Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 3/Suite des tribus orientales

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TABLEAU
DU
ROYAUME DE CABOUL

SUITE DES TRIBUS ORIENTALES.

ÉMIGRATION DES AFGHANS.

Les nombreuses émigrations de ces peuples s’accordent mal avec ce que j’ai dit de leur attachement pour leur pays. Mais il en est de même des montagnards écossais dont l’affection pour leur patrie n’est pas moins vive. La cause en est la même dans les deux contrées : le défaut de commerce chez les Écossais, et le déshonneur que les Afghans attachent à cette profession. La nécessité les oblige donc à aller chercher ailleurs des ressources. Dans l’ouest de l’Afghanistan, où les mariages sont tardifs et le pays fertile, les émigrations sont rares ; mais dans l’est elles sont extrêmement communes.

La plupart de ces émigrés se sont retirés dans l’Inde. Il y a plusieurs siècles, presque tout l’Indoustan étoit au pouvoir de souverains afghans ; même après leur chute, on a toujours admis dans les années mogoles des étrangers de préférence aux naturels. Voilà pourquoi l’Inde est remplie d’originaires afghans, sous le nom de Pitans. La principale colonie remonte à une époque peu éloignée, et se compose presqu’entièrement d’Eusofzyes.

À l’est, se trouve l’établissement des Rohillas, si fameux par leurs guerres contre la compagnie des Indes. Leur constitution n’a rien de la démocratie des Afghans. Les chefs sont les propriétaires du sol ; les autres sont fermiers, et souvent servent comme simples soldats.

Ce sont au surplus d’excellens militaires ; et ils ont porté la perfection de l’agriculture au point que le célèbre Edmond Burke en a fait l’éloge en ces termes : « Cette vaste contrée ressemble à un jardin où pas un pouce de terre ne reste sans culture. »

La ville de Barelly, bâtie et occupée par ces émigrés afghans, est une des plus grandes et des plus belles de l’Inde. J’ai séjourné plusieurs semaines dans une de leurs villes, appelée Nugina, qui n’est indiquée sur aucune carte, et n’en contient pas moins dix-huit mille habitans.

La résidence du Nabab des Afghans-Indiens est à Rampour ; on y parle la langue pushtou ; et l’on voit sans cesse dans une place publique, devant le palais du Nabab, de beaux et grands jeunes gens couchés dans cette attitude d’indolence qui distingue les Eusofzyes.