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Tableau de Paris/029

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CHAPITRE XXIX.

Le Parisien en province.


Quand un Parisien a quitté Paris, alors il ne cesse en province de parler de la capitale. Il rapporte tout ce qu’il voit à ses usages & à ses coutumes ; il affecte de trouver ridicule ce qui s’en écarte ; il veut que tout le monde réforme ses idées pour lui plaire & l’amuser. Il parle de la cour comme s’il la connoissoit ; des hommes de lettres comme s’ils étoient ses amis ; des sociétés comme s’il y avoit donné le ton. Il connoît aussi les ministres, les hommes en place. Il y jouit d’un crédit considérable ; son nom est cité. Il n’y a enfin de savoir, de génie, de politesse qu’à Paris.

Il aventure de pareils propos devant des personnes qui ont du sens & des années. Il faut qu’il prenne tous ceux qui l’écoutent pour des sots, ou que la manie de parler avantageusement de soi l’aveugle sur l’extrême facilité que l’on auroit à relever ses erreurs & ses mensonges ; mais il s’imagine se donner du relief, en ne vantant que Paris & la cour.

Le vers fameux :

Elle a d’assez beaux yeux pour des yeux de province.

le Parisien l’applique à son insu à tout ce qui n’est pas dans sa sphere ; il diroit volontiers à Bordeaux & à Nantes : mais la Garonne & la Loire sont d’assez beaux fleuves pour des fleuves de province.