bataille de Fougères
Mémoires de l’officier vendéen Louis Monnier sur la bataille de Fougères (p. 376-377).

« Nous marchons sur Mayenne. Il n’y eut que peu de résistance de la part de la garde nationale qui était obligée de se défendre pour ne pas tomber sous le coup de la loi de la Terreur. Nous n’y restâmes qu’un jour, puis nous marchâmes sur Fougères, jolie petite ville où 2 000 Républicains, bien retranchés, nous attendaient avec 2 pièces de canon. Après un combat opiniâtre de part et d’autre, la ville fut prise, et tous les soldats qui s’étaient réfugiés au château furent passés au fil de l’épée. C’est en cette ville que fut enbaumé M. de Lescure, qui avait été blessé mortellement à l’affaire de Mortagne ; je puis me rappeler qu’on l’emmena dans une voiture ; il y mourut et fut inhumé en l’église de Fougères. On marcha sur Ernée, où il y avait plusieurs bataillons, qu’on appelait le 1er  et le 2e bataillon de la Côte d’Or. Ils furent battus complètement. »


Marie Françoise de Donnissan
Témoignage
Librairie académique Perrin (p. 155-156).

« On ne pouvoit rester à Laval malgré la victoire remportée parce que sept routes y conduisoient et que l’on pouvait être attaqué sur toutes. Il fut décidé dans le Conseil d’aller à Rennes ; mais des espions ou des gens intéressés firent changer la marche. L’armée prit la route de Mayenne. À Fougères la résistance dura quatre heures. Il y avoit de retranchements, un château qui pouvoit se déffendre plus longtemps. Je me rappelle avec effroi que j’entrois pelle melle avec les soldats. On tuoit auprès de moi ; on fracassoit les portes pour entrer dans les maisons. J’étois entrainée par mon cheval ; je n’avois plus la force de le tenir. Dans une grande rue plusieurs mourans demandoient des prêtres, une chaise couvroit la tête du blessé et le prêtre à terre l’écoutoit. Jamais, jamais ce tableau ne s’effacera de sa mémoire. L’armée se reposa trois jours à Fougères. On fit grâce à 800 hommes, qui étoient dans le château. Le pauvre M. de Lescure ne put survivre à ses douleurs que jusqu’à Ernée. Il mourut le mettant dans sa voiture. La malheureuse femme en fut très malade à Fougères. Une saignée faite à propos la rétablit ; l’instint de sa conservation lui rendit ses forces. Elle étoit alors grosse de quatre mois. »


Marie Renée Marguerite de Scépeaux de Bonchamps
Témoignage
Texte établi par Adolphe de Lescure, F. Didot (p. 35-36).

À la prise de Fougères les généraux s’étant laissé entraîner par leur ardeur à la poursuite des bleus, l’officier chargé de la garde des prisonniers, ayant à se plaindre de la cruauté de quelques-uns, voulut user de représailles, et dans un moment de fureur il ordonna de fusiller ces malheureux républicains. On vint sur le champ m’en avertir, je courus aussitôt au lieu ou devait se faire l’exécution ; il me semblait que le nom que je portais me donnait le droit et le pouvoir de prévenir cette barbarie ; je rappelai les dernière paroles de M. de Bonchamp sur son lit de mort ; je menaçais l’officier de le faire justement fusiller lui-même par les Vendéens qui m’avaient suivie, s’il commettait une action si lâche, si cruelle et si contraire aux lois de la guerre. Les prisonniers, en apprenant que j’étais la veuve du héros que pleurait l’armée, m’entourèrent et se jetèrent à mes pieds : j’obtins pour eux ce que je demandais.


Robert Julien Billard de Veaux, officier vendéen
Témoignage
Chez l’auteur (1p. 91-96).

Le 2, au matin, l’armée se mit en marche pour Ernée, où elle entra après une escarmouche qui coûta la vie à une centaine de républicains et à quelques brigands, qui s’emparèrent de tout le matériel de l’ennemi, abandonné dans les travaux pratiqués en ayant de la ville.

