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Tableau de Paris/697

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CHAPITRE DCXCVII.

Te-Deum.


Les princes ne sont point ingrats, car dès qu’une bicoque est prise, ils envoient des tymballes, des flûtes, des violons, & des hautbois dans l’église de Notre-Dame, & là, on exécute cet ancien cantique qui souvent a été chanté des deux côtés. Ce triomphe musical n’en impose plus aux peuples, parce qu’ils savent qu’un concert est plus commun & plus facile qu’une victoire.

Les drapeaux pris sur des nations protestantes, saluent, bon-gré mal-gré, la statue de la vierge Marie, & les étendards assistent à la messe que rejettent ceux qui les portoient. Si l’on faisoit la guerre aux Sauvages, on verroit sans doute leurs armes & leurs casse-têtes appendus aux murailles sacrées de nos temples.

On a vu plus d’une fois un souverain faire chanter le te-deum, & remercier Dieu d’une victoire qu’il ne lui avoit point accordée. Ce chant public est ordinairement un charivari ; & tandis que des familles sont dans les larmes, le peuple va entendre la musique. Son érudition se borne à répéter le nom du général ; il dit : il a gagné une victoire en Amérique ; & chacun répète en Amérique, sans en savoir davantage.

Quand le monarque a un fils, il vient en rendre des avions de grâces dans Notre-Dame ; la reine en fait de même ; on chante le te-deum.

Lorsque M. de Beaumarchais alla visiter l’imprimerie de Kehl, où s’impriment les œuvres de Voltaire, devinez quelle fut la réception des ouvriers de l’imprimerie : ils sonnèrent les cloches, le conduisirent à l’église, & là on chanta le te-deum, pour célébrer l’arrivée de Chrysologue-Figaro, de l’éditeur de la Pucelle ; & il y fut, je crois, même encensé.