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Tableau de Paris/108

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CHAPITRE CVIII.

Milice.


On ne la tire plus à Paris, & l’on a fait sagement. C’eût été donner lieu à des émotions populaires ; mais dans les environs, à la seule distance d’une lieue, cette contrainte reprend tous ses droits.

Que penseroit le Spartiate, s’il revenoit au monde, en voyant un Parisiensis, le visage pâle, saisir d’une main tremblante le billet fatal qui l’envoie à la guerre ? Ne diroit-on pas qu’il tire au supplice ? Il aimera mieux sacrifier le peu d’argent qui lui reste, ce dernier gage de sa subsistance, que de s’exposer à porter les armes pour sa patrie.

Considérez la joie emportée de ceux qui sont dispensés de la servir ; les meres les serrent contre leur sein, en leur disant à haute voix, pour cette fois nous n’aurons pas à maudire le jour de notre enfantement ; Dieu t’accorde la même grace l’année prochaine, mon cher fils !

Le délégué semble un exécuteur des vengeances publiques, tant il est craint, redouté, odieux. Sont-ce là les hommes qui vont combattre pour l’état ? s’écrieroit le Spartiate. — Tu t’étonnes, fier républicain ; mais le mot de patrie n’a aucun sens pour eux ! Tu devois te sacrifier, toi ; & leur premier devoir est de se conserver. Leur cabane étroite, voilà leur empire.