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Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 2/Taujiks

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TAUJIKS. HINDKIS.

Jai déjà dit qu’il n’y a presque point dans ce royaume de partie dont la population soit entièrement composée d’Afghans. Elle consiste en un mélange de Taujiks de l’ouest, et de Hindkis de l’est.

Les Taujiks ne sont point unis en un seul corps de nation, ni bornés à un seul pays, mais ils sont disséminés dans une grande partie de l’Asie. Les habitans sédentaires de la Perse s’appellent Taujiks, par opposition aux Tartares, conquérans de cette contrée, et aux tribus nomades.

Le nom de Taujik est à la vérité employé d’une manière peu restreinte. On le donne quelquefois à tous les étrangers qui se sont mêlés aux naturels du Turkestan ou de l’Afghanistan, mais il appartient plus convenablement aux habitans des contrées où l’on parle l’idiome des Afghans. Ce nom, suivant les auteurs persans, désigne un individu d’origine arabe.

En effet, dans le premier siècle de l’hégire, toute la Perse et tout le pays des Usbecks furent soumis par les Arabes, qui contraignirent les naturels à adopter leur religion, leurs mœurs et leur langue. Les habitans des montagnes seuls leur résistèrent.

Les Taujiks ont des demeures fixes, et se livrent volontiers à l’agriculture et aux autres occupations sédentaires.

Quelques-uns ont encore des propriétés dans l’Afghanistan, dont il paroît qu’autrefois la possession leur a exclusivement appartenu ; mais la plupart sont dépouillés du patrimoine de leurs ancêtres, et réduits à remplir les fonctions de fermiers ou de journaliers.

Ceux qui sont réunis en villages sont régis par des cudkodas, qui tiennent leur pouvoir du roi, et décident les procès, sauf l’appel au gouverneur de la province. Outre les travaux de l’agriculture, ils exercent le commerce et les arts mécaniques que dédaignent les Afghans. C’est une nation douce, industrieuse, et recommandable par sa tempérance ; si elle a toutes les bonnes qualités des Afghans, elle n’en a point les défauts ; elle est fort attachée à la secte des sunnites.

Cette race est surtout répandue auprès des villes ; elle forme presque toute la population aux environs de Caboul, de Candahar, de Ghuznée, de Héraut et de Balk.

Ceux des Taujiks qui vivent isolément se trouvent dans les parties les plus retirées, et les moins accessibles du pays. Tels sont particulièrement ceux qui habitent le Cohistaun, non loin de Caboul. Cette contrée se compose de trois longues vallées, où la principale culture est celle du mûrier. On fait sécher les mûres au soleil, et on les convertit en farine pour faire du pain. On y élève peu de bétail, mais il s’y trouve beaucoup d’animaux sauvages, tels que des loups et des léopards ; on prétend même y avoir vu des lions. Les faucons et les rossignols y sont très-communs.

Les Taujiks de ce pays vivent dans une sorte d’indépendance à l’égard du roi de Caboul, et leurs chefs même ont de la peine à les tenir dans la soumission. Tel est leur caractère belliqueux, qu’ils regardent comme un opprobre de mourir dans son lit. Leur infanterie est excellente, surtout dans les montagnes ; mais leur courage s’épuise dans les dissensions intestines. On voit sans cesse des rixes entre les particuliers, outre les guerres entre les tribus ou de village à village.

Les armes des naturels sont une carabine, ou un fusil à batterie, un pistolet et une dague ; quelques-uns ont des piques ; un plus petit nombre est armé d’arcs et de boucliers.

Leur vêtement consiste en un juste-au-corps, un pantalon de laine noire, des bottines et un petit bonnet de soie.

Leur khan principal est le Khaujéh-Khangi. Bien que ces chefs aient peu d’influence pour réprimer les dissensions intestines, leur autorité est grande quand il s’agit de repousser un ennemi commun.

Les Buruckis, les Fermoulis et les Sirdehis sont des branches des Taujiks ; ils ont à peu près les mêmes mœurs.

Les Hindkis (Voyez la planche en regard), beaucoup plus nombreux que les Taujiks, sont d’origine indienne ; ils ont conservé en grande

partie la physionomie et les manières de leurs ancêtres. La planche ci-jointe représente un Hindki de Peshawer en habits d’hiver. Ces hommes sont moins
Hindki, en habits d’hiver.
considérés que les Afghans, et ne jouissent pas d’une aussi bonne réputation.