Le 3, elle se porta sur Fougères, où la résistance, plus marquée, produisit des morts et des blessés des deux côtés, proportionnés à la défense. Entre les prisonniers faits dans le château, quelques-uns furent acquittés et d’autres fusillés ; j’en ignore la cause, si je ne l’attribue, pour les premiers, à quelques amis qui les réclamèrent, et, pour les autres, à la récidive d’être pris les armes à la main, au mépris de leur serment de ne plus les porter pour la république durant la guerre : afin de reconnaître ces derniers, on leur coupait les cheveux, ce qui ne les sauvait pas de l’obligation de servir. Ce fut en entrant à Fougères, que le général de Lescure, blessé mortellement à la dernière affaire de Cholet, rendit le dernier soupir dans sa voiture. L’on simula son inhumation dans cette ville, pour soustraire ses restes mortels aux républicains : ils ne furent réellement confiés à la terre qu’à Avranches, sans faste et sans cérémonial. Le bruit s’étant répandu que l’ennemi harcelait l’arrière-garde et ne faisait de quartier à personne, suivant son usage, l’on demanda des hommes de bonne volonté pour s’y porter. Ces deux villes n’étant distantes que de cinq lieues l’une de l’autre, environ deux cents fantassins, avec quelques cavaliers, rétrogradèrent sur Ernée : c’était une fausse alerte.

En revenant à l’armée, nous couchâmes à la Pélerine, petit bourg limitrophe du Bas-Maine et de la Bretagne. Le hasard me fit loger dans le presbytère, encombré de malades, de blessés, de vieillards, de femmes et d’enfants de tout âge et de toutes conditions, sans pain et sans vêtements. Ces infortunées victimes, réfugiées dans tous les coins de cette maison, les unes couchées par terre, à défaut de lit, les autres assises sur leurs sabots (faute de chaises ou de bancs), trop heureuses d’en avoir, ne cessèrent, toute la nuit, de pleurer, de gémir et de se questionner mutuellement sur le sort de ceux qui les intéressaient. « Ne pourriez-vous me donner des nouvelles de mon mari, de ma femme, de mon fils, de ma fille ? etc., etc., » demandait un moribond. « Savez-vous ce que sont devenus mon père, ma mère, mon frère, ma sœur ? » demandaient d’autres, regardant leur fin prochaine comme un bienfait de la Providence. — Votre mari, blessé à telle affaire, tombé au pouvoir de l’ennemi, a été massacré à tel endroit ; votre père a fini dans tel lieu ; votre femme, votre fils, votre fille, surpris à ont été égorgés après les outrages ordinaires, répondaient d’autres. Enfin ce ne fut qu’un dialogue déchirant jusqu’au matin, augmenté par les cris de pauvres enfants de tout âge, demandant du pain à leurs malheureux parents réduits, peut-être depuis plusieurs jours, à ne vivre que de légumes, de racines crues, faute d’ustensiles de cuisine où les faire cuire, plus souvent de fruits à cidre recueillis dans les champs ou les vergers : combien de fois n’ai-je pas partagé cet ordinaire ! À notre approche, l’ennemi détruisait ce qu’il ne pouvait emporter, suivant les cruelles lois de la guerre, de sorte qu’il ne restait à ceux qui suivaient, que ce qui lui était échappé. Que l’on juge des ressources de l’arrière-garde et des malheureux traînards ! La déplorable retraite de Moscou, si malheureusement célèbre dans les annales de l’empire, n’a été que la seconde représentation de la situation affreuse de cette armée, sous le rapport de l’existence ; plus tard, elle en sera l’image frappante, sous celui du découragement, de la désorganisation, de la frayeur, etc., etc.

Pauvre de Blacas ! tuteur du débonnaire Louis XVIII ; et vous, grands du jour ! qui ravalez si dédaigneusement ces victimes de leur foi et de leur héroïque constance, où étiez-vous dans ces jours de douleur et d’agonie quotidienne ? — Que n’étiez-vous dans cet affreux moment, premiers acteurs sur la scène tragique ! Vous sauriez mieux juger le dévouement des insurgés contre la république. Vous leur rendriez plus de justice, et vous serviriez mieux vos maîtres.

À son passage dans la Mayenne, l’armée Vendéenne était approximativement évaluée à deux cent mille âmes, combattants ou bouches inutiles ; ces dernières étaient portées à cent vingt mille hommes, non compris quatre mille ecclésiastiques ; restait donc soixante-seize mille hommes portant les armes ou en état de les porter. Je ne crois pas être dans l’erreur en affirmant ici que, dans les affaires les plus sérieuse où je me suis trouvé, il n’y en avait pas la moitié d’engagés, beaucoup étant obligés de rester près des leurs pour soigner les malades, les blessés, pourvoir à leur subsistance, à celle de leurs enfants, et porter ces derniers sur des routes impraticables, défoncées par la cavalerie et le matériel des deux partis, indépendamment des coupures et des fréquents abattis d’arbres de toutes espèces, pour embarrasser les chemins. Il n’était pas rare de voir un malheureux père, en sabots, porter deux enfants à la fois sur ses bras et sur son dos. Comment se battre avec un tel fardeau ? Comment faire le service avec de telles charges ? Il fallait les tuer, m’a dit une fois quelqu’un d’un beau nom, que je m’abstiens de nommer : c’était un franc royaliste, mais il n’était pas père.

Vous leur rendriez plus de justice, et vous serviriez mieux vos maîtres.

À son passage dans la Mayenne, l’armée Vendéenne était approximativement évaluée à deux cent mille âmes, combattants ou bouches inutiles ; ces dernières étaient portées à cent vingt mille hommes, non compris quatre mille ecclésiastiques ; restait donc soixante-seize mille hommes portant les armes ou en état de les porter. Je ne crois pas être dans l’erreur en affirmant ici que, dans les affaires les plus sérieuse où je me suis trouvé, il n’y en avait pas la moitié d’engagés, beaucoup étant obligés de rester près des leurs pour soigner les malades, les blessés, pourvoir à leur subsistance, à celle de leurs enfants, et porter ces derniers sur des routes impraticables, défoncées par la cavalerie et le matériel des deux partis, indépendamment des coupures et des fréquents abattis d’arbres de toutes espèces, pour embarrasser les chemins. Il n’était pas rare de voir un malheureux père, en sabots, porter deux enfants à la fois sur ses bras et sur son dos. Comment se battre avec un tel fardeau ? Comment faire le service avec de telles charges ? Il fallait les tuer, m’a dit une fois quelqu’un d’un beau nom, que je m’abstiens de nommer : c’était un franc royaliste, mais il n’était pas père.


Bertrand Poirier de Beauvais, officier vendéen
Témoignage
Plon (p. 169-171).

D’Ernée, nous fûmes, le 4 novembre, à Fougères. Nous n’y entrâmes pas aussi aisément que dans la dernière ville que nous quittions, il s’en fallut de beaucoup. Un ennemi aguerri, distribué avec beaucoup d’ordre et d’intelligence dans tous les jardins et haies à l’entrée de Fougères, nous fit éprouver un rude combat ; mais sa résistance fut vaine : après trois heures d’attaque tout fut emporté. Il y avait des pièces de canon à chaque avenue, elles furent presque toutes enlevées, les unes de front, les autres à revers, et presque tous les canonniers tués à leurs pièces. Les républicains perdirent beaucoup de monde ce jour-là ; cependant, la chaleur du combat passée, on fit des prisonniers dont le nombre fut d’environ huit cents. On se contenta de faire fusiller ceux que l’on reconnut pour l’avoir déjà été, et qui avaient manqué à leur serment ; on grâcia les autres, lesquels demandèrent à servir avec nous. Je priai qu’on me les donnât, afin d’essayer à en tirer un bon parti : on me les accorda sur-le-champ. Comme je voulais être sûr de n’avoir que des gens de bonne volonté, je fus à la prison leur dire que leur demande de servir le Roi était accordée, mais qu’avant d’être incorporés aux royalistes j’étais chargé de leur annoncer qui ceux qui voudraient s’en retourner chez eux, en prêtant serment de ne plus porter les armes contre nous, le pourraient, leur promettant un passeport. Et les faisant tous mettre de côté, j’ajoutai : — Que ceux qui veulent des passeports passent du côté opposé. Ils passèrent tous, excepté une chambrée qui fit tout le contraire, persistant donc à vouloir servir. Cela me parut suspect ; je pensais qu’ils s’étaient peut-être promis de ne pas se quitter. J’eus l’attention de leur faire porter exactement du pain, ce qui était beaucoup, car nos gens en manquaient, et de donner les passeports promis. Quant à ceux qui avaient demandé du service, ils désertèrent dès le premier jour de marche, quand nous sortîmes de Fougères.

Notre constance et celle de nos soldats à faire des prisonniers, quand le parti opposé n’épargnait même pas nos blessés aux hôpitaux, est vraiment une générosité qui ne peut s’exprimer.Il existe sans doute encore une infinité de soldats républicains qui peuvent attester de la vérité de ces preuves multipliées d’humanité.

Ce fut en allant d’Ernée à Fougères que mourut Lescure des suites de la blessure qu’il avait reçu à la bataille sous Cholet. Sa femme, qui lui était tendrement attaché, pour ne pas s’en séparer même après la mort, voulut que son corps dans une voiture suivit l’armée. Le général de Donnissan, son père, le fit enlever à l’insu de sa fille, à Pontorson. Cette mort apporta encore des incertitudes dans nos affaires, et à Fougères, il y eut des débats pour savoir si décidément l’on prendrait la route de la Normandie en passant par Dol, ou celle de Rennes.

Ce qui parut déterminer, ce fut la nouvelle que l’on reçut du secours promis qui nous arrivait d’Angleterre, si nous pouvions nous assurer d’un port.


Sinion, volontaire du 6e bataillon de la Côte d’Or
Témoignage
Librairie académique Perrin (p. 160-161).

Je viens de Fougères, où j’ai été fait prisonnier dimanche dernier. Les brigands m’ont enlevé mon fusil, mon habit et m’ont coupé les cheveux. Ils m’ont arraché mon casque et ont marché dessus. Ils m’ont proposé de servir avec eux. Sur mon refus de marcher contre les nôtres, ils m’ont fait mettre au château, où je suis resté jusqu’à mercredi soir, ils m’ont donné un billet, dont suit copie, après m’avoir fait promettre que je ne servirais plus contre eux et m’avoir fait crier : « Vive le Roy ! », ce que je n’ai fait que pour sauver ma vie car ils allaient me fusiller.

La ville de Fougères était pleine ; ils venaient dans les campagnes, comme des chasseurs. Il y avait beaucoup de paysans, ils étaient pour la plupart armés de fusils de chasse. Les sentinelles qui nous gardaient m’ont dit qu’ils avaient plus de 1500 prêtres dans leur armée, qu’ils avaient 18 pièces de canon. Ils faisaient un feu d’artifice et de mousqueterie soutenu dans la ville. Les bourgeois de Fougères tiraient sur nous par les fenêtres ; ils disaient aux brigands : « Mes amis, il y a longtemps que nous vous attendions. » Les brigands ont fusillé tous ceux qu’ils ont pu reconnaître comme anciennement servi. Ils en prirent une vingtaine dans la chambre où nous étions et les fusillèrent dans la cour. Je ne dois la vie qu’à une femme que les républicains avaient incarcérée et qui demanda grâce pour moi et pour mes camarades.

Les brigands disaient qu’ils allaient à Rennes et de là à Saint-Malo, qu’il fallait que sous peu ils eussent un port de mer et qu’ils auraient ensuite la France entière. Au surplus ils ont prodigieusement perdu du monde, sans que je puisse en fixer le nombre.


Jean Lesourdain, volontaire du 6e bataillon de la Côte d’Or
Témoignage
Librairie académique Perrin (p. 159-160).

J’ai été volontaire en résultance de la loi du 24 février dernier sur le recrutement. J’ai été incorporé dans le bataillon de la Côte-d’Or, compagnie de Cheneta. Lors de l’invasion des brigands à Ernée, mon bataillon était à Fougères. Nous marchâmes vers eux ; le combat, quoique nous fussions en nombre inférieur, puisque nous n’étions pas trois mille hommes et que l’ennemi se présentait avec des forces d’environ dix mille hommes, fut opiniâtre et sanglant. J’ai combattu, pour mon compte, pendant environ cinq heures ; il y a eu une grande boucherie des brigands. Nous perdîmes aussi du monde ; mais un nommé Bachelet, qui commandait soit en second ou autrement, lorsqu’il y eut eu huit coups de canon tirés et deux décharges de mousqueterie de faites, cria : « Sauve qui peut ! » Alors toute notre armée se débanda. Le déposant déclare que le nommé Bachelet rentra dans la ville de Fougères, reçut une balle à la tête et qu’il est mort de cette blessure.

Le déposant, rentré également dans Fougères, fut fait prisonnier sur le champ de bataille, avec huit de ses camarades de sa compagnie. Il fut atteint par trois ennemis qui le sommèrent de se rendre et aussitôt le saisirent. L’un d’eux lui lâcha un coup de plat de sabre sur les reins avec une telle force que le déposant a encore de la peine à marcher.

Ces brigands me désarmèrent sur la place, devant l’arbre de la Liberté ; ensuite me conduisirent sous la boucherie, où je restai pendant environ une heure, et ensuite me conduisirent au château avec environ deux à trois volontaires, qui avaient été comme moi faits prisonniers. Arrivés, on nous dépouilla, et nos habits furent mis en morceaux. Enfermés dans le château, nous y avons resté trois jours sans pain ; le quatrième, on nous apporta un pain de six livres pour cent cinquante hommes que nous étions dans un appartement, avec un peu d’eau. J’ai resté enfermé pendant six jours, et le septième, à six heures, on m’a délivré un soi-disant passeport, j’ai parti aussitôt que j’en ai été saisi pour me rendre au district de Carentan, pour m’informer des administrateurs du parti que j’avais à prendre dans les circonstances.