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Tableau de Paris/260

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CHAPITRE CCLX.

Capitalistes.


Le peuple n’a plus d’argent ; voilà le grand mal. On lui soutire ce qui lui en reste, par le jeu infernal d’une loterie meurtriere, & par des emprunts d’une séduction dangereuse, qui se renouvellent incessamment. La poche des capitalistes & de leurs adhérens recele au moins la somme de six cents millions. C’est avec cette masse qu’ils joûtent éternellement contre les citoyens du royaume. Leurs porte-feuilles ont fait ligue, & cette somme ne rentre jamais dans la circulation.

Stagnante, pour ainsi dire, elle appelle encore les richesses, fait la loi, écrase, abyme tout concurrent, est étrangere à l’agriculture, à l’industrie, au commerce, même aux arts. Consacrée à l’agiotage, elle est funeste, & par le vuide qu’elle cause, & par le travail obscur & perpétuel dont elle foule la nation. Il faut que dans cinq ou six années l’argent passe tout entier, par une opération violente & forcée, dans la main de ces capitalistes, qui s’entr’aident pour dévorer tout ce qui n’est pas eux.

Et néanmoins on taxe les arts, on met un impôt sur l’industrie, on fait payer le commerce, l’on demande de l’argent à un homme qui travaille. Puisque l’on n’entend plus que ce mot de l’argent, de l’argent, encore de l’argent, qu’on laisse donc les moyens d’amasser de l’argent ; que tous soient appellés à morceler, à couper, à dépecer la masse énorme des métaux monnoyés, qui résident dans un petit nombre de mains ; favorisez tout ce qui peut creuser les canaux par où ce métal si attendu doit se répandre, au lieu de faire des loix, des statuts, des réglemens bizarres, des prohibitions éternelles. Quand tout se fait avec de l’argent, n’attendez pas que des vertus purement patriotiques germent sur le sol de la misere & de l’indigence.