Tableau de Paris/292

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CHAPITRE CCXCII.

Communautés.


Un premier édit avoit supprimé, sous le ministere de M. Turgot, les jurandes & communautés de commerce, ces parties honteuses de notre gouvernement ; & tout rouloit assez bien. Dix-huit mois après, un second édit créa six corps de marchands, & quarante-quatre communautés d’arts & métiers.

Les entraves bizarres furent supprimées. Une plus grande liberté est rendue au commerce ; on a réuni des professions qui ont de l’analogie entr’elles, & qui autrefois livrées à des procès interminables, fatiguoient les tribunaux de leurs débats aussi coûteux que ridicules.

La porte de l’indutrie est ouverte à quiconque veut travailler ; mais il en coûte encore de l’argent. Cet argent ne se donne plus aux communautés ; à qui se donne-t-il ? Aux coffres royaux : tout rentre insensiblement dans ce bassin unique.

Les bouquetieres, les coëffeuses de femmes, les jardiniers, les maîtres de danse, les savetiers, les vuidangeurs ont été déclarés par le même édit, libres dans leur profession, & exempts de payer.

Avant cet édit on poursuivoit une malheureuse femme qui, la veille de la fête d’un patron bannal, portoit des fleurs sur son éventaire ; on écrasoit ses fleurs, & on lui faisoit payer une amende. On saisissoit de par le roi & justice, des souliers à demi ressemelés, & enfin l’on incarcéroit le téméraire qui mettait des papillottes sur la tête d’une femme, sans avoir la patente qui l’autorisoit à friser & pommader ses cheveux. Nous sortons de l’époque de toutes ces belles institutions, & nous en avons encore plusieurs à peu près de cette dignité-là : & voilà l’ouvrage des anciens administrateurs de notre grand état.