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Tableau de Paris/689

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CHAPITRE DCLXXXIX.

Jeudi-saint.


Le lave les pieds à douze pauvres. C’est un usage antique & respectable. Il est impossible aux courtisans & aux princes même de ne point réfléchir alors, que nous sommes tous originairement égaux. Le pied nu du pauvre a la même conformation que celui du monarque.

Le prédicateur monté en chaire, donne à son discours quelques traits plus vifs qu’à l’ordinaire ; il dénonce au monarque les abus les plus frappans, & le style véhément se concilie avec le respect.

Un prince du sang est maître-d’hôtel ; il préside ce jour-là les maîtres-d’hôtel du roi, & il est confondu parmi le domestique. Tout ce qui se fait ce même jour à la cour, rappelle l’égalité primitive. Si la morale est l’esprit des siècles, ce jour est fait pour elle ; les pauvres sont servis à table, & ils pénètrent le palais du souverain dans toute son étendue.

Le lendemain on dépouille les autels, & ils font alors plus d’impression.

Dites-nous, pontifes : que fait l’or dans les temples ? Saint Bernard répétait mot à mot Juvénal. Il faut à la religion des cérémonies, un culte solemnel, un appareil imposant : mais l’autel n’a pas besoin d’être chargé d’or & d’argent ; des tentures, des fleurs, la blancheur du lin, la vive couleur des étoffes, les flambeaux, cet appareil suffit. Le luxe des temples est le nécessaire des hôpitaux & des pauvres.

Que ferons-nous, disoit une femme de qualité à une autre ? voici la semaine sainte ; il faut cependant faire quelque acte de piété. C’est bien dit, dit l’autre ; eh bien, faisons jeûner nos gens.

Appliquez ce mot à la suite des erreurs politiques, & vous verrez que l’on dit en d’autres termes : voici les jours d’abstinence, faisons jeûner nos gens.