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Tableau de Paris/561

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CHAPITRE DLXI.

Le Calvaire ou le Mont-Valérien.


Petite montagne à deux lieues de Paris, habitée par des hermites qui sont en possession de ce lieu depuis quatre ou cinq siecles. C’est pendant la semaine sainte & aux fêtes de la croix un concours étonnant de peuple & de bourgeois de Paris, qui y viennent admirer les chapelles & le grand crucifix où Jésus-Christ est mis en croix entre le bon & le mauvais larron. Tel badaud croit pieusement que ce Calvaire est la montagne même où les Juifs crucifierent Jésus, & qu’il expira réellement sur ce Calvaire, où le peuple prie & s’agenouille. Il n’a point de connoissance de la montagne Golgotha, située hors de Jérusalem du côté du septentrion ; il ne sait pas même où Jérusalem étoit placée : il prend l’imitation pour l’objet réel.

Sept chapelles environnent cette croix, & dans chacune est représenté quelqu’un des mysteres de la passion. Des figures en plâtre de grandeur naturelle frappent le peuple de componction. Le statuaire a donné aux Juifs & aux bourreaux des mines rébarbatives, qui font sanglotter la multitude.

Il y a quelques années qu’il se faisoit des pélerinages nocturnes la nuit du jeudi au vendredi saints. Quantité de femmes, de couturieres, de jeunes filles accompagnées de pélerins chargés de croix, traversoient le bois de Boulogne & gravissoient avec ferveur la montagne un peu haute & rude. On a réprimé avec sagesse ce que cette piété avoit de suspect. Aujourd’hui les pélerines & les pélerins, cahotés dans une charrette pour leurs cinq sols, s’y rendent pendant le jour. On y entend la messe, & l’on redescend ensuite dîner gaiement dans les cabarets de Surêne. Les pélerinages eurent en tous tems plus d’une utilité ; & la population de la France doit infiniment au P. Duplessis, grand planteur de Calvaires.

Les vues des terrasses du Mont-Valérien sont uniques pour leur étendue & pour la beauté des objets qu’elles offrent. On y découvre les beaux paysages des environs de Paris, le vaste canal de la Seine, ses détours, & les villages qui décorent ses rives.

Un confesseur ayant ordonné à son pénitent, pour l’expiation de ses fautes, de faire un pélerinage au Calvaire avec des pois dans ses souliers, celui-ci, trouvant la tâche trop pénible & voulant toutefois obéir, les fit cuire au premier bouchon, & continua ainsi son chemin. Ainsi le petit comme le grand sait composer avec la loi & sa conscience. Qui n’a pas fait cuire ses pois !

On fait des retraites dans la maison des prêtres & chez les hermites qui y sont établis. On y jouit d’un bon air, d’une vue magnifique ; & le corps s’en trouve tout aussi bien que l’ame.