Tablettes d’un mobile/11

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EFFET DE NUIT.

Rosny, novembre 1870.



Autour de moi la nuit s’étend brumeuse et sombre ;
C’est en vain que les yeux fatigués veulent voir ;
À cinq pas le regard est dévoré par l’ombre :

Tout est froid, tout est noir.


Soudain, un jet mouvant de lumière électrique,
Qui s’échappe du fort comme un blanc éventail,
Projette sur les champs son onde fantastique

Et brillante comme l’émail.


Maisons, prés, bois, ruisseaux, tout reluit, tout s’éclaire ;
Le voile de la nuit s’écarte, déchiré ;
Voici qu’un jour nouveau vient éclairer la terre,

Provenant d’un astre ignoré.


Mais au bout d’un instant, sans pâlir ni s’éteindre,
Le vaste rayon meurt aussi pur qu’il est né ;
Le ciel redevient noir, et la nuit semble éteindre

L’horizon tout illuminé.


Ainsi pour nous. — Un jour on nous dit : « Délivrance !
Victoire ! » Mais bientôt, hélas ! il nous faut voir
Fondre sur ce rayon fugitif d’espérance

La sombre nuit du désespoir